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F-1 « La croix gammée contre la croix du Christ »

« La croix gammée contre la croix du Christ », ce titre d‟une brochure diffusée dans l‟est de

la France762 résume-t-elle la situation conflictuelle entre nazisme et christianisme ? Philosophiquement, le nazisme et le christianisme sont intrinsèquement antinomiques. Le christianisme est universalité et amour fraternel; le nazisme est nationaliste et raciste. Dans son encyclique Mit Brennender Sorge, le pape Pie XI met en évidence cette contradiction : « Quiconque

prend la race, ou le peuple, ou l’Etat ou la forme de l’Etat, ou les dépositaires du pouvoir, ou toute autre valeur de la communauté humaine (…), quiconque prend ces notions pour les retirer de cette échelle de valeurs, même religieuses, et les divinise par un culte idôlatrique, celui-là renverse et fausse l’ordre des choses créé et ordonné par Dieu ; celui-là est loin de la vraie foi en Dieu et de la conception de la vie répondant à cette foi763 ».

Le Gauleiter Bürckel est-il le relais local d‟une politique antireligieuse ?

Joseph Bürckel n'est pas un partisan antéchrist conforme à l'idéologie national-socialiste. Il est originaire d'une famille fortement ancrée dans la foi catholique. Sa mère est une authentique catholique qui a incontestablement cherché à agir sur les projets de mesures antichrétiennes de son

760

ADM 1W778, lettre du Stadtkommissar Imbt Metz, 19 septembre 1940 : « Toutes les cloches des églises de Metz

doivent sonner entre 15 h45 et 16 h le samedi 21. A 16 h, la grosse cloche de la cathédrale, la Mutte, doit sonner. »

761Dr Lothar Wettstein, Josef Bürckel, Gauleiter, Reichsstatthalter, Krisenmanager Adolf Hitlers, chez l‟auteur

Norderstedt, 2009, p. 320. Discours à la Wartburgsaal de Sarrebruck le 23 juin 1935.

762

Ascomémo, titre d‟une brochure en allemand Hakenkreuz gegen Christuskreuz diffusée par le centre de documentation de Strasbourg, printemps 1939.

fils. Eugène Foulé l‟aurait à plusieurs reprises sollicitée pour qu‟elle intervienne auprès de son fils afin d‟obtenir sa clémence envers certains ecclésiastiques mosellans inquiétés764

. La femme de Bürckel, Hilde, est également d'une famille profondément catholique. Ainsi Bürckel se refuse à toute intervention dans l'enseignement chrétien ou dans la foi chrétienne, mais il entend circonscrire l'action de l'Eglise dans son espace propre et dans sa sacristie, et l'action des religieux à leur seul rôle de directeur de conscience. Bürckel affirme que «... pour la religion, remplir ses devoirs à

l'égard du peuple, cela signifie aimer la patrie et le peuple. Quand dans l'Eglise on prie pour la patrie, la patrie se sent à l'aise dans l'Eglise765...». D‟ailleurs, le 1er juin 1942, il quitte officiellement l'Eglise sans qu‟on sache les motivations de cette renonciation et à ce moment précis766. Bürckel combat avant tout le catholicisme politique avec intransigeance, sans concession et sans scrupule, car les catholiques politiques représentent une idée politique diamétralement opposée à l'idéologie du national-socialisme.

Alors que dans son livre-programme Mein Kampf767, Hitler n‟évoque que très peu le problème religieux, seulement trois fois, par contre dans ses Libres propos, il fait régulièrement des confidences à ses lieutenants, autour de la table. Cette dernière source nous semble la plus fiable768 pour cerner la pensée du dictateur sur ce sujet concernant la religion catholique.

Hitler est né catholique dans une Autriche catholique. De toute évidence, son éducation, son environnement le rend sensible au fait religieux769. Pour Hitler, « c’est un fait que nous sommes de

faibles créatures et qu’il existe une force créatrice. Vouloir le nier, c’est de la sottise. Dans ce cas, mieux vaut croire quelque chose de faux que de ne rien croire du tout770...». Pour Friedrich Heer,

« dans Mein Kampf, Hitler a des égards tout particuliers pour les sentiments chrétiens, catholiques,

bavarois et conservateurs de ses croyants771 ». D‟ailleurs, les milieux catholiques conservateurs

peuvent initialement adhérer au programme politique d‟Hitler, à son antisémitisme conservateur, à son antibolchévisme,… Peu avant l‟accession au pouvoir d‟Hitler, seules des voix isolées dans le catholicisme allemand mettent en garde contre l‟alliance du Centre social-chrétien et du national- socialisme. Après la prise de pouvoir des nazis et plus encore lors de la signature du concordat allemand, les évêques allemands se félicitent de voir rétablir l‟autorité de l‟Etat, développer la lutte

764ADM 29J2118, mémoire de Foulé 1945.

