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1 – Conséquences de l’approche du concept de Structure en psychanalyse

PAS SANS LE SUJET

I. 1 – Conséquences de l’approche du concept de Structure en psychanalyse

La structure en chaîne : dans la mesure où dans la langue il n’y a que des

diffé-rences, la combinaison des éléments comporte simplement qu’un élément renvoie à l’autre, ce qui constitue une structure de chaîne.

17. Cf. la conférence — déjà ancienne — donnée par Jacques-Alain Miller, suite à l’invitation de la part de l’organisme de formation continue la Découverte freudienne, à l’Université de Toulouse 2 le Mirail, le 16 Mars 1985.

La formulation par Lacan selon laquelle « le signifiant représente le sujet pour un

autre signifiant » semble difficile à saisir, car elle comporte une tautologie ; mais celle-ci

est conforme à l’hypothèse d’une structure signifiante où un signifiant renvoie toujours à un autre signifiant. Il s’agit donc d’une tautologie féconde.

Le trésor des signifiants : les éléments signifiants qui se définissent les uns par

rapport aux autres, supposent qu’ils peuvent constituer un ensemble au même titre que la théorie des ensembles, ce qui introduit en même temps une logique signifiante.

La fonction de l’Autre : la fonction de l’Autre comme tel est une déduction de

ce binarisme signifiant. L’hypothèse structuraliste induit que la définition de l’UN de tout Un se trouve hors de lui, et se situe donc dans l’Autre : à cet égard il s’opère donc une division saisissable au niveau de la définition. L’écriture S1 et S2 a pu avoir diverses significations : S1 s’oppose à S2 ; mais lorsque Lacan équivoque phonétiquement avec essaim (S1), le S1 est multiple, car il inclue tous les autres signifiants qui s’opposeraient du coup à S2. Ce dernier est à la place du signifiant auquel tous les autres signifiants s’opposent. Nous verrons l’implication de ces différentes lectures du S1 et S2 au moment où il s’agira de la reprise par Lacan du concept freudien de refoulement (Verdrängt) et de refoulement originaire (Urverdrängt).

Lacan a élaboré le concept de grand Autre qui n’a cessé d’évoluer tout en gardant de façon constante sa logique à partir de la première définition de l’Autre comme trésor du signifiant. À partir de l’Autre du signifiant dériveront toutes les variantes des défini-tions de l’Autre toujours au singulier, l’Autre de la parole (jusqu’à la structure de l’Autre impliquée dans la formule de là communication : « Le langage humain constitue une

communication où l’émetteur reçoit du récepteur son propre message sous une forme inver-sée »), l’Autre de la loi, l’Autre réel, le lieu de l’Autre, l’inconscient comme discours de

l’Autre, le manque de l’Autre, le manque dans l’Autre, « le désir de l’homme, c’est le désir

de l’Autre », la jouissance de l’Autre, l’Autre jouissance, le désir d’Autre chose, le lieu-dit

Le manque généralisé : Jacques-Alain Miller déduit le concept du manque

in-troduit par Lacan à partir de l’hypothèse structuraliste qui produit à ce niveau un effet d’allégement, car elle produit, par elle-même, un « manque à être » généralisé. Parce qu’elle est dé-substatialisante précisément, cette hypothèse se déploie dans le manque à être. On ne voit plus des concrétudes, plus d’individus, chacun isolable et définissable en tant que tel. Il ne s’agit plus que des différences, sans termes positifs : c’est la présence qui

devient un problème et Lacan ne récupérera cet élément de présence qu’au niveau de l’objet qu’il a appelé l’objet « petit a ». Il s’agit alors d’un objet qui se situe sensiblement hors de

la structure du langage.

Il n’y a plus de concept d’identité non plus, la loi n’est pas d’identité mais de dés-identité, chaque élément trouvant son identité hors de soi, ce qui par là-même per-met d’introduire une problématique d’identification. L’identification des êtres apparaît du coup ne pouvoir fonctionner que parce qu’il n’y a pas d’identité autrement que cli-vée, fracturée, morcelée. L’hypothèse structuraliste (nous) installe donc d’emblée dans le morcellement, à l’opposé de tout vitalisme ou globalisme. Cela explique donc qu’à partir de là, Lacan extrait d’elle l’équivalence de la pulsion de mort freudienne, car en tant que sujet au langage (seulement représenté) le sujet est déjà mort.

