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III – Analyse des règles de calcul des pensions et de leurs effets redistributifs

La formule de calcul des pensions dans le cœur des régimes de base français en annuités (hors dispositifs de solidarité) s’écarte de la contri- butivité pure pour plusieurs raisons, en particulier :

– le salaire de référence est calculé sur les 25 meilleures années au régime général et dans les régimes alignés et sur les six derniers mois dans la plupart des régimes spéciaux dont ceux de la fonction publique, et non sur l’ensemble de la carrière ;

– le coefficient de proratisation étant plafonné à 100 %, la pension n’est plus proportionnelle à la durée cotisée dans le régime lorsque celle-ci excède la durée exigée ;

– le taux de liquidation dépend non seulement de l’âge de liquidation

comme dans le cas d’une formule purement contributive 33, mais éga-

lement de la durée d’assurance tous régimes ;

– la validation d’un trimestre au régime général ne se fait pas de date à date, mais selon une référence au montant des salaires perçus (200 heures de SMIC).

33 Pour que la contributivité soit vérifiée dans son acception la plus stricte (proportionna- lité entre la somme des cotisations versées au cours de la carrière et la somme des pensions perçues au cours de la retraite), il faudrait non seulement que le montant de la pension à la liquidation soit proportionnel à la somme des cotisations versées, mais aussi qu’il soit inver- sement proportionnel à l’espérance de vie à l’âge de liquidation.

Le minimum vieillesse réduit sensiblement la pauvreté parmi les retraités.

1. La règle de calcul du salaire de référence

La règle des 25 meilleures années (dans le régime général et les régimes alignés sur ce dernier) ou des six derniers mois (dans la plupart des régimes spéciaux) est favorable aux assurés par rapport à un calcul sur le salaire moyen calculé sur toute la carrière, mais le gain associé est très variable selon les assurés et peut même être nul.

Dans les régimes spéciaux, la règle des six derniers mois bénéficie aux carrières ascendantes.

Dans le régime général et les régimes alignés, plusieurs effets jouent en sens contraire :

– comme dans les régimes spéciaux, la règle de calcul du salaire de référence bénéficie davantage aux carrières ascendantes. Or une car- rière ascendante va de pair avec un niveau de salaire élevé, surtout avant l’âge de 40 ans 34 ;

– cependant, compte tenu du plafond de la sécurité sociale, la règle bénéficie surtout aux carrières ascendantes entièrement réalisées sous plafond. Ce ne sont donc pas les salaires les plus élevés (au-dessus du plafond) qui en bénéficient le plus ;

– la règle est également favorable aux carrières heurtées. Or les car- rières heurtées vont souvent de pair avec des niveaux de salaires faibles ; – enfin, la règle ne bénéficie pas aux carrières de moins de 25 années. Or les carrières courtes sont souvent associées à des niveaux de salaires faibles et à des petites pensions.

L’ampleur de ces différents effets dépend en outre du mode de revalori- sation des salaires portés au compte (indice des prix ou salaire moyen). Au total, compte tenu de la revalorisation des salaires

portés au compte sur les prix, appliquée depuis la fin des années quatre-vingt au régime général, la règle des 25 meilleures années bénéficierait surtout aux assurés ayant un niveau de salaire proche de la moyenne, moins aux assurés ayant un niveau de salaire élevé, et encore moins aux assurés à bas salaires ou aux carrières très courtes ; elle opérerait donc une redistribution favorable

aux salariés moyens et défavorable aux bas salaires 35.

34 Voir Aubert et Duc (2009), « Profils de revenus d’activité au cours de la carrière : caracté- ristiques principales et impact des règles des régimes de retraite », DREES, réunion du COR du 13 mai 2009. Étude menée à partir de l’échantillon interrégimes de cotisants sur les assu- rés du régime général et des régimes alignés nés en 1946.

35 Voir Aubert et Duc (2009), op. cit.

La règle des six

derniers mois (fonction publique) bénéficie aux carrières ascendantes et celle des 25 meilleures années (régime

général) à ceux qui ont un niveau de salaire proche de la moyenne.

Gain lié à la règle des 25 meilleures années en fonction du niveau de salaire

Source : DREES, EIC 2005, d’après Aubert et Duc (2009), op. cit.

Champ : Assurés du régime général et des régimes alignés, nés en 1946.

Note : Ce graphique représente le rapport entre la pension de base calculée en appliquant la règle des 25 meilleures années et la pension calculée avec un salaire de référence égal au salaire moyen de toute la car- rière (en ordonnée), en fonction du décile de niveau de salaire en milieu de carrière (en abscisse). Hors mini- mum contributif, la règle des 25 meilleures années améliore en moyenne de 7 % la pension des assurés ayant les plus bas niveaux de salaires, de 17 % celle des salariés médians et de 12 % celle des plus hauts salaires.

Ces résultats concernent le cœur du système, hors dispositifs de solida- rité. Si on prend en compte ces dispositifs, et notamment le minimum contributif, les effets positifs de la règle des 25 meilleures années sont réduits pour les bas salaires, car le minimum contributif neutralise les gains éventuels liés à la règle des 25 meilleures années.

