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L’idée d’analyser comparativement des configurations de politique de défense nationales et leur interaction avec la constitution d’une configuration européenne en ce domaine s’inspire des travaux de Norbert Elias. Analyser une configuration implique « la prise en compte simultanée des structures institutionnelles et de l’expérience vécue qu’ont les individus de ces structures »172, d’où l’intérêt des entretiens qualitatifs pour faire émerger le ressenti institutionnel, les représentations et pratiques professionnelles. Nous avons opté pour un protocole de recherche basé sur des entretiens semi-directifs.

L’entretien, un choix méthodologique motivé

Pascale Laborier et Philippe Bongrand ont pu constater qu’en matière de recherche en analyse des politiques publiques, le recours à l’entretien s’avère quasi systématique, et pourtant souvent « impensé » méthodologiquement173. Or, comme toute méthode de science sociale, l’entretien conduit à s’interroger sur les raisons des choix méthodologiques opérés, et la façon dont sont construites et recueillies les données174. Plus précisément, l’entretien de recherche revêt deux types principaux d’usages, qui ne se contredisent pas : le recueil d’informations de première main parmi d’autres sources potentielles, et l’accès privilégié aux acteurs. Dans le cas précis de notre travail de recherche doctoral, un problème

171 Cf. Patrick Hassenteufel, id., p. 121 ; Bruno Jobert, Politique de la comparaison , pp.325-328, in Michel Lallement, Jan Spurk (dir.), op. cit. ; Léa Lima, Monika Steffen, id., p. 134.

172 Norbert Elias, La société des individus, op. cit., pp. 66-67.

173

Pascale Laborier, Philippe Bongrand, «L’entretien dans l’analyse des politiques publiques : un impensé méthodologique ? » in Revue Française de Science Politique, 55 (1), février 2005, pp. 73-111. Ce constat n’est d’ailleurs pas nouveau : il était déjà formulé en Allemagne en 1991 par Detlev Garz et Klaus Kraimer par les termes « vielfach erprobt, wenig bedacht » (soit « beaucoup utilisé, peu réfléchi »). Cité par Alexander Bogner, Wolfgang Menz, Expertenwissen und Forschungspraxis : die modernisierungstheoretische und die

methodische Debatte um die Experten. Zur Einführung in ein unübersichtliches Problemfeld, p. 22, in

Alexander Bogner, Beate Littig, Wolfgang Menz (Hrsg.), Das Experteninterview, Theorie, Methode,

Anwendung, 2. Auflage, (1.Auflage : 2002), 2005. 174

Depuis quelques années, on assiste en France a une multiplication des espaces de réflexion sur les entretiens. Nous avons eu l’occasion d’assister à deux journées d’études, une intitulée « L’analyse secondaire en recherche qualitative. Utopie ou perspectives nouvelles ? », Journées d’étude internationales organisées par le CAPAS, Grenoble, 3-4 novembre 2005, et au Methodenworkshop des Centre Marc Bloch und der Berlin

Graduate School of Social Sciences zum Thema « Möglichkeiten und Grenzen der Interviewtechnik » le 19

essentiel s’est très rapidement posé : celui de l’accès aux documents internes, à la littérature grise concernant notre objet d’étude.

Si l’accès aux documents officiels -tels que les déclarations ou actions communes du Conseil de l’UE ou conclusions de sommets, les circulaires ministérielles ou les discours des ministres- est public, les documents qui servent à préparer ces positions officielles ne sont pas accessibles, car protégés par le système de classification établi par les nécessités du secret militaire et diplomatique. Quant aux archives tant de la Présidence de la République, du ministère de la Défense que du Quai d’Orsay, elles nous ont été inaccessibles car datant de moins de soixante ans. Le problème est d’ailleurs le même en Allemagne pour l’accès aux archives datées de moins de trente ans. Il existe certes une procédure pour accéder à certains documents de classification de moindre niveau175, que nous avons engagée auprès du ministère de la Défense en 2006176. Cette procédure d’habilitation peut néanmoins pour le chercheur se révéler à double tranchant. En effet, plus la demande de classification concerne des niveaux de classification élevés, plus le risque devient grand pour le chercheur de voir de même classifier son travail, de sorte qu’il ne pourra pas espérer le publiciser. Or la vocation de la recherche en science politique n’est-elle pas justement de rendre visibles les résultats d’enquête afin de pouvoir en débattre, et ainsi faire avancer, même de façon limitée et incrémentale, la connaissance des sociétés contemporaines ? Nous avons donc opté pour une procédure simplifiée d’accès à des documents classés confidentiels. Mais une fois l’habilitation acquise, tout reste encore à faire : nous avons envoyé plusieurs courriers aux services concernés des ministères des Affaires Etrangères et de la Défense, ainsi qu’à l’Elysée177 et la Chancellerie à Paris et Berlin, ainsi qu’au service d’archives du Conseil de l’UE. Les réponses obtenues, quant il y en eut, ont été négatives : le sujet se révèle trop récent ; les cartons d’archives ne sont pas disponibles, ou manquants, etc.

