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de la méthode et de la lecture par l’entraineur en escalade

1. L’étayage de l’entraineur comme issue d’expériences-formations composites composites

1.1. Le métier d’entraineur comme activité cognitive complexe

La recherche scientifique sur le coaching s’est historiquement tournée vers l’étude des comportements des entraineurs. Ces recherches ont montré d’importantes disparités interindividuelles et intra-individuelles (Chaumeton & Duda, 1988 ; Claxton, 1988 ; Claxton & Lacy, 1986 ; Trudel, Côté, & Bernard, 1996, cités par, Saury, Sève, Leblanc, & Durand, 2002).

Elles ont néanmoins permis de distinguer un certain nombre de traits caractéristiques dans le comportement des coaches à succès. Ces derniers usent de façon importante « de comportements instructifs » avant, pendant et après l’action. L’impact de ces comportements sur les athlètes a également été investigué. Les connaissances issues de ces recherches ont été particulièrement enseignées dans les formations de Brevet d’État. L’étude de Chelladurai a permis de définir des styles de leadership susceptibles de favoriser l’apprentissage (Chelladurai & Doherty, 1993). Malgré tout, la thèse d’une causalité directe entre comportement et efficacité des entraineurs au travail s’est révélée limitée en termes de résultats scientifiques (Trudel, Haughian, & Gilbert, 1996).

Afin de dépasser les limites épistémiques observées dans les recherches de type comportemental, il s’agissait pour les chercheurs de comprendre et décrire quelles étaient les causes de ces comportements. Ces derniers ont donc orienté leurs travaux sur l’étude des raisonnements des coaches, caractérisés par leurs buts, jugements, anticipations, compris comme composantes infra consciente de leur activité. Supportées par des conceptions cognitivistes (Newell & Simon, 1972), ces recherches ont abouti aux résultats selon lesquels les coaches experts encodaient de façon rapide et efficace une information provenant de l’environnement grâce au stockage de connaissances antérieures mises à disposition par la

49 mémoire. Il a donc été question pour les chercheurs de caractériser le mode d’organisation des connaissances et le type de connaissances mobilisées par les entraineurs. Au sein de ce courant théorique, l’action est la conséquence d’une représentation dont l’objet est de coller au plus près d’une réalité unique et objective. Autrement dit, le processus calculatoire réalisé en amont de l’action aboutit à une représentation, laquelle permet l’adoption par le coach d’un comportement adéquat. Par prolongement, la place accordée aux connaissances des experts est prépondérante dans la mesure où celle-ci permet l’encodage de l’information. L’activité se voit donc découpée en phases délimitées dont l’aboutissement est déterminé par les étapes précédentes. Le travail du coach est perçu comme « un processus dynamique et systématique qui implique les étapes d’observation, évaluation, élaboration d’un plan, mise en œuvre du plan, réévaluation » (Lyle, 1993 ; Woodman, 1993, cités par, Côté, Salmela, Trudel, Baria, & Russell, 1995, p.2). L’objet de ces recherches consistait à donc identifier les planifications réalisées par les coaches et les applications/ adaptations nommées « interactions » de ces mêmes plans lors des séances (Saury, Sève, & Leblanc, 2004). Plusieurs auteurs ont ainsi utilisé une modélisation de la prise de décision des entraineurs caractérisée par des « chemins décisionnels » définis a priori (Demers & Tousignant, 1998 ; Jones, Housner, & Kornspan, 1997 ; Peterson & Clark, 1978 ; Sherman, 1983, cités par Saury, Sève, Leblanc, & Durand, 2002b). Le coach observe et juge si oui ou non les comportements des athlètes sont acceptables. Les questions fermées induisent une autre question fermée. Les recherches dans ce domaine ont permis de montrer que les entraineurs experts construisent leurs plans de façon mieux adaptée aux habilités des sportifs et dans le même temps utilisent « des plans plus souples, prévoyant des adaptations anticipées de ces plans » (Ibid., p. 12).