2. Les règles relatives à la durée : proratisation,

décote et surcote

Avec une formule strictement contributive, à âge de liquidation donné, la pension devrait être proportionnelle à la durée cotisée. Ce n’est pas le cas dans les régimes de base en annuités français car le taux appliqué au salaire de référence (produit du taux de liquidation par le coefficient de proratisation) s’écarte de cette proportionnalité pour plusieurs raisons :

– le coefficient de proratisation est plafonné à 100 %, ce qui se traduit par le fait que des trimestres cotisés ne donnent pas de droits ;

– en cas de liquidation avant 65 ans, il existe une décote liée à la durée d’assurance ;

– cette décote s’applique dans la limite de 5 années manquantes (pour une liquidation à 60 ans) ;

1,00 1,05 1,10 1,15 1,20 1,25 D1 D2 D3 D4 D5 D6 D7 D8 D9 D10

Déciles de salaire (à l’âge de 40 ans)

sans tenir compte du minimum contributif en tenant compte du minimum contributif

– il existe une surcote liée à la durée d’assurance ;

– cette surcote n’est accordée que pour les périodes travaillées après 60 ans, de sorte qu’un assuré liquidant à 60 ans ne peut en bénéficier. Taux appliqué au salaire de référence (produit du taux de liquidation et du coefficient de proratisation) en fonction de la durée cotisée

Source : COR d’après la réglementation de la CNAV.

Note : Les paramètres sont ceux du régime général pour la génération née en 1948 (taux de décote de 7,5 % par an, de surcote de 5 % par an, durée exigée pour le taux plein de 40 ans). Dans le cas d’un âge de liquida- tion à 65 ans, l’assuré est supposé travailler entre 60 et 65 ans de façon à bénéficier de la surcote.

Quel que soit l’âge de liquidation, ces règles semblent avantager les carrières « standard » (âge d’entrée dans la vie active vers 20 ans puis carrière continue) par rapport aux autres (entrée dans la vie active très précoce ou au contraire très tardive, ou bien carrière courte liée à des interruptions). Par exemple, pour la génération 1948, il existe au régime général un avantage relatif pour les assurés dont la durée coti-

sée est exactement de 40 ans à l’âge de 60 ans 36, notam-

ment par rapport à ceux dont la durée cotisée à cet âge est inférieure ou égale à 35 ans ou supérieure à 45 ans. Les carrières courtes vont généralement de pair avec des niveaux de salaires faibles, et les personnes ayant eu leur premier emploi vers 20-22 ans sont plus nombreuses à avoir un niveau de salaire élevé que celles ayant com- mencé à cotiser avant 18 ans ou au contraire après

36 Que ces personnes liquident leurs droits à 60 ans avec une durée cotisée de 40 ans ou liquident à 65 ans avec une durée cotisée de 45 ans.

Les règles relatives à la durée (taux de liquidation et coefficient de proratisation)

profiteraient davantage à des personnes

ayant des niveaux de salaire élevés. 0 % 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50

Durée cotisée (en annuités)

âge de liquidation = 60 ans âge de liquidation = 65 ans

25 ans 37. Ces observations laissent penser que les règles relatives à la

durée (taux de liquidation et coefficient de proratisation) profiteraient davantage à des personnes ayant des niveaux de salaire élevés.

3. La règle des 200 heures au SMIC pour valider

un trimestre

Dans le régime général et les régimes alignés, les assurés qui perçoi- vent moins de 800 fois le SMIC horaire dans l’année, du fait d’emplois à temps partiel et/ou de périodes de non-emploi, valident moins de quatre trimestres dans l’année (un trimestre pour 200 heures au SMIC). Cette règle, combinée avec les règles de calcul du salaire annuel moyen (SAM), apparaît tantôt favorable, tantôt défavorable.

La règle des 200 heures paraît favorable aux assurés ayant eu au moins 25 « bonnes » années. En effet, une année supplémentaire d’activité, même très partielle, leur per- met très généralement de valider des trimestres supplé-

mentaires 38, sans pour autant dégrader leur SAM.

Au contraire, pour des carrières courtes (moins de 25 ans), une année complète d’activité à temps très partiel peut s’avérer doublement pénalisante pour l’assuré du fait de la règle des 200 heures et du mode de calcul du SAM : d’une part, sa durée cotisée peut être réduite s’il ne parvient pas à vali- der quatre trimestres (d’où un impact possible sur le coefficient de pro- ratisation, le taux de liquidation et le droit au minimum contributif) ; d’autre part, son SAM diminue car il est calculé comme la moyenne des salaires annuels. Selon la CNAV, le SAM d’environ 20 % des hommes et 40 % des femmes nés entre 1936 et 1938 se réfère à au moins une année incomplète, mais ceci n’a un impact négatif sur le montant de la pension que dans un cas sur cinq (soit 4 % des hommes et 8 % des femmes), compte tenu du minimum contributif.

4. L’articulation entre régime de base et

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