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CHAPITRE I : POSITIONNEMENT THÉORIQUE

A. L’exploitation agricole, un système source de pratiques

L'exploitation agricole, vue par Bonneviale, Jussiau et Marshall, demande une approche globale que ces auteurs nomment le Système Exploitation-Famille (SEF). Considérer une exploitation agricole revient alors à effectuer

« L’étude d’un complexe de décisions et d’actions qui sont le fait de personnes – individus ou groupes – agissant dans un environnement en vue de satisfaire les finalités fixées à cette exploitation » (Bonneviale et al., 1989, p. 57).

Toujours selon ces auteurs, le SEF est la combinaison de trois systèmes : l’opération, la décision et l’information. En premier lieu, l’exploitation agricole englobe une multitude d’opérations permettant de gérer les processus productifs – tel que les flux de matières, de travail, d’équipement… importés et exportés dans, ou depuis, l’environnement de l’exploitation. L’environnement direct de l’exploitation constitue ainsi la base du système d’opération. Les opérations liées au processus productif sont assimilables à un bloc de richesse brute. En second lieu, ce système d’opération fait l’objet de l’orientation d’un individu, ou d’un groupe d’individus, pour atteindre une finalité globale par l’intermédiaire d’objectifs précis, constituant ainsi le système de décision. Le système de décision regroupe les orientations du SEF en fonction des choix de ce dernier sur le système d’opération. Il permet de diriger le système vers une finalité précise. Il est assimilable aux outils permettant de manipuler le bloc de richesse brute. Ces outils raffinent le bloc de richesse brut en une multitude de produits souhaités. Enfin, le système d’information fait office de jonction entre ces deux premiers systèmes. D’une part, il rend intelligible au système de décision les informations en provenance du système d’opération. D’autre part, il permet au système de décision de contrôler le système d’opération en interprétant l’information qui lui est retournée par ce dernier. Il est le poste de contrôle qui reçoit les informations du bloc brut et les transfère de manière intelligible aux outils de transformation (Figure 6).

Prenons, par exemple, un élevage ovin extensif dont le siège d’exploitation se situe sur la chaîne des Puys. Le SEF possède et loue des parcelles agricoles, engage un ouvrier agricole, achète des compléments alimentaires concentrés, élève un chien utilisé lors des déplacements de troupeaux et tente de gérer l’envahissement des prairies permanentes par le campagnol terrestre. Tous ces attributs forment le cadre dans lequel se place l’exploitation. C’est le système d’opération, composé d’éléments sur lesquels le SEF va agir. Dans notre exemple, l’élevage ovin est un groupement d’éleveurs en association du type GAEC. Ces éleveurs, lors de leur dernière réunion mensuelle, décident d’un commun accord d’envoyer le troupeau en estive pendant sept mois, entre avril et octobre, dans le but d’économiser le fourrage des prairies permanentes et de permettre de concentrer l’activité de l’exploitation durant cette période autour de la fauche et de la mise en clôture de certaines parcelles. Ils vont décider de se passer de l’ouvrier agricole et, à la place, engager un berger qui gardera et soignera les brebis en estive. Ce lot d’opérations oriente l’évolution du SEF au travers d’un processus de décision collective. Il s’agit alors du système de décision. Toutefois, sans le bilan annuel économique de leur exploitation, sans la connaissance du nombre de brebis et d’agneau sur l’exploitation ou sans les fiches de paie du salarié agricole, les associés auraient été « aveugles ». Ils auraient non seulement été incapables de connaître leur environnement, mais ils auraient également été incapable de projeter un nouveau fonctionnement de l’exploitation agricole, projection nécessaire à la prise de décisions. Toutes les informations relatives au fonctionnement actuel et passé de l’exploitation sont enregistrées dans le système d’information. C’est ce système qui fait la jonction entre les deux autres systèmes du SEF.

La modélisation du SEF, malgré son nom, s’applique autant à une exploitation familiale qu’à un groupement d’exploitants en collectif – comme les GAEC, les EARL et les autres formes collectives d’exploitation agricole. Dans ce cadre, le système d’information du SEF prend toute son importance

puisque, en plus d’apporter des indicateurs de performance, il constitue la mémoire collective des acteurs constituant le SEF. C’est dans ce système que sont archivées les différentes pratiques agricoles, leurs évolutions dans l’histoire et les mesures adoptées par le système en fonction de ces évolutions. Ainsi, les pratiques d’élevage se trouvent à la jonction des trois systèmes du SEF. D’une part, elles sont utilisées comme moyen de prélèvement et de restitution des produits de l’environnement dans le système d’opération ; d’autre part, elles peuvent constituer l’un des objectifs principaux vers quoi se dirige le SEF ; et, enfin, elles constituent des indicateurs de fonctionnement du système d’opération qui viennent enrichir la mémoire collective du SEF pour ensuite faire l’objet d’une adaptation constante par le système de décision.

Tout comme l’exploitation agricole, les pratiques agricoles peuvent être perçues comme un système dans le sens où elles constituent une entité structurée, évoluant dans un environnement avec un but précis. L’espace géographique biotique et abiotique dans lequel se trouve une exploitation agricole fait alors office d’environnement et la maîtrise biologique optimum de cet espace géographique constitue l’objectif précis pour lequel les pratiques agricoles seraient adaptées (Bonneviale et al., 1989 ; Tafani, 2010).

Figure 6 : Le Système Exploitation-Famille appliqué à l’exemple de l’élevage ovin

Pratiques et exploitations agricoles constituent alors deux systèmes complexes étroitement liés. Ils influencent leur évolution mutuelle tout en dépendant l’un de l’autre pour pouvoir exister. Sans pratique agricole, l’exploitation agricole ne peut fonctionner et sans exploitation agricole de l’environnement, les pratiques agricoles ne peuvent exister. Ils peuvent alors être considérés comme des systèmes complexes. Dauphiné, puis Tafani (2010) définissent quatre dimensions de complexité où les exploitations agricoles ne sont non plus considérées comme un système isolé, mais bien comme partie d’une globalité. Ces quatre dimensions sont regroupées sous le nom de « système agraire ».

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