• Aucun résultat trouvé

Chapitre 5. Le rapport à la norme

2. L’hétérogénéité des pratiques linguistiques en classe

2.4. L’évaluation et les barèmes

Je ne vais pas recopier ici les diverses évaluations proposées dans les cours de français, on

les trouvera en Annexe 1, t.2, pages 6 et 9, et Annexe 2, t.2, pages 13-18. Plus intéressants sont

les barèmes. Les travaux du cours de communication écrite

175

sont évalués à 50% sur le contenu

(textuel et discursif, cf. Annexe 2, t.2, p. 16), soit 50 points, et 50% sur le volet dit

« linguistique », soit 50 autres points, pour un total de 100. Pour ce second volet, chaque

étudiant perd des points à mesure des fautes qu’il fait (d’orthographe et de grammaire, de

syntaxe, de ponctuation). Au début de mon enquête de terrain, le barème – utilisé depuis

175

quelques années – était réparti ainsi pour ce qui concerne les travaux faits en classe (un autre,

plus exigeant existe pour les travaux faits à la maison) :

A) Barème pour les travaux faits à la main en salle de classe

200 mots 400 mots 600 mots Valeur /50

0 faute max. 1 faute max. 2 fautes 50

max. 1 faute max. 2 fautes max. 3 fautes 46

max. 1,5 faute max. 3 fautes max. 4,5 fautes 44

max. 2 fautes max. 4 fautes max. 6 fautes 43

max. 2,5 fautes max. 5 fautes max. 7,5 fautes 41

max. 3 fautes max. 6 fautes max. 9 fautes 39

max. 3,5 fautes max. 7 fautes max. 10,5 fautes 38

max. 4 fautes max. 8 fautes max. 12 fautes 36

max. 4,5 fautes max. 9 fautes max. 13,5 fautes 34

max. 5 fautes max. 10 fautes max. 15 fautes 33

max. 5,5 fautes max. 11 fautes max. 16,5 fautes 31

plus de 5,5 fautes plus de 11 fautes plus de 16,5 fautes 9

Ce qui est compté comme une faute est résumé dans une grille de correction où chaque type

de faute est assorti d’un code que l’enseignante écrit sur la copie autant de fois que nécessaire.

Cette forme d’évaluation a un intérêt déclaré : permettre aux étudiants de voir où se situent leurs

fautes récurrentes pour se corriger. Ce barème fait apparaitre des demi-fautes, nous n’apprenons

nulle part quelles sont les demies et les pleines

176

. Toutefois, en entretien, les professeurs

m’indiquent généralement être souples, notamment dans les cas où un type précis de faute se

répèterait. Ainsi, avec ce barème, sur une copie de 200 mots, 5 fautes coutent 17 points sur les

100. En faire six, c’est franchir le pallier « irrémédiable », et perdre dès lors 41 points sur les

100, la 6

e

faute en coûtant à elle seule 24. Curieux de connaitre l’avis des étudiants sur ce

barème, j’avais prévu de leur poser la question en entretien. Lors du tout premier que je conduis

avec une étudiante, Clémence défend ce système :

(Ext40, entretien, 07-11-13, 12

e

) ENQ : qu’est-ce que tu penses/ puisqu’on parle de rédaction/

de ce barème

Clémence : c’est approprié + c’est difficile et ça me stresse et ça me déprime lorsque je vois

mes erreurs mais c’est approprié

176 Hiérarchiser les fautes en attribuant une sanction plus ou moins lourde selon la catégorie n’est pas quelque chose de nouveau. Généralement ce qui relève de la grammaire coûte plus cher que ce qui relève du lexique, et aussi longtemps que je me souvienne, cette façon de faire a toujours prévalu dans ma propre éducation. On se tournera vers l’histoire de la grammaire scolaire pour en comprendre l’origine (Chervel, 1977). Distinguer une orthographe dite grammaticale et une autre dite lexicale est généralement justifié par le fait que la faute de grammaire serait plus grave en ce qu’elle porterait atteinte à la compréhension du texte. Cela a déjà quelque chose d’idéologique en ce qu’il s’agit d’établir un lien – fallacieux – entre orthographe / langue / pensée. On peut lire à ce sujet l’ouvrage de Millet, Lucci et Billiez (1990) ou les publications du Groupe RO, voir essentiellement le numéro 19 de la revue Glottopol (2012).

