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IV – Le bilan redistributif du système de retraite français

1. Le bilan redistributif global

Le calcul du taux de rendement interne (TRI) 41 pour différentes caté-

gories d’assurés confirme que le système de retraite français (y com- pris dispositifs de solidarité) est très éloigné de la contributivité stricte.

Selon une étude de l’INSEE 42 portant sur la retraite totale des couples

de salariés du secteur privé des générations 1948 à 1960, les TRI sont nettement plus élevés pour les femmes que pour les hommes (4,0 % contre 2,8 %) : ils décroissent nettement en fonction du niveau de salaire pour les femmes (de 6,9 % à 3,6 % selon les déciles) ; cepen- dant ils décroissent à peine pour les hommes. Au total le système de retraite opère une redistribution depuis les couples ayant un niveau de

41 Voir section I. 1.

42 Walraet E. et Vincent A. (2003), « La redistribution intragénérationnelle dans le système de retraite des salariés du privé : une approche par microsimulation », INSEE, Économie et statistique, no 366. Le rapport entre la pension des fonctionnaires et leur rémunération totale diminue en fonction du taux de prime, or celui-ci tend à croître avec le traitement (sauf pour les enseignants).

salaire élevé vers les couples ayant un niveau de salaire faible. Selon une étude de la CNAV portant sur les pensions servies par le régime

général aux assurés de la génération 1946 43, plusieurs profils de carrière

bénéficient de TRI relativement élevés (entre 4,5 % et 6 %) par rapport aux carrières continues dans le secteur privé (dont le TRI moyen est de 3,4 %) : carrières courtes avec inactivité précoce, carrières à salaires très faibles avec interruption pour élever un enfant, carrières avec sor- tie du marché du travail précoce pour invalidité, carrières effectuées

en majorité hors du secteur privé. Cependant, les carrières précaires 44

à salaires faibles ne seraient pas particulièrement avantagées, avec un TRI moyen de 3,2 %.

Une redistribution importante est ainsi opérée au profit des femmes (en partie du fait d’une espérance de vie plus longue), particulièrement celles qui ont des carrières courtes ou à bas salaires, ainsi qu’au profit des personnes en invalidité. En revanche, la redistribution bénéficie moins aux hommes à bas salaires ainsi qu’aux travailleurs dont le parcours est ponctué de périodes de chômage ou d’inactivité (en partie du fait d’une espérance de vie plus courte).

En l’absence de cette redistribution, les inégalités entre retraités seraient très importantes. En effet, avec un système de retraite purement contri- butif où les taux de cotisation seraient constants, la retraite serait pro- portionnelle à la somme des salaires perçus au cours de la carrière, c’est-à-dire au produit du niveau de salaire (salaire moyen calculé sur l’ensemble de la carrière) par la durée de la carrière. Or, la distribu- tion de la somme des salaires apparaît particulièrement inégalitaire, car les inégalités de niveau de salaire se combinent avec celles de durée d’activité, notamment pour les femmes : selon une étude réalisée par

l’INSEE 45 portant sur les salariés des secteurs public et privé des géné-

rations 1950 à 1960, le rapport interdécile 46 de la somme des salaires

réels perçus au cours de la carrière s’élève à 7,1 (3,7 pour les hommes et 9,3 pour les femmes).

Grâce à la redistribution opérée par le système de retraite et dans une moindre mesure aux écarts de taux de cotisation, les inégalités de retraite sont ramenées à un niveau comparable aux inégalités de niveau

43 Briard K. et Lelieur V. (2007), « Taux de rendement de l’opération retraite et redistribu- tion intragénérationnelle », CNAV, Retraite et société 2007/1 – no 51.

44 Carrières interrompues à plusieurs reprises par le chômage ou la maladie (voir Briard et Lelieur 2007, op. cit.).

45 Beffy M., Blanchet D. et Crenner E. (2009), « Redistribution intragénérationnelle dans le système de retraite français : premières estimations à partir du modèle de microsimulation Destinie 2 », INSEE, réunion du COR du 13 mai 2009.

46 Le rapport interdécile désigne le rapport entre le niveau au-delà duquel se situent les 10 % de la population ayant les niveaux les plus élevés et le niveau en deçà duquel se situent les 10 % de la population ayant les niveaux les plus faibles.

Une redistribution importante est dirigée vers les femmes (en partie du fait d’une espérance de vie plus longue), particulièrement celles à carrière courte ou à bas salaire.

de salaire. Selon la même étude de l’INSEE, le rapport interdécile des retraites est égal à 4,3 (3,2 pour les hommes et 5,3 pour les femmes) alors que le rapport interdécile des salaires moyens de carrière est égal à 4,1 (3,5 pour les hommes et 3,9 pour les femmes).

2. Les rôles respectifs du cœur du système

et des dispositifs de solidarité

La redistribution est opérée pour l’essentiel par les dis- positifs de solidarité, dont le poids important a été sou- ligné : les majorations de durée d’assurance pour enfant (MDA) et l’AVPF permettent aux femmes de gagner près

d’un point de TRI au régime général 47 et un demi-point

pour la retraite tous régimes 48 ; le minimum contributif

relève surtout les pensions des femmes à bas salaires ; les périodes validées au titre du chômage bénéficient principalement aux hommes à bas salaires ; enfin, les périodes validées au titre de l’in- validité permettent aux personnes concernées de la génération 1946

d’atteindre un TRI de l’ordre de 6 % 49.

Au contraire, le cœur du système français de retraite – hors dispositifs de solidarité – ne réduit pas les inéga- lités entre retraités : en l’absence de dispositifs de soli-

darité 50, les inégalités de retraite seraient du même ordre

de grandeur que les inégalités de somme des salaires perçus au cours de la carrière, soit un rapport interdé- cile de 8 environ. En effet, les règles relatives au salaire de référence, au taux de liquidation et à la validation des trimestres se révèlent souvent peu favorables aux assu- rés à bas salaire et/ou à carrière courte, ainsi qu’à ceux qui ont commencé à travailler tôt. Il apparaît ainsi que la redistribu- tion opérée par les règles non purement contributives du cœur du sys- tème ne bénéficie pas à ces assurés. En revanche, la dégressivité des taux de cotisation effectifs en fonction du niveau de rémunération parmi les salariés du privé (en raison des régimes complémentaires) ou parmi les fonctionnaires non-enseignants (en raison des taux de prime) conduit à une réduction de l’éventail des niveaux de retraite.

47 Voir Briard et Lelieur (2007), op. cit. 48 Voir Walraët et Vincent (2003), op. cit. 49 Voir Briard et Lelieur (2007), op. cit.

50 Voir Beffy, Blanchet et Crenner (2009), op. cit.

La redistribution est opérée pour l’essentiel par les dispositifs de solidarité, qui profitent aux femmes notamment.

La redistribution liée au cœur du système (hors dispositifs de solidarité) ne bénéficie pas aux assurés à bas salaire ou à carrière courte, ainsi qu’à ceux qui ont commencé à travailler tôt.

Chapitre 3

Les évolutions récentes :

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