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Un recentrage sur les trajectoires d’acteurs et l’historicité de leur socialisation

En matière d’études européennes, une perspective récente nous semble très fructueuse : celle de la sociologie politique européenne92. Comme le souligne Virginie Guiraudon,

« les outils théoriques et méthodologiques de la sociologie politique permettent d’ouvrir de nouvelles voies de recherche et sont plus à même de tracer les contours de l’espace politique qui se dessine au niveau européen. En particulier, une sociologie politique de l’Europe permet d’étudier les pratiques des acteurs politiques à un niveau d’analyse individuel pour comprendre la logique des institutions dans lesquelles ils évoluent. »93

Ce tournant sociologique fait d’ailleurs écho à celui qui s’est également produit dans le champ des relations internationales en France depuis le début des années 199094. L’enjeu de la sociologie politique européenne est de saisir pourquoi et comment certains acteurs parviennent à se mobiliser et à évoluer au niveau européen, et les conséquences que le jeu sur un double niveau national et européen revêt pour eux et pour le système européen d’action publique.

« En cela, la sociologie politique, et par conséquent la science politique française fortement ancrée dans la tradition sociologique, a beaucoup à offrir aux recherches internationales sur

91 Id., p. 15.

92 Cf. notamment Didier Georgakakis (dir.), Les métiers de l’Europe politique. Acteurs et professionnalisation

de l’Europe politique, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, Coll. « Sociologie politique

européenne », 2002 ; Antonin Cohen, « De congrès en assemblées. La structuration de l’espace politique transnational européen au lendemain de la guerre. », in Politique Européenne, 18, hiver 2006, pp. 105-125 ; Antonin Cohen, Antoine Vauchez (dir.,)La constitution européenne. Elites, mobilisations, votes, Bruxelles, Institut d’Etudes Européennes, Ed. de l’Université de Bruxelles, 2007 ; Antoine Vauchez, « A Europe of norms. A political sociology of a « community of law » », Communication présentée à la conférence New

approaches on European studies : social capital, elites, constructivism…, Université de Copenhague, 27-28

avril 2007 ; Virginie Guiraudon, « The EU through European’s eyes : political sociology and the EU studies », EUSA Review, 19, 1, 2006, pp. 1-5.

93 Virginie Guiraudon, « Sociologie de l’Europe. Mobilisations, élites et configurations », in Cultures et

conflits, 38-39, 2000, p. 7.

94 Nous pensons notamment à l’ouvrage de Bertrand Badie et Marie-Claude Smouts, Le retournement du

monde. Sociologie de la scène internationale, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques

& Dalloz, 1992. L’engouement pour ce type d’approche a été relayé à travers des publications dans la revue

Cultures et conflits (Cf. en particulier l’article récent de Didier Bigo: Didier Bigo, « Sociologie politique de

l’international: une alternative », in Cultures et conflits, www.conflits.org/article/php3?id_article=562, 29 avril 2005), ou encore un court ouvrage publié par Guillaume Devin (Guillaume Devin, Sociologie des relations

l’Europe, en particulier son attention aux processus cognitifs, aux trajectoires politiques, aux jeux d’acteurs et aux rapports de pouvoir. »95

Si une limite de cette approche consiste en sa difficulté à généraliser, chaque secteur de la construction européenne étant régi par des logiques internes propres dans la mesure où l’équilibre des forces entre acteurs nationaux et européens varie selon le domaine d’action publique observé, la perspective sociologique offre l’opportunité d’étudier l’Union européenne non par le seul prisme « aérien » des institutions, mais aussi « par le bas », par le biais des acteurs politiques divers qui la construisent quotidiennement, dans les capitales et à Bruxelles96.

