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de la méthode et de la lecture par l’entraineur en escalade

1. L’étayage de l’entraineur comme issue d’expériences-formations composites composites

1.2. L’apprentissage composite des entraineurs

Partant du postulat que l’entraineur se rend intelligible la réalité à l’aide de connaissances issues d’apprentissages antérieurs. L’étayage peut être envisagé comme le fait d’expérience en termes de formation. La capacité d’étayage de l’entraineur serait indexée à une multitude d’expériences formatives de nature variée. En escalade, cette question de l’indexation de l’expertise aux modalités formatives vécues par l’entraineur est d’autant plus délicate que 1) les entraineurs ne partagent pas tous la même formation, et 2) leur modalité d’interaction avec la communauté nous semble hétérogène dans la mesure ou une multitude de communautés coexistent en France. Cette section tente de délimiter les sources d’apprentissage des entraineurs et leur efficacité en termes de formation.

En termes d’apprentissage, il est courant de diviser d’un côté les apprentissages formels et de l’autre les apprentissages informels des entraineurs (Mohamadinejad & Mirsafian, 2013). Les

52 premiers correspondent à toute certification délivrée dans les organismes directeurs du sport et les cours d’enseignement supérieur en sciences du sport (Nelson, Cushion, & Potrac, 2006). Les seconds correspondent à tous les apprentissages réalisés au cours de la vie et dans différents contextes. Il s’agit d’interactions entre coaches, d’observations et/ou de travail avec un coach expert, d’interactions avec ses pairs.

Les apprentissages formels constitueraient une base de travail nécessaire à l’exploitation des apprentissages informels en apportant aux coaches, 1) une réflexion critique de leur domaine de connaissances (Gilbert, Gallimore, & Trudel, 2009 ; Stoszkowski & Collins, 2016 ; Werthner & Trudel, 2006), et 2) l’apprentissage plus fin et spécifique de leur sport (Mohamadinejad & Mirsafian, 2013). Ce deuxième point correspond au modèle dominant des formations de l’ex-Brevet d’État et diplôme d’État escalade actuel. L’unité de formation « tronc commun de connaissances » doit être passée avant certains modules ou unités de formations spécifiques. Autrement dit, la formation théorique favoriserait l’apprentissage de connaissances spécifiques au sport de l’entraineur.

Plusieurs études montrent que l’essentiel des connaissances usitées par les coaches provient d’expériences informelles (Mohamadinejad & Mirsafian, 2013) particulièrement composites. Il est par ailleurs le type d’apprentissage préférentiel chez les entraineurs lorsqu’il est centré sur une interaction entre pairs (Reade, Rodgers, & Spriggs, 2008 ; Stoszkowski & Collins, 2016).

Paradoxalement, Trudel note que le contexte compétitif en Hockey sur glace ne favorise pas l’interaction entre pairs et que les coaches entretiennent peu d’interactions avec des coaches rivaux (Trudel & Gilbert, 2004). Enfin, les coaches eux-mêmes reconnaissent que ce type d’échange est peu utilisé en raison du manque de temps ou d’espace spécifique (Culver & Trudel, 2004). Conscient de l’intérêt de ce type d’apprentissage, la formation de Brevet d’État (déjà) imposait un stage avec un tuteur de façon à ce que le stagiaire apprenne le métier sur le terrain au contact d’un professionnel plus aguerri. Le prolongement de ce type de formation se retrouve sous le terme « mentoring ». Ce format d’apprentissage rencontre un certain succès au sein des fédérations sportives souhaitant ne pas perdre le capital d’expertise de leurs entraineurs. Pourtant la littérature scientifique permet d’énoncer deux arguments en sa défaveur. D’une part, le fait même d’être expert ne facilite pas l’accès à l’expertise qui est considérée comme un allant de soi. L’épaisseur de l’expérience du mentor devient une contrainte pour le formé qui n’accède pas au sens des pratiques observées et enseignées. Ce système de formation pyramidal est efficace pour les entraineurs les moins expérimentés,

