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LA FORMATION DES ENSEIGNANTS

2.2. Les besoins de formation des enseignants

2.3.2. La politique nationale de formation continue

Le dispositif de formation continue se veut également un dispositif dynamique et permanent s’inscrivant dans un processus d’apprentissage tout au long de la vie. Elle n’a pas une durée limitée dans le temps, son but étant d’accompagner les individus en fonction de l’évolution des connaissances qui caractérisent les systèmes organisationnels vivants.

Depuis la réforme de 1962, la formation continue des maîtres (FCM) a toujours constitué une préoccupation majeure du Ministère de l’éducation. Malgré cette préoccupation permanente, le diagnostic établi dans le cadre de l’analyse des besoins de

23MEN-DNEB, Politique de formation initiale des maîtres de l’enseignement fondamental, p.14

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formation des maîtres (MEN, 1999) a fait ressortir certaines insuffisances du dispositif jusqu’alors mis en œuvre. Il est ressortit en effet que la stratégie était descendante consistant à organiser les formations en dehors des lieux d’exercice de la majorité des enseignants. Par ailleurs, les activités de formation qui n’atteignaient qu’une petite minorité d’enseignants, ne correspondaient pas toujours à leurs besoins réels de formation. Il s’agissait de formations groupées qui étaient réalisées au niveau central ou au niveau régional, niveaux qui identifiaient également les besoins de formation.

Dans la suite des conséquences de la massification du personnel enseignant et des réformes engagées, le PRODEC propose une nouvelle conception de la formation continue découlant de l’insuffisance de qualification et du manque d’efficacité des pratiques antérieures de formation. La nouvelle politique est prioritairement centrée sur l’enseignant et identifie l’école comme lieu privilégié de la formation. Cette vision a été concrétisée par l’élaboration d’une politique de formation continue, adoptée en juillet 2003, opérationnalisée par un Programme cadre de la formation continue des maîtres et d’un manuel de gestion de la formation continue des maîtres (2005). Cette nouvelle politique de formation continue des maîtres repose sur les bases suivantes :

- « la décentralisation des initiatives, des actions et même le financement vers les

structures régionales et locales ;

- Le choix de l’école comme lieu par excellence de la FCM ;

- La conception d’une FCM qui favorise d’abord une démarche collective des enseignants comme membres d’une équipe école ;

- La conception d’une FCM centrée sur l’apprentissage et la réussite de l’élève ; - La mise en place de politiques gouvernementales visant à valoriser la profession

enseignante et à faire de la FCM un facteur important de l’amélioration du système éducatif ;

- La reconnaissance du rôle d’animation et de leadership accru des directrices et directeurs d’écoles dans le cadre de la FCM ;

- L’accompagnement de la FCM par un suivi adéquat en vue de changer les pratiques pédagogiques des enseignants ;

- La conception d’une FCM qui lie de plus en plus l’appréciation du maître aux résultats de ses élèves : un bon maître est celui dont les élèves obtiennent de bons résultats25 »

Sur ces bases de fondement, les orientations politiques suivantes ont été énoncées :

- « les enseignants sont désormais les premiers responsables et acteurs de leur

formation continue dans une dynamique d’interaction avec tous les autres intervenants ;

- L’école est le lieu privilégié de la formation continue ;

- La FCM est facilitée et renforcée dans le cadre des communautés d’apprentissage ;

- La FCM s’appuie fortement sur le rôle stratégique de la directrice ou du directeur d’école ;

- La nouvelle FCM réserve une place importante aux collectivités locales ;

- Les structures centrales et intermédiaires de la FCM doivent être en interaction constante avec la base ;

- La FCM se fonde sur l’approche curriculaire26 ».

L’école est le point de départ et d’arrivée des activités de formation continue. « Dans le dispositif prévu, l’école est le lieu principal et le point de convergence de la FCM et la directrice ou le directeur d’école en est le premier responsable, à la fois comme administrateur, animateur pédagogique et formateur. A cet effet, il doit être en mesure de procéder, avec ses enseignantes et ses enseignants, à une identification de leurs besoins de formation et de mettre en place des processus permettant de répondre adéquatement à ces besoins. Il doit aussi accompagner le transfert en classes des nouvelles compétences acquises et évaluer les résultats générés par la FCM. A ces fins, il dispose essentiellement de l’appui des directrices et des directeurs des centres d’animation pédagogique, des conseillères et conseillers pédagogiques et des formatrices et formateurs des IFM. Les enseignantes et les enseignants sont aussi les premiers responsables de leur formation continue, comme professionnels de

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MEN-DNEB, Politique nationale de la formation continue des maîtres de l’enseignement fondamental, p.11.

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l’enseignement et membres d’une équipe-école. Ils ont avec leur directrice et directeur, un droit d’initiative pour définir leurs besoins individuels et collectifs et d’initier la mise en œuvre des actions de formation les plus appropriées27 » (op. cit. pp. 34-35).