C’est bien dans cette perspective globale de construction d’un nouvel espace d’activité politique en Europe que s’inscrivent notre objet et notre problématique. Un autre volet se revendiquant de l’approche sociologique de la construction européenne tend à s’intéresser aux usages politiques de l’Europe, en interrogeant les mécanismes de changement et de transformation à l’œuvre du fait de l’utilisation de l’intégration européenne par divers acteurs97. Un tel angle d’analyse rejoint la problématique socio-historique de constitution des Etats-nations qui montre comment une nation s’édifie en devenant présente dans la vie collective d’une population donnée98.En revanche, il s’agit de manier avec précaution certains outils conceptuels dans un contexte national, tels la notion de champ social élaboré par Pierre Bourdieu, qui ne fonctionnent pas forcément dans l’étude de tous les secteurs de l’intégration européenne. Sur la notion de champ en l’occurrence, la construction européenne pose rapidement la question de l’autonomie du champ, conçue ainsi par Bourdieu, mais qui en pratique ne peut se vérifier au niveau européen : l’épreuve du terrain montre très rapidement que la construction européenne, en tout cas en matière de défense et de sécurité, se produit dans un va-et-vient entre les Etats-membres et les organes bruxellois. Aussi préférons-nous employer la notion éliassienne de configuration, certes

95 Virginie Guiraudon, ibid. Pour un débat sur la spécificité française ou non de cette sociologie politique européenne, cf. le numéro 25 de la revue Politique Européenne publié au printemps 2008 et en particulier les articles de Frédéric Mérand, « Les institutionnalistes (américains » devraient-ils lire les sociologues (français)? », pp. 23-51 ; Anand Menon, « French follies? », pp. 217-230 et Didier Georgakakis, « La sociologie historique et politique de l’Union Européenne : un point de vue d’ensemble et quelques contrepoints », pp. 53-85.

96 Cf. Andy Smith, Le gouvernement de l’Union européenne, Paris, LGDJ, 2004.

97 Trois usages principaux se dégagent : un usage stratégique ; un usage cognitif ; un usage de légitimation. Cf. Sophie Jacquot, Cornelia Woll (dir.), op. cit. et « Action publique européenne : les acteurs stratégiques face à l’Europe », in Politique Européenne, 25, printemps 2008, pp. 161-192.

98 Sur cette problématique, cf. notamment Karl Deutsch, Nationalism and social communication, An inquiry

into the foundation of nationality, Cambridge and London, The M.I.T. Press, 1953 ; Benedict Anderson, L’imaginaire national – Réflexions sur l’origine et l’essor du nationalisme, Traduction de Pierre-Emmanuel

Dauzat, Paris, La Découverte, 1996 ; Ernest Gellner, Nations et nationalisme, (Ed. originale : 1983), Traduit de l’anglais par Bénédicte Pineau, Paris, Payot, 1989 ; Eugen Weber, La fin des terroirs, Paris, Fayard, 1984.

large, mais qui nous permet de rendre compte de la construction d’un espace d’interactions sociales spécifiques au sein du processus d’intégration européenne.

Notre focale est cependant particulière puisque c’est en termes d’analyse socio-historique et sociogénétique que nous analysons cette politique publique si particulière que représente la Politique Européenne de Sécurité et de Défense., et plus précisément le rôle et les trajectoires des acteurs politico-militaires dans les processus décisionnels qui sous-tendent sa genèse. Notre objet d’étude, et plus largement l’objet « défense » en science politique, pourrait en effet constituer un objet classique d’analyse de relations internationales. Nous avons en revanche choisi de l’étudier différemment, de décaler le regard afin de faire émerger les processus socio-politiques qui parcourent son émergence. Quel est l’intérêt d’une autre approche ? Un point de vue socio-historique sur cet objet a pour enjeu majeur de montrer que la structuration socio-historique des configurations politico-militaires nationales joue un rôle primordial pour comprendre non seulement la façon dont cette politique se construit, mais également les obstacles récurrents qu’elle rencontre aujourd’hui encore, et qui lui lancent des défis pour l’avenir99. De plus, elle nous permet de prendre en compte le poids de la socialisation des différents acteurs ou groupes d’acteurs, impliqués dans la genèse, puis la mise en œuvre de la Politique Européenne de Défense en France et en Allemagne. Nous entendons ici par socialisation non seulement le processus de formation d’un éthos professionnel spécifique (politico-militaire et diplomatique) mais aussi l’habitus national dont les acteurs sont porteurs. Ces processus de socialisation s’inscrivent dans le temps, et sont à replacer face à leur historicité ; ils façonnent l’identité sociale des acteurs étudiés100. Précisons au passage que nous empruntons au fond la démarche du constructivisme social, mais préférons parler de socialisation plutôt que d’identité : le concept de socialisation nous semble moins normatif, et plus approprié dans le vocabulaire corrélé à notre démarche de sociologie historique. Finalement, la sociologie historique telle que nous la concevons ici consiste en un constructivisme soft dans la mesure où son but est d’analyser les phénomènes de structuration sociale et politique comme des construits sociaux, mais en portant sur les discours une attention moins importante que le ferait un