Ces adaptations sont consécutives de raisonnements complexes, que des recherches menées sur une méthodologie inductive ont permis de décrire. Trudel a ainsi montré que l’entraineur de hockey prenait en considération près de trois facteurs en moyenne par décision et pouvait s’étendre jusqu’à huit facteurs. Ainsi, dans la même étude, les chercheurs ont montré que 70 % des facteurs utilisés par l’entraineur étaient des facteurs de terrain relatifs à la spécificité de la situation en cours. Par ailleurs, plus de la moitié des décisions s’appuyaient à la fois sur des facteurs de situation et sur des connaissances et expériences passées (Trudel et al., 1996). En d’autres termes, les modalités de jugement des entraineurs se sont révélées plus composites et complexes que ne l’ont prévu les modèles par embranchement. Les entraineurs prennent en considération lors de leur travail un nombre important de faits de natures diverses, indexées à des connaissances aux temporalités variées.

50 Ces résultats ainsi que de nouvelles avancées théoriques ont modifié l’approche de plusieurs scientifiques dans l’étude du coaching. Les études portant sur des catégorisations définies à priori ont cédé le pas sur des études davantage inductives dans lesquelles les catégorisations étaient réalisées à l’aide de concepts usuellement utilisés par les entraineurs. Salmela, l’un des auteurs pionniers dans l’étude du coaching, explique son changement de positionnement méthodologique à l’occasion de la lecture d’un article d’Anders Ericsson : « J'aurais dû regarder les variables qui émergeaient des performances des experts plutôt que celles des universitaires, moins experts dans ces domaines. (…) les scientifiques avaient développé des hypothèses a priori qui se sont imposées sur l'expertise. Actuellement le processus s'inverse et s'inspire d'une approche hiérarchique « de bas en haut » à l'intérieur de laquelle les solutions de l'expertise proviennent de la sagesse collective, des riches citations du vécu des athlètes, du fonctionnement des entraîneurs et du soutien des parents ; soit un virement de 180°. » (Hauw & Robin, 1997, p.27).

Ces avancées ont permis d’aboutir à la considération de l’expertise comme le résultat de connaissances composites pour une grande partie implicites et difficilement verbalisables. L’entraineur, faisant face à des situations continuellement nouvelles, adapte ses plans, stratégies, stratégies d’interaction. Autrement dit, il interprète de nombreuses situations, ce qui implique une fatigue, ou tout au moins un effort cognitif conséquent, que les entraineurs tentent de limiter en usant de « routines », « plans », « automatismes » issus de leurs expériences. Ces « routines compétitives » se voient modifiées en fonction des relations établies avec les athlètes (D’Arripe-Longueville & Fournier, 1998), du moment de la compétition dans la saison, de l’environnement direct lors de l’entrainement (Saury & Durand, 1998). L’expérience, considérée comme l’un des critères permettant d’étiqueter l’expertise (Ericsson & Lehmann, 1996), s’est révélée difficilement modélisable et manipulable en formation. Le modèle de (Kolb, 1984) avait les qualités de ses défauts. En simplifiant la réalité, il permettait une compréhension rapide et spontanée de celle-ci tout en l’appauvrissant de façon préjudiciable (Cushion et al., 2010). Par ailleurs, la réflexion sur l’action ne permet pas nécessairement de faire expérience (Schön, 1994). La nature et l’indexation de l’expérience des entraineurs sont l’objet du prochain chapitre.

51 Synthèse

Les enquêtes auxquelles se livrent les entraineurs pour résoudre des « problèmes mal définis » en situation sont indexées à des « connaissances », « routines », « savoirs- faire », de nature variée, et à des expériences passées. En d’autres termes, ces recherches ont permis de pointer la faiblesse d’une conception de l’entraineur au travail comme de la « rationalité technique » (Schön, 1994) qui consiste à user de théories et techniques scientifiques pour résoudre des problèmes.

Les méthodes de traitements de données inductives ont permis la réhabilitation des « savoirs » et « connaissances pratiques ». Elles ont permis de détourer le métier d’entraineur comme relevant d’interprétations multiples en cours d’action. Elles ont également permis de voir l’entraineur non plus comme un homme omniscient au sein de l’entrainement, mais comme une collaboration entraineur-athlète, « conçue comme une « situation d’aide » plutôt que comme une propriété de l’action de l’entraineur » (Saury et al., 2004, p. 52), permettant une co-construction de connaissances et de significations avec l’athlète.

Un point nous semble essentiel à retenir pour comprendre et intervenir sur la capacité d’étayage des entraineurs au regard de cette revue de littérature. La nécessité de prendre au sérieux la dimension cognitive complexe de l’acte de travailler en tant que coach. L’enquête menée par le coach pour étiqueter autant que pour résoudre des problèmes sur le terrain consiste à charrier dans son jugement des sources composites d’expériences et/ou de critères.

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