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Selon François Roth, pendant l‟annexion de 1871 à 1918, « de toutes les forces

d’encadrement de la société, l’église catholique conservait intacts au milieu de tant de ruptures, son personnel, son organisation propre, son statut dans l’Etat, ses fonctions sociales et religieuses216 ». En effet, en Moselle annexée, les cadres intellectuels, politiques et économiques

optent massivement pour la France facilitant ainsi la germanisation. La population mosellane s‟est alors « naturellement » rapprochée de ses prêtres qui sont, pour beaucoup, sinon un foyer actif de résistance à la germanisation, du moins des défenseurs ardents des Mosellans et de leurs particularismes. Brigitte Favrot estime que « l’esprit français du clergé lorrain est resté intact

pendant l’annexion. Les établissements ecclésiastiques du diocèse constituaient en quelque sorte une citadelle fortifiée contre la germanisation217 ». Marie-Françoise Cassier rajoute que « les

prêtres, seuls éléments stables d’un milieu politique changeant, devaient de ce fait acquérir une grande importance et un grand rôle politique dans cette région, devenant plus que de simples pasteurs des âmes. Ils s’identifièrent pour la population à la résistance à la germanisation et à la défense de l’idée française. Aussi leur rôle fut-il vanté et exalté par la presse française lors de l’armistice218

». Dans chaque village, le prêtre reste un des piliers de la cohésion communautaire. « C’est à notre foi que nous devions d’avoir résisté à toutes les pressions et tentations pendant l’annexion. Ici, on n’a rien désappris et ailleurs, on a beaucoup oublié219…», explique Paul

Durand. En 1918, au moment du retour à la France, la religion et le clergé qui la défend sont les éléments principaux de ce que l‟on désigne par «patrimoine lorrain ».

Cette influence se traduit par l‟engagement politique du clergé mosellan dès les premières années de l‟annexion. L‟évêque de Metz, Mgr Dupont des Loges (1843-1886), est élu au Reichstag en 1874 et proteste contre l‟annexion. Le Bloc lorrain réunit notables libéraux et catholiques dans la défense des intérêts de la région annexée. Aux élections législatives de 1890, les quatre circonscriptions mosellanes élisent des députés ecclésiastiques, puis laissent la place à des candidats du parti libéral. Le clergé est donc militant, engagé initialement dans la protestation. Une habitude qui perdure au moment du retour à la France en 1919. L‟abbé Hackspill est élu député en 1919 et l‟abbé Collin sénateur.

215

Jean-Marie Conraud, déjà cité pp. 153-155.

216François Roth, La Lorraine annexée, thèse de 3e cycle, université de Nancy, 1976, p. 56.

217Brigitte Favrot, Le gouvernement allemand et le clergé catholique lorrain de 1890 à 1914, thèse de doctorat de 3e

cycle sous la direction de Raymond Poitevin, université de Metz, 1979, p. 230.

218

Marie-Françoise Cassier, L’Alsace-Moselle, une région de France concordataire, mémoire de l‟Institut d‟études politiques de Toulouse sous la direction du professeur Rives, Toulouse, 1990, pp. 3-4.

Ainsi, pour défendre la liberté des cultes, l‟égalité de traitement de toutes les confessions, le maintien des institutions religieuses, l‟enseignement religieux et les avantages sociaux, tout en affirmant son attachement à la France et à la République, le Parti lorrain indépendant et le Centre alsacien-lorrain qui siégeaient au Landtag de Strasbourg fusionnent en mars 1919 et prennent le nom d‟Union républicaine lorraine (URL). L‟initiative en revient à des ecclésiastiques et des cléricaux. Le programme de l‟URL est dominé par l‟idée religieuse catholique. Elle considère la religion comme le fondement du pouvoir et de la patrie. Or, les catholiques mosellans après 1918 craignent, selon François Roth, « la reprise de la laïcisation et manifestent à l’égard des idées

républicaines une vigilance de tous les instants ». Le programme de l‟URL est d‟abord défensif220. Ce nouveau mouvement est spécifiquement mosellan.

