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4 –L’holophrase et la position psychotique

PAS SANS LE SUJET

III. 4 –L’holophrase et la position psychotique

Évidemment, il existe des cas où il n’y a pas de manque ou d’intervalle entre si-gnifiants, dans la mesure où une coalescence vient les compacter comme par exemple dans le cas de l’holophrase. Dans le séminaire Les quatre concepts fondamentaux de la

psy-chanalyse, Lacan associe l’holophrase avec le retard mental voire la psychose en faisant

allusion aux travaux de Maud Mannoni : « J’irai jusqu’à formuler que, lorsqu’il n’y a pas

d’intervalle entre S1 et S2, lorsque le premier couple de signifiants se solidifie, s’holophrase, nous avons le modèle de toute une série de cas, encore que dans chacun le sujet n’y occupe

pas la même place.

C’est pour autant que, par exemple, l’enfant, l’enfant débile, prend la place, au

tableau, en bas à droite, de ce S, au regard de ce quelque chose à quoi la mère le réduit à n’être plus que le support de son désir dans un terme obscur, que s’introduit dans l’éducation du débile la dimension psychotique. […] C’est assurément quelque chose du même ordre dont il s’agit dans la psychose. Cette solidité, cette prise en masse de la chaîne signifiante primitive, est ce qui interdit l’ouverture dialectique, qui se manifeste dans ce phénomène de croyance. Au fond de la paranoïa elle-même, qui nous paraît pourtant tout animée de croyance règne, ce phénomène de l’Unglauben. Ce n’est pas le n’y pas croire mais l’absence d’un des termes de la croyance, du terme où se désigne la division du sujet. S’il n’est pas, en effet, de croyance qui ne suppose dans son fond que la dimension dernière qu’elle a à révéler est strictement corréla-tive du moment où son sens va s’évanouir. »49 C’est une indication précieuse de Lacan qui

s d’une défaillance structurale qui met le sujet dans met en série les conséquence

49. LACAN, J. Séminaire Livre XI Les quatre concepts fondamentaux de la Psychanalyse. Paris : Seuil, 1973, p. 215-216.

l’impossibilité de s’appuyer sur « sa propre disparition » dans le rapport dialectique avec le manque de l’Autre.

Être le support du désir de l’Autre dans un terme obscur, n’est-il pas à mettre en relation avec les indications qu’il donne par ailleurs à la première de deux notes adressées à Jenny Aubry :

« le symptôme de l’enfant se trouve en place de répondre à ce qu’il y a de

symptomati-que dans la structure familiale. Le symptôme, c’est le fait fondamental de l’expérience analytique, se définit dans ce contexte comme représentant de la vérité. Le symptôme peut représenter la vérité du couple familial. C’est le cas le plus complexe, mais aussi le plus ouvert à nos interventions. L’articulation se réduit de beaucoup quand le symp-tôme qui vient à dominer ressortit à la subjectivité de la mère.

Ici, c’est directement comme corrélatif d’un fantasme que l’enfant est intéressé. La distance entre l’identification à l’idéal du moi et la part prise du désir de la mère, si elle n’a pas de médiation (celle qu’assure normalement la fonction du père) laisse l’enfant ouvert à toutes les prises fantasmatiques. Il devient l’“ objet ” de la mère et n’a plus de

fonction que de révéler la vérité de cet objet. L’enfant réalise la présence de ce que Lacan désigne comme l’objet a dans le fantasme. Il sature, en se substituant à cet objet, le mode de manque où se spécifie le désir (de là mère), quelle qu’en soit la structure spéciale : névrotique perverse ou psychotique.

Il aliène en lui tout accès possible de la mère à sa propre vérité, en lui donnant corps, existence et même exigence d’être protégé. Le symptôme somatique donne le maximum de garantie à cette méconnaissance ; il est la ressource intarissable, selon le cas, à témoi-gner de la culpabilité, à servir de fétiche, à incarner un primordial refus. Bref, l’enfant dans le rapport duel à la mère lui donne, immédiatement accessible, ce qui

ré-el. Il en résulte qu’à mesure de ce qu’il présente de réel, il est offert à un plus grand subornement dans le fantasme. »50

Nous sommes donc en présence d’une absence radicale de dialectisation entre le sujet et le désir de l’Autre qui, se situant au niveau de la mère, pose la problématique générationnelle autrement la possibilité pour le sujet de s’inscrire dans sa génération pro-pre en tant que « fils de… » ou « fille de… ». Il est vrai que Lacan repro-prenait, semble-t-il, à son compte l’indication qu’introduisit David Cooper selon laquelle il faut au moins trois générations impliquées pour qu’au bout, au niveau de la troisième, il y ait un sujet psychotique51.

Nous ne pouvons sans doute pas actuellement détailler comment opère cette absence de transmission de la castration au niveau de trois générations. Mais déjà à partir du processus de causation du sujet par le cycle aliénation-séparation, nous pouvons noter que l’impossibilité pour le sujet de repérer la structure diacritique du signifiant, c’est-à-dire le fait de l’existence d’un intervalle entre eux, représentant le trou du symbolique, c’est comme si le sujet ne pouvait pas « décoller » de cette place d’objet sans doute déjà non dialectisable au niveau de la subjectivité maternelle. Il ne s’agirait plus de relation de manque (du sujet) au manque de (l’Autre).

Comment comprendre alors l’expression « l’enfant réalise la présence de l’objet du fantasme de la mère » ou l’enfant lui donne immédiatement accessible […] l’objet même de son existence apparaissant dans le réel ?

50. LACAN, J. Deux notes sur l’Enfant : il s’agit de « deux notes » manuscrites adressées à Mme Jenny Aubry en 1969, publiées à Ornicar ? no 37 (avril-juin 1986) et ramenées à « une note » par Jacques-Alain Miller dans la publication d’Autres écrits, Paris : Seuil, 2001, p. 373.

51. Cité par Jacques Lacan dans Allocution sur les psychoses de l’enfant, prononcée le 22 Octobre 1967 en conclusion des Journées sur les psychoses de l’enfant, publié dans la revue Recherche, sous le titre « Enfance aliénée », et republié dans Autres Écrits, Paris : Seuil, p. 362.