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Les cours obligatoires de communication en français, 1500 et 1600

Chapitre 4. La formation en français

4. La structure actuelle de la formation en français

4.2. Les cours obligatoires de communication en français, 1500 et 1600

Ces deux cours forment le tronc commun de la formation linguistique. Ils sont accessibles

directement sur un résultat supérieur à 73% au test (seuil de 2016) ou après avoir complété ceux

exposés ci-dessus. Je vais en faire une présentation un peu plus détaillée que pour les deux

précédents en commençant par leurs objectifs respectifs et une description brève de leur

orientation, du contenu et des modes d’évaluation.

4.2.1. Le cours FRAN 1600

Je commence par décrire le 1600, cours de communication écrite, pour la raison que son

contenu semble beaucoup plus stabilisé. Forme nouvelle d’une longue tradition de cours de

rédaction et de grammaire, son contenu est bien connu des professeurs qui l’enseignent,

pratiqué de longue date, et il ne suscite aucune remarque ni critique de leur part (je montrerai

que le second cours au contraire, celui d’oral, en suscite).

Aujourd’hui, la description de ce cours dans le répertoire en ligne est la suivante (voir aussi

Annexe 2) :

Atelier de lecture et d'écriture portant sur la grammaire du texte. Initiation aux différents types

(argumentatif, descriptif, dialogal, explicatif et narratif) et genres (par exemple, analyses,

comptes rendus, rapports, résumés, critiques, commentaires, etc.) de textes. Perfectionnement

des compétences linguistiques.

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Ce cours a d’abord des objectifs généraux, qui sont rédigés ainsi :

- Maitriser la grammaire du texte ;

- S’initier aux caractéristiques structurelles et linguistiques des différents types de textes ;

- Produire des textes clairs et cohérents, de longueurs variées, rédigés en langue standard.

(Annexe 2)

132

Ces objectifs reprennent partiellement ceux d’anciens cours, comme le 1913 « rédaction

universitaire ». Ils mettent l’accent sur la production de textes. Donc, dans les faits, de

nombreuses séances sont passées sur l’enrichissement du vocabulaire, la reformulation de

phrases, la construction de paragraphes, l’enchainement des idées à l’intérieur d’un paragraphe ;

quelques techniques d’écriture, la reprise d’informations, etc. Le tout est généralement

agrémenté de grammaire et de syntaxe. A ce stade du cursus, les étudiants sont censés avoir

suffisamment travaillé ces sujets dans les précédents cours, cependant dès que l’occasion se

présente ou lorsque ça s’avère nécessaire, un complément d’informations grammaticales,

orthographiques, syntaxiques est délivré aux étudiants. En ce sens, le cours est aussi le lieu de

petits exercices de grammaire quotidiens : phrases à trous, corrections d’énoncés jugés erronés,

exercices de transformation, de reformulations, etc. En entretien, tous les professeurs

m’indiquèrent en faire autant. Ce cours est le successeur d’un autre intitulé « rédaction

universitaire », en cela il s’intéresse aussi au texte. En classe, plusieurs genres de textes sont

présentés (résumé, rapport, dissertation, mais aussi articles de presse, tribunes), analysés dans

leur structure et d’un point de vue plus argumentatif (le texte sert-il à décrire des choses,

informer, argumenter, etc., et comment ?). Et comme préambule à tout ça, les étudiants voient

aussi les techniques de lecture rapide, et comment tirer les informations essentielles d’un texte.

Voici brossé globalement le contenu du cours d’écrit. J’ajoute que, à l’instar de tous les cours

de français, ils utilisent les méthodes et la terminologie de « la grammaire nouvelle

137

».

Un mot de l’évaluation de ce cours. Elle est double, à la fois formative, au moyen de courts

textes dans un carnet et de participation active en classe, et sommative avec la notation de

certains textes du carnet, de la production d’un résumé et de deux rédactions en classe. La

notation de chaque production est divisée en trois : volet linguistique, textuel et discursif. Le

principal volet, qui compte pour 50% de chaque note, est le « linguistique », c’est-à-dire en fait,

l’orthographe, la grammaire et la syntaxe. Sur ce point une grille est fournie aux étudiants qui

contient la liste de tous les domaines susceptibles d’erreurs, accompagnés d’un code (voir

Annexe 2, t.2, p.18

138

, je ne la reproduis pas ici)

139

. Ces codes sont inscrits à chaque fois qu’une

faute est constatée dans une production d’étudiant et cela lui retire des points sur un capital de

137 Il s’agit essentiellement d’un changement de méthode d’enseignement, basé sur les catégories morphologiques et leur récurrence dans la structure de la communication, en éliminant les méthodes de par cœur, l’insistance sur les exceptions, etc. Cette grammaire « nouvelle » – qui date quand même des années 80, voir Poulain (1980) – utilise aussi une nouvelle terminologie (Guay, 2012).