L‟URL est organisée en comités par canton et en groupements par commune. Elle a le soutien des journaux messins de langue française, notamment Le Lorrain qui écrit que « l’URL a

ajouté à notre patrimoine traditionnel l’apport national ce qui rend notre participation plus intime à la vie de toute la France. Elle recueillera l’appoint de forces spéciales qu’offre toujours un grand parti politique221…». Dans les années trente, l‟URL est présidée par Guy de Wendel, président du

Conseil général, puis par le général Edouard Hirschauer, sénateur. Selon François Roth, c‟est un

« parti fantôme sans adhérent ni militant. Il est peu organisé, peu discipliné, sans chef de file vraiment reconnu. Sa force est la fidélité du réseau des notables, des curés, des maires et des industriels, en particulier la famille de Wendel222 ». Paul Durand précise ainsi que « c’étaient les soldats d’un même bataillon, mais ayant la possibilité d’appartenir à des compagnies de leur choix. Jamais un vote essentiel ne les trouva divisés. Les rangs n’étaient pas toujours nombreux, mais une parfaite cohésion a constamment eu raison de la supériorité numérique. Pas de factions et foin des divisions! Il ne sera ni partisan, ni sectaire223 ».

C‟est avec son programme de défense des particularismes locaux au sein de la République française que l‟URL se présente aux différentes consultations électorales. Dans Le Lorrain du 3 novembre 1919, l‟URL affirme que « …le premier geste de notre liberté reconquise doit être un

geste d’union patriotique et de concorde nationale…, vos traditions doivent être respectées, vos intérêts défendus, vos libertés maintenues ». Robert Schuman déclare à l‟occasion de la discussion

budgétaire à la Chambre : « Nous voulons en principe une adaptation progressive de notre

organisation locale, l’introduction progressive de la législation française, mais certains sont d’avis que nous devrions avoir hâte de jeter par dessus bord tout ce que nous avons de particulier dans nos institutions qui disent-ils viennent d’outre-Rhin et qui, pour cette seule raison, ne méritent pas d’être respectées. C’est à mon avis une double erreur224…». Le programme de la Fédération

220Voir sur la création de l‟URL : Damien Schaeffer, déjà cité. 221Le Lorrain, 3 mai 1923, p. 1.

222

François Roth, déjà cité pp. 42-43 et L’époque contemporaine, p. 90.

223Paul Durand, déjà cité p.29 et Le visage des nôtres, éditions Le Lorrain, Metz, 1953, p. 51.

républicaine démocratique de la Moselle qui succède à l‟URL « demande le maintien du statu quo

en ce qui concerne nos institutions religieuses qui ont assuré pendant plus d’un siècle dans les trois départements désannexés la paix entre les différentes confessions225…». Sensible à ces arguments,

l‟électorat mosellan va pendant tout l‟entre-deux-guerres donner sa confiance à l‟URL qui va dominer le paysage politique local. En 1936, alors que la France vote à gauche, la Moselle, malgré une population ouvrière importante, vote à 69% à droite au premier tour des législatives. En 1936, la gauche perd même un siège en Moselle. L‟emprise du clergé sur l‟opinion politique mosellane et l‟anticommunisme226

expliquent ce vote qui peut, a priori, paraître paradoxal227. Mgr Heintz s‟en explique : « Nous ne retrouverons pas la tranquillité sans l’ordre, ni l’ordre sans avoir remis au-

dessus des hommes ce qui leur est supérieur : Dieu et sa Loi. Sans un retour au christianisme, il y aura un retour à la barbarie. Il est déjà bien commencé228 ». Or pour les catholiques,

l‟internationale communiste représente le désordre et l‟athéisme. Malgré tout, l‟archiprêtre de Forbach remarque une « confusion dans les idées à la suite de la propagande communiste et des

évènements politiques et sociaux. On remarque cependant un affermissement des convictions dans une grande partie de la population pratiquante229 ». Par exemple, le professeur au Grand séminaire,

Alphonse Lagarde, va de son propre chef en Espagne et communique au nonce apostolique de France un rapport sur l‟Espagne rouge où il décrit la répression de l‟Eglise d‟Espagne par les communistes et les anarchistes230.

Aussi, il n‟est pas étonnant que les Croix-de-Feu, puis le PSF du colonel de La Rocque, recrutent également parmi les catholiques mosellans. Ces ligues nationalistes d‟anciens combattants ont le soutien du journal Le Lorrain. Le commissaire de police de Saint-Avold signale par exemple que la section locale des Croix-de-Feu « se recrute presque exclusivement dans les milieux sous

influence des partis et de la presse catholiques231 ». Le candidat au conseil général du canton de

Cattenom en octobre 1937, l‟avocat Paul Walter, est à la fois militant du PSF et principal orateur de l‟Action catholique de cette région232

.

225

AN F7 13 394, programme de l‟Union républicaine démocratique (URD), 11 juillet 1930.