Par ailleurs, le fait que notre recherche soit financée par la DGA peut également s’avérer d’une aide ambiguë : d’un côté cela permet de se prévaloir d’une certaine familiarisation avec l’institution de la défense, mais de l’autre cela expose de facto le chercheur aux rivalités administratives qui peuvent exister entre les services. Outre le caractère contemporain de notre recherche qui verrouille l’accès à bon nombre d’archives politico-militaires et diplomatiques, le Bureau « Etudes et documentation » du Département interarmées, ministériel et interministériel (DIMI) du Service Historique de la Défense (SHD) situé dans l’enceinte du Château de Vincennes nous a été d’un précieux secours pour

175 Niveaux « accès réservé » surtout et parfois « confidentiel », les deux premiers de la classification.

176 Nous avions déjà pris l’initiative de nous renseigner en 2005, et à l’époque le service auquel nous nous étions adressés nous avait déconseillé de le faire, pour des raisons essentiellement logistiques.

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En ce qui concerne le fonds d’archives présidentielles, nous avions déjà effectué une demande lors de notre recherche de DEA en 2003-2004, qui avait reçu une réponse négative.

comprendre pourquoi la demande d’accès aux documents internes ne pouvait être accueillie positivement. Le problème majeur concernant les archives contemporaines sur la période qui nous intéressait (1991-2007) est que les inventaires de ces documents n’ont pas été publiés. Les documents sont par conséquents dispersés entre divers services et bureaux, auxquels le SHD peut envoyer une demande de dérogation nécessitant une longue durée, demande que ces services peuvent tout à fait refuser178. Or en l’occurrence, le chercheur se trouve face à de fortes réticences de la part des acteurs. Autrement dit, la consultation de documents internes récents (notes de service, compte rendus de réunion, éléments de langage…) est au bon vouloir de chaque interlocuteur. Nous avons pu nous rendre compte combien, malgré la confiance qui avait pu s’établir avec nos interlocuteurs, ils trouvaient des moyens de justifier leur refus de nous laisser consulter les documents dont ils disposaient179. Les documents auxquels la procédure permet d’accéder s’avèrent souvent peu instructifs180 -comme il nous a été donné de le constater auprès de certains interlocuteurs conciliants -, ou d’une lisibilité médiocre due à l’usage d’un jargon opaque. Le seul recours pour avoir des informations qui ne se trouvent pas dans les textes officiels, et pour comprendre comment les différents acteurs impliqués sont parvenus à tel ou tel résultat demeure donc l’entretien avec ces acteurs. Un conseiller du Président Chirac nous confiait lors d’un entretien : « Il y a le niveau de l’exécution : pour être complètement au

fait de chaque négociation, c’est tout simplement infaisable, ne serait-ce que pour des raisons de confidentialité. »181

Toute recherche de politiques publiques concernant la période contemporaine se heurte, de plus, à l’évolution du travail décisionnel dans les administrations publiques due à l’introduction des nouvelles technologies de communication, en particulier le téléphone portable et le courrier électronique. Une large part du travail décisionnel se produit ainsi de façon informelle, par échange d’appels téléphoniques et d’e-mails, et ce tant en France qu’en Allemagne et à Bruxelles182. Un officier supérieur français familier des dossiers franco-allemands et européens constate :

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C’est ce qui s’est passé dans notre cas : une réponse globalement négative après plus de cinq mois d’attente. Les quelques documents accessibles faisaient partie d’un carton emporté par le haut fonctionnair en charge des dossiers à sa sortie de poste.

