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THEORIES ET PRATIQUES DE FORMATION DES ENSEIGNANTS

3.1. Les théories de l’enseignement et de l’apprentissage

3.1.1. Le couple enseignement-apprentissage

Le Dictionnaire actuel de l’éducation (Legendre, 1993), définit l’enseignement comme un « processus de communication en vue de susciter l’apprentissage… ». Suivant cette définition, nous retiendrons que l’objet de l’enseignement est l’apprentissage qui se présente comme étant sa finalité. L’enseignement est donc un acte par lequel une personne est chargée de faire apprendre, d’instruire une autre personne. La personne dont le rôle est de faire apprendre est l’enseignant et la personne qui apprend est l’apprenant ou l’élève.

L’enseignement ici se présente comme un processus dont l’apprentissage est le produit. D’ailleurs, c’est en tant que produit, valeur ajoutée que le même Dictionnaire définit l’apprentissage : la « résultante d’un cheminement d’évolution chez un sujet et qui peut se traduire, entre autres, par l’acquisition de connaissances, le développement d’habiletés ou d’un savoir-faire, l’adoption de nouvelles attitudes, de nouvelles valeurs, de nouvelles orientations cognitives, de nouveaux intérêts, ou d’un savoir-être ».

Remarquons que la nouvelle politique de formation des enseignants du fondamental au Mali appréhende l’enseignement dans la même perspective, en le définissant par rapport à sa finalité (l’apprentissage). En effet, elle postule que les enseignants doivent-ils acquérir une formation professionnelle de qualité, d’autant que le but de leur enseignement est d’amener tous les élèves du fondamental à réussir. « La refondation de l’enseignement fondamental centre l’intervention éducative sur l’accueil de tous les enfants et leur réussite35».

D’un point de vue historique, il faut préciser que cette conception de l’enseignement correspond au passage à un système d’enseignement institutionnalisé. En effet, selon

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Gauthier et al. (1997), le XVIIème siècle a vu apparaître la notion de classe, consistant en un regroupement d’enfants (apprenants, élèves) selon divers critères notamment l’âge, pour recevoir un enseignement de manière simultanée. C’est l’époque qui va voir apparaître également des méthodes et techniques pour mieux faire apprendre, c’est-à-dire les premiers essais pédagogiques.

Le XVIIème siècle marque donc la fin de l’enseignement conçu sur le mode du préceptorat où les enfants individuellement faisaient école. « Faire l’école » jusqu’au XVIIème siècle renvoie à un système d’enseignement individuel. C’est donc à partir de cette époque, qu’on assista à un changement de paradigme, dans la mesure où l’on est passé d’un système d’enseignement individuel à un système d’enseignement collectif, plutôt institutionnalisé. Ce faisant, « enseigner » ne signifie plus « faire école au singulier », mais désigne un « enseignement simultané en s’adressant à l’ensemble des élèves en même temps » (Gauthier et al. p.22).

La définition précédemment proposée par Legendre (1993) est à rattacher à cette conception de l’enseignement faisant référence à l’univers scolaire (Durand, 1996) et dont la caractéristique principale, comme dans la tragédie grecque, est la règle des trois unités : l‘unité de temps, l’unité de lieu et l’unité d’action et qui vise comme finalité première l’apprentissage. Selon Dembélé dans ADEA (2003), plusieurs auteurs sont unanimes à reconnaître que la qualité de l’enseignement détermine ainsi pour plusieurs auteurs les résultats scolaires des élèves (Lockheed et Verspoor, 1991 ; Darling-Hammond, 2000 ; Gauthier et al., 2003),.

Pour Sanders et Rivers (1996, cité également par Dembélé, l’enseignant produit un effet à la fois cumulatif et résiduel sur les résultats scolaires. Autrement dit, « l’impact des enseignants s’additionne mais il laisse en outre des traces durables » (Dembélé in ADEA, 2003, p.177)

La vision malienne du rôle de l’enseignant est, somme toute, identique à celle de ces différents auteurs. En effet, selon le nouveau dispositif, il revient à l’enseignant :

« D’éduquer : faire acquérir des connaissances, savoir-faire et savoir-être ;

De socialiser :

faciliter l’enracinement dans le milieu et l’ouverture sur le monde ;

cultiver le sens de la responsabilité, de l’autonomie et de l’esprit de groupe ;

orienter vers la culture de la paix, de la démocratie, de la protection de l’environnement ;

De qualifier :

donner une formation physique, intellectuelle, civique et morale ;

favoriser l’acquisition d’habiletés permettant à l’enfant de continuer ses études ou de s’insérer dans la vie active »36.