765Saarbrücker Zeitung 2 mars 1935, p.1. Discours du 1er mars 1935 à Sarrebruck. 766

Dr Lothar Wettstein, déjà cité, p. 316. La note en marge du nom Josef Bürckel dans le registre des baptêmes de l'année 1895 de la paroisse catholique de Lingenfeld stipule « a fide defecit die 1.06.1942 ».

767Rédigé pendant sa détention à Landsberg en 1924-1925, les deux volumes de Mein Kampf sont résumés en une

édition populaire d‟un seul volume, dans un format et sur un papier tels que dans sa reliure noire, il se rapproche de manière frappante des Bibles couramment employées.

768On cite parfois aussi Hermann Rauschning, Hitler m’a dit, Paris, éditions La Coopération, 1939. Cependant,

l'authenticité des propos attribués à Hitler par Hermann Rauschning n'est plus que rarement admise. Rauschning n'aurait en fait rencontré Hitler que quatre fois, jamais seul à seul. Il n'aurait donc pu recueillir de telles confidences notamment politiques, et aurait puisé son inspiration essentiellement dans la littérature de l'époque.

769Voir à ce sujet, Friedrich Heer, Autopsie d’Adolf Hitler, Paris, Stock, 1971. Friedrich Heer est un catholique,

théologien et historien autrichien, docteur en philosophie.

770Adolf Hitler, Libres propos sur la guerre et la paix recueillis sur l’ordre de Martin Bormann, Paris, Flammarion, 2

tomes, d‟après des notes sténographiées retrouvées chez Martin Bormann, secrétaire particulier du Führer, Paris 1952- 1954,pp. 83-86. Propos tenus au lieutenant-général von Rintelen, 24 octobre 1941.

« contre le marxisme, l’athéisme et l’immoralité ». Le cardinal de Munich Faulhaber rappelle qu‟« on peut sans conflit intérieur être à la fois un Allemand loyal et un chrétien tout aussi

loyal772 ».

Mais alors que de nombreux textes sur le IIIe Reich et la religion soutiennent de façon presque réductrice que Le Mythe du XXe siècle d‟Alfred Rosenberg constitue le programme

antireligieux du parti nazi, Hitler affirme au contraire que ce livre « ne doit pas être considéré

comme exprimant la doctrine officielle du parti773 » et que « cela ne servirait à rien de remplacer

une croyance ancienne par une croyance nouvelle… Rien ne me paraîtrait plus insensé que de rétablir le culte de Wotan774…». Selon Friedrich Heer, le programme d‟Hitler « manifeste une considération toute particulière pour l’Eglise, tourne le dos aux rêveries fanatiques des « nouveaux païens », des « Germains », des sectes racistes préoccupées d’astrologie et d’occultisme, repousse les théories des petites Eglises politico-religieuses775…». Ainsi, le « Mouvement de la Foi

allemande », la Deutsche Glaubensbewegung, créé par le général Ludendorff et surtout par sa femme Mathilde semble être en marge des conceptions doctrinales du nazisme concernant la religion et ne constitue en aucun cas le programme du parti dans ce domaine. Pourtant, ce programme est décrit, à tort, comme étant celui imposé à l‟Alsace par Jacques Lorraine776 et repris pour tel par Michel Deneken777. De même, les thèses extrêmes de Rosenberg sur les « chrétiens allemands »778 qui récusent l‟histoire sainte ne guident pas la politique religieuse de l‟Etat nazi. Selon Pierre Ayçoberry, « les chefs du parti et Hitler lui-même craignent de choquer la masse des

fidèles orthodoxes779 ». Le « Gott mit uns780 » est toujours gravé sur les plaques de ceinturon de la Wehrmacht au-dessus de l‟aigle à croix gammée. Les thèses de Ludendorff et Rosenberg ne

suscitent pas l‟adhésion de la masse. Tout au plus, parmi les pasteurs catholiques et surtout protestants, un dixième adhère, mais leur pseudo-théologie se diffuse largement. Aussi, « ce que

l’Eglise préoccupée de l’au-delà a su créer dans son domaine, Hitler veut, lui, en tant que Führer,

772

Cardinal Faulhaber, Judentum, Christentum, Germanentum, Munich, 1934.

