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L’USAGE DES TECHNOLOGIES DANS L’EDUCATION ET LA FORMATION : esquisse historique et évolution

4.1. L’enseignement à distance (EAD)

On s’accorde à faire remonter l’origine de l’EAD au XIXème siècle, à l’époque de l’invention du timbre-poste (Jacquinot, 1993, Glikman, 2002, Blandin, 2003, etc.). Cette invention qui date de 1840 a permis une transmission plus sécurisée des courriers, d’autant que l’expéditeur supporte désormais les frais d’envoi et non le destinataire, comme cela était jusqu’alors le cas. Un renversement de la logique d’expédition des

courriers postaux rendu possible par l’invention du timbre-poste (Blandin, 2003)44. Un

certain Isaac Pitman saisit cette opportunité pour diffuser à Londres une méthode de sténographie qu’il venait d’inventer, sous forme de cours par correspondance.

Ces cours par correspondance prirent par la suite le nom d’enseignement à distance (EAD). A l’origine, il s’agissait donc d’un enseignement épistolaire, basé sur la correspondance. Un type d’enseignement rendu possible par le développement et la sécurisation des moyens de transport et de communication.

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FOAD: Histoire, perspectives et stratégies de développement

Le succès des cours de sténographie par correspondance de Pitman fut tel qu’il lança des formations analogues en comptabilité pour former les petits commerçants britanniques et plus tard créera des filiales au Etats-Unis. L’idée prend corps à travers le monde et s’imposa très vite comme alternative d’éducation de base et de formation professionnelle.

La seconde moitié du XIXème siècle, sera l’ère des pionniers aussi bien en Europe occidentale qu’aux Etats-Unis. En Europe, notamment en Allemagne et en France, des investisseurs vont s’intéresser à ce type de dispositif. L’Institut Toussaint de Langenscherdt, une école de langues à Berlin, créée en 1856, s’est illustrée comme le premier établissement spécialisé dans ce type d’enseignement. En France, l’histoire rapporte que l’éditrice Camille Flammarion est la première à s’être intéressée à ce type de dispositif vers les années 1865. Elle est suivie par Emile Pigier, Hattemer et Léon Eyrolles.

En 1877 Emile Pigier crée des cours par correspondance dédiés à la formation professionnelle. Ces cours ont connu un rayonnement international. Il s’en suivra en 1885 les cours Hattemer à Paris pour répondre à des besoins d’accompagnement scolaire. En 1891, Léon Eyrolles va lancer le concept de « L’école chez soi » pour former aux métiers du bâtiment. Ce concept sera repris par l’Etat au moment de la deuxième guerre mondiale comme palliatif pour former.

Depuis 1880 déjà, les Etats-Unis avaient créé la première université par correspondance à Boston. Celle-ci fait suite à la première société d’encouragement à l’étude à domicile, créée dans cette même ville quelques années auparavant en 1873 (Blandin, op.cit). D’essence épistolaire, basé sur la correspondance, l’EAD est une modalité d’enseignement qui permet d’annihiler la distance entre l’enseignant et l’apprenant, que celle-ci soit temporelle ou spatiale.

Ce type d’enseignement s’inscrit dans une sorte de séparation physique de l’enseignant et de l’apprenant qui nécessairement implique une séparation de la règle des trois unités de la tragédie classique, comme le dira Blandin (op. cit.) : l’unité de temps, l’unité de lieu et l’unité d’action. C’est dans cette séparation que se situe la différence fondamentale entre l’enseignement à distance et l’enseignement traditionnel.

C’est dans le même sens que l’UNESCO (2003) définit ce type d’enseignement :

« Un processus interactif dans lequel l’enseignement dans sa totalité ou pour l’essentiel est assuré par une personne éloignée de l’apprenant dans l’espace et/ou le temps, de sorte que la communication, dans sa totalité ou pour l’essentiel, entre les enseignants et les apprenants, se fait par un moyen artificiel, soit électronique, soit imprimé. Par définition dans l’éducation à distance, les moyens de communication nouveaux ou principaux s’appuient sur les technologies45 ».

Ce thème de la séparation physique de l’enseignant et de l’apprenant se retrouve également dans la définition proposée par Rumble (1986) et Perraton (1993). En effet, Rumble définit l’enseignement à distance comme « une méthode d’enseignement séparant physiquement l’étudiant du professeur46 ». Pour Perraton (1993), il s’agit d’un «processus pédagogique dont une proportion significative de l’enseignement est assurée par une personne éloignée de l’apprenant dans le temps et/ou dans l’espace47 ».

Si la séparation physique de l’enseignant et de l’apprenant dans le temps et dans l’espace a longtemps été un point de dissonance entre l’enseignement traditionnel et l’EAD, il apparaît dans cette définition de Perraton (1993) qu’une partie de ce type d’enseignement peut être également assurée en présentiel. Une conception analogue se retrouve dans la définition proposée par la Loi française de 1971 sur la formation continue. Cette Loi définit en effet l’EAD comme un type d’enseignement « ne comportant pas, dans les lieux où il est reçu, la présence physique du maître chargé de le dispenser ou ne comportant une telle présence que de manière occasionnelle ou pour certains exercices »48.

En fait, il peut y avoir de la présence dans la distance. Cela s’explique par l’évolution et le perfectionnement des moyens de communication, de transport de l’information qui sont les supports de ce type d’enseignement. En effet dans un dispositif d’EAD, la

45 UNESCO, L’enseignement ouvert et à distance, tendances, considérations politiques et stratégiques, Paris, Division de l’enseignement supérieur, 2003, p.23

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Rumble G.., The planning and management of distance education, Croom Helm, Londres, 1986, p.9

47 Perraton H., National developments and international cooperation in distance education in Commonwealth Africa, in Harry K., John M., Keegan D., Distance education, New perspectives, Routledge Londres et New York, 1993.

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transmission du savoir passe par un canal de communication susceptible d’être avec l’évolution des technologies : le courrier postal, l’imprimé, les technologies de communication de masse, notamment la radio et la télévision et plus récemment des technologies dites de réseau (l’Internet et le WWW) grâce aux progrès de l’informatique. Ces dernières technologies ont révolutionné les techniques d’enregistrement, de stockage et de circulation du savoir et, pour ainsi dire, les dispositifs et les modalités d’enseignement à distance. C’est aussi l’époque de l’apparition de divers autres concepts associés à l’EAD.

On retrouve très souvent dans la littérature portant sur l’enseignement à distance, des termes comme « Formation à distance » (FAD), « Formation ouverte et à distance » (FOAD), « e-learning », pour ne citer que quelques exemples, en lieu et place du terme enseignement à distance. Or, comme le dit Linard (2004), « les glissements terminologiques ne sont jamais neutres, ils indiquent toujours un changement de perspective, de valeur et d’usage ».

Certes, la frontière n’est pas toujours très étanche d’un concept à un autre. Il n’en demeure pas moins que chaque terminologie fait référence à « des dispositifs et des modalités différentes » et pour ainsi dire, fait appel et exige de nouvelles formes de compétences quant aux applications pédagogiques des supports de transmission de ce modèle d’enseignement. C’est pourquoi selon Glikman (2002), la convergence des activités d'enseignement et d'apprentissage à distance renouvelle les dispositifs et l'irruption d'internet les fait évoluer vers un « e-learning » dont les contours restent à préciser.