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LA FORMATION DES ENSEIGNANTS

2.1. Historique de la formation des enseignants

De l’accession du Mali à l’indépendance à l’adoption du PRODEC, la formation initiale des enseignants a subi diverses transformations au gré des changements de régimes. Avant l’indépendance, les enseignants pour le primaire (premier cycle) étaient formés pendant quatre ans après le Certificat d’Etudes et les Bourses dans les « Cours normaux ». Ceux destinés au second cycle de l’enseignement fondamental étaient formés à l’Ecole normale. Il existait quatre « Cours normaux » et une « Ecole normale » pour pourvoir aux besoins en enseignants de l’ensemble du pays.

Avec l’accession à l’indépendance, le Mali a placé l’éducation en tête de ses priorités de développement socio-économique. L’enseignement fut réformé (1962) pour garantir l’accès de tous à travers le slogan: «une éducation de masse et de qualité». La poursuite de cet objectif ne manquait pas d’avoir des répercussions sur le dispositif de formation des maîtres, notamment ceux du premier cycle. Les Cours normaux furent transformés en « Centres pédagogiques régionaux » (CPR) par les dispositions du Décret n° 167/PG-RM du 31 août 1963. A peine entrés dans le second cycle de l'enseignement

fondamental, 8ème, 9ème années, notamment, les élèves étaient dirigés vers ces CPR.

Ceux titulaires du DEF y étaient admis sur titre. Les autres devaient passer un concours d’admission, dès lors qu’ils justifient de 17 ans révolus. La durée de la formation fut réduite en une année pour répondre aux objectifs de la réforme. Les contenus étaient composés essentiellement d’éléments de culture générale (connaissances littéraires et scientifiques), d’éléments de psychopédagogie et de stage d’application dans les écoles.

« Les compléments de culture générale avaient pour objet de raffermir les connaissances littéraires et scientifiques, mais surtout d’initier les futurs maîtres au travail personnel d’extension de la culture. La formation professionnelle comportait une partie théorique : psychologie de l’enfant, pédagogie générale et spéciale, morale professionnelle, législation et organisation scolaires, et une partie pratique d’initiation aux techniques de la classe par le moyen de stages dans les écoles d’application sous la direction de conseillers pédagogiques sélectionnés » (Traoré, 2000, p. 31).

Parallèlement à ce dispositif, une politique de recrutement massif de personnel enseignant a été initiée pour faire face aux besoins qu’était loin de satisfaire la production des CPR. Dans le cadre de cette politique, des individus issus de voies professionnelles ou de corporations souhaitant faire carrière dans l’enseignement furent recrutés et formés sur le tas pour enseigner. La stratégie alternative de recrutement de personnel enseignant (SARPE) dans les années 1990 peut donc être considérée comme la rémanence de cette politique de recrutement d’enseignants des premières années de l’indépendance. Elles poursuivent une augmentation des taux de scolarisation qui reste intimement corrélée, du moins pour le cas d’espèce, à une baisse de la qualité, voire de la dévalorisation du métier d’enseignants. Traoré (2000) en a fait le constat : « le système de recrutement des élèves-maîtres et des maîtres (…) ainsi que la durée de la formation dans les CPR (…) montrent que l’accent était plutôt mis sur la quantité des maîtres à former pour élever le taux de scolarisation que sur la qualité de leur formation » (Traoré, 2000, p. 31).

A partir des 1970, les CPR vont être transformés en « Instituts pédagogiques d’enseignement général » (IPEG) par le Décret n° 107/PG-RM du 21 août 1970 avec un cycle de formation de deux ans pour les titulaires du DEF et d’une année pour les titulaires du Baccalauréat et les élèves de la troisième année de l’enseignement secondaire général technique et professionnel. La formation des bacheliers était théorique et pratique. Celle des titulaires du DEF comportait en plus une formation

générale. A la fin de leur formation, ceux-ci enseignaient au niveau du 1er cycle de

l’enseignement fondamental, alors que les titulaires du baccalauréat enseignaient au second cycle du même ordre d’enseignement.

En 1986, la durée de la formation dans les IPEG a été prolongée à quatre ans pour les titulaires du DEF et à deux ans pour les bacheliers. Conséquemment, les programmes de

formation vont être enrichis. A partir de 1990, ne seront admis dans les IPEG que les titulaires du baccalauréat ou diplôme jugé équivalent. Cette mesure combinée au gel des recrutements dans la fonction publique dans le cadre de l’ajustement structurel, entraîna la fermeture de la quasi-totalité des IPEG. Nous sommes dans la décennie 1980 – 1990. En 2000, dans le cadre de la mise en œuvre du PRODEC, les IPEG ont été remplacés par les « Instituts de formation des maîtres » (IFM) par le Décret n° 529/P-RM du 26 octobre 2000 avec comme missions :

- la formation du personnel destiné à enseigner au 1er et au second cycle de

l’enseignement fondamental ;

- la mise en œuvre et l’évaluation de toutes expériences visant à l’adaptation

continue de l’enseignement fondamental.

