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La formation des enseignants et la qualité de cette formation est un enjeu majeur du développement du système éducatif malien. En effet, s’il est urgent pour le Mali de scolariser davantage d’enfants, il s’agira de le faire dans une école où ils apprennent effectivement. Le pari de la scolarisation universelle consiste à relever ce double défi à la fois quantitatif et qualitatif. L’objectif du programme d’Education pour tous (EPT) n’est pas la réalisation d’un taux de scolarisation de 100%, mais, la constitution du capital humain pour juguler l’analphabétisme d’ici 2015.

Cependant, comment garantir une éducation de base et assurer la réussite de tous dans un contexte démographique en perpétuel évolution, avec des ressources limitées ? Profitant de l’engagement de la communauté internationale en faveur de l’EPT, des suites de la Conférence de Jomtien (1990), réactualisée à Dakar en 2000, le Mali, à l’instar de la plupart des pays d’Afrique subsaharienne a initié diverses mesures tendant à répondre à ce nouveau défi : recours aux enseignants non fonctionnaires, ouverture de l’enseignement à l’initiative privée et communautaire, etc. Toutefois, ces mesures ont été prises dans un contexte d’ajustement macro-économique, donc dans un contexte social et économique sous tension.

Rappelons qu’au cours de la décennie 1980-1990, le Mali a été conduit à passer des accords de prêts avec le Fonds monétaire international (FMI). Ces accords autorisaient le FMI à définir la politique macroéconomique du pays afin qu’il demeure économiquement stable. Or, les politiques économiques du FMI ont, en général, un caractère drastique et restrictif, ne tenant pas compte des secteurs sociaux dont l’éducation.

En effet, une des premières restrictions contenues dans les accords de prêts signés avec le Mali concernait la limite spécifique de plafonnement de la masse salariale du secteur public. Le système éducatif en a payé le plus lourd tribut par la fermeture des écoles de formation de maîtres et la mise à la retraite anticipée des enseignants les mieux formés, du moins les plus expérimentés.

Dans le même temps, le 4ème Projet éducation œuvrait à accroître la capacité d’accueil des écoles par la réhabilitation et la construction de nouvelles salles de classes. La conséquence fut une explosion de la population scolaire alors que les écoles et les classes manquaient d’enseignants. Pour faire face à cette nouvelle situation, une politique de recrutement de personnel enseignant a été initiée, dénommée, « Stratégie alternative de recrutement du personnel enseignant » (SARPE). Il s’agit d’une politique de recrutement et d’utilisation sous contrat de diplômés sans emploi de divers profils de formation. Avant d’être versé dans l’enseignement, ces nouveaux types d’enseignants subissaient une courte formation pédagogique dont la durée est variable, généralement de 30 à 45 jours, ramenée récemment à 3 et 6 mois.

A l’époque, cette stratégie a pu constituer une solution palliative à la pénurie d’enseignants. Elle a, entre autres, permis l’accroissement de la population scolaire et contribué à l’allègement du taux de chômage des diplômés en quête d’emploi. Toutefois, ne tarda-t-elle pas à se révéler, comme étant « le maillon faible » du système éducatif, en termes de qualité des acquis scolaires. En effet, si ces nouveaux enseignants sont globalement moins coûteux que les enseignants « professionnels », ils sont aussi moins bien formés. Par ailleurs, l’offre étant en deçà de la demande, on ne tarda pas à recourir aux non diplômés, voire aux déscolarisés précoces, sachant à peine lire et écrire.

Par ailleurs, les réformes significatives entreprises dans le cadre du Programme Décennal de développement de l’éducation (PRODEC), qu’elles soient d’ordre institutionnel, politique ou organisationnel sont toutes centrées sur l’objectif de démocratisation de l’école pour la rendre accessible à tous. Démocratiser l’école dans sa forme de gestion et de fonctionnement par une forte implication des communautés et des collectivités à la base.

Dans ce cadre, le Gouvernement a mis en place un dispositif juridique et institutionnel1

tendant à l’assouplissement de la législation en matière de création et d’ouverture d’établissements scolaires. Ce dispositif a permis à des organisations privées, des individus, des confessions religieuses, des collectivités locales ou tout autre personne qui le désire de créer et gérer des établissements d’enseignement.

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En effet, suivant les dispositions de la Loi n° 94032 du 25 juillet 1994, les écoles communautaires sont des écoles privées, créées et gérées par les communautés ou les associations pour permettre l’accès des enfants à l’éducation. Le Décret n° 94478/ PRM du 28 décembre 1994 établit que toute communauté ou association peut ouvrir une école communautaire par simple décision de ses membres si elle en ressent le besoin et réunit les moyens nécessaires à son fonctionnement. L’expansion de l’offre éducative et la liberté du choix de l’école par les parents ont ainsi été favorisées dans un contexte où l’Etat entend se départir de tout monopole.