99 Nous sommes d’ailleurs confortés dans le bien-fondé d’un tel type de questionnement par l’approche adoptée entre autres par Frédéric Mérand, chercheur canadien qui a, lui, travaillé sur les représentations des militaires français concernant la défense européenne et a montré l’influence de leur identité professionnelle (par spécialité, par armes…) dans les représentations qu’ils développent sur le sujet. Frédéric Mérand, « Les militaires français et la construction européenne, 1972-1998. Représentations sociales de l’Europe de la Défense dans « Armées d’Aujourd’hui » », in Politique Européenne, 9, 2003, pp. 165-192.

100 Cette démarche sociologique était en fait au cœur des études désormais canoniques sur la construction européenne menées par Peter Haas ou Karl Deutsch dans le années 1950. Cf. Virginie Guiraudon, « The EU through European’s eyes : political sociology and the EU studies », EUSA Review, 19, 1, 2006, pp. 1-5, et Sabine Saurugger, « Une sociologie de l’intégration européenne ? », in Politique Européenne, 25, printemps 2008, pp. 5-22.

constructiviste pur101. Les discours ne sont ici conçus que comme des manifestations extérieures et des véhicules de la socialisation des acteurs ; c’est leur fond plutôt que leur forme qui nous importe réellement.

L’usage de l’approche socio-historique dans les études européennes est certes récent, mais semble susciter un intérêt croissant au sein de la communauté académique française102. Il est intéressant de noter qu’une telle perspective analytique avait déjà fait l’objet il y a une dizaine d’années d’un ouvrage américain enrichissant, coordonné par Louise Tille et Jytte Klausen103. Yves Déloye souligne que les approches mainstream qui dominent largement les études européennes tendent à favoriser une certaine inflation conceptuelle (de la gouvernance au post-nationalisme, en passant par le post-étatisme), mais souffrent d’une lacune : la place quasi inexistante accordée à l’historicité du processus d’intégration européenne, soit le fait que la construction européenne telle qu’elle se produit aujourd’hui possède de profondes racines ancrées dans l’histoire de ce continent104. Ainsi, en réinvestissant la dimension historique des processus européens qui se déroulent sous nos yeux, le chercheur peut accéder à une compréhension plus fine de la façon dont ces processus se produisent, et pourquoi l’Union européenne et ses organes politiques et administratifs fonctionnent comme ils le font, avec leurs forces et leurs limites.Cet oubli, ou ce caractère marginal de la prise en compte de l’historicité dans l’étude de la construction européenne jusqu’à une période récente, semble assez largement imputable à une division du travail disciplinaire qui s’est opérée de facto dans le champs des études européennes : aux historiens de l’intégration européenne, communauté académique bien structurée, l’approche historique du phénomène105 ; aux politistes, aux internationalistes et aux juristes

101 Par soft, nous nous référons à ce que Walter Carlsnaes nomme « thin constructivism » pour désigner les études sociologiques de l’intégration européenne, c'est-à-dire une approche théorique basée sur des prémisses du constructivisme social mais ne prêtant pas aux discours une attention aussi importante que le constructivisme pur. Sur le lien entre socio-histoire et constructivisme, cf. aussi Philippe Corcuff, Les

nouvelles sociologies, 2ème éd. Refondue, Paris, Armand Colin, Coll. « 128 », 2007.

102 Yves Déloye parle d’une « hybridation incertaine », mais prometteuses, dans la mesure où elle permet de redonner toute sa place à une historicité que les études européennes tendaient jusque-là à négliger fortement. Cf. Yves Déloye, Sociologie historique, pp. 33-53, in Céline Belot, Paul Magnette, Sabine Saurugger (dir.),

Science politique de l’Union Européenne, Paris, Economica, 2008.