179 Cette crainte légitime du risque encouru a poussé certains de nos interlocuteurs, civils surtout, à nous lire certains passages de documents afin que nous prenions des notes, mais sans accepter de nous les montrer réellement.

180 C’est un trait dont Samy Cohen rend compte également en ce qui concerne son enquête consacrée au rôle du Centre d’Analyse et de Prévision du Quai d’Orsay. Samy Cohen, Enquêtes en « milieu difficile » : les

responsables de la politique étrangère et de défense, p. 19, in Samy Cohen (dir.), L’art d’interviewer les dirigeants, Paris, PUF, Coll. « Politique d’aujourd’hui », 1999.

181 Entretien à la cellule diplomatique de l’Elysée, Paris, 17/05/2005.

182 Nous traduisons : « La mise en réseau électronique de tous les postes de travail à la centrale et dans la majorité des représentations nationales à l’étranger a complètement modifié la communication entre les collaborateurs et collaboratrices. La communication électronique au bureau, soit la réception et l’envoi de

« La PESD se nourrit surtout de lobbying, notamment au cabinet de Solana au Secrétariat Général du Conseil. La révolution du portable dans les années 1990 favorise cette tendance : tous les ministres et leurs conseillers ont le numéro de portable de leurs interlocuteurs ; ils s’auto influencent et il devient donc beaucoup plus difficile de situer l’origine d’une idée au sein de ce dialogue permanent. »183

Dès lors, les archives internes politico-militaires et diplomatiques se composent d’un mélange de documents papier et électroniques. Nous avons alors décidé de solliciter en 2006 un stage non rémunéré auprès de la Délégation aux Affaires Stratégiques du ministère français de la Défense, service clef dans l’élaboration des positions de défense françaises et dans le dialogue politique franco-allemand sur les questions militaires. La réponse réservée à notre requête fut malheureusement négative, pour cause d’impossibilité de « dégager les moyens matériels et humains nécessaires à la mise en

place de ce stage. »184 Nos nombreux entretiens dans les locaux de ce service nous avaient effectivement permis d’observer l’espace réduit et la densité d’occupation des bureaux. Quant aux services qui nous intéressaient le plus à Bruxelles, comme l’Etat-major de l’UE ou les délégations nationales au COPS, les stages s’adressaient en priorité aux futurs jeunes hauts fonctionnaires destinés à y travailler, et ne pouvaient être mis en place, le domaine de la défense étant spécifique.

Dans ces conditions, après nous être renseignés auprès de nombreuses personnes, à diverses reprises, la seule solution qui s’offrait, outre bien entendu la consultation régulière des documents officiels, sites Internet et brochures des organismes impliqués dans la construction de la défense européenne en France, en Allemagne et à Bruxelles, était de conduire des entretiens. C’est d’ailleurs le propre des recherches portant sur certains champs sociaux dont l’accès est difficile185. Nous avons choisi d’en faire notre stratégie d’enquête et notre méthode principale de recueil des données, inspirés par l’exigence repérable en particulier chez les historiens des données de première main.

Un second type de raison ayant motivé notre choix de la conduite d’entretiens relève de notre orientation socio-historique d’analyse de l’action publique. La perspective choisie rend la démarche d’enquête complexe. Il s’agissait d’accéder aux personnes qui ont mis sur les rails l’Europe de la Défense. C’était donc avec les sommets de l’Etat, les conseillers du Président, du Chancelier et des ministres, qu’il fallait s’entretenir. Ce sont non seulement

messages et de documents par l’Intranet est devenu un élément central du service diplomatique. » H. W. Beuth, Regiert wird schriftlich, pp. 119-128, in Enrico Brand, Christan Buck (Hrsg.), Auswärtiges Amt,

Diplomatie als Beruf, 4. Auflage, Wiesbaden, VS-Verlag, 2005.