Il en résulta une prolifération d’écoles au niveau du premier cycle de l’enseignement fondamental aux appellations diverses : écoles privées, écoles communautaires, écoles de base, etc. A cette pluralité d’écoles correspond une prolifération d’enseignants aux profils divers, disposant de qualifications et de compétences très variables – de fait et le plus souvent très faibles – pour répondre au besoin d’enseignants dans les écoles. Cela aura été systématiquement le cas dans les écoles privées et communautaires, mais progressivement aussi des écoles publiques.

Ainsi, l’accélération du rythme des scolarisations induite de l’engagement massif d’enseignants afin de s’assurer que chaque élève puisse avoir son maître et l’ouverture de l’enseignement à l’initiative privée et communautaire auront permis au Mali de se rapprocher des objectifs de Dakar et du Millénaire par l’accroissement des taux de scolarisation. Selon l’Annuaire national des statistiques scolaires de l’enseignement fondamental, en 2006-2007, par exemple, on estimait le taux brut de scolarisation à 77,6% au niveau du premier cycle de l’enseignement fondamental ; alors qu’il n’était que de 26,7% en 1990-1991 et 60,9% en 1999-2000, soit presqu’un triplement depuis l’avènement de la troisième République. Toutefois, cette performance a pu être réalisée à la faveur d’une segmentation des statuts du personnel enseignant et d’une déprofessionnalisation de l’enseignement. En effet, selon Fomba et al. (2004), les enseignants contractuels et les enseignants vacataires, représentant en 2006/2007, plus de 84% du personnel enseignant du premier cycle de l’enseignement fondamental au Mali.

Parallèlement à l’accroissement de la population scolaire consécutive à une exigence peu élevée à l’égard de la formation des enseignants, on assistait à une diminution drastique de la qualité de l’enseignement, en termes d’apprentissages cognitifs et non

cognitifs réalisés par les élèves. En effet, il ressort des résultats d’études comparatives menées dans le cadre du PASEC que le score moyen d’acquisition des élèves du premier cycle au Mali (en Français et en Mathématiques) est parmi les scores les plus faibles, se situant à environ 10 points en dessous de ce qui est observé en moyenne dans 9 pays francophones d’Afrique de l’ouest –africains (Banque mondiale, « Eléments de diagnostic du système éducatif malien », 2006).

On en déduit que les réformes initiées au tournant des années 1990, capitalisées dans le cadre du PRODEC répondirent-elles davantage à la nécessité de rétablir l’équilibre macroéconomique du pays que de constituer véritablement les bases d’un système scolaire répondant au double défi quantitatif et qualitatif de la scolarisation universelle. Le déficit de formation des enseignants contractuels au recrutement, qui semble être aussi, à certains égards, le cas des sortants des IFM dont les programmes de formation ne sont pas orientés sur l’habilitation professionnelle, apparaît prégnant dans l’explication des causes de la faible qualité de l’enseignement et des apprentissages scolaires.

En effet, le rôle du maître est central dans l’offre de service éducatif et en détermine la qualité. S’il est indéniable que plusieurs facteurs influencent la qualité de l’éducation, c’est l’action du maître qui détermine, de façon première, ce que les enfants qui lui sont confiés vont apprendre notamment, au niveau de l’enseignement primaire (Suchaut,

2002)2. D’où la question de savoir, comment faire lorsque les enseignants n’ont pas

l’impact voulu sur les situations d’enseignement-apprentissage.

Au Mali, diverses voies ont été explorées pour trouver des éléments de réponse à cette épineuse question que complique davantage la variété des écoles et des profils d’enseignants. Entre autres, on retiendra :

- le développement d’un nouveau curriculum fondé sur l’approche par les

compétences et dont les langues nationales constituent le socle ;

- l’élaboration d’une politique de formation des enseignants, etc.

2 Suchaut B. « La qualité de l’éducation de base en Afrique francophone : contexte, constat et facteurs d’efficacité », Communication au colloque « L’éducation, fondement du développement durable en Afrique », organisé sous l’égide de l’Académie des sciences morales et politiques, Fondation Singer-Polignac, 7 novembre 2002

L’absence totale de politique de formation des enseignants depuis l’indépendance doublée de la variété des profils du corps enseignant, a imposé la définition d’une politique de formation des enseignants. Le Ministère de l’éducation a ainsi élaboré et fait adopter une « Politique de formation initiale des maîtres de l’enseignement fondamental » et une « Politique de formation continue des maîtres de l’enseignement fondamental » en 2003. Elles ont été, suivies d’un « Programme cadre de la formation continue des maîtres » (2005). L’objectif global visé est le développement de l’autonomie du maître, à le rendre apte à s’adapter à des contextes évolutifs et changeants et à le préparer à une éducation continue.