773Adolf Hitler, déjà cité, pp. 62-63, 11 avril 1942.

774Adolf Hitler, déjà cité, pp. 60-62, 14 octobre 1941, à Himmler. 775Friedrich Heer, déjà cité, p. 133.

776

Jacques Lorraine (pseudonyme de Me Kalb), « Le paganisme en Alsace », dans Les Allemands en France, Paris, imprimerie Paul Dupont, 1945, annexe II, pp. 167-173. L‟auteur publie un tract de ce mouvement édité en 1939 et distribué en Alsace. A tort, peut-être par manque de sources, ou par facilité, ce tract est repris comme programme politique appliqué en Alsace par Michel Deneken, L’Eglise d’Alsace 1940-1945, Strasbourg, éditions Ercal, 1989, pp. 22-24.

777Michel Deneken, L’Eglise d’Alsace 1940-1945, Strasbourg, éditions Ercal, 1989, pp. 22-24.

778En 1939, une brochure publiée en Allemagne, Guide pour les Allemands à la recherche d’un Dieu, et distribuée en

Alsace-Moselle pendant l‟annexion parle d‟« une foi allemande » qui rejette le christianisme, « un judaïsme dégénéré ». On peut y lire: « Nous voulons redevenir des Allemands libres, sur un sol allemand libre et non pas des individus

assujettis à un Pape, à un enseignement international ou à un Dieu étranger… L’Allemand croyant sait qu’il n’est pas un être individuel mais la partie d’un grand tout, qu’il est(…) du sang lié indissolublement à la communauté du peuple dont il est issu ».

779

Pierre Ayçoberry, La question nazie, Paris Seuil, 1979, p. 27.

780

La devise Gott mit uns (Dieu avec nous) est utilisée comme crie de ralliement pendant la guerre de Trente Ans à la bataille de Lützen, (Saxe-Anhalt) en 1632 pendant laquelle les armées suédoises s'imposèrent face à des forces de la ligue catholique. C'est le roi Frédéric Guillaume IV, qui par l'ordonnance du 7 octobre 1847 décide que la divise "Gott

le réussir ici-bas, dans l’organisation de son parti781.» Hitler est admiratif de « la relation

instinctive entretenue par l’Eglise avec le peuple782

» et de ces abbés qui « savent diriger sagement

leurs brebis783…».

Sans rentrer dans les détails qui nous mèneraient trop loin, nous pouvons toutefois constater, en accord avec Léon Poliakov, que dans le national-socialisme, « les trois caractéristiques d’une

religion, à savoir la perception d’un pouvoir supérieur, la soumission à ce pouvoir et l’établissement de relations avec lui sont, en l’espèce, incontestablement présentes. L’âme raciale, le sang et son appel mystérieux est le pouvoir immanent et supérieur concrétisé par le peuple, le Volk. La soumission au Führer qui en est l’émanation est inconditionnelle et absolue. Le Führer est le grand prêtre qui sait exprimer la volonté divine784 ». Au peuple élu, on oppose un diable, le juif

accusé de comploter contre l‟Allemagne, responsable de la défaite de 1918. En 1937, le ministre chargé des Affaires ecclésiastiques du IIIe Reich, Hans Kerll, déclare que « le parti s’appuie sur le

fondement du christianisme positif qu’est le national-socialisme. Ce dernier résulte de la volonté de Dieu, révélée dans le sang germanique. Dire que le christianisme est représenté par le parti et le peuple germanique est appelé par le Führer à pratiquer un christianisme authentique et concret. Le Führer est le protagoniste d’une nouvelle révélation785

».

Mosellans en Silésie en 1943 : communion solennelle. Surprenante cohabitation :

Dans cette chapelle, le portrait du Führer trône au milieu des ornements sacerdotaux et à côté d’une représentation du Christ. (Photo René Christner, PRO de Maizières-lès-Metz, coll. Ascomémo)

Les idées d‟Hitler qui guident sa politique en matière religieuse semblent complexes et parfois contradictoires. Certes, il pense que « le christianisme est une rébellion contre la loi

naturelle (la loi du plus fort), une protestation contre la nature. Poussé à sa logique extrême, le

781

Friedrich Heer, déjà cité, p. 139.

782Adolf Hitler, Mein Kampf, traduit en français, Mon combat, Paris, Nouvelles éditions latines, 1934, p. 630. « Il ne

s’agit pas simplement de parler pour la forme de la Volonté divine, mais en fait de vivre selon la Volonté divine et de ne jamais profaner l’œuvre de Dieu. »

783

Friedrich Heer, déjà cité, p. 143.

