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THEORIES ET PRATIQUES DE FORMATION DES ENSEIGNANTS

3.3. Images et représentations de l’enseignant

Le magister

Le terme magister renvoie à l’enseignant suffisamment compétent en termes de connaissance de la matière pour enseigner. Le magister n’a pas besoin de formation pédagogique. La connaissance qu’il a de la matière, son charisme et ses compétences en rhétorique sont largement suffisantes pour enseigner (Altet, 1996).

C’est le modèle de l’enseignement transmissif hérité de la scolastique. Le rapport pédagogique relève ici d’un contrat de position dissymétrique (Filloux, 1974, cité par Astolfi, 2003), dans la mesure où le maître dispose d’un savoir que ne possèdent pas les élèves, celui-là en tant que transmetteur de connaissance, leur déverse ce qu’il sait et ceux-ci, l’écoutent passivement. Le savoir du maître est ici un savoir autoritaire qui risque constamment d’induire un rapport de soumission. En effet, la position dominante du maître tend à rendre vaine son action pédagogique, d’autant que l’apprentissage nécessite davantage une relation pédagogique fondée sur la connivence et la confiance. Dans la position traditionnelle du magister, cette relation fonctionne de façon assez trouble. Car, la classe peut être difficilement gouvernée à partir de l’énoncé des positions réelles en présence. Dès lors, s’efforce-t-on de transformer le rapport hiérarchique des places en une alliance des « natures » plus égalitaires, pour que l’autorité du maître soit plus acceptable, plus « naturelle ». La logique de ce contrat pédagogique foncièrement ambigu vise à faire participer au maximum les élèves, d’une façon assez formelle.

L’artisan, l’ingénieur et le gestionnaire

Dans le sillage de l’enseignant artisan ou ingénieur, on retrouve également des images de l’enseignant technicien ou gestionnaire Ces représentations renvoient à l’image de l’enseignant élaborant des projets, des plans d’action, préparant minutieusement le déroulement des activités de classe, des séquences et organisant les stratégies de progression des élèves. Ces images s’opposent à la vision de l’enseignant savant et considèrent celui-ci comme un organisateur de connaissances. Ces images découlent de l’influence de la théorie des organisations des systèmes.

Cette théorie dérive d’une vision systémique de l’univers constitué d’un tout. En effet,

un système se définit comme « la totalité organisée d'un ensemble d'unités actives

organisées et solidaires, en relation-interaction entre elles et en relation-interaction avec un/des environnements par l'intermédiaire de flux identifiables qualitativement et quantitativement39 ».

L’approche systémique issue de cette lecture de la réalité a donné naissance à la méthode qui privilégie la dynamique des systèmes en relation et en interrelation au tournant des années 1940. Celle-ci appréhende les phénomènes, selon Lydia

Fernandez40, comme un macrocosme à la fois moins et davantage plus que la somme

arithmétique de ses parties. Ils induisent des propriétés émergentes, du fait de leur organisation et des relations que nouent les éléments actifs entre eux, et ainsi font émerger de nouvelles propriétés mais font corollairement perdre certaines potentialités qu'auraient ces parties prises isolément.

Dans le domaine de l’enseignement, l’approche systémique vise l’analyse de situations éducatives concrètes et à l’amélioration de l’efficacité du processus enseignement-apprentissage. C’est ainsi que Lapointe décrit la fonctionnalité de la systémique au niveau du système d’apprentissage : « la fonction principale d'un système d'apprentissage est de modifier chez l'étudiant un état donné à un autre état, un certain savoir (intrant) à un nouveau savoir (extrant), un non-faire (intrant) à un savoir-faire donné (extrant). Certaines de ces modifications, de ces transformations pourront s'effectuer par le biais de stratégies d'enseignement souvent appelées variables d'action ou variables de transformation. Un système d'étude de besoins transformera des données brutes décrivant une situation problématique (intrants) en une liste de besoins distribués par ordre de priorité (extrants). Ces transformations s'opéreront par des techniques de cueillette, de traitement, d'analyse et d'interprétation de données. Elles pourront être maîtrisées et appliquées par un enseignant ou un formateur pour effectuer la transformation « sentiment d'une situation problématique en besoins priorisés ».

39 http://jfa04.chez-alice.fr/gensyst.html , consulté le 12/01/ 2007

40 Lydia Fernandez, « l’approche systémique », http://www.asso-etud.unige.ch/adepsy/doc/systemique.pdf, consulté le 12/01/2007

Cependant, ces transformations se feront en fonction de certains critères nous permettant de vérifier la réussite ou l'échec du système. Ces critères, variables essentielles en systémique, pourront être, en éducation et en analyse de besoins, les finalités, les buts ou les objectifs d'apprentissage poursuivis par un système d'enseignement ou de formation, un programme d'études, un cours ou une leçon41 ».

Il s’en suit une image de l’enseignant gestionnaire, technicien ou ingénieur, doté de compétences de type managérial pour organiser et piloter son enseignement. Ce qui suppose des capacités d'auto-éco-re-organisation en tant que paradigme de l'organisation42.

L’auto-organisation désigne l'autonomie nécessaire, c’est-à-dire la capacité d'auto-organisation,

L’éco-organisation exprime un fonctionnement obligatoirement ouvert, échangeant avec des environnements,

La re-organisation désigne les modalités de réorganisations indispensables pour se maintenir et se développer dans le même temps.

