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8.1. Objectifs du commentaire

L’Emblematum liber d’André Alciat se situe au confluent de plusieurs traditions tant littéraires qu’artistiques au sens large, entre les textes de l’Antiquité, poésie épique et didactique, his-toire naturelle, hishis-toire, philosophie, et les œuvres des huma-nistes s’efforçant d’en cueillir les plus belles fleurs, tel Érasme de Rotterdam, entre les formes anciennes de l’épigramme et les nouvelles de la Renaissance que sont les Hieroglyphica, les

im-prese, les médailles ou les recueils numismatiques. La culture

de notre auteur englobe des domaines si variés du droit romain à la philologie, en passant par la poésie, la comédie, l’histoire, 487 Voir quelques exemples ci-dessus pp. 113-114 et 115-117.

l’épigraphie et la numismatique qu’il tend à réaliser l’idéal hu-maniste de la polymathie. Notre commentaire, en se limitant à un corpus d’emblèmes restreint, cherche à identifier les sources, les réminiscences et les allusions cachées des subscriptiones et à dévoiler les multiples facettes de leur interprétation.

Il existe jusqu’à présent plusieurs commentaires et traductions des emblèmes, mais très peu en langue française. L’édition de B. I. Knott se base sur l’édition lyonnaise de 1550 et est accom-pagnée d’une traduction anglaise et d’indications minimales sur les sources de chaque pièce ;488 celle de M. Gabriele, basée sur les éditions de 1531 et 1534, est dotée d’une introduction et d’un commentaire orienté particulièrement sur l’iconographie et l’étude des sources n’y est pas détaillée.489 L’article de M. Tung, en revanche, s’attache à examiner la méthode de composition d’Alciat et à analyser les procédés d’imitation des épigrammes de l’Anthologie grecque, des fables, de l’histoire naturelle ; nous renvoyons toujours à son commentaire des emblèmes de notre corpus également étudiés dans sa contribution.490 Le site de l’Université de Glasgow s’impose comme un outil indispensable et incontournable pour qui s’intéresse aux Emblèmes. Il offre en effet des fac-similés des principales éditions de

l’Emblema-tum liber,491 des index des emblèmes par année de parution dans les différentes éditions et leur pagination respective, une transcription de chaque emblème, une traduction anglaise et un bref commentaire. Au moment où nous mettions ce livre sous presse a paru, dans la collection le Cabinet des images, un fac-similé de l’édition lyonnaise de 1551, accompagné d’une préface et d’une traduction française de P. Laurens ainsi que de 488 alCiat A., Emblemata, Lyons, 1550, translated and annotated by

B. I. Knott with an introduction by J. Manning, Aldershot, 1996. 489 alCiat A., Il libro degli emblemi : secondo le edizioni del 1531 e del

1534, introduzione, traduzione e commento di M. Gabriele, Milan,

2009.

490 TunG, « Alciato’s Practices », pp. 153-257.

491 Au total 22, depuis l’édition du 28 février 1531 de Augsbourg à celle de 1621 de Padoue, voir la page d’accueil, <http://www.emblems.arts.gla. ac.uk/alciato/>.

notes très succinctes de F. Vuilleumier Laurens.492 Enfin, plu-sieurs emblèmes ont fait l’objet d’articles isolés que nous signa-lons également. Nous proposons donc une traduction française ainsi qu’un commentaire qui adopte une structure particulière, adaptée à la forme de l’emblème.

8.2. Texte et ponctuation

Pour chaque emblème est présenté un choix de gravures issues des éditions latines : toujours celle de la première édition où paraît l’emblème et de l’édition de P. P. Tozzi, en 1621, par-fois aussi des éditions intermédiaires importantes dont les fac- similés sont accessibles sur le site de l’Université de Glasgow. Le texte latin, ainsi que la numérotation des emblèmes, sont tirés de l’édition de 1621, considérée comme une référence. Il arrive cependant que le texte ou la ponctuation de cette ul-time édition diffère des précédentes. Aussi avons-nous compa-ré le texte des principales éditions : celles d’H. Steyner, celles de C. Wechel, celle de 1546 des frères Alde, celles de 1550 et 1551 de G. Rouille et M. Bonhomme et enfin celle de 1621 de P. P. Tozzi. Nous ne prétendons toutefois pas avoir réalisé une édition critique.493 Nous nous sommes limitée à indiquer les principales variantes du texte, en laissant de côté les va-riantes purement graphiques comme e/ae ou i/y494 ainsi que les 492 alCiat A., Emblemata Les Emblèmes. Fac-similé de l’édition

lyon-naise Macé Bonhomme de 1551, préface, traduction de P. Laurens,

notes et table de concordance de F. Vuilleumier Laurens, Paris, 2016. 493 Nous nous référons aux principes généraux de iJseWiJn, Companion,

pp. 460-475.