226Dès 1891, l‟encyclique Rerum novarum du pape Léon XIII, en même temps qu‟elle condamne la montée de la misère

et de la pauvreté de la classe ouvrière, condamne « le socialisme athée ». En 1931, l‟abbé Goldschmitt, curé de Rech, publie Sowjet-Russland, die Geschichte der Revolution von 1917 bis 1922, éditions Katholische Tat, Cologne. En même temps, il publie de 1931-1932 douze brochures sur le même thème éditées par le Colportage catholique de Sarralbe. Abbé Pierre-Xavier Nicolay, déjà cité pp. 404-408. L‟abbé décrit l‟atmosphère du Front populaire vu par un ecclésiastique. Extraits : « …L’individu avait complètement abdiqué ses prérogatives. La masse avait tout englobé, tout

anéanti. Combien de nos ouvriers avait dépouillé la peau du brave homme pour revêtir celle de l’être grégaire qui ne pense plus et ne sait que redire des slogans qui ont cours. Nous sommes attristés de voir dans cette foule des hommes catholiques. Certaines femmes sont odieuses. D’une laideur brutale, quand elles excitent leurs maris récalcitrants et jettent dans le flot leurs enfants innocents. Physionomies qui font frissonner. Atmosphère pré-révolutionnaire…».

Témoignage de l‟abbé Paul Maire, recueilli le 8 mars 2014 : « Mme Guy de Wendel faisait des conférences sur les

dangers du communisme pour l’Eglise révélés par la guerre d’Espagne ».

227Voir sur ce sujet : Philippe Wilmouth, Front Lorrain contre Front Populaire, déjà cité. 228ADM 29J2088, lettre pastorale n°3, p. 4.

229ADM 29J1197, rapport des archiprêtres 1938. 230

ADM 29J1106, correspondances avec le nonce apostolique de France, 20 avril 1937.

231ADM 23Z3, rapport du commissaire de police de Saint-Avold, 4 mai 1936. 232ADM 303M77, rapport du commissaire de Thionville, 7 octobre 1937.

Mais si pour l‟URL, il s‟agit toujours de défendre les particularismes mosellans dans le cadre français, la volonté du Cartel des gauches d‟assimiler intégralement les provinces recouvrées et en particulier de les laïciser alimente un mouvement latent. En Moselle, à l‟ombre du mouvement alsacien, une minorité régionaliste, voire autonomiste, apparaît alors, essentiellement dans les régions dialectophones. En juin 1926, vingt-sept Mosellans dont quatre ecclésiastiques233 signent le « Manifeste du Heimatbund » qui exige une autonomie complète, législative et administrative, et un pouvoir exécutif pour l‟Alsace-Lorraine. Cette position est condamnée par l‟épiscopat. Les signataires sont écartés de l‟Action catholique et interdits de conférences par Mgr Louis. Lors de son assemblée générale en mai 1927, les signataires du Heimatbund sont invités à quitter l‟URL. A Fénétrange, Victor Antoni (1882-1966)234 crée alors l‟Union chrétienne qui s‟oppose à l‟URL. « Lorsqu’on voit l’inertie de l’ancienne URL, son attitude hostile envers le peuple, sa banqueroute

morale et sa persistance à vouloir utiliser la religion pour la politique et pour le capital, on se rend compte que la création de notre parti était une nécessité235 ». Aux élections législatives d‟avril 1928, dans la circonscription de Forbach, Antoni se maintient au deuxième tour contre l‟abbé Sorné, candidat URL, soutenu par l‟évêque permettant ainsi au candidat communiste, Victor Doeblé, d‟être élu. Aux cantonales qui suivent, Antoni est élu.

Alors, avec le soutien de l‟abbé François Cuny, professeur au Petit séminaire de Montigny- lès-Metz, et de l‟abbé Louis Pinck236, Victor Antoni fonde le 18 novembre 1928 à Sarreguemines le

Christlische soziale Volkspartei Lothringens, le parti populaire chrétien-social de la Lorraine, qui

estime que « toutes les questions (…) doivent être traitées et résolues sur les principes du

christianisme(…) Le parti prend énergiquement fait et cause pour le maintien des particularités lorraines et alsaciennes et réclame, dans le cadre de la France, le maintien des droits du pays237 ».