Selon le profil d’admission en IFM (diplôme du DEF ou du Baccalauréat), la durée de formation est de 4 ou 2 ans, comme dans les IPEG. Parallèlement, les programmes de formation varient suivant le profil (maîtres généralistes ou maîtres spécialistes) ou le cycle de formation (2 ou 4 ans). Les maîtres généralistes sont destinés au premier cycle de l’enseignement fondamental. Ils font 4 ou 2 ans de formation selon qu’ils sont titulaires du DEF ou du Baccalauréat. Les maîtres spécialistes interviennent au niveau du second cycle du même ordre d’enseignement. Leur séjour en IFM est également de 4 ou 2 ans selon qu’ils détiennent le DEF ou le Baccalauréat à l’entrée.

Les contenus de la formation mettent l’accent sur les disciplines que l’élève maître aura à enseigner à sa sortie et sur les disciplines contribuant à sa formation professionnelle, entre autres la psychopédagogie, la didactique des disciplines, la législation scolaire et la morale professionnelle.

La formation est assurée par des professeurs d’enseignement secondaire sortis de l’Ecole normal supérieur (ENSUP) et des professeurs d’enseignement fondamental, auxquels il faut ajouter les sortants de l’Institut national des arts (INA).

En termes d’équivalence, le diplôme des IFM est équivalent à celui de l’INA : DEF plus quatre. Il convient donc de s’interroger sur la pertinence du choix des sortants de l’INA comme formateurs des futurs enseignants, même s’ils ne sont chargés que de l’animation socio-culturelle et des technologies (travaux pratiques manuels, agriculture

et élevage). Il en est de même de certains sortants de l’ENSUP formés pour l’enseignement secondaire général. Ni l’une ni l’autre de ces deux catégories d’enseignants n’a reçu de formation préalable de formateur des futurs enseignants, si ce n’est leur qualification professionnelle spécialisée. Celle-ci est-elle suffisante pour l’habilitation professionnelle des futurs enseignants ? Cette question vaut également pour les programmes de formation, le temps dévolu à la formation, etc.

Comme précédemment annoncé, l’on s’aperçoit que divers changements ont été apportés dans le dispositif de formation des enseignants dans le temps. La conséquence la plus perceptible de ces changements fut une multiplication du profil d’enseignants. Dans les écoles maliennes notamment au niveau primaire, se retrouvent des enseignants aux profils divers et variés. Alors que certains ont été formés en une année dans les CPR, quoique cette espèce soit en voie de disparition avec les départs à la retraite ; d’autres l’auront été dans les IPEG ou les IFM et, selon leur profil d’admission ou le moment où ils ont fait leurs études, la durée de leur formation s’est étalée sur un, deux ou quatre ans. A côté de ces enseignants dits « professionnels », il existe des enseignants issus de la stratégie alternative avec une durée de formation de 15, 45 ou 90 jours et des enseignants n’étant issus d’aucun de ces dispositifs et dont la formation académique est, somme toute très aléatoire, à peine le niveau du certificat d’études primaire, comme l’indique le tableau ci-après.

.Tableau n°1 : Profil de formation académique et pédagogique des enseignants du 1er Cycle de l’Enseignement fondamental

Source : Annuaire des statistiques de l’enseignement fondamental 2006 – 2007, p. 632 Total

personnel en classe

Personnel/Diplôme académique élevé Personnel/Diplôme pour enseigner Sexe

Licence/Maîtrise DEUG/BTS BAC DEF CAP/BT Aucun Moyenne jours formation

IPEG/CPR IFM ENSEC ENTF INS/INA

ENSUP SARPE AUCUN Homme 24393 341 280 2564 13287 5 277 2 644 5.7 3163 2343 180 118 5 138 13 451 Femme 8837 29 43 335 4855 2 853 722 5.5 957 878 45 18 2 855 4 084 Total 33230 370 323 2899 18142 8130 3366 5.6 4120 3221 225 136 7 993 17 535

La majorité des enseignants qui évoluent au niveau du premier cycle de l’enseignement fondamental n’ont reçu aucune préparation, en termes de formation au métier d’enseignant (53%). Leur formation générale est équivalente au DEF (55%). D’où le constat d’un déficit de formation au recrutement qui, à certain égard, semble être également le lot des sortants des écoles de formation d’enseignants dont les programmes de formation, la qualité des formateurs, le temps dévolu à la formation et même le profil d’entrée des futurs enseignants ne semblent pas orientés sur leur habilitation professionnelle.

« Un niveau de qualification des sortants d’IFM au-dessous des attentes : de l’avis des utilisateurs des produits des IFM (directeurs d’écoles, directeurs des centres d’animation pédagogique et directeurs d’académie), ceux-ci offrent des prestations qui sont largement au-dessous des attentes. Sur le plan professionnel aussi bien que sur le plan purement académique, les nouveaux maîtres font preuve d’insuffisances qui limitent dans une certaine mesure la qualité des enseignements dispensés16 ».

Dans un tel contexte, l’on s’aperçoit bien que l’un des enjeux actuels de la qualité du système éducatif malien repose sur la formation des enseignants, des enseignants dont les besoins de formation sont à la dimension de leur déficit de qualification académique et pédagogique, ainsi qu’il ressort des analyses de besoins effectuées par le ministère de l’éducation.