183 Entretien avec un ancien chef d’Etat-Major particulier de François Mitterrand, Paris, Ecole Militaire, 16/12/2005.

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Courrier de réponse du bureau Personnel de la DAS, 22/01/2007.

des personnes extrêmement occupées, mais aussi dont la fréquence de rotation professionnelle rend difficile de retrouver la trace. Or il nous apparaissait essentiel de tracer une cartographie (d’inspiration prosopographique) de ce réseau d’acteurs depuis le début des années 1990 en France et en Allemagne, ce qui signifiait identifier les interactions entre les positions institutionnelles des différents acteurs afin de remonter le réseau par ricochet. L’un des enjeux principaux est de percevoir les modes d’interaction entre les acteurs situés aux niveaux national et européen dans la production de la politique européenne de défense, à partir d’une étude en profondeur des acteurs de la coopération militaire franco-allemande impliqués dans le champ de la défense européenne.

L’entretien nous semble une méthode d’autant plus pertinente que, suivant la perspective développée par Norbert Elias dans La société des individus186, l’individu peut être considéré comme un concentré du monde social de l’époque dans laquelle il vit et évolue. L’entretien offre non seulement un outil d’analyse des représentations (en l’occurrence, de l’influence d’une stratégie plutôt européenne, ou plutôt atlantique sur les représentations des acteurs français et allemands), mais il révèle également les pratiques des acteurs interrogés et ce qu’ils en disent187. Le regard de type ethnographique nous apparaissait comme une démarche méthodologique relativement inédite en ce qui concerne notre sujet, et offrait une façon d’interroger la dimension politique et symbolique des rituels professionnels qui jalonnent la coopération militaire. Notre usage de la notion de configuration impliquait d’ailleurs de prendre en compte à la fois les structures institutionnelles et l’expérience vécue qu’ont les individus de ces structures. Enfin, l’usage de l’entretien offre une façon de redonner au contexte de la prise de parole une place dans l’analyse. Si « les individus adaptent instantanément leurs comportements aux scènes sociales auxquelles ils participent »188, le fait de s’exprimer sur leurs représentations, leur parcours professionnel et leurs pratiques quotidiennes constitue une valeur-ajoutée du coté de l’enquêteur dans sa quête du rapport entre l’acteur interrogé et l’institution à laquelle il appartient : Jacques Lagroye, s’appuyant sur Berger et Luckmann189, souligne que

« le rapport à l’institution, c’est d’abord le rapport à celui qui tient un rôle dans une institution. […]C’est d’abord l’appréhension d’individus vivant dans l’institution qui, parce qu’ils tiennent des rôles, nous permettent d’avoir une idée de l’institution. »190

186 Norbert Elias, id.

187 Cf. Danielle Ruquoy, Situation d’entretien et stratégie de l’interviewer, p. 63, in Luc Albarello, Françoise Digneffe, Jean-Pierre Hiernaux et al., Pratiques et méthodes de recherche en sciences sociales, Armand Colin, 1995.

188 Stéphane Beaud, Florence Weber, Le guide de l’enquête de terrain. Produire et analyser des données

ethnographiques, Paris, La Découverte, Coll. « Repères Guides », 2003, p. 334. 189

Peter Berger, Thomas Luckmann, La construction sociale de la réalité, Paris, Méridiens Klinsieck, 1986.

Ce « positionnement » de la parole, s’il revêt l’avantage d’informer sur l’institution, son mode de fonctionnement interne et sa dimension vécue, met néanmoins en avant un biais de la méthode par entretiens qualitatifs : il s’agit justement pour le chercheur de mettre à distance le discours. Les acteurs interrogés ne sont pas forcément objectifs, d’autant plus qu’ils sont personnellement impliqués dans le processus que nous tâchons d’analyser191. Du côté de l’enquêteur, il s’agit d’évacuer le mythe de la « vérité objective » pour le remplacer par « des vérités subjectives partielles » qu’il lui incombe de restituer et de confronter192. L’enjeu pour nous consistait à adopter une démarche compréhensive, au sens que lui donne Weber, soit pénétrer la logique interne de l’action de l’acteur. Nous souhaitions comprendre notre objet de l’intérieur, en saisir les logiques intrinsèques. Au niveau méthodologique, cela revient à mettre l’informateur en vedette en adoptant une position « inférieure »193 : le chercheur tâche de pénétrer le monde des acteurs en les écoutant et en apprenant d’eux, voire en participant à ce qu’ils font quand cela s’avère possible (problématique du going

native (« devenir indigène »))194, pour ensuite « ressortir du terrain » au moment de l’interprétation.