Ces notions renvoient à un principe « organisateur de la connaissance » qui réorganise le système mental, nos schèmes mentaux afin de réapprendre à apprendre. « Apprendre à apprendre », « c’est accepter de s’ouvrir aux choses et de recevoir d’elles ».

41 Lapointe J., L'approche systémique et la technologie de l'éducation, Département de technologie de l'enseignement - Faculté des sciences de l'éducation, Université Laval, Québec,

http://www.sites.fse.ulaval.ca/reveduc/html/vol1/no1/apsyst.html, consulté le 12/01/2007

42

« Quelques généralités sur l’approche systémique et sur les techniques Qualité », http://jfa04.perso.infonie.fr/gensyst.html, consulté le 18/12/2006

Tableau n° 6 : Approche systémique de l’apprentissage et de la pédagogie Il y a plusieurs chemins pour apprendre la même

chose.

Tout n’est pas fini avant « x » ans, et on peut, apprendre et changer toute sa vie.

Le terreau sur lequel se sème un enseignement est différent pour chacun. Il est donc important de varier ses styles d’enseignement, pour pouvoir rejoindre les différents styles d’apprentissage des élèves.

Une même séquence d’enseignement peut donner lieu à des apprentissages très différents en fonction des personnes.

Apprendre à apprendre met en jeu le

fonctionnement mental (Piaget), le fonctionnement social (Vygotski), le fonctionnement affectif (Bloom) et le fonctionnement culturel.

Il est important de reconnaître l’importance de la valeur des apprentissages non prévu par

l’enseignant, de tout ce qui se passe autour et alentours.

Même si les sciences cognitives ont énormément progressé, nous ignorons encore beaucoup de choses sur la façon dont se construit (ou non) et se transfère (ou non) un apprentissage.

L’apprentissage d’un jour est parfois le fruit de l’interaction de multiples facteurs qui se sont progressivement accumulés et agencés entre eux depuis de longues années, jusqu’à produire un éclair apparemment brutal.

Les références culturelles jouent un grand rôle dans les processus de construction de nouvelles visions du monde. Celles de l’enseignant et celles de l’élève ne sont pas nécessairement les mêmes. Il est important d’en tenir compte.

Les blocages dans l’apprentissage peuvent eux aussi être dus à des résistances occultes enfouies dans notre inconscient depuis longtemps ou à des manières de fonctionner très stables, qui ont eu un sens dans notre vie, même si elles ne sont plus adaptées aujourd’hui.

Approcher un sujet de manière systémique implique une approche pédagogique

interdisciplinaire. C’est parfois plus facile et plus riche en équipe, mais pas nécessairement.

Il y a un certain lâcher prise à accepter, voire à cultiver, tant de la part de l’enseignant que de la part de l’apprenant. Se débarrasser de notre volonté de toute puissance sur nous-mêmes et sur le devenir des autres.

Source : L’approche systémique : quelques notions clés, quelques idées fortes pour une

approche systémique en pédagogie43

En plus de ces représentations de l’enseignant, on retrouve dans la littérature des notions de décideurs ou d’expert associées à l’image de l’enseignant.

L’enseignant décideur se caractérise par sa capacité de cueillette et de traitement d’informations issues de situations d’enseignement-apprentissage. C’est ce que Tardif

43 « L’approche systémique : quelques notions clés, quelques idées fortes pour une approche systémique en pédagogie », http://www.lmg.ulg.ac.be/competences/chantier/contenus/cont_syst1.html, consulté le 12/01/2007

(1992) appelle l’enseignant stratégique qu’il définit comme un enseignant preneur de décisions à partir « des réflexions que lui suggère la connaissance qu’il a de l’élève et de ce qu’il sait déjà, de la connaissance des stratégies cognitives et métacognitives requises de la part de l’élève pour atteindre les objectifs planifiés et la connaissance du contenu des programmes » (Tardif, 1992, p. 305).

L’enseignant expert se perçoit comme celui qui est capable de procéder à des interférences à différents niveaux dans des situations diverses. Cette notion repose selon Tochon (1993) sur deux caractéristiques. Pour lui, l’expertise est d’abord « spécifique à un type de tâche, elle n’a qu’un domaine limité », puis se définit par rapport à « des outils puissants d’analyse pour interpréter des situations et prendre des décisions » (Tochon, 1993, p. 132).

Selon Altet (1994), suite aux travaux de Berliner (1986) sur le fonctionnement cognitif, l’enseignant traverse cinq niveaux pour atteindre l’expertise :

le novice, qui apprend et applique des règles sans tenir compte des contextes ;

le débutant avancé qui commence à tenir compte des contextes et exploite son

expérience en termes d’analogies et de similitudes ;

le compétent, plus avancé dans la possibilité d’opérer des choix en fonction des

résultats antérieurs (échecs, réussites), des contextes ;

l’expérimenté, qui débute une réflexion en action parce qu.il arrive à mieux

gérer des éléments qui semblent contradictoires en apparence ;

l’expert, qui a atteint un plus haut degré dans la réflexion en action, en ce sens

que les réactions aux stimuli du contexte se traduisent immédiatement en interprétation opérationnelle (Altet, 1994).

Il faut noter que ces différentes représentations de l’enseignant ne s’excluent pas l’une l’autre. Elles se complètent. Il faut donc les situer dans une perspective évolutive dont la notion d’enseignant-professionnel représente le summum. Elle tente en effet d’appréhender en un seul concept ces différentes images de la fonction enseignante.