176

ENQ : d’accord donc dur mais nécessaire

Clémence : oui c’est très nécessaire parce que c’est pas/ c’est pas normal de faire/ quoi par

exemple moi je vais être honnête à mon premier texte j’ai eu quoi j’ai eu huit fautes alors ça

m’a vraiment sauvé le cul là t’sais neuf fautes là une autre faute de plus puis t’es rendu à + tu

sais alors

ENQ : j’en ai parlé aux deux professeures et justement c’est ça que je trouvais très compliqué

dans ce barème là c’est que quand tu as 200 mots à écrire tu fais 5 fautes et demi tu as 31 points

et si tu en fais six tu as neuf

Clémence : mais si tu mets pas ceci en place dans les cours lorsque tu sais qu’on est tous chiac

ou qu’on parle tous/ tu sais on est pas des/ des ++ ben je veux pas généraliser là puis basher/

basher sur tout le monde mais non E on n’est pas forts en écriture

Face à ce qu’elle voit comme un constat fatal (« on n’est pas forts en écriture »)

177

, elle laisse

entendre qu’une partie de la solution réside dans une forme d’autorité et d’intransigeance à

l’égard de l’orthographe. Elle raconte pourtant avoir failli payer ce système (« huit fautes… ça

[lui] a sauvé le cul »), ce qui vient renforcer sa position : in fine c’est une question d’effort

nécessaire de la part des étudiants, elle incluse. Or, au milieu du semestre d’automne 2013,

quelques jours seulement après cet entretien, le barème a changé. Après concertation entre les

professeurs il a été jugé injuste, notamment à cause de la partie du tableau encadré en

double-trait ci-dessus, c’est-à-dire le fossé de 24 points. Dans la deuxième moitié du semestre, il a donc

été lissé et rendu entièrement progressif. Les autres étudiants avec qui je me suis entretenu ont

donc été interrogés sur ce changement. Et, étonnamment ou non, il a été reçu de façon très

partagée.

Certains sont satisfaits du changement, comme Bénédicte, qui dit :

(Ext41, 27-11-13, 7

e

) Bénédicte : E moi personnellement je trouve que ++ les critères c’est un

peu élevé + comme le barème là j’étais contente quand Emma a dit que le barème a changé

parce que moi à la polyvalente j’avais/ le français ça allait bien j’avais quand même une

moyenne à 70 80 dans mon français c’était quand même correct pour moi + arrivée à

l’université je me suis aperçue que c’était pas ++ c’était pas pareil

Elle met cette évolution en regard de ses notes du secondaire (c’est une thématique

récurrente, professeurs comme étudiants m’ont parlé d’un fossé considérable existant entre la

dernière année du secondaire et l’entrée à l’université). On sent également une insécurité et des

doutes – nous approfondirons la question au point suivant. Cet avis est corroboré par Lydie et

Martha, l’ancien barème est décrit comme sévère.

177 Je laisse de côté pour l’instant ses mots sur le chiac, je reviendrai longuement sur la place du chiac dans le 7e chapitre. Je relève simplement qu’elle semble spontanément établir un lien entre la pratique du chiac et d’éventuels problèmes d’orthographe.

177

(Ext42, 02-12-13, 18

e

) Lydie : je trouve le nouveau barème est beaucoup mieux

Martha : ouais moi aussi

ENQ : MM ouais vous il vous convient mieux

Lydie : je trouve c’était un petit peu exagéré le premier

Martha : ouais c’est/ ben c’était vraiment sévère là oui + là je me rappelle plus combien de

fautes j’avais faites mais ça m’avait tombé à 9 sur 50 puis j’étais/

Leurs propres notes viennent à l’appui de leur argumentation. Même argument pour un avis

opposé à celui de Clémence, ou celui de Hélène, qui critique ce changement :

(Ext43, 14-11-13, 6

e

) Hélène : ben ++ c’est une bonne chose pour le monde qui/ qui réussissent

pas trop bien ben ça va pas ++ ça va pas nous aider vraiment à ++ y en a qui pourraient

peut-être penser oh ben c’est juste comme/ même si j’ai plus de fautes ça dérange pas parce que je

vais passer pareil + on dirait c’est pas correct qu’ils ont changé ça au milieu du semestre juste

comme pour aider

ENQ : t’as peur que ça soit pas assez incitatif et que/ fin que

Hélène : ça nous aide peut-être même pas parce que…

ENQ : oui que ça vous aide pas parce que/

Hélène : faut que la langue

ENQ : que ça vous pousse pas à travailler ?