53 mais les experts ne peuvent pas profiter de ce type de formation. Le risque est d’épuiser les nouvelles idées des experts dans cette dynamique de transfert (Reade et al., 2008). Pour Cushion, le mentorat ne permet pas le développement de nouvelles idées puisqu’il est « largement non structuré, informel et inégal en termes de qualité de résultats, peu critique du style, et des données montrent qu’il reproduit la culture existante, les relations de pouvoirs et les pratiques de coaching existantes » (Cushion, Armour, & Jones, 2003, p. 223).

D’autre part, si ce système de formation pyramidal est efficace pour les entraineurs les moins expérimentés, les experts ne peuvent pas en profiter du fait même qu’ils sont experts. Il est alors question de formation entre pairs, mais là encore, la difficulté de recourir aux experts pour former d’autres experts résulte de « la composante même de l’expertise (qui) exclue l’accès à l’expertise ». L’auteure ajoute que « l’apprentissage par pairs est lent comme c’est le cas pour les changements conceptuels qui est un processus à la fois social et cognitif » (Vosniadou et Kollias, 2003, cité par, Nash & Collins, 2006, p. 468).

L’apprentissage de type informel et par la pratique (Lemyre, 2008, p. 205) semble être les voies privilégiées par les entraineurs (Read, 2008) pour se former, se développer. Selon Gilbert et Trudel (2006), cité par Lemyre (2008), l’expérience peut être définie comme une pratique réflexive relative à une expérience vécue, ou comme de multiples expériences, alors vécues sur l’ensemble de la vie (Krantz & Dartnell, 2001). L’étude de Krantz (2001) souligne des « faits marquants » relevant d’une expérience de coach ayant modifié la conception de l’entrainement des acteurs. Une expérience souvent mentionnée comme nécessaire ordinairement est celle de l’expérience de pratiquant. Sève note que :« Une figure assez souvent rencontrée est celle de l’entraîneur qui reconduit le système d’entraînement qu’il a connu en tant qu’athlète ou au contact des autres entraîneurs. Cette confiance dans l’expérience des plus chevronnés et des entraîneurs du haut niveau conduit quelquefois à de fausses évidences : considérer comme allant de soi des pratiques établies, mais qui sont davantage de l’ordre de la routine que de l’efficacité réelle. » (Sève et al., 2006a, p. 47). Dastugue a montré chez des enseignants d’EPS que cette expérience antérieure de pratiquant n’était pas nécessairement le substrat d’une expérience en termes de formation (Dastugue, 2017). La question se pose au sein de l’escalade sous un autre angle. En effet, la caractéristique de ce sport réside dans le fait de devoir assumer une tâche d’ouverture des itinéraires par l’entraineur. Cette activité d’ouverture exige dans la plupart des cas une activité d’escalade à proprement parlé, tout au moins lors de la phase de calages des itinéraires. La question de comment cette expérience d’athlète devient opérante dans le métier de coach est

54 l’objet de la section suivante.

Synthèse

Mentorat, formation formelle, formation informelle, clinique, observation vidéo, lecture. Les parcours de professionnalisation des entraineurs sont hétérogènes. Ils usent de façon inégale des ressources d’apprentissage précédemment citées. Notons que la collaboration entre pairs semble être la modalité d’apprentissage préféré des entraineurs. Celle-ci ne va pas de soi tant les contraintes compétitives, le temps et l’indexation d’un travail précis exigent d’user de ce type d’apprentissage en formation avec prudence. Enfin, une formation sur le terrain semble être également préférentielle chez les entraineurs. Ces constats nous semblent d’une importance première dans le cadre de cette revue de littérature et plus largement de cette thèse. Ils nous invitent à orienter nos modalités d’intervention en termes de formation chez un coach expert vers les critères précédemment cités, à savoir, une formation entre pairs dans le cadre d’un entrainement sur le terrain.

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