Dates de rédaction des compositions

Sources : La contemporaine, F delta 1126/02 à 05

Sur les 16 maîtres et maîtresses de l’échantillon, cinq ont fait composer leurs élèves le jeudi et le dimanche, jours où il n’y a normalement pas école. Les deux compositions de l’école de garçons de la place Carnot à Saint-Pol-sur-Mer sont par exemple datées du jeudi 27 mai. Les mentions « sans directions ni retouches » et « travail absolument personnel » laissées par l’instituteur, de même que la longueur des récits – respectivement quatre et six pages – infléchit l’idée qu’ils ont pu être rédigés à la maison37_{. En revanche, les trois compositions issues de} l’école de filles de Coudekerque-Branche, qui sont rédigées le même jour, précisent : « Fait en classe sans secours étranger38 ». Les trois élèves sont-elles venues spécialement à l’école ce jour-là pour rédiger leur récit ? Ou bien est-ce habituel dans cette commune de tenir classe le jeudi, peut-être pour des cours complémentaires, ou des heures d’études ? Il est difficile de le savoir. Au contraire, l’instituteur de l’école mixte de Lez-Fontaine inclut l’exercice dans l’emploi du temps quotidien : « Le mercredi 26 mai 1920, à l’issue de l’exercice hebdomadaire de composition française, j’ai eu l’occasion de donner le sujet proposé par le "Bulletin"39 _{». La} rédaction demandée par le recteur ne constitue alors qu’un sujet – comme un autre ? – pour la composition habituelle du mercredi. La différence est donc notable entre ces instituteurs et institutrices qui font rédiger leurs élèves à la maison ou qui les font venir spécialement à l’école,

37 _{La contemporaine, F delta 1126/02/B. 314, compositions de l’école de la place Carnot à St-Pol-sur-mer (Nord).} 38 _{La contemporaine, F delta 1126/05/Bx. 007, compositions de l’école de filles de Coudekerque-Branche (Nord).} 39 _{La contemporaine, F delta 1126/02/B. 314, réponse au questionnaire de l’instituteur de l’école mixte de Lez-} Fontaine (Nord).

Jour de rédaction Nombre d'écoles Nombre de compositions

Mardi 25 mai 1 1 Mercredi 26 mai 2 16 Jeudi 27 mai 3 10 Vendredi 28 mai 1 5 Samedi 29 mai 3 8 Dimanche 30 mai 2 4 Lundi 31 mai 2 4 Mercredi 2 juin 1 1 Mardi 8 juin 1 8 Total 16 57

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et ceux qui appliquent l’exercice de manière plus traditionnelle. Ces derniers semblent majoritaires.

Le nombre de mots écrits en moyenne en tenant compte de l’âge des élèves semble indiquer le temps limité dont ont disposé les enfants. Jusqu’à 14 ans, les écrits ne dépassent pas en moyenne 400 mots. Ni les compositions retrouvées ni les questionnaires qui leur sont liés n’indiquent le temps qui a été accordé aux élèves pour rédiger. Mais la nature même de la composition laisse à penser que la durée de l’exercice n’a pas dû dépasser une heure. L’article « composition » du Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire de Ferdinand Buisson précise d’ailleurs que pour les écoles primaires supérieures40_{, le temps qu’il faut accorder aux} compositions est « d’une heure par semaine dans les trois années41 ».

Le temps limité de la composition induit donc des productions concises, allant droit au but, peut-être parfois étriquées, mais pas nécessairement inachevées. Les élèves, grâce à la pratique régulière de l’exercice, semblent bien gérer le peu de temps dont ils disposent : ils organisent leur composition de sorte qu’elle comporte toujours un début et une fin. Quelques- unes seulement, souvent écrites par les élèves les plus âgés, sont beaucoup plus développées. Celle de Jacques, élève de 15 ans à l’école de Hautmont, fait par exemple 2 323 mots, soit 14 pages. Le temps particulièrement long qui doit avoir été laissé à ces quelques élèves pour rédiger leur devoir s’explique peut-être avant tout par l’organisation du concours, qui suscite chez certains instituteurs et institutrices la volonté d’obtenir des récits particulièrement soignés, manière de les mettre en avant, et donc, en filigrane, de se mettre en avant. L’initiative du recteur se démarque en fait – on va le voir – davantage aux yeux des instituteurs et des institutrices par l’organisation du concours que par ce que pourrait apporter ces récits d’élèves à la construction de la mémoire de l’occupation.

40 _{L’école primaire supérieure, qui existe de 1833 à 1941, suit l’école primaire, mais relève toujours de} l’enseignement élémentaire. Contrairement aux collèges, l’enseignement y est gratuit. Voir Ferdinand BUISSON, « Primaires supérieures (écoles) », Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, Paris, Hachette, 1911 (première édition en 1887).

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Données 4 – Longueur des compositions selon l’âge des élèves

Echantillon : 135 compositions

Sources : La contemporaine F delta 1126/02-05

L’écriture dans la salle de classe induit également un certain nombre de contraintes. L’exercice est d’abord réalisé collectivement : la pression du regard de l’autre – celui des autres élèves comme celui de l’instituteur ou de l’institutrice – peut amener l’enfant à davantage s’autocensurer, à se mettre en scène dans son récit, ou bien encore à se conformer à ce que les autres disent. L’élève qui pense ne rien avoir d’intéressant à dire serait ainsi bien tenté de chercher inspiration chez son voisin. À cet égard, certaines similarités troublantes dans le choix des mots, des formules, dans les histoires racontées et dans le déroulement narratif des récits semblent le montrer.

C. Sélectionner : qu’est-ce qu’une bonne copie ?

La manière dont les institutrices et instituteurs traitent ensuite les récits composés par leurs élèves confirme la prégnance de la culture scolaire au détriment de la rupture qu’aurait provoquée l’occupation dans la manière de considérer les élèves. Dans sa circulaire du 7 mai, le recteur Georges Lyon demande à ces derniers d’opérer en amont un premier tri des récits : « Il appartiendra aux chefs d’établissement de former, avec des maîtres, de petites commissions

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