Hélène : non ben/ moi je trouve c’est pas une bonne chose qu’ils l’ont changé

D’abord hésitante, elle doute ensuite que ça soit une aide, craignant que ça n’incite les

étudiants à en faire moins (passage en gras). Au fil de mes relances – qui n’y sont peut-être pas

pour rien, elle semble affermir sa position pour finir l’échange sur « c’est pas une bonne

chose ».

Avec le barème initial comme avec le barème modifié, je peux qualifier la pédagogie

construite ici de compensatoire. Il s’agit à différents niveaux du parcours (cela commence avec

le test de classement et se poursuit donc avec les formes que prend l’évaluation) d’identifier les

zones de difficultés/lacunes des étudiants, et travailler spécifiquement dessus pour les corriger ;

c’est-à-dire compenser par l’attention, le temps et l’effort, les manques précis dans des secteurs

de la langue que l’on aura cherché à identifier. C’est le sens de la grille de correction et de ses

codes. Compensatoire également car la pédagogie est organisée autour de la notion de faute (et

ce, même quand on l’appelle erreur). J’ai déjà abordé la question des exercices de repérage

d’erreur, et discuté leur implication idéologique, on voit ici que la notation est en accord parfait

avec ces principes : chaque étudiant part avec son capital de points qu’il perd au fil des fautes

qu’il commet. Une forme de notation « en négatif », qui ne vient pas valider « ce qui est bien

fait », mais sanctionner « ce qui est mal fait ». Précisons immédiatement que cette pratique est

178

bien connue. La notation appuyée sur un barème-sanction qui dénombre les fautes, n’est ni

nouvelle, ni l’apanage de l’université canadienne. Pour la France, Chervel écrit que c’est

lorsque les brevets de l’école normale sont devenus essentiellement des examens

d’orthographe

178

, que ce sont développées des formes de notations basées sur un barème de

fautes. Il écrit :

Désormais l’instituteur français ne jure plus que par l’orthographe. Les méthodes

d’enseignement sont maintenant au point, le système de notation (appuyé sur un barème de

fautes) est d’une grande simplicité et permet un classement immédiat des élèves en bons et

mauvais (2008, p. 46).

C’est donc une pratique ancienne, implantée en France au moins depuis le 19

e

siècle

(Chervel, 2006). Elle dérive des vieilles cacographies

179

et surtout de la fameuse dictée, qui

devient l’exercice par excellence du cours de français dès la fin du 19

e

siècle. Vieil outil donc,

que celui du barème-sanction, qui repose sur un aspect pratique, celui d’évaluer tous les

étudiants selon une même grille de correction connue et fournie à tous, qui donne l’apparence

de l’objectivité et de l’équité.

La question se pose des conséquences d’une telle pédagogie : ne peut-on penser que la

pédagogie compensatoire est un puissant stimulant d’insécurités et déconsidérations ? Ce

d’autant plus que les marques de vernaculaire dans l’expression (écrite ou orale) des étudiants

sont, on l’a vu, généralement considérées comme des erreurs. Et si l’on peut compter sur la

souplesse et l’ouverture du corps professoral pour « limiter les dégâts » sur les notes, les

discours restent, et avec eux les structures de cours et d’évaluation.

Les barèmes contiennent, dans leur construction même, un jugement sur les pratiques, quand

ils ne comportent pas noir sur blanc des jugements axiologiques. Voyons ça d’un peu plus près

en observant cette fois la grille de notation des exposés oraux. Dans cette grille (disponible en

annexe 10) beaucoup de points entrent déjà dans les considérations faites précédemment,

178 Celle-ci, complexe, a joué comme un instrument de tri social. A la fin du 19e siècle en France, la majeure partie des concours de la fonction publique comportent leur épreuve d’orthographe souvent difficile, permettant ainsi un tri efficace (bien qu’arbitraire) parmi les candidats.