Victor Antoni en devient le président. Son programme est identique à celui de son homologue alsacien, l‟Union populaire républicaine (UPR) de sensibilité démocrate-chrétienne fondée en 1919, c‟est-à-dire « régionaliste »238

, violemment hostile à l‟assimilation. Il réclame une administration régionale élue au suffrage universel pour défendre « notre langue, nos traditions, notre nationalité

le Volkstum 239 ». Lors du premier congrès du parti chrétien-social en février 1929, les 75 délégués critiquent vivement Robert Schuman qui vote avec les autres députés de l‟URL la résolution confirmant l‟attachement des Alsaciens et des Lorrains à la France sans évoquer leurs problèmes spécifiques.

233

Mgr Wack de Bliesbruck, l‟abbé Muller d‟Oeting, l‟abbé Sackstedter de Schweyen et l‟abbé Kirch de Welferding. Etonnamment, les abbés Léon et Louis Pinck ne sont pas signataires.

234Voir Victor Antoni, Grenzlandschicksal-Grenzlandtragik, chez l‟auteur à Fénétrange, 1957. 235AN F7 13 401, principes généraux du parti chrétien-social, 27 juillet 1929.

236

L'un de ses frères, Pierre-Émile Pinck (1871-1932), est cofondateur du journal autonomiste Die Zukunft fondé par Paul Schall et René Hauss le 9 mai 1925 et interdit le 12 novembre 1927 par le gouvernement français.

237AN F7 13 401, principes généraux du parti chrétien-social, 27 juillet 1929.

238ADM 285W192. Lors d‟une réunion du Verein für Deutsche Kulturbeziehungen im Ausland(VDA), association pour

le dévellopement culturel allemand à l‟étranger, à Sarrebruck en 1943 où Antoni intervient, il est présenté comme « le

président du mouvement régionaliste en Lorraine ».

Il entretient des relations étroites avec les autonomistes alsaciens240 et les émigrés alsaciens- lorrains en Allemagne. Pour autant, Antoni refuse le qualificatif d‟autonomiste241. Dans un almanach publié pendant la guerre, Antoni justifie son action : « La Lorraine est un vieux pays de

culture allemande. Bien que les siècles l’aient ballotée d’une nation à l’autre, le sang et les us et coutumes sont restés allemands. La façon dont s’est terminée la guerre en 1918 a été tragique pour la majorité des Lorrains. Bientôt s’est formé un front de défense contre le gouvernement français. Il s’est créé cette collaboration entre les forces alsaciennes et lorraines qui a constitué par la suite le Heimatbund. Le procès de Colmar a provoqué une séparation des esprits. Ceux qui étaient fidèles à la Heimat se sont toujours groupés davantage et leur activité s’est manifestée publiquement par une participation très dense aux élections des Conseils généraux242 ». Robert Schuman estime que son

activité politique est « limitée à la défense des intérêts régionaux243 ». Pour Raoul Monard, contrôleur de la police nationale, « Antoni avant guerre était, pour le département de la Moselle, la

personnalité la plus agissante, le représentant officiel du séparatisme pro-allemand en Lorraine car les partis autonomistes exerçaient surtout leur action en Alsace... En février 1939, l’enquête d’envergure dans les milieux autonomistes aboutit à la saisie d’un document chez l’abbé Brauner à Strasbourg-Tivoli, un document attestant que des autonomistes étaient rémunérés par les services de propagande allemande. Parmi eux : Antoni244 ». L‟hebdomadaire socialiste forbachois, Grenzland-Le Frontalier, accuse, semble-t-il à tort, Antoni d‟avoir financé sa « Villa Lotharingia »

à Fénétrange245 par des fonds allemands et affuble la maison du quolibet « Goebbels-Villa246 ». Robert Ernst, responsable depuis 1933 de l‟Association des Alsaciens-Lorrains du Reich à Frankfurt-am-Main déclare qu‟« avant guerre, je ne l’ai connu uniquement que par voie de presse.

A aucun moment je n’ai eu un contact personnel avec lui… J’ai toujours considéré Antoni comme un Volkstumskämpfer avant 1939 sincère dans le cadre de la politique cléricale qu’il a toujours déployée. A aucun moment je ne l’ai considéré comme un nazi, ses attaches au clergé, politiquement parlant étant incompatibles avec les conceptions nationales socialistes247 ». Après guerre, Antoni déclare qu‟il « n’a jamais voulu attaquer la France en tant que telle, mais

uniquement sa politique préjudiciable aux intérêts alsaciens-lorrains248 ».

240Par exemple, en 1931, l‟abbé Louis Pinck présente à Fritz