103 Jytte Klausen, Louise Tilly (eds), European integration in social and historical perspective, Lanham, MD, Rowman & Littlefield, 1997, et tout particulièrement la contribution de Gary Marks intitulée A third lens :

comparing European integration and state building, pp. 23-50. Il est aussi utile de rappeler ici l’ouvrage clef

de Charles Tilly, The formation of national states in Western Europe, op. cit. Du côté français, un récent numéro de la revue Politique Européenne, sous la direction d’Yves Déloye, dresse un état des lieux, et surtout des perspectives de recherche en ce sens. Dossier « La socio-histoire de l’intégration européenne », sous la direction d’Yves Déloye, Politique Européenne, 18, hiver 2006.

104 Yves Déloye, « Eléments pour une approche socio-historique de la construction européenne », in Politique

Européenne, 18, hiver 2006, p. 5.

105 Trop nombreux pour les citer tous ici, retenons néanmoins quelques travaux clefs : Jean-Baptiste Duroselle,

L’Europe. Histoire de ses peuples, Paris, Perrin, 1990 ; Pierre Gerbet, Paris, Imprimerie Nationale, 1994 (1ère

jusque-là, le privilège de l’étude de l’institutionnalisation de l’Union européenne et de l’action communautaire en pleine réalisation. L’enjeu de la sociologie historique dans l’étude de divers secteurs de la construction européenne consiste à prendre en compte la mesure selon laquelle des facteurs politiques, sociaux, administratifs, culturels structurés dans le temps tendent à faciliter, ou au contraire à peser comme un frein sur le développement institutionnel et politique de l’Union européenne. Les tenants d’une approche en termes socio-historiques considèrent, en effet, l’intégration européenne comme un ensemble de processus sociaux entremêlés, qui tendent à transformer la construction d’un espace politique européen de façon différenciée selon les trajectoires historiques propres tant aux Etats qu’aux acteurs qui la composent106. C’est le projet analytique que nous formons ici concernant notre objet d’étude, et qui imprègne notre réflexion et notre protocole d’enquête107.

Notre analyse se réfère plus particulièrement à Norbert Elias, redécouvert depuis quelques années dans le cadre des études européennes108. Dans un célèbre article, il invite les sociologues à ne pas se retirer dans le présent et à suivre l’exemple de leurs illustres prédécesseurs, Marx ou Weber, qui ont inscrit leurs analyses sur la longue durée109. Sa notion de configuration permet de penser l’intégration européenne comme un réseau de relations sociales interdépendantes (ou jeux) tissées dans le temps, et qui

s’institutionnalisent. Par configuration, Norbert Elias désigne toute situation

d’interdépendance concrète aussi bien au niveau de l’individu qu’à celui de l’Etat engagé dans le système international110. La flexibilité du concept permet, sur le plan méthodologique, de combiner le niveau micro des acteurs avec le niveau macro des structures sociétales, et en l’occurrence dans notre cas d’étude les structures politico-militaires nationales et européennes. Raisonner en termes de configuration revêt l’avantage de penser non seulement les interdépendances entre Etats dans le processus de construction

commentée des travaux français, Berne, Peter Lang, 1994 ; Elisabeth Du Réau, Europe des élites ? Europe des peuples ? La construction de l’espace européen, 1945-1960, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 1998 et L’idée d’Europe au XXème siècle, Paris, Ed. Complexe, 2ème éd. (1ère éd. : 1996), Coll.« Questions d’histoire », 2001 ; Marie-Thérèse Bitsch, Histoire de la construction européenne, Bruxelles, Ed. Complexe, 3ème éd., 2001.

106 Cf. Gary Marks, op. cit., p. 39. Ce rapport à l’historicité de la construction européenne s’inscrit aussi dans une démarche réflexive, « visant à penser de manière comparée et continue les configurations de pouvoir

expérimentées en Europe depuis la fin de l’empire carolingien ». Cf. Yves Déloye, art. cit., p. 8. 107

Nous consacrons à ce protocole d’enquête et aux questionnements méthodologiques des développements détaillés plus bas dans cette introduction.

108 Cf. Yves Déloye, Sociologie historique, op. cit., et Julien Weisbein, Des mobilisations sous

(inter)dépendances. Une approche configurationnelle du militantisme fédéraliste en Europe, pp. 317-334, in

Antonin Cohen, Bernard Lacroix, Philippe Riutort, Les formes de l’activité politique. Eléments d’analyse

sociologique , Paris, PUF, 2006, et « L’Europe à contrepoint. Objets nouveaux et classicisme théorique pour

les études européenne », in Politique Européenne, 25, printemps 2008, pp. 115-135.