Cette orientation mérite d’être questionnée à différents niveaux. En effet, l’opérationnalisation d’une telle vision se heurte à la disponibilité de l’expertise interne des écoles de manière à réaliser leurs activités de formation. Il est vrai que la politique contourne cette réalité en prévoyant la possibilité pour les écoles de recourir aux ressources externes. Ce qui nécessite pour elles de disposer de ressources financières leur permettant de solliciter l’appui de ressources extérieur. Or, on sait que les écoles n’ont pas de fonds propres de fonctionnement pouvant être affectés à ce genre d’activité. Par ailleurs, la taille, très variable des écoles, fait que l’équipe-école peut se réduire à quelques enseignants, voire à un seul, susceptible d’être un stagiaire, un contractuel, etc. Au-delà de toutes ces considérations, notons que le niveau d’expertise dans les écoles, pouvant aider au renforcement collectif peut s’avérer, à certain égard, très aléatoire.

A ces types d’allégations, la politique de formation continue responsabilise les collectivités territoriales, les ONG et autres partenaires au soutien et au financement de la FCM. Elle prévoit également la mise en œuvre d’alternatives et de stratégies de formation dont la formation à distance : « pour assurer la formation continue des maîtres, plusieurs canaux peuvent être utilisés : la radio, la télévision, l’Internet ou la correspondance ordinaire28 ». L’utilisation de la formation à distance dit-elle à « l’avantage de réduire les coûts et de toucher un grand nombre de maîtres en même temps ».

En ce qui concerne les ONG et autres partenaires de l’école, leur appui à la formation des enseignants n’est pas sans questionnement au niveau de sa gestion. En effet, il est peu probable que les directions d’écoles chargées de les démarcher, soient instrumentées pour juger de la conformité de leurs interventions avec la politique éducative nationale. Par ailleurs, ces partenaires n’interviennent pas, du moins très rarement, pour une seule école. Leur contribution s’inscrit dans le cadre d’un

27 MEN-DNEB, Politique nationale de la formation continue des maîtres de l’enseignement fondamental, p. 34-35

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« mouvement descendant », alors que le dispositif de formation continue des enseignants priorise l’émergence d’un « mouvement ascendant » avec l’émergence des communautés d’apprentissage (CA).

Ces deux notions sont fondamentales dans le nouveau dispositif mis en place qui est fondé sur leur interaction. Leur différence se situe au niveau de la structure qui identifie les besoins de formation et les initie. Lorsque les besoins de formation sont identifiés et les actions de formation initiées au niveau de la base par les enseignants dans les écoles et remontés vers les structures intermédiaires et centrales qui jouent alors un rôle d’appui, l’on parle de « mouvement ascendant ». Dans la dynamique du « mouvement descendant », les activités de formation partent des structures centrales pour atteindre et impliquer les structures intermédiaires et locales. « De ce mouvement découle l’implantation du curriculum, l’identification de priorités pédagogiques, les mesures nécessaires à l’amélioration de la qualité et du rendement du système, ainsi que l’identification de besoins de formation partagés par des groupes de maîtres » (Guide des communautés d’apprentissage, p. 4).

La communauté d’apprentissage (CA) vise à instrumenter le mouvement ascendant. « C’est de la communauté d’apprentissage que partira le mouvement ascendant vers les structures intermédiaires et les structures centrales dans la mise en œuvre de la formation continue des enseignants » (Politique nationale de formation continue, 2003, p. 27).

L’expression Communauté d’apprentissage (CA) désigne « (…) la communauté que constituent les enseignantes et les enseignants d’une école avec leur directrice ou leur directeur et parfois certaines personnes ressources du milieu, dans le but d’analyser les pratiques pédagogiques qui ont cours dans l’école, d’identifier les besoins de formation continue de l’équipe enseignante et de ses membres, de mobiliser les ressources nécessaires et de mettre en œuvre les actions de formation souhaitées.

On l’appelle Communauté d’apprentissage pour trois raisons : d’abord, elle est entièrement tournée vers un meilleur apprentissage et une meilleure réussite des élèves ; ensuite, elle permet aux enseignantes et aux enseignants d’apprendre les uns des autres et d’améliorer leurs pratiques ; enfin, elle est destinée à créer au sein de

l’équipe enseignante une dynamique d’apprentissage à vie et de perfectionnement continu » (Politique nationale de formation continue, 2003, p. 23).