Le dispositif attribue à l’enseignant de très grandes responsabilités pour la réussite des élèves. En effet, on s’aperçoit que la qualité des apprentissages restent intimement corrélée à la qualité de l’enseignement plus qu’à tout autre facteur. Il appartient ainsi à l’enseignant de créer les conditions propices pour « éduquer », « instruire », « socialiser » et « qualifier » les élèves. Dans cette logique, ces faits se présentent alors comme la résultante de l’action exercée par l’enseignant. Cette perception est celle qui se retrouve dans la définition de l’enseignement proposée par Legendre (1993) en tant que processus visant à « susciter l’apprentissage ».

Si on accepte l’idée suivant laquelle l’enseignement vise à « susciter l’apprentissage » que le même auteur définit comme le cheminement de l’apprenant vers l’acquisition de connaissances, de savoir-faire et de savoir-être et le développement d’habiletés, d’attitudes et de valeurs s’ajoutant à sa structure cognitive ; alors la question se pose de savoir de quelle façon l’enseignement permet-il ce cheminement.

Pour trouver des éléments de réponse à cette question, il faudrait se reporter à la définition de l’apprentissage que Legendre emprunte à Séguin S.P. (1974). Cet auteur définit l’apprentissage comme étant le « produit par lequel un sujet progresse en fonction d’objectifs déterminés, à travers un cours ou un programme, avec l’aide d’autres sujets et de procédés ou d’instruments qui sont à sa disposition, dans un environnement ».

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Cette définition nous permet d’appréhender l’enseignement sous l’angle de la

planification, de l’organisation nécessaire pour impulser une dynamique

d’apprentissage. Cependant, cette planification, si elle est nécessaire, elle n’est pas suffisante, en soi, pour apprendre. Car, l’efficacité de la programmation concerne l’enseignement et non l’apprentissage. Meirieu, 1995), dans une communication au

« Colloque sur les pédagogies de la médiation37 » fait remarquer que l’essentiel des

apprentissages ne s'effectue pas à l'occasion des enseignements mais, en d’autres occasions : travail en bibliothèque, interactions entre pairs, et toute une série de situations et de circonstances qui ne sont pas celles d'enseignement. Faudrait-il alors comprendre qu’« enseignement » et « apprentissage » relèvent de logiques distinctes. Or, très souvent, on entend « processus enseignement-apprentissage », une expression qui tend à présenter enseignement et apprentissage comme deux grandeurs inversement proportionnelle. Selon Astolfi (2003), ce concept renvoie au « déroulement synchrone de chaque pas de l’explication magistrale avec un pas correspondant dans sa compréhension par la classe. A mesure que le professeur explique, les choses seraient censées s’inscrire silencieusement dans la tête des élèves…. » (Astolfi, 2003, p.26). Toutefois, il s’agit selon lui, d’une vision assez réductrice de la situation enseignement-apprentissage. En vérité, « dans bien des cas, les choses sérieuses ne font que commencer pour l’élève lorsque l’enseignant en a, lui, terminé » (Astolfi, 2003, p. 26). L’enseignement comme mode d’organisation des situations d’apprentissage vise, certes, à créer des conditions favorables à l’apprentissage. Toutefois, il ne suffit pas à l’enseignant d’enseigner pour que l’apprenant apprenne. En effet, comme le dira Astolfi (2003), dans le processus enseignement-apprentissage, « nous sommes bien face à deux configurations distinctes, à la fois de la compréhension du processus d’apprentissage et de l’exercice du métier d’enseignants ». D’où cette autre définition de l’enseignement en tant que processus, opération ou acte tendant à la « transmission », à la « construction » des savoirs. Si l’acte de transmission des savoirs aux élèves relève d’un modèle de communication didactique « assez rustique », la construction des savoirs relève d’un modèle assez complexe (Astolfi, 2003).

37 Meirieu P., Les théories pédagogiques sont-elles faites pour être mises en pratique, colloque sur les pédagogies de la médiation, octobre 1995, CREPS de Poitiers, http://www.meirieu.com/ARTICLES/miseenpratique.pdf, consulté le 21/12/2007

On retrouve là deux conceptions opposées de l’enseignement qui évolue de la transmission à la construction de savoirs. La première conception place l’apprenant dans un rôle d’acteur plutôt passif. « Ils sont les destinateurs d’un enseignement apprêté pour eux, et par rapport auquel il est attendu qu’ils se placent en situation d’écoute, d’accueil et d’effectuation docile » (Astolfi, 2003, p.24). La seconde conception place l’apprenant au cœur du dispositif et appréhende l’enseignement comme un processus de construction de savoirs.