784Léon Poliakov, Bréviaire de la haine, Paris, Complexe, 1986, p. 6.

christianisme signifierait la culture systématique du déchet humain786 ». Pour autant, selon lui, un

mouvement comme le national-socialisme « ne doit pas se laisser entraîner dans des digressions

d’ordre métaphysique. Il doit s’en tenir à l’esprit de la science exacte. Le parti n’a pas à être une contrefaçon de religion… On peut se demander si la disparition du christianisme entraînerait la disparition de la foi en Dieu. Cela n’est pas souhaitable… Je ne voudrais surtout pas que notre mouvement prît un caractère religieux et instituât un culte. Ce serait atroce pour moi et je souhaiterais de n’avoir jamais vécu si je devais finir dans la peau d’un bouddha !... Nous veillerons à ce que les Eglises ne puissent plus répandre des enseignements en contradiction avec l’intérêt de l’Etat. Nous continuerons à affirmer la doctrine national-socialiste et la jeunesse n’entendra plus que la vérité787 ». Limiter son influence, la circonscrire au seul domaine de la foi, voilà la ligne

conductrice du Führer en matière religieuse, totalement en phase avec la lutte contre l‟Eglise politique et l‟ultramontanisme prônée par Bürckel. Hitler estime que le christianisme est fondé sur un « mensonge » dont il ne peut s‟accommoder car pour lui « la vie de la société humaine sur la

base du mensonge ne mérite pas d’être préservée. Si l’on croit au contraire que la vérité en constitue le fondement inéluctable, alors la conscience commande d’intervenir au nom de la vérité et d’exterminer le mensonge788

».Il pense que « si sa présence sur cette terre est providentielle, il le

doit à une volonté supérieure. Mais il ne doit rien à cette Eglise qui trafique du salut des âmes et il la trouve vraiment trop cruelle. » Il admet « que l’on ne puisse s’imposer que par la force mais a horreur des gens qui ont le goût de faire souffrir les corps et de tyranniser les âmes789 ». Il pense

que le christianisme est une « maladie », que « la religion catholique est un incroyable mélange

d’hypocrisie et de commerce. Elle exploite avec une habilité consommée l’attachement qu’éprouve l’être humain à l’égard de ses propres superstitions… L’Eglise s’applique à inculquer sa morale aux gens du peuple moins par un travail de lente persuasion que par la vertu de la contrainte… Nul besoin de l’Eglise pour maintenir la morale dans le peuple. Cela est à la portée de tout homme d’Etat. Il suffit de transformer en lois imprescriptibles les conceptions morales reconnues traditionnellement par les éléments les plus sains de ce peuple et de mettre la force au service de ces lois790 ». Aussi, pour lui, « le mal qui nous ronge, ce sont nos prêtres des deux confessions791» d‟autant que « la principale activité des curés consiste à saper la politique national-

socialiste…792

» alors qu‟Hitler dit qu‟il « n’intervient pas dans les questions de croyance. Aussi ne peut-il admettre que les gens d’Eglise se mêlent des affaires temporelles. L’Etat doit demeurer le maître absolu793…».

786Adolf Hitler, déjà cité, p. 54, 10 octobre 1941. 787

Ibidem, pp. 60-62, 14 octobre 1941, à Himmler.

788Ibidem, p. 294, 8 février 1942, à Speer et Himmler. 789Ibidem, pp. 331-332, 27 février 1942.

790Ibidem, tome 2, pp.60-61, 9 avril 1942. 791

Ibidem, p. 294, 8 février 1942, à Speer et Himmler.

792Ibidem, tome 2, p. 51, 7 avril 1942. 793Ibidem, p. 140, 13 décembre 1941.

Ainsi, selon Hannah Arendt794, le totalitarisme répond à une organisation intégrale de l‟existence qu‟il soumet, sans débat, à un projet mythique, à un néo-paganisme. Il dépersonnalise l‟homme en le sacrifiant au tout. Pour Marcel Gauchet, le totalitarisme cherche à réduire les divisions naturelles de la société et à obtenir par la contrainte la fin des antagonismes et l‟unité sociale795. Pour Xavier de Montclos, le totalitarisme a pour « ambition d’identifier la société à

l’Etat, de faire coïncider un pouvoir monolithique et toutes les activités humaines. Dans la logique de cette absorption, l’individu ne compte pour rien ni, bien entendu, les organisations dans lesquelles pourrait s’exprimer la liberté. L’appartenance religieuse est l’une de ces attaches dont la rupture est une condition essentielle de l’instauration totalitaire796