494 Ainsi la graphie sydera souvent attestée dans les premières éditions a été remplacée par sidera, par souci d’uniformisation et selon la graphie actuelle (voir iJseWiJn, Companion, p. 472-473). Voir par exemple Embl. 105 Qui alta contemplantur cadere où sydera apparaît dans la plupart des éditions plus anciennes, dans celles de H. Steyner (Augs-bourg 1531, 1534), de C. Wechel (Paris 1534-1542), de M. Bonhomme et G. Rouille (Lyon 1550, 1551) et de S. Feyerabendt (Francfort 1567) ou encore Embl. 192 Reverentiam in matrimonio requiri où sybila

erreurs typographiques manifestes, dont l’édition de H. Steyner regorge.495

Certains emblèmes n’ont pas été publiés dès l’édition princeps d’Augsbourg (février 1531), mais paraissent pour la première fois dans l’édition vénitienne de 1546. Quelques titres ont subi de légères modifications, la plupart du temps sans en altérer le sens, bien que, dans quelques cas, les différentes variantes de l’inscriptio apportent des nuances dans l’interprétation.496 Les emblèmes possédant une inscriptio en grec, dans leur édition princeps de Venise (1546), ont ensuite reçu une traduction la-tine.497 Le texte change peu, mis à part quelques inversions de mots, erreurs orthographiques ou typographiques. Toutefois, dans quelques emblèmes, des modifications plus importantes du texte, survenues entre les éditions augsbourgeoises et la pre-mière édition parisienne de C. Wechel, sont à considérer avec intérêt et pourraient contribuer à reconstituer l’histoire des

apparaît dans les éditions d’Augsbourg (1531, 1534). Voir aussi le cas de certains noms propres, comme Bacchylides dans l’Embl. 140

Impa-rilitas : Bacchilydes dans les éditions de Venise (1546), de Lyon (1550,

1551) et Bacchilides dans celle de Francfort (1567).

495 Voir par exemple dans l’Embl. 113 quaeritus au lieu de quertiur, dans les éditions de Steyner (1531, 1534) ; dans l’Embl. 95 Captivus ob gulam,

opponens dans les éditions de Steyner (1531, 1534), puis apponens,

dès l’édition de Wechel (1534) ; dans l’Embl. 169 A minimis quoque

timendum, quaque dans les éditions de Steyner (1531, 1534) au lieu de ovaque, corrigé dès l’édition de Wechel (1534) (commentaire pp. 482,

445, 632).

496 Voir par exemple l’Embl. 21 In deprehensum avec diverses variantes gra-phiques : In deprensum (H. Steyner 1531), In depraesum (C. Wechel 1534), In depraehensum (G. Rouille/M. Bonhomme 1550) et In

depre-hensum (G. Rouille/M. Bonhomme 1551) (commentaire p. 180). En

revanche, l’Embl. 19 Prudens magis quam loquax s’intitulait dans son édition princeps (Venise, 1546) Prudens, sed infacundus (commentaire p. 165).

497 Voir, dans notre corpus, les Embl. 17 Πῆ παρέβην ; τί δ’ἔρεξα ; τί μοι δέον, οὐκ ἐτελέσθῆ ; Lapsus ubi ? quid feci ? aut officii quid omissum

éditions des Emblemata et à clarifier l’implication de l’auteur dans les premiers pas de son recueil d’épigrammes.498 Dans la mesure où la ponctuation ancienne varie souvent d’une édition à l’autre et que l’auteur n’en assume pas la responsabilité, il nous a semblé opportun de la modifier, afin de faciliter la lec-ture et la cohérence entre texte latin et traduction française.

8.3. Fonds et forme du commentaire

Le commentaire des emblèmes de notre sélection observe tou-jours la même disposition. Nous avons présenté un choix de gra-vures, donné le texte latin, puis une traduction en prose. Bien que les sources des emblèmes soient discutées dans le commen-taire et citées précisément, nous donnons, au-dessous du texte latin, un « apparat des sources » dans un sens général, c’est-à-dire que tous les parallèles textuels ou thématiques principaux sont mentionnés. La structure de l’emblème impose un type de commentaire particulier. Notre attention s’est penchée en pre-mier lieu sur la pictura, qui attire aussitôt le regard du lecteur, avant d’examiner en détail la subscriptio, afin de déterminer sa composition, ses sources d’inspiration et sa fonction symbo-lique, et, enfin, de mettre en évidence les procédés stylistiques et poétiques. Nous avons préféré au commentaire linéaire un commentaire divisé en paragraphes thématiques. Lorsque les textes sont disponibles, les sources antiques sont citées d’après les éditions standard. Par souci de commodité, elles ne sont pas signalées dans la bibliographie. Les références aux auteurs an-tiques et à leurs œuvres suivent les abréviations du Thesaurus

linguae Latinae et du Greek English Lexicon de

Liddell-Scott-Jones. Font exception les œuvres d’Ausone, dont la numérota-tion correspond à l’édinumérota-tion de R. P. H. Green (Oxford 1991 et 1999). Les textes sont cités dans leur version originale, bien que, dans de nombreux cas, lorsque nous l’avons jugé nécessaire, en 498 Voir introduction pp. 29-30 et note 121 et, dans notre corpus, Embl. 35

particulier pour les citations plus longues et essentielles pour la compréhension de notre commentaire, nous en ayons don-né en note une traduction française personnelle ou légèrement modifiée par rapport aux traductions françaises de la collection des Belles-Lettres, afin de mieux mettre en relief les similitudes lexicales ou formelles avec les emblèmes. Les textes d’Érasme proviennent de l’édition en plusieurs volumes de ses Opera

om-nia, publiée à Amsterdam depuis 1969, par un collectif

interna-tional. Les traductions des textes d’Érasme, d’Ange Politien et des œuvres d’Alciat autres que les Emblèmes sont également de notre main.