Ce changement de paradigme concerne la finalité de l’enseignement : l’apprentissage. En effet, la première conception, la conception transmitive place l’apprenant dans un rôle de récepteur passif de l’enseignement. L’apprenant reçoit l’enseignement (les savoirs, savoir-faire, savoir-être et toutes autres formes d’habiletés et compétences) transmis par l’enseignant. Avec la seconde conception, l’apprenant joue sur un double registre. Il est à la fois récepteur et émetteur dans le schéma didactique. Dans ce cas, l’apprentissage n’est pas induit de l’activité d’enseignement de l’enseignant, mais « s’opère via une reconstruction personnelle des savoirs par chacun », selon Astolfi, « l’apprentissage est toujours une conquête personnelle et coûteuse qui ne relève en rien de la transmission, mais bien plutôt d’un effort permanent pour mobiliser les aspirations du sujet en même temps que les ressources du groupe social. Apprendre recèle ainsi une forte charge de violence symbolique, en même temps que cela requiert toute l’énergétique personnelle » (Astolfi, 2003, p. 25).

Enseignement et apprentissage ont donc chacun leur spécificité. Cette conception se retrouve dans toutes les grandes écoles de la pensée psychopédagogique, notamment celles issues du cognitivisme : le constructivisme et le socioconstructivisme. D’où le rôle et l’importance, dans l’acte d’apprentissage, des stratégies cognitives et métacognitives pour l’école cognitiviste, pour qui, il importe à l’apprenant d’emmagasiner des connaissances, de les traiter et de les organiser. De ce point de vue l’apprenant devient un sujet aussi actif que l’enseignant.

Ce sujet actif devient aussi un sujet constructif dans l’école constructiviste. En effet, pour les constructivistes, l’action de l’apprenant dans l’acquisition de connaissances, tient plus du rôle de celui-ci même que d’un intervenant extérieur. Pour Tardif (1997), l’apprentissage implique la construction de connaissances et de savoir-faire permettant d’avoir un pouvoir sur les choses. Dans cette même logique, Bruner (1996) dira

qu’apprendre, c’est tout simplement « construire du sens ». Il appartient en effet à l’apprenant de construire sa propre réalité et de l’interpréter à partir des informations reçues, quelles qu’elles soient. Ici, les connaissances ne sont pas perçues comme le reflet de la réalité mais, elles émanent plutôt des représentations de notre expérience personnelle du monde.

Selon la conception socio-constructiviste un apprenant co-construit ses connaissances avec l’aide et surtout en mesurant ses représentations avec celles des autres. Ainsi, toute situation d’apprentissage (enseignement) vise à provoquer et résoudre des conflits cognitifs et même socio-cognitifs. Cet aspect est particulièrement important dans la théorie de l’apprentissage de Vytgoski. Ainsi, la médiation d’autrui acquiert une singulière importance dans la mesure où il y a un écart entre la capacité intellectuelle propre de l’individu et celle acquise grâce à la médiation d’autrui. C’est justement à ce confluent qu’il situe sa fameuse « zone proximale de développement ».

A contre courant des théories cognitivistes, se trouve le béhaviorisme. Plus qu’une théorie, le béhaviorisme peut être considéré comme une doctrine, un courant de pensée pour qui, l’apprentissage se définit comme la capacité à donner la réponse adéquate. Le béhaviorisme appréhende l’apprentissage à travers les modifications issues du comportement observable. Ces modifications qui sont successives et graduelles, s’opèrent par l’effet de renforcements, à la fois positifs et négatifs. Le béhaviorisme est antérieur aux théories constructiviste et socioconstructiviste. Ce sont justement les critiques formulées à l’égard de sa manière d’appréhender l’apprentissage qui occulte les connaissances en privilégiant le rôle des interactions avec l’environnement et leurs influences sur l’acquisition des connaissances que d’autres théories ont vu le jour.

Mais, nous nous intéressons moins à ces théories qui relèvent davantage de la théorie des apprentissages qu’à leurs influences sur le renouvellement des méthodes d’enseignement et des pratiques d’apprentissage, somme toute, la dimension pédagogique et/ou didactique.

3.1.2. Processus de transmission et de construction des savoirs : les