Ce dispositif prévoit la mise en œuvre d’alternatives et de stratégies de formation dont la formation à distance : « pour assurer la formation continue des maîtres, plusieurs canaux peuvent être utilisés : la radio, la télévision, l’Internet ou la correspondance ordinnaire3 » pour atteindre cet objectif. Cette orientation se fonde sur l’idée selon laquelle la FAD et les TICE offrent « l’avantage de réduire les coûts et de toucher un grand nombre de maître en même temps4 ».

Il s’agit donc d’une orientation s’inscrivant dans l’air du temps avec l’entrée en force des nouvelles technologies dans le champ de l’éducation, à l’instar des autres secteurs de l’activité humaine et la revitalisation de la formation à distance. Avec l’arrivée de la dernière génération des technologies de l’information et de la communication, l’enseignement à distance est en général perçu comme la dernière solution permettant d’aplanir les difficultés auxquelles les systèmes éducatifs sont confrontés notamment dans les pays du Sud.

C’est là l’un des rares sujets autour duquel universitaires, chercheurs et politiques semblent d’accord pour dire que les technologies de l’information et de la communication (TIC) sont susceptibles d’être une solution pour relever les défis de l’éducation. En effet, dans un contexte d’augmentation croissante du public scolaire à tous les niveaux, d’insuffisance d’offres de formation corrélée à une faible capacité d’accueil et de suivi du public d’apprenants et au besoin de formation tout au long de la vie, les TIC, avec les possibilités qu’elles offrent à distance ou en présence peuvent fournir des éléments de réponse à ces différentes interrogations.

3 Programme cadre de formation des maîtres de l’enseignement fondamental, p. 48

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Les TIC, selon l’UNESCO « fournissent des opportunités pour une plus grande flexibilité, une interactivité et une accessibilité dans le domaine de l’éducation à travers des applications de plusieurs chaînes comme la radio et la télévision interactive, la conférence audio et vidéo, le télétexte, les communautés virtuelles basées sur Internet, les publications WWW et les travaux pratiques de CDROM individualisés. […] Les TIC peuvent connecter les écoles, les universités et centres de recherche et les bibliothèques en vue de promouvoir la collaboration entre les étudiants, les enseignants et les sources de recherche, fournir virtuellement un accès illimité à l’information pour la résolution de problèmes et réduire les coûts de gestion en reliant les établissements d’enseignement et leurs administrations. […]5 ».

En effet, les TIC offrent des possibilités pour l’amélioration des pratiques pédagogiques et didactiques (Glikman, 2002). Ce qui fait dire le Président de la République du Sénégal, Maître Abdoulaye Wade (2003), en ce qui concerne particulièrement l’Afrique subsaharienne, que « l’accès au taux de scolarisation universelle de 70 % qui est un de nos objectifs prioritaires ne peut être envisagé à l’heure actuelle, sans l’apport de ces Technologies de l’information et de la Communication6».

Cependant, comme le dira Wallet (2003), si les NTIC sont susceptibles de contribuer au

doublement des effectifs, à améliorer l'efficacité du système éducatif en Afrique, à

moyens constants, c’est sur les identités et les compétences des formateurs que doit se

situer le débat pédagogique.

Notre recherche se situe dans la posture de cette vision, étant entendu qu’elle pose la problématique de la formation des enseignants comme un enjeu majeur du développement du système éducatif malien. Nous postulons, d’une part, que la formation des enseignants et la qualité de cette formation est un enjeu majeur du développement du système éducatif malien, notamment au niveau du premier cycle de l’enseignement fondamental. D’autre part, face à l’urgence de disposer d’enseignants suffisamment bien formés pour relever les défis de l’éducation au Mali, nous formulons l’hypothèse que l’enseignement à distance et d’une façon plus générale les TICE constituent, à l’heure actuelle, une solution incontournable.

5 UNESCO : http://www.unesco.org/webworld/build_info/learning_com.html, consulté le 14/05/2006.

6 République du Sénégal, Communication du Président Me Abdoulaye Wade au Sommet mondial sur la société de l’information à Genève 2003, Tunis 2005, 11 février 2003

Plus clairement, nous formulons l’hypothèse suivant laquelle l’intégration de l’enseignement à distance et des technologies de l’information et de la communication dans le processus de formation des enseignants sont susceptibles de contribuer plus rapidement au perfectionnement, voire à la professionnalisation d’enseignants aux profils divers et aux compétences variées. Loin de tomber dans les travers d’une certaine technophilie en investissant ces technologies d’un pouvoir mythique et démiurgique les rendant capables de tout transformer d’un coup de baguette magique les compétences pédagogiques et didactiques des enseignants, notre recherche vise à répondre à la question suivante :

Quelles sont les conditions d’une relation efficace entre dispositifs de formation à distance (FAD) et/ou de TICE et le processus de professionnalisation des enseignants, notamment au Mali?