Introduction d’une topique à partir des relations : « Une relation implique des

places. Une relation binaire comporte par exemple une place initiale et une place terminale. Et comme les éléments ne sont pas positifs c’est-à-dire n’ont pas de propriétés intrinsèques, mais seulement des propriétés extrinsèques, cela se traduit par le fait que leur propriétés essen-tielles tiennent à la place qu’ils occupent dans le réseau des relations. » Cette notion de lieu

nous la retrouvons tout le long de l’enseignement de Lacan jusqu’à la topologie en pas-sant par les quatre discours où la référence à la « place » reste centrale.

Jacques-Alain Miller va jusqu’à déduire, de l’hypothèse structuraliste, les instan-ces du Réel, du Symbolique et de l’Imaginaire (R.S.I.). L’ordre symbolique, par exemple, serait une version améliorée et enrichie du binarisme jakobsonien. Il s’agit au départ

d’un ordre non substantiel que constitue exactement une loi. Concernant la loi du père, Lacan parle d’ « une loi qui dispose des relations entre ses éléments ». La conséquence im-médiate est que cela laisse les représentations hors de soi. Autant le binarisme est démon-trable au niveau du signifiant, autant, au niveau du signifié, on peut difficilement pré-tendre qu’on le met en place, ce qui laisse hors du symbolique et de sa loi la dimension des représentations qu’on se fait à partir de ce réseau de relations. Autrement dit, il de-vient possible de concevoir l’inertie spéciale de l’imaginaire. « Nous avons donc d’un côté

du plus et du moins — et c’est le symbolique —, et de l’autre ce qu’il y a de confus et d’enveloppé qu’on croyait être l’apanage de l’inconscient ».

Donc, pour Lacan, c’est tranché : l’inconscient n’est pas de l’ordre de l’inertie de l’imaginaire mais de l’ordre de la loi symbolique. Quant au réel, Lacan en fera dans un premier temps de son enseignement ce qui se trouve exclu, qui fait défaut à l’ordre du symbolique ; mais au fur et à mesure, il en fera un élément résiduel, un reste de l’opération du signifiant, puis un des ronds du nœud borroméen et enfin le nouage même du nœud borroméen.

Lacan s’inspirera du texte de Lévi-Strauss, L’anthropologie structurale, où l’auteur introduit une distinction entre le subconscient et l’inconscient (p. 224) : « Le

subcons-cient est réservoir des images et des souvenirs collectionnés au cours de chaque vie. Au contraire l’inconscient est toujours vide. […] Il se borne à imposer une loi structurale qui épuise la réalité à des éléments articulés. » Voici donc une grande « nouvelle « que Lacan

reprend à son compte : l’inconscient freudien est vide. Ce n’est pas un réservoir d’images. Cela amènera Lacan à resituer son propre stade du miroir inventé déjà depuis 1936, soit bien avant cette conception. Il est clair pour Miller, à ce moment-là, que le concept de l’inconscient s’est en partie du moins re-substantialisé. Car les représentations qui n’ont pas d’existence se sont fait remplacer par les signifiants eux mêmes. Ainsi le signifiant est, en quelque sorte, devenu un réservoir de signifiants à l’instar de l’Autre qui en « contient le trésor ». Il faut tout simplement considérer cette approche critique millerienne, que

nous avons souvent entendue, comme s’adressant à ceux des analystes lacaniens de l’époque qui ne pariaient en quelque sorte que sur une approche du « tout signifiant ».

Appliquons donc cette thèse d’inconscient vide à la première thèse « structura-liste » de Lacan : « l’inconscient est structuré comme un langage ». La première partie de la phrase de sa thèse, « L’inconscient est structuré », décide déjà de sa vacuité, comme dit Miller. Pas plus que réservoir, il n’est pas constitué de réalité déjà là. Sa « réalité » ne tient que dans ce que Lévi-Strauss appelle les lois structurales. Nous pouvons avancer que la structure même du sujet comme $, sujet vide (comme on dit d’un ensemble qu’il est vide, ne contenant aucun élément), emprunte sa structure à la vacuité de l’inconscient comme tel.