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CINQUANTE ANS APRES LA MIGRATION

C. ET POUR LES GENERATIONS FUTURES ?

2. Où sont les jeunes ?

Le tableau ci-après permet de localiser les enfants des répondants âgés de plus de 18 ans. Puisque, à partir de l’exemple de Ciriaco, nous cherchons à identifier l’évasion rurale, nous n’avons pris en considération que les enfants ayant vécu au moins un an dans la communauté. De ceux qui ont quitté la localité, on ne sait néanmoins pas affirmer combien habitent aujourd’hui en ville ou en zone rurale. Quant à ceux qui sont restés, on ne sait pas quelle est leur situation foncière ni leur situation familiale. En effet, certains fils de répondants sont eux-mêmes des chefs de famille, qui ont reçu le bénéfice d’une parcelle au sein de la résex. On peut supposer que cette catégorie est représentée par les 32,35% d’enfants de répondants qui vivent toujours au Ciriaco, dans la même localité que leurs parents.

Chapitre II – Migrations et peuplement – Enquêtes biographiques à Ciriaco

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Tableau 10 : Où sont les enfants des répondants âgés de + 18 ans ayant vécu au moins un an à Ciriaco ?

Effectifs %

Même maison 43 42,16

76,47% des enfants vit encore dans la localité

Sur le même lot 2 1,96

Même localité 33 32,35 Même municipe 2 1,96 23,53% des enfants a quitté la localité Même Etat 12 11,76 Autre Etat 8 7,84 Ne sait pas 2 1,96 102 100

Source : Ebimaz/Duramaz ; traitement statistique Pascal Sébille

Quoi qu’il en soit, on est surpris par l’importante proportion de jeunes adultes qui restent attachés au domicile de leurs parents (42,16%). Comment expliquer cet état de fait, qui contraste fortement avec les déclarations du questionnaire Familia et Moradia ?

Il est vrai qu’un certain nombre de migrations pendulaires demeurent invisibles. Elles concernent les individus comme Antonio José qui s’engagent régulièrement dans des chantiers hors de l’Etat, mais dont on considère qu’ils habitent toujours sur place car leur famille y est présente et ils y disposent d’une parcelle. De même, certains parents déclarent comme présents au sein de leur domicile des individus qui n’y demeurent pas de façon permanente, et qui par exemple passent la semaine à Cidelândia ou Imperatriz, à travailler ou étudier, et rentrent au domicile parental les fins de semaine. A n’en pas douter, cette proximité avec la ville permet de contenir les départs. Même lorsque les enfants ont réellement quitté le domicile pour tenter leur chance à Goiânia, Xambioa ou Marabá, on constate qu’il faut que de nombreux mois aient passé avant que les parents n’admettent que leur progéniture a définitivement quitté le domicile parental.

Mais il ne faut pas chercher à excuser les jeunes qui ne migrent pas : cela signifie que les conditions locales semblent s’améliorer, et poussent de moins en moins les jeunes sur les routes, bien qu’ils soient nombreux à exprimer le désir d’un mode de vie plus urbain.

Des quelques trajectoires qui ont été ici présentées, on retiendra que celles des plus jeunes et des plus anciens présentent un certain nombre de points communs, le premier étant d’être souvent morcelées et rarement linéaires.

Chez les deux générations, deux types de flux se côtoient : les migrations résidentielles et les migrations de travail. En ce sens, les déplacements vers les zones rurales semble caractériser plus directement des migrations cherchant l’installation, tandis que pour les déplacements campagne-ville, le travail semble la première motivation. Le désir d’établissement en zone urbaine n’est pas réellement avoué, et se présente comme un objectif secondaire. En ce sens il s’avère difficile de considérer les mouvements de retour vers le village comme de réels flux ville-campagne qui viennent dynamiser les zones rurales, car ils sont toujours susceptibles de précéder une nouvelle migration. C’est essentiellement dans le cas de ces migrations circulaires que le point des origines demeure très important, il constitue le point central autour duquel s’articule le parcours migratoire. Ensuite, par le jeu des réseaux, même si l’individu finit par transférer sa résidence en ville, cet ancrage des origines conservera une importance capitale, mais

cette fois-ci en tant que point de départ pour les migrations à venir, qui s’orienteront vers la nouvelle résidence urbaine, devenu point de destination.

Ainsi, dans le cas des migrations urbaines comme des migrations rurales, la force des réseaux est à souligner. Par leur intermédiaire, les courants migratoires s’alimentent et s’auto-entretiennent.

De façon paradoxale, l’amélioration des conditions de vie dans les campagnes (retraites rurales, sécurité foncière, amélioration des services de santé) peut s’avérer un facteur d’attraction tout autant qu’il peut contribuer à favoriser l’élaboration d’un projet migratoire chez les jeunes adultes.

Tandis que pour certains ces améliorations constituent un motif pour se stabiliser dans les zones rurales, pour d’autres, il sont à l’origine d’une accroissement de la mobilité, notamment chez ceux profitant de l’aide de la génération des grands-parents, qui quittent temporairement des campagnes enclavées d’un point de vue agricole pour s’employer dans les grandes villes. En l’absence de sécurité foncière, c’est l’éducation des plus jeunes générations qui semble jouer le rôle le plus important dans le choix de migration. Les jeunes disposant d’une terre sont souvent tentés par les migrations circulaires, tandis que les autres chercheront probablement à s’établir de façon durable en ville.

Face à ce phénomène d’exode, comment concevoir la continuité des activités rurales ? La génération la plus âgée n’est guère la mieux placée pour mettre en place des systèmes agricoles innovants et durables, même avec l’appui d’un projet spécifique...

Les données Ebimaz/Duramaz laissent cependant apparaître que les jeunes générations ont un profil migratoire moins mobile que leurs aînés, en termes de fréquence des déplacements. En ce sens, puisqu’ils semblent présenter une meilleure propension à la stabilisation, ils constituent un public-cible potentiellement mieux adapté à l’application des principes du développement durable.

C’est donc notamment autour de la problématique de la fixation de cette population de jeunes ruraux dans les campagnes que se joue la création d’une dynamique de développement durable dans ces zones. Mieux comprendre les motifs, moyens et conséquences locales des mouvements migratoires de cette classe d’acteur semble primordial pour accompagner la mise en place de projets spécifiques, et notamment de développement durable.

Chapitre II – Migrations et peuplement – Enquêtes biographiques à Ciriaco

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DISCUSSION

LA STABILISATION DES MIGRANTS COMME CONDITION DE BASE DU

DEVELOPPEMENT DURABLE AMAZONIEN ?

Dans un front de peuplement qui se stabilise et intègre la dimension de préservation, un des aspects de la modernisation de l’agriculture familiale tient à sa capacité à participer à la diminution des déboisements, notamment à travers la stabilité des familles dans les zones de colonisation et la pratique du développement durable.

En quoi la connaissance des parcours migratoires et de la stabilisation des familles est-elle une information importante pour la durabilité du peuplement ? Car si les contextes institutionnels, les structures sociales et associatives, jouent sans aucun doute un rôle dans la mise en place et parfois le succès des projets de développement durable, leur réalisation n’en demeure pas moins le résultat de l’adhésion des populations à ces programmes et de comportements de préservation et d’exploitation des ressources naturelles de ces mêmes populations. Sur ce point, les perspectives d’évolution futures sont déterminées par la capacité des familles à demeurer sur leur lieu de résidence pour y appliquer les dispositions du projet dans lequel elles s’insèrent.

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