138 Sous cette forme, la référence indique la page 18 du tome 2. Il en va ainsi des références suivantes.

139 Il est spécifié que cette grille est reproduite de « Paret, Maillette, Chartrand, 1994 », mais cette référence n’apparait nulle part, dans aucune bibliographie, il est probable qu’elle soit un mélange de différentes publications.

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50 au départ. On trouve pages 7-8 du syllabus les barèmes des travaux faits en classe ; je

reproduis ici celui de 2013

140

:

A) Barème pour les travaux faits à la main en salle de classe

200 mots 400 mots 600 mots Valeur/50

0 faute max. 1 faute max. 2 fautes 50

max. 1 faute max. 2 fautes max. 3 fautes 46

max. 1,5 faute max. 3 fautes max. 4,5 fautes 44

max. 2 fautes max. 4 fautes max. 6 fautes 43

max. 2,5 fautes max. 5 fautes max. 7,5 fautes 41

max. 3 fautes max. 6 fautes max. 9 fautes 39

max. 3,5 fautes max. 7 fautes max. 10,5 fautes 38

max. 4 fautes max. 8 fautes max. 12 fautes 36

max. 4,5 fautes max. 9 fautes max. 13,5 fautes 34

max. 5 fautes max. 10 fautes max. 15 fautes 33

max. 5,5 fautes max. 11 fautes max. 16,5 fautes 31

plus de 5,5 fautes plus de 11 fautes plus de 16,5 fautes 9

Le reste de chaque note dépend des deux autres volets qui valent chacun 25% de la note. Le

volet « textuel » évalue la cohésion du propos, son organisation et le respect de la longueur

attendue. Le volet « discursif » évalue la mise en mots des idées principales et secondaires, la

clarté et la concision du propos, etc. (voir Annexe 2, t.2, p.15 pour plus de détails).

Voilà décrit rapidement le contenu et les modalités du cours de communication écrite qui fut

le premier des deux terrains d’observation de cette recherche. Je passe au second.

4.2.2. Le cours FRAN 1500, héritier du 1903 ?

Faisons d’abord un bref retour en arrière, jusqu’à la procédure d’évaluation de 2005 ; le

cours FRAN 1500 nait dans ces rapports. Pascale Lefrançois et Diane Vincent proposaient ainsi

un cours qui

pourrait porter sur la structure du discours et présenter aux étudiants les principes de la

description, de l’explication, de l’argumentation. Ce cours serait aussi le lieu privilégié pour

traiter des niveaux de langue (en distinguant les mots et les tournures du registre familier des

mots et tournures du registre standard, qu’on valorise en contexte universitaire) et de la

variation linguistique (en mettant en relief les particularités du français au

Nouveau-Brunswick). On rejoindrait là des objectifs de l’actuel FRAN 1903, qui venait remédier au

140 Il s’agit du barème en vigueur depuis quelques années au début de mon enquête. Il a changé au milieu du semestre d’automne 2013, j’y reviendrai.

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problème de l’insécurité linguistique de certains étudiants, en y ajoutant des objectifs d’ordre

pratique dont beaucoup d’étudiants semblent voir la pertinence (2007, p. 55)

141

.

La réponse du vice-recteur et du comité conjoint à la planification est positive sur la

réorganisation des cours obligatoires de français, mais laisse le contenu et les objectifs de ce

cours en particulier en suspens, en précisant qu’ils « pourraient s’inspirer des suggestions

avancées par les évaluatrices » (2007, p. 87). Généralement les contenus sont ensuite constitués

par une petite équipe de professeurs mandatés.

Aujourd’hui, la description du cours est la suivante dans le répertoire en ligne (voir aussi

Annexe 1) :

Relations entre langue écrite et langue orale. Prise de conscience des différents registres

adaptés aux situations de communication. Amélioration des aspects oraux liés à la voix, aux

compétences linguistiques, aux compétences discursives et aux compétences communicatives.

Initiation aux formes de discours oraux : exposé, débat, entrevue, etc.