179 Ancien nom d’exercices similaires au repérage d’erreurs que l’on trouve dans mon corpus. Chervel écrit à ce sujet : « Prenons par exemple les exercices d’orthographe. Celui qui s’était développé au cours des trente premières années du [19e] siècle s’appelait la cacographie. Il consistait à offrir aux élèves des textes imprimés comportant des fautes d’orthographe qu’il leur incombait de corriger » (2008, p. 40). Chervel écrit ailleurs que l’exercice se trouve bien vite sous le feu des critiques (2006, p. 309), on lui reproche d’imprimer des formes erronées dans la tête des élèves. Combattu, l’exercice fit pourtant florès pendant plusieurs décennies, avant d’être abandonné officiellement dans la pratique, puis sur demande du ministère de l’instruction publique dans les années 1880. Il renait sous diverses formes et sous divers noms à divers endroits, à toutes les époques, jusqu’à aujourd’hui. Dans les cours de français de Moncton, il existe sous l’appellation « repérage d’erreurs » ou « erreurs fréquentes à l’oral ». Chervel parle également d’une déclinaison de cet exercice, une « méthode analogue pour corriger les provincialismes » (p.309).

179

notamment pour tout ce qui relève du vocabulaire, des registres, des structures syntaxiques, etc.

Je m’arrêterai donc plus précisément sur un point entièrement relatif à l’oral : la prononciation.

Cette grille est adaptée de deux ouvrages, celui de Préfontaine, Lebrun et Nachbauer (1998) et

celui de Fisher (2007) ; j’en isole ci-dessous le passage portant sur la diction, il est scanné du

document papier :

Regardons l’avant-dernière ligne de cette grille ; on lit, dans les points positifs, la mention

d’une prononciation « socialement acceptable ». Et si on s’interroge sur ce que peut bien

signifier cette formule, on regardera avec profit la colonne d’en face, qui est son pendant « à

améliorer » : prononciation archaïsante. « Archaïsante » ? Cela doit nous rappeler les

archaïsmes qu’on a vus plus haut. Or, on sait désormais ce que cela recouvre, à savoir, des

locutions issues des parlers locaux, héritées des pratiques linguistiques acadiennes qui

remontent aux premiers colons et dont on juge qu’elles s’éloignent par trop d’un idéal standard

venu d’ailleurs.

« Prononciation archaïsante » ? Est-ce une manière détournée de parler des accents ? Dans

tous les cours, dans tous les entretiens, j’ai entendu des professeurs soucieux de ne pas

stigmatiser les accents, voici deux exemples parmi bien d’autres.

(Ext44, entretien, 25-10-13, 27e) Emma : comme l’accent tu veux dire ?

ENQ : certain/ oui oui + certaines voyelles par exemple sur les A en fin de phrase ce genre de

trucs

180

Emma : [ʃokolᴐ] ? oh non non non, non + ça moi je leur ai dit E ça c’est/ c’est l’accent sinon

je me pénalise puis ça serait terrible

(Ext45, entretien, 31-10-14, 12e) Julie : oui donc du coup E chaque fois je répète on n’est pas

là pour faire la chasse aux accents + mais ça fait partie des des compétences qu’on E + qu’on

vise puis encore là dans les grilles de correction c’est écrit E prononciation archaïsante

180 Mon exemple n’est pas choisi au hasard, il rebondit sur l’extrait 46, présenté ci-après, tiré d’un cours qui a eu lieu quelques semaines avant cet entretien.

180

ENQ : c’est vrai ?

Julie : ouais donc moi je raye j’écris prononciation familière mais je

ENQ : archaïsant ils entendent quoi par-là ?

Julie : je sais pas je/ je comprends pas mais déjà quand on parle de n’importe quoi d’archaïque

c’est péjoratif là

Alors, que peut bien vouloir dire « prononciation archaïsante » opposé à « prononciation

socialement acceptable » ? On n’ose pas croire que cette formule signifie réellement qu’il soit

demandé aux étudiants de modifier, voire de corriger, leur accent.