109 Norbert Elias, « The retreat of sociologists into the present », 1987, in Genèses, 52, septembre 2003, pp. 133-151.

européenne, mais également les interactions et les jeux de pouvoir entre les différents acteurs concourant à ce projet. Autrement dit, il importe de repolitiser cet espace européen qui est loin d’être dénué d’enjeux symboliques de domination111. Cet usage de la pensée configurationnelle chez Elias vise non seulement à faire émerger les transformations à long terme dans les relations d’interdépendance entre les individus et les groupes, mais également, en la combinant avec la notion d’habitus que le sociologue décline tant au niveau de l’individu que de la nation, de dépasser la tension entre sociologie de l’action et sociologie des structures sociales112.

Pourquoi ce détour par la notion de configuration ? Il s’agit d’une notion que nous mobiliserons largement dans notre analyse, et sur laquelle nous serons amenés à revenir, comme nous le justifierons, dans les première et surtout seconde parties de cette thèse, car la politique européenne de défense prend non seulement racine au sein d’une configuration européenne singulière (c'est-à-dire un réseau structuré de relations entre divers acteurs institutionnels modelé par sa structuration passée), mais également parce que cette PESD constitue un processus de construction d’une nouvelle configuration sociale dans cet espace113. Norbert Elias permet de poser en des termes différents une question fondamentale que pose la construction européenne, et que nous serons aussi amenés à interroger par touches successives dans nos développements. L’objectif global de l’intégration européenne est-il réellement de conduire l’Union européenne vers une communauté politique à long terme, dotée d’un gouvernement supranational propre ? 114. Penser la politique européenne

111

Cf. Olivier Baisnée, Andy Smith, Pour une sociologie de l’« apolitique » : acteurs, interactions et

représentations au cœur du gouvernement de l’Union européenne, pp. 335-354, in Antonin Cohen, Bernard

Lacroix, Philippe Riutort, op. cit.

112 Cf. Sabine Delzescaux, Norbert Elias. Une sociologie des processus. Préface de Pierre Ansart, Paris, L’Harmattan, Coll. « Logiques sociales », 2001 ; Steven Loyal, Stephen Quilley (eds), Toward a “central

theory”: the scope of relevance of the sociology of Norbert Elias, p. 4, in The sociology of Norbert Elias,

Cambridge University Press, 2004.

113 Nous préférons la notion de configuration à celle de champ, qui nous semble moins pertinente pour notre cas d’étude, à moins de la recevoir dans une acception légèrement détournée de sa construction originelle, comme le font certains internationalistes américains. Cf. sur ce point Frédéric Mérand, « Les institutionnalistes (américains) devraient-ils lire les sociologues (français)? », art. cit. Nous relevons d’ailleurs que la traduction de La dynamique de l’Occident fait usage du terme de « champ » : « Il importe dans toute recherche sociogénétique d’envisager d’emblée le tout d’un champ social plus ou moins différencié, plus ou moins chargé de tensions. […] Examiner tout d’un champ social ne veut pas dire en examiner tous les éléments. Il s’agit plutôt de découvrir d’abord les structures fondamentales qui impriment à tous les événements d’un champ social donné une orientation et une morphologie spécifique. » Norbert Elias, La dynamique de

l’Occident, Paris, Pocket Agora, 2003, p. 257.

114 C’est une autre façon de se poser cette question soulevée par le courant fonctionnaliste d’études européennes dans les années 1950 à travers la notion d’engrenage (spill over). Ce phénomène est celui du spill

over : selon la logique de Haas, les activités relevant des secteurs de la construction européenne initialement

intégrés sont appelés à accroître le processus intégratif vers d’autres secteurs d’action publique non encore européanisés, de sorte qu’à long terme, la construction européenne devrait conduire à une vaste communauté politique en Europe. C’est d’ailleurs le sens originel donné au projet européen par Robert Schuman dans sa fameuse déclaration du 9 mai 1950 lorsqu’il disait que « l’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une

construction d’ensemble. Elle se fera par des réalisations concrètes, créant d’abord une solidarité de fait. ».

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