142

Les aspects sociolinguistiques ne sont pas présents dans la description générale officielle

proposée dans le répertoire, on peut éventuellement les retrouver dans le syllabus, au point « but

du cours » (cf. Annexe 1), dans la formulation « assurer une meilleure maitrise d’une variété

standard à l’oral et en valoriser l’usage dans la vie universitaire et professionnelle en tenant

compte de la diversité linguistique du milieu » (je souligne). Bien sûr, tout dépend de ce que

signifie réellement « tenir compte de la diversité du milieu », j’y accorderai une large place au

chapitre 7, je ne m’y arrête pas pour l’instant. Jusque-là, on peut y voir une forme de continuité

avec l’ancien contenu du 1903 ; continuité qui disparait à la lecture des objectifs. Il est écrit

dans les objectifs généraux que le cours vise à :

- sensibiliser l’étudiante ou l’étudiant aux registres de langue à l’oral;

- amener l’étudiante ou l’étudiant à reconnaitre le registre approprié à la situation de

communication;

- amener l’étudiante ou l’étudiant à maitriser la langue standard à l’oral;

- initier l’étudiante ou l’étudiant aux différentes formes de discours oraux. (Annexe 1)

Les objectifs généraux peuvent nous rappeler ceux de l’écrit. Il s’agit là aussi d’identifier

différents « genres oraux » et d’amener l’étudiant à les manier dans un sens voulu. Cela

rapproche ces objectifs de la forme normative que prennent ceux de l’écrit. Quant aux objectifs

spécifiques, ils se déclinent ainsi :

141 Rappel : la référence porte l’année et la pagination de la compilation de l’ensemble de la procédure ; compilation qui date de 2007. La procédure elle-même s’est déroulée en 2005, le rapport dont il est question ici date de mai 2006.

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- reconnaitre les caractéristiques linguistiques des différents registres de langue à l’oral

- être conscient des différentes valeurs sociales qui sont associées aux différents registres

- pouvoir adapter son registre de langue à la situation de communication ;

- être capable de produire un discours oral dans un registre de langue neutre-soutenu,

dans une forme structurée liée à son domaine d’études et/ou au marché du travail associé à ce

domaine. (Annexe 1)

Les objectifs spécifiques s’enlignent derrière les objectifs généraux en reproduisant cette

idée de découpage en différents genres à maitriser ; appelés ici « registres » (et j’y reviendrai

longuement au prochain chapitre), ils recoupent globalement la situation de communication.

Enfin on peut lire dans « différentes valeurs sociales associées aux registres » des éléments de

l’ancien cours 1903, mais c’est peu clair et succinct.

Dans les faits, le cours commence par le schéma de la communication et des fonctions de la

communication, en prenant surtout appui sur Jakobson (1960). Ensuite, il passe du temps sur la

définition des registres de langue et leur identification ; différents exercices sont proposés sur

ce point (repérage d’erreurs, transformations d’un registre à un autre). Le cours est divisé en

trois groupes de compétences à travailler (Annexe 1), linguistique d’abord : enrichissement du

vocabulaire, catégorisation du lexique (qu’est-ce qui est accepté, qu’est-ce qui ne l’est pas ?),

exercices de grammaire et de syntaxe (sur la phrase, notamment), travail sur la voix

(articulation, respiration, portée, mais aussi prononciation). Des compétences dites

« discursives » ensuite, liées aux genres de discours, à la pertinence et la cohérence du contenu.

Des compétences dites « communicatives » enfin, liées celles-ci, à l’interaction, à la conscience

de soi et des autres et l’adaptation de son discours en fonction de ceux-ci. En général, chacune

des séances se fait sur le mode du travail en groupe ou de la discussion en classe entière,

amenant les étudiants à participer beaucoup.

Un mot enfin des évaluations. Comme pour le précédent, elle est double : à la fois formative,

par l’utilisation d’un journal de bord dans lequel le parcours et la progression doivent être

consignés, et sommative. Sur ce point, il y a deux évaluations principales à l’oral : une

discussion-débat en groupe et un exposé individuel ; le tout vaut 60% de la note finale. Je

reviendrai au prochain chapitre sur les méthodes d’évaluation. Ensuite, 20% sont des

évaluations de « travaux pratiques », qui sont en fait des « quizz » de repérage d’erreur. Et 20%

évaluent le journal de bord et une synthèse des apprentissages. Pour ces derniers, ce sont les

barèmes du cours de l’écrit qui s’appliquent, en utilisant donc la notation dégressive (on perd

des points avec les fautes qu’on commet).

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Voilà pour ce qui est du contenu de ce cours. J’ajoute un point important, c’est que celui-ci

fait débat parmi le corps professoral. Pour tout dire, bien peu le défendent et le prennent au

sérieux. Tantôt décrit comme une récréation (où l’on s’amuse et où l’on se détend), tantôt

comme infantile (avec des contenus qui ne nécessiteraient pas un cours complet, ou qui

n’auraient pas à être enseignés – moins encore à l’université). Il est rare que son contenu soit

vu comme vraiment pertinent et utile. Au point que la direction du Secteur m’indiqua en

novembre 2014 que son cas « était à l’étude ». C’était un point qu’il fallait soulever ; dans la

suite de cette thèse j’aurai souvent l’occasion de me pencher sur son contenu, mais je ne

questionnerai pas la légitimité de son existence ou des leçons proposées.