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5.1. La sélection des emblèmes de notre corpus

La présence d’animaux nous a guidée dans la sélection des em-blèmes traduits et commentés dans la seconde partie de cette 387 laurens, Vuilleumier, « Le recueil des inscriptions milanaises », pp. 232-

233 et alCiatus, Emblemata, pp. 56, 210 et 813.

388 laurens, Vuilleumier, « Le recueil des inscriptions milanaises », pp. 233- 234 et note 81. Voir commentaire p. 153 note 59 et p. 216 note 217. 389 laurens, Vuilleumier, « Le recueil des inscriptions milanaises », p. 232. 390 Voir commentaire pp. 200-208.

recherche. L’intérêt pour les animaux et leur valeur symbolique s’est développé dès l’Antiquité et a traversé tout le Moyen Âge. Ils sont nombreux à accompagner les divinités et les Anciens lisaient des présages dans le comportement des oiseaux. Dès les débuts de la littérature grecque, les épopées homériques comparent le comportement des héros à celui de certains animaux. À la suite d’Homère, la poésie épique, lyrique et tragique tire des parallèles entre les humains et les animaux. Les fables les associent plus étroitement encore en prêtant aux animaux des traits de caractère humains et en leur donnant la parole. Les similitudes sont telles que les fables tirent de leur comportement des leçons morales directement adressées aux hommes. Aristote et les autres natura-listes qui suivent ses traces, comme Pline l’Ancien, observent avec soin leur comportement, leurs caractéristiques morphologiques, leur régime alimentaire, leur mode de reproduction et leur répar-tition géographique. Leurs œuvres témoignent des connaissances et des observations scientifiques des Anciens et servent encore de référence à la Renaissance. Les philosophes s’interrogent sur les rapports d’infériorité ou de supériorité de l’homme et de l’ani-mal. Les uns déprécient les animaux au nom de la raison dont ces derniers seraient privés ; les autres les revalorisent, en leur accor-dant une certaine forme d’intelligence et en leur attribuant des qualités humaines, souvent dans une perspective moralisante. Ce rapide survol de la littérature antique démontre que les animaux étaient omniprésents dans les genres littéraires qui ont précédé et inspiré les Emblèmes. De plus, ceux-ci interviennent également dans d’autres œuvres qui exercent leur influence sur le recueil des Emblemata, tels que les Adages et les Paraboles d’Érasme de Rotterdam, les Hieroglyphica et les Imprese.

Parmi l’importante collection d’emblèmes, 212 dans l’édition de 1621, nous avons choisi de présenter ceux qui mettent en scène des animaux. Toutefois, la simple mention d’un animal ne suffit pas à l’inclure dans notre corpus. Ce dernier doit jouer un rôle important dans la structure de l’emblème et déterminer sa signification symbolique. Les critères de ce choix ne sont ce-pendant pas absolus et une part d’arbitraire subsiste sans doute.

Nous avons retenu septante-cinq emblèmes dans notre étude, bien que quelques autres mentionnent aussi en passant des ani-maux.391 Ils abordent les thèmes les plus variés, des thèmes chers aux humanistes, comme la valorisation du travail intellectuel, des études et de l’éloquence, l’éloge de la paix, la condamnation des plaisirs de l’amour et de la fréquentation des prostituées, des excès et des vices, les conseils aux princes pour diriger au mieux l’État. Ce fil rouge permet une exploration plus large de thèmes, de sources et d’influences, plutôt que de se confiner, par exemple, aux subscriptiones qui sont des adaptations de 391 Ainsi, l’Embl. 13 Nec quaestioni cedendum mentionne une lionne, mais est davantage centré sur l’amante d’Harmodias, qui aurait porté le nom de Leaena ; l’Embl. 36 Gramen évoque bien une alouette, mais l’élément créant l’unité du tout est une plante, le gramen ; l’Embl. 44

In simulachrum spei décrit les nombreux attributs de la statue de

l’Es-poir, dont la corneille, mais est centré sur l’esl’Es-poir, la corneille n’étant qu’un élément parmi d’autres ; l’Embl. 72 Luxuria met en scène le satyre aux pattes de bouc, symbole du désir sexuel, or l’animal n’occupe que le second plan, après le personnage mythologique ; la même remarque vaut pour l’Embl. 98 Natura consacré essentiellement au dieu Pan, où apparaît aussi le bouc (alCiatus, Emblemata, pp. 77, 152, 228, 321, 409). Voir encore, parmi les emblèmes où des animaux jouent un rôle secondaire, Embl. 1 Ad illustrissimum Maximilianum (serpent) ; 2

Me-diolanum (porc, mouton, truie) ; 14 Consilio et virtute (chimère) ; 22 Custodiendas virgines (serpent/Athéna) ; 52 In receptatores sicariorum

(chien/Actéon) ; 54 Ei qui sua prodigerit (oiseaux/Médée) ; 57 Furor et

rabies (lion/Agamemnon) ; 71 Invidia (vipère) ; 74 Tumulus meretricis

(bélier, lionne) ; 76 Cavendum a meretricibus (porcs/Circé) ; 77

Amu-letum Veneris (sanglier/Adonis, Vénus) ; 90 In avaros vel quibus melior conditio ab extraneis offertur (dauphin/Arion) ; 92 Ocni effigies (âne) ;

103 Quae supra nos, nihil ad nos (aigle/Prométhée) ; 106 Potentissimus

affectus amor (lion/Amour) ; 107 Potentia Amoris (poisson/Amour) ;

117 Senex puellam amans (hibou, chouette) ; 119 Virtuti fortuna

co-mes (serpent du caducée) ; 137 Nobiles et generosi (cigale) ; 150 Sa-lus publica (serpent/Esculape) ; 154 Cum larvis non luctandum (lion,

lièvres/Hector) ; 157 In mortem praeproperam (dauphins) ; 172 Iusta

vindicta (moutons/Cyclope) ; 166 Insanis gladius (porcs/Ajax) ; 178 Ex bello pax (abeilles) ; 190 Dives indoctus (bélier/Phryxus) ; 191 In fidem

uxoriam (chien) ; (alCiatus, Emblemata, pp. 9, 18, 81, 251, 259, 268,

316, 329, 336, 340, 385, 393, 426, 442, 447, 495, 507, 585, 637, 654, 663, 718, 731, 738, 806, 813).

l’Anthologie grecque ou aux emblèmes qui appartiennent à une seule et même section thématique.