». En même temps, le nazisme prône sur le plan moral des valeurs contraires à celles du catholicisme comme la haine, la violence et le culte de la force… Aussi de 1933 à la veille de la guerre, la politique nazie est anticléricale avec une déconfessionnalisation de la vie publique par la privation des moyens d‟actions traditionnels des instances religieuses : pression pour que les fonctionnaires n‟assistent pas aux offices ; suppression de jours fériés ; interdiction des retraites et journées de recollection ; difficultés à construire des églises dans les nouvelles villes ; entrave à l‟éducation religieuse de la jeunesse ; suppression de la presse catholique à l‟inverse de la diffusion de livres vantant une religion allemande ; interdiction de diffuser des livres catholiques ; interdiction de la prière à l‟école ; suppression de nombreux couvents ; obligation au travail des candidats à l‟entrée dans les ordres rendant le recrutement impossible797. Selon Eugène Schaeffer, « le national-socialisme a de

longue date commencé à saper le fondement de la religion chrétienne. C’était la religion catholique, religion universelle, internationale qui était le plus en bute à ces attaques. Car une religion plus nationale telle l’église évangélique et luthérienne s’adapte mieux aux conditions externes auxquelles l’église romaine refuse en principe de se plier798

».

En même temps, l‟Etat799

nazi signe un concordat le 20 juillet 1933 qui, selon son article premier, « garantit la liberté de la profession et la pratique de la religion catholique », accord cependant globalement presque immédiatement non respecté.

En réalité, c‟est une emprise totalitaire sur la vie religieuse. Au congrès de Nuremberg de 1937, les idéologues nazis déclarent que les églises confessionnelles sont superflues. Il ne s‟agit pas de séparer les Eglises et l‟Etat, mais bien de les décrédibiliser en sapant tout ce qu‟il leur reste d‟influence. Pour Edmond Vermeil, « les nazis espèrent que les Eglises tomberont d’elles-mêmes

comme des édifices vermoulus. L’essentiel, c’est de gagner la jeunesse au IIIe

Reich car cette

794Hannah Arendt, Les origines du totalitarisme, 1951, 3 volumes. Traduit en français, Seuil, 1972-1982. Hannah

Arendt, philosophe allemande, met sur le même plan le nazisme et le stalinisme.

795

Marcel Gauchet, « L‟expérience totalitaire et la pensée politique », dans Esprit, no 7-8, juillet-août 1976, pp. 3-28.

796Xavier de Montclos, Les chrétiens face au nazisme et au stalinisme, Paris, éditions Plon, 1983, pp. 8-9. 797Lettre pastorale des évêques allemands, 26 juin 1941.

798Eugène Schaeffer, L’Alsace et la Lorraine 1940-1945, leur occupation en droit et en fait, Paris, libraire générale de

droit et de jurisprudence, 1953, pp. 118-119.

799Il existait déjà des concordats locaux avec des Länder allemands comme la Bavière en 1924, la Prusse en 1929 et

conquête équivaut à la fin des Eglises, à leur fin par extinction800 » car, selon Martin Bormann, « il faut soustraire toujours davantage le peuple aux influences de l’Eglise, de ses organes et de ses prêtres. Jamais plus, il ne faudra accorder la moindre influence aux Eglises dans la direction du peuple801 ».

Il faut attendre 1937 pour que le pape Pie XI condamne solennellement la politique antichrétienne dans son encyclique Mit Brennender Sorge. La conférence annuelle des évêques allemands à Fulda en 1938 condamne également dans une lettre pastorale le néo-paganisme et les empiètements de l‟Etat dans les domaines où l‟Eglise prétend exercer une influence notamment en ce qui concerne l‟école et l‟éducation de la jeunesse802

.

Fidèle d‟Hitler, Bürckel reprend à son compte les idées du Führer. Pour lui, les ecclésiastiques sont des adversaires politiques comme tous les autres, à éliminer s'ils refusent les conceptions du parti, particulièrement s'ils combattent le national-socialisme ouvertement, à l'abri de l'Eglise. Depuis toujours l'Eglise lui semble dangereuse. Mais les mesures prises à l'encontre du catholicisme politique et la position antichrétienne de Bürckel visent d'abord à défendre son prestige de Gauleiter dans la hiérarchie national-socialiste. Ses mesures lui sont propres, non dictées par