L’objectif général de la recherche est de définir les conditions d’efficacité de dispositifs de formation à distance et d’intégration des TIC dans le processus de formation des enseignants à des fins de professionnalisation, suivant les orientations de la politique de formation des enseignants. Il en découle deux objectifs spécifiques.

- Le premier est de contribuer à l’implémentation et à la stabilité de dispositifs de

formation à distance et/ou de TICE dans le cadre de la professionnalisation des enseignants. Cet objectif est, du coup, un des intérêts manifestes de cette recherche et une motivation certaine à l’entreprendre étant donné l’importance et l’engouement que suscitent les TICE et la FAD dans la problématique de la qualification des enseignants et l’impérieuse nécessité à y apporter une réponse urgente.

- Dans sa suite se situe le second objectif spécifique qui vise à identifier des

conditions favorisant l’orientation des choix technologiques et pédagogiques en lien avec les spécificités du contexte.

Au-delà de l’hypothèse de base suivant laquelle ces dispositifs sont susceptibles de constituer une réponse palliative pour former plus rapidement des enseignants professionnels, deux autres hypothèses qui entretiennent une sorte de relation hiérarchique peuvent être formulées :

L’efficacité des dispositifs dépend, dans une large mesure de leur conception, à la fois technique et pédagogique.

La conception technique et la conception pédagogique se doivent de

privilégier les acteurs-bénéficiaires et d’être conformes aux réalités de l’environnement

Ces deux hypothèses, nous semble-t-il, renvoient au double intérêt de cette thèse. Il s’agit d’une part, d’une meilleure compréhension des conditions qui facilitent la conception et l’implantation de dispositifs de formation à distance et/ou de TICE dans le processus de formation des enseignants et ; d’autre part, d’orienter la conception des dispositifs et des situations pédagogiques dans la vision des acteurs et dans le cadre d’environnements incluant les médias (anciens et nouveaux), d’autant que de plus en plus les technologies nouvelles offrent des possibilités qui permettent de concevoir des environnements qui peuvent être adaptés à la spécificité de chaque situation, de chaque individu.

La thèse s’appuie sur deux expériences pilotes. L’une est un dispositif de formation à distance des enseignants qui utilise à la fois une ancienne technologie, la radio et les nouvelles technologies. L’autre porte uniquement sur un dispositif de formation basé sur les technologies de l’information et de la communication à travers l’introduction de la pédagogie numérique. Ces deux dispositifs ont été mis en place dans le cadre d’accords de coopération bilatéraux.

La recherche est structurée en douze chapitres repartis entre quatre parties.

La première partie tente de préciser le contexte de la recherche. Elle est composée de trois chapitres dont le premier décrit le système éducatif malien, le second porte sur la problématique de la formation des enseignants et tente de mettre en relief les lacunes et insuffisances du dispositif à l’origine de l’accroissement des besoins de formation des enseignants, nécessitant une nouvelle orientation à travers l’adoption d’une politique de formation à visée professionnalisante. Le troisième chapitre tente d’analyser les orientations de cette politique en lien avec les travaux issus du concept de professionnalisation.

La deuxième partie est consacrée à l’utilisation des technologies dans le processus enseignement-apprentissage et comprend quatre chapitres. Le premier chapitre aborde cette question d’un point de vue historique. Nous tentons de retracer l’historique de l’usage des technologies dans l’éducation, en montrant l’effet du temps et du développement des technologies sur les différentes variations de la notion. Le deuxième chapitre essaie de cerner la notion de technologies de l’information et de la communication pour l’éducation et les enjeux qui y sont liés. Le troisième chapitre est consacré à l’expérience africaine de l’utilisation des technologies dans l’éducation et la formation. Un quatrième et dernier chapitre tente une capitalisation de l’expérience du Mali dans le domaine de l’usage des technologies dans l’éducation.

La troisième partie décrit notre démarche méthodologique. Elle est composée de trois chapitres. Le premier chapitre, plus général, tente d’appréhender la notion d’évaluation du double point de vue épistémologique et méthodologique. Le deuxième chapitre explore quelques modèles d’évaluation de dispositifs de formation incluant les technologies. Le dernier chapitre de cette troisième partie décrit l’orientation méthodologique de la recherche.

La quatrième et dernière partie présente et analyse les résultats issus de l’évaluation de l’effet des dispositifs. Cette partie comprend donc deux chapitres dont chacun peut être considéré comme une étude de cas.