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1 – L’hypothèse de l’inconscient et de son sujet

PAS SANS LE SUJET

II. 1 – L’hypothèse de l’inconscient et de son sujet

L’hypothèse de la découverte freudienne de l’inconscient, qualifiée de révolu-tionnaire, introduit une coupure épistémique pour la première fois dans le champ des connaissances humaines. Cet inconscient, dont il ne s’agit plus aujourd’hui d’apporter de preuve de son existence, pas plus qu’il ne s’agit de le réduire à une croyance ou à un mode d’existence livresque, serait un objet d’études pour les bachelors, en somme.

Cet inconscient est dit par Lacan structuré comme un langage, mais nous pou-vons toujours le considérer comme une hypothèse qui ouvre le chantier que nous apou-vons à parcourir.

À cette hypothèse de l’inconscient, il faut ensuite adjoindre celle d’un sujet à l’instar de la façon dont J. Lacan l’introduit à la page 800 de ses Écrits29 : « La structure

du langage une fois reconnue dans l’inconscient, quelle sorte de sujet pouvons-nous lui conce-voir ? » Nous arrivons, par conséquent, non plus à une simple, mais à une double

hypo-thèse : l’hypohypo-thèse d’un sujet supposé à l’hypohypo-thèse du savoir inconscient ».

Cette double hypothèse, double supposition, constituera pour Lacan la formule générique du transfert, psychanalytique, mais pas exclusivement après tout, il s’agit de la formule du sujet-supposé-savoir — double hypothèse nécessaire (mais certes non suffi-sante) pour qu’une analyse puisse commencer. Nous nous sommes contentés pour l’instant, comme réponse à ce qui nous autorise à cette démarche de recherche dans le cadre de l’université, de celle de la double hypothèse du savoir inconscient et du sujet. Mais si elle semble suffisante pour lancer une étude ou un travail de recherche, elle est un peu courte dans notre démarche dans la mesure où nous ne pouvons aucunement réduire le dit sujet à un objet de connaissance ou de recherche « commun ». Car, si tout le monde peut savoir que le « sujet » en psychanalyse ne peut se réduire à un « objet » d’étude, une étude ou au mieux une approche psychanalytique — ne serait-ce que d’un concept psychanalytique — nécessite un peu plus qu’une étude : d’où le nom d’approche privilégié ici.

Tout d’abord le sujet comme concept psychanalytique est difficile à appréhen-der : en effet un concept (Begriff) en psychanalyse ne peut jamais se réduire à une ou à

un ensemble de définitions. S. Freud est là-dessus on ne peut plus clair et cela il y a déjà pratiquement un siècle. En effet, en 1915 il écrit dans Pulsions et Destins des pulsions 30 :

« Nous avons souvent entendu formuler l’exigence suivante : une science doit construire sur des concepts fondamentaux clairs et nettement définis. En réalité aucune science, même la plus exacte, ne commence par de telles définitions. Le véritable commencement de toute activité scientifique consiste plutôt dans la description de phénomènes, qui sont ensuite rassemblés ordonnés et insérés dans des relations. Dans la description, déjà on ne peut éviter d’appliquer au matériel certaines idées abstraites que l’on puise ici ou là et certainement pas dans la seule expérience actuelle. De telles idées — qui deviendront les concepts fondamentaux de la science sont dans l’élaboration ultérieure des matériaux, encore plus indispensables. Elles comportent d’abord nécessairement un certain degré d’indétermination ; il ne peut être question de cerner clairement leur contenu ; aussi longtemps qu’elles sont dans cet état on se met d’accord sur leur signification en multi-pliant leurs références au matériel de l’expérience, auquel elles semblent être empruntées mais qui en réalité, leur est soumis. Elles ont donc en toute rigueur, le caractère de conventions, encore que tout dépende du fait qu’elles ne soient pas choisies arbitraire-ment mais déterminées par leurs importantes relations aux matériaux empiriques ; ces relations, on croit les avoir devinées avant même de pouvoir en avoir connaissance et en fournir la preuve. Ce n’est qu’après un examen plus approfondi du domaine des phé-nomènes considérés que l’on peut aussi saisir plus précisément les concepts scientifiques fondamentaux qu’il requiert et les modifier progressivement pour les rendre utilisables ainsi que libres de toute contradiction. C’est alors qu’il peut être temps de les enfermer dans les définitions. Mais le progrès de la connaissance ne tolère pas non plus de rigidité dans les définitions. Comme l’exemple de la physique l’enseigne de manière éclatante, même les “ concepts fondamentaux ” qui ont été fixés dans des définitions voient leur

ifié ». [Nous nous excusons de cette longue citation]. contenu constamment mod

Nous avons toujours intérêt à nous laisser enseigner par ce genre d’approche à la fois limpide et, somme toute, contraire à tout idéalisme psychologiste ou scientiste. Un concept (surtout en matière psychanalytique) reste toujours « vivant », et il convient — me semble-t-il — de le travailler afin que l’on puisse extraire tous les enseignements pos-sibles jusqu’à… son épuisement (il meurt de devenir inopérant à force d’opérer).

À cette remarque, il faut ajouter que le concept de sujet, une fois forgé à partir de l’œuvre théorique et clinique de Freud, de Lacan et d’autres, est aussi un concept opéra-tionnel. Il permet de s’orienter dans la pratique de la clinique. Déjà en tant que concept psychanalytique nous verrons que le sujet… ne nous appartient pas (l’expression est de P. Bruno) ! Qu’est-ce que ça veut dire ? Que, tout d’abord, il est simplement insaisissa-ble. On ne peut le cerner, l’arrêter, le coincer, dire ce qu’il est. Car, tout simplement, le temps même de le dire… il n’est plus là (de n’être que représenté, d’exiger l’énonciation…).

C’est aussi ce qui relance la question de ce qui nous autorise. Qu’est-ce qui nous autorise par exemple à parler en son nom ? Sujet au langage, ou sujet à la parole voire à son absence, sujet d’acte ou d’acte manqué voire d’acting out ou de passage à l’acte, pré-sent ou abpré-sent, « ayant des absences » comme on dit parfois ; quand on pense parler d’un sujet en particulier, on parle de, on parle sur, mais avant tout en psychanalyse en termes de clinique psychanalytique : un sujet d’abord parle (ou se tait, mais c’est toujours une façon de se situer par rapport à la parole).