5.2. Les types d’emblèmes

Notre corpus reflète non seulement la variété des sources et des thèmes abordés dans les Emblèmes, mais également la varié-té des types, hérivarié-tés en partie des épigrammes de l’Anthologie

grecque.392

• Plusieurs subscriptiones sont des ekphraseis qui décrivent l’apparence et le symbolisme d’une œuvre d’art, tombeaux, blasons, gemmes ou statues : dans notre corpus, la statue d’Aphrodite au pied posé sur une tortue, œuvre de Phidias, dans l’emblème 196 Mulieris famam, non formam,

vulga-tam esse oportere,393 les tombeaux du héros Aristomène et du poète Archiloque, respectivement dans les emblèmes 33 Signa fortium et 51 Maledicentia,394 le blason familial d’Alciat dans l’emblème 3 Nunquam procrastinandum ou 392 drysdall, « Alciato, pater et princeps », pp. 92-93 ; laurens, L’abeille,

pp. 550-551.

393 Voir commentaire pp. 720-727. Voir aussi par exemple, les Embl. 25

In statuam Bacchi ; 44 In simulachrum Spei ; 114 In statuam Amo-ris ; 122 In occasionem ; 145 In Senatum boni Principis, décrivant des

statues, sous forme de dialogue (alCiatus, Emblemata, pp. 139, 228, 473-474, 523, 618), ou encore Embl. 67 Superbia (p. 297), ou bien la présence simultanée de deux statues de divinités sur un même autel, comme les Embl. 23 Vino prudentiam augeri ; 46 Illicitum non

speran-dum ; 100 In iuventam (pp. 129, 235, 418).

394 Voir commentaire pp. 200-208, 265-271. Voir aussi d’autres em-blèmes que nous n’avons pas présentés : Embl. 28 Tandem tandem

iustitia obtinet ; 48 In victoriam dolo partam ; 74 Tumulus meretri-cis ; 134 Tumulus Ioannis Galeacii Vicecomitis, primi Dumeretri-cis

Medio-lanensis ; 136 Strenuorum immortale nomen (alCiatus, Emblemata,

pp. 162, 239, 329, 527, 581) et d’autres qui ne sont pas directement des adaptations d’épigrammes grecques, mais peuvent être rattachés au même genre, comme les Embl. 31 Abstinentia et 157 In mortem

celui des poètes dans l’emblème 184 Insigna poetarum, la chouette, emblème d’Athènes, dans l’emblème 19 Prudens

magis quam loquax.395

• D’autres emblèmes sont des épigrammes épidictiques où le poète tire une interprétation symbolique :

– soit d’un événement particulier, comme de la mort d’un corbeau piqué par le scorpion qu’il venait d’attra-per dans l’emblème 173 Iusta ultio, de la capture d’une cigale par une hirondelle dans l’emblème 180

Doc-tos doctis obloqui nefas esse ou de la morsure d’un

oiseleur par une vipère dans l’emblème 105 Qui alta

contemplantur cadere.

– soit d’un fait naturel, comme de la castration

volon-taire du castor dans l’emblème 153 Aere quandoque

salutem redimendam, de la capture des sardines par

les daurades et les oiseaux marins dans l’emblème 170

Obnoxia infirmitas, de la faculté du rémora à stopper

la course des navires dans l’emblème 83 In facile a

vir-tute desciscentes ou de la nidification des alcyons dans

l’emblème 179 Ex pace ubertas.396

• D’autres encore tendent à se rapprocher des épigrammes morales, basées sur le modèle de l’apophtegme et de la chrie, ainsi les emblèmes 17 Πῆ παρέβην ; et 34 Ἀνέχου καὶ ἀπέχου intégrant, dans la forme brève et versifiée de l’épigramme, les enseignements des philosophes Pythagore et Épictète.397

395 Voir commentaire pp. 133-138, 683-689, 165-172. L’Embl. 1 Ad

il-lustrissimum Maximilianum décrit aussi un blason familial et Embl.

57 Furor et rabies évoque le lion ornant le bouclier d’Agamemnon (alCiatus, Emblemata, pp. 9, 268). Voir aussi, dans notre corpus l’Embl. 144 Princeps subditorum incolumitatem procurans (l’ancre et le dauphin comme insigna des rois).

396 Nous ne donnerons pas d’autres exemples, puisqu’il s’agit d’un type très répandu dans notre corpus.

397 Embl. 17 Πῆ παρέβην ; et 34 Ἀνέχου καὶ ἀπέχου (commentaire pp. 155-164, 208-217). Voir aussi, par exemple, les Embl. 16 Νῆφε, καὶ μέμνησ’ἀπιστεῖν. ἄρθρα ταῦτα τῶν φρενῶν (Epicharme et Héra-clite) ; 82 Desidiam abiiciendam (Pythagore) ; 152 In vitam

huma-nam (Héraclite et Démocrite) ; 187 Dicta septem Sapientum (alCia

Cette classification se heurte pourtant à la variété des modèles et des sources et tous les emblèmes ne se laissent pas aisément réduire dans ces catégories.398

6. Les fonctions des emblèmes