Au départ de l’opérationnalisation du concept, deux approches se sont chevauchées : l’approche canadienne avec le bureau d’études TECSULT-EDUPLUS qui est l’agence canadienne d’exécution de la formation continue et l’approche américaine avec l’US AID. Si selon l’approche canadienne la CA doit être à l’intérieur de l’établissement scolaire, l’approche américaine la conçoit comme un ensemble géographique d’écoles en réseau quels que soient leurs statuts et leurs caractéristiques (publiques, privées, communautaires, médersas, etc.). L’opérationnalisation de cette dernière approche, semble-t-il, pose des problèmes associés aux déplacements des enseignants et à la détermination des temps de rencontres, ceux associés à la définition d’objectifs communs pour des établissements fonctionnant dans des univers organisationnels et culturels différents.

Ces « reproches » tendent à montrer qu’on conçoit la CA dans une optique de formation en présentiel à l’intérieur de l’établissement scolaire, à l’instar de l’approche canadienne, malgré la volonté politique de mise en œuvre de stratégies alternatives de formation des enseignants par l’usage des technologies (anciennes et nouvelles).

Cette option canadienne qui a été celle choisie, comporte cependant un risque de cloisonnement susceptible d’avoir des effets pervers. En effet, il n’est pas évident que toutes les écoles disposent de l’expertise en leur sein. Au demeurant, l’une ou l’autre approche, elles méritent toutes d’être questionnées par rapport à leur impact sur le temps dévolu aux situations d’enseignement-apprentissage, d’autant que les CA sont appelées à fonctionner en pleine année scolaire. Si ce n’est pas le cas, alors se pose la problématique de la motivation des enseignants, dès lors que le temps de formation occupent leur activités extrascolaires, leur temps de loisirs ou de vacances et qu’aucune législation ne les obligent à mettre ces temps au profit de leur formation. Bien de questions restent donc en suspens pour l’opérationnalisation correcte du dispositif mis en place et les problèmes qui viennent d’être évoqués sont loin de faire le tour de ces questionnements.

En effet, rappelons que la notion de communauté d’apprentissage est une approche qui a émergé dans certains pays développés, à la suite d’une certaine évolution de leur

système éducatif. L’approche a été popularisée par l’OCDE dans les années 1998. Elle peut être prometteuse pour les systèmes éducatifs, sous réserve qu’ils disposent des caractéristiques suivantes :

- présence d’une décentralisation importante en faveur des établissements

scolaires qui disposent de ressources financières discrétionnaires qui peuvent notamment être utilisées pour des activités de formation continue ;

- l’ensemble du personnel enseignant et de direction dispose d’une importante

formation initiale universitaire qui uniformise et harmonise leurs qualifications et leurs compétences au regard de leurs pratiques professionnelles ;

- le curriculum est bien connu et maîtrisé, les manuels scolaires sont

abondants et il existe un système d’évaluation continue de qualité qui permet de procéder aux régulations nécessaires notamment par des examens nationaux de qualité, constants et réguliers ;

- il existe une importante culture nationale commune et partagée au regard des

règles du « savoir vivre ensemble », de l’apport de l’éducation dans le développement individuel et collectif, de ressources économiques substantielles qui peuvent être mobilisées pour le développement du système éducatif, etc.

Ni le Mali ni le système éducatif ne se reconnaît dans aucune de ces caractéristiques. Ce qui ne semble pas avoir eu d’influence sur le choix de cette approche, d’autant que selon (Pelletier, 2001), il ne s’agit pas de conditions sine qua non à leur existence. Si ces caractéristiques ont permis de rendre les CA plus dynamiques notamment dans les pays développés, dans un contexte comme celui du Mali, elles peuvent contribuer à mieux cerner les défis auxquels le système éducatif est confronté. Il n’en demeure pas moins cependant qu’elles interrogent l’efficacité du dispositif par rapport aux objectifs qu’il poursuit.

Ce survol assez rapide de la problématique de la formation des enseignants au Mali montre combien cette question est sérieuse et mérite tout l’intérêt qui lui sied pour assurer aux enfants un enseignement et un apprentissage de qualité. Au-delà des questions d’infrastructures, d’équipements, de disponibilité de manuels et de matériels didactiques qui sont stigmatisées comme étant des entraves à l’accès à un enseignement

de qualité, l’on s’aperçoit que la fourniture d’enseignants de qualité est une dimension essentielle de la question éducative et en détermine ses principaux enjeux plus que tout autres facteurs.

Dans le contexte actuel, celle-ci ne saurait se contenter d’une formation traditionnelle et classique. Les besoins sont tels que d’autres stratégies de formation permettant de former plus vite et de toucher dans le même temps le plus grand nombre d’enseignants en même temps qu’elles en réduisent les coûts ont été initiées. Ces initiatives sont nombreuses. Cette recherche s’intéresse particulièrement à celles faisant usage des technologies, anciennes ou nouvelles dans le cadre de la formation continue et initiale des enseignants du premier cycle de l’enseignement fondamental et des formateurs au niveau des CAP et des IFM.

2.4. Les alternatives de formation : la radio et les nouvelles technologies