Une telle démarche s’intéresse au discours des acteurs, et permet d’accéder à de telles informations, dans la mesure où la posture compréhensive wébérienne suppose que le sens que l’acteur prête à son action sociale contribue largement à en déterminer la forme. Cette perspective analytique a été largement exploitée par le courant constructiviste en science politique, dont nous nous inspirons partiellement. L’étude du discours ici ne relève néanmoins pas de la perspective adoptée par les auteurs cognitivistes travaillant sur les

narratives : l’enjeu n’est pas tant d’étudier le discours mot à mot, que son contenu195. Une fois justifié le choix du recours à l’entretien comme stratégie d’enquête, il importe d’en préciser le mode d’application.

191 Cf. Pierre Muller, Les politiques publiques, 5ème éd., Paris, PUF, Coll. « Que sais-je ? », n° 2534, 2003 (1ère éd. : 1990), p. 94.

192 Stéphane Beaud, Florence Weber, id., p. 303.

193 Cf. Jean-Claude Kaufmann, L’entretien compréhensif, Paris, Hachette, coll. « 128 », 2004 (1ère éd. : 1996).

194 Pierre Paillé, Alex Mucchielli, L’analyse qualitative en sciences humaines et sociales, Paris, Armand Colin, Coll. « U », 2003, p. 229.

195 Les discours constituent justement des données qualitatives si l’on considère qu’ « une donnée qualitative est une donnée de signification immédiate revêtant une forme discursive ». Mais signification immédiate ne veut pas dire que le sens du discours est donné de fait ; une telle donnée se démarque seulement par le fait qu’elle est immédiatement accessible par opposition aux données quantitatives. Pierre Paillé, Alex Mucchielli, id., p. 19.

La conduite de la recherche : une « cuisine » rigoureuse196

Il s’agit ici de s’intéresser à la façon dont nous avons mené les entretiens. Une fois la problématique de notre recherche définie et le champ de la recherche circonscrit, nous nous sommes livrés à une lecture intensive de la littérature spécialisée sur notre sujet, combinant ouvrages académiques, documentation officielle, sites Internet, brochures institutionnelles, ouvrages techniques ou revues spécialisées (opération de cueillette197). A partir de ce premier dépouillement de littérature, nous avons pu formuler notre questionnement empirique, qui sous-tend les grilles d’entretiens que nous avons utilisées, grilles participant de l’élaboration de la question de recherche puisqu’elles visent aussi à tester les hypothèses soulevées198. Dans le cas de notre recherche doctorale, les entretiens (opération de chasse199) servaient deux grands types d’usages : source précieuse et directe d’informations de première main, ils nous renseignaient aussi sur la façon dont les acteurs vivent la construction de la configuration spécifique en émergence, soit leurs représentations, leurs pratiques, et les mailles officieuses qui ne transparaissent pas dans le discours officiel entourant le travail bilatéral dans le cadre de la PESD. Nous avons ainsi opté pour des entretiens semi-directifs, et non pas non-directifs200.

Pour ce faire, nous avons déterminé deux types d’acteurs à interroger, de nature différente201, tant en France qu’en Allemagne et à Bruxelles, auxquels correspondent deux grilles sensiblement différentes. Le premier type consiste en les acteurs « historiques », à la fois « indigènes » et informateurs, qui ont participé, voire impulsé, la genèse de la politique européenne de défense, qu’ils soient hommes politiques, diplomates, officiers, et souvent conseillers du Président (en l’occurrence Mitterrand puis Chirac) et du Chancelier (Kohl, puis Schröder) et des ministres des Affaires Etrangères et de la Défense à Paris et Berlin (Bonn jusqu’au milieu des années 1990). La grille d’entretien utilisée pour ce type d’acteurs

196

Le terme de « cuisine » sous-entend que chaque recherche façonne son propre « bricolage méthodologique », et qu’il n’existe pas de méthode unique et standardisée de l’entretien universellement valable.

197 Jean-Gustave Padioleau, id., p. 11.

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Ces grilles figurent à l’annexe 3.

199 Ibid. L’opération de pêche consistant à ouvrir les « armoires aux battants gris des bureaucraties d’Etat […] qui contiennent des notes ou des brins de correspondance » s’est avérée, comme nous l’avons expliqué

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