Encore une fois, la pratique est ancienne, et on me pardonnera une fois de plus de piocher

les exemples dans le cas de la France, qui n’a jamais été exempte de ce genre de pratique

pédagogique (Blanchet, 2016)

.

Au nom de l’unité nationale, on chassait, depuis l’Abbé

Grégoire, les français régionaux, les patois ou encore les germanismes en Alsace ; l’école qui

sort des lois Guizot (1833), et plus tard celle de Ferry, s’employa à chasser férocement les traces

d’accents régionaux. Et Chervel de dresser une liste non-exhaustive de règlements scolaires

départementaux où l’on recommande aux instituteurs de faire acquérir une prononciation

« correcte et exempte de tout vice » (2006, p.371). On a curieusement la sensation, en lisant

« prononciation archaïsante » ou « socialement acceptable », d’y lire une forme euphémistique

de ces mêmes discours. Par opposition à l’adjectif archaïque, faire acquérir aux étudiants une

prononciation plus européenne, ou peut-être un phraser plus proche de celui de Radio-Canada,

serait-il signe (ou promesse) de modernité ?

Toute la bonne volonté des professeurs pour ne pas stigmatiser les accents ne suffit pas

lorsqu’ils cherchent à se conformer un tant soit peu aux barèmes de notation, faisant émerger

de temps en temps des scènes difficiles à qualifier

181

:

(Ext46, cours, 16-09-13, 12e) Karen : vous visez la norme et on le dit au début du chapitre 5

pour la phonétique j’y arriverai plus tard aujourd’hui E c’est que dans la prononciation on dit

que ++ vous devez tendre vers ++ la norme du français standard en mettant le plus possible de

côté votre accent régional + j’ai ri un petit peu quand j’ai lu ça + savez-vous pourquoi ? (3sc)

(…)

182

E j’hésite un petit peu parce que vous allez voir ++ que ++ on mise sur + E [a] par

exemple c’est [linda] + qui m’appelle mais dans la région j’aurais ++ j’entends rarement des

personnes dire [linda] dans ce/ + dans le/ + au Nouveau-Brunswick + puis au Québec ++ pas

toujours + mais, je vous le dis c’est une parenthèse + ici je peux accepter le [lindɑ] le a qui

sera plus vers le [ᴐ] mais pas trop hein pas à [lindᴐ] [lindᴐ] on est au [kanadᴐ] S: c’est exagéré

+ mais de dire on est au [kanada] on l’entendrait plus en Europe ici + c’est plutôt un K/ [kanadɑ]

181 C’est moi qui transcris phonétiquement les termes utiles à la compréhension.

181

le a est moins a ça devient entre un [a] et un [ɑ] à quelque part on pourrait dire un A

intermédiaire

Et me voilà en mesure de reposer exactement la même question que plus haut : ne peut-on

penser que cette forme de pédagogie compensatoire est du même coup un puissant stimulant

d’insécurités et déconsidérations ? A en croire les professeurs eux-mêmes, c’est bel et bien le

cas :

(Ext47, entretien, 20-10-14, 55e) Françoise : c’est un gros/ pour les sortir de ça ouais ouais les

sortir de ça puis E E premièrement ++ y a personne y a personne qui parle mal c’est pas vrai

+ E ++ l’accent + oh ben moi j’ai un accent ouais + j’ai dit y a des gens qui ont pas d’accent

sais-tu c’est qui ? ++ les muets

ENQ : (rires) oui c’est vrai moi j’ai un accent aussi

Françoise : mais tout le monde a un accent tout le monde puis je dis pourquoi on se sent insultés

quand quelqu’un nous dit oh t’as un accent + mais oui mais + qui n’a pas d’accent dès dès dès

la dès le moment où on a la capacité de parole on a un accent + tout le monde a un accent c’est

comme/ + puis là je leur fais voir oh + mais là le fait qu’ils acceptent qu’ils aient un accent +

on dirait + oh on dirait que l’insécurité linguistique O: ça s’améliore un petit peu

Et avec ces dernières paroles, prononcées sur un ton entre l’indignation et la colère, le lien

est fait vers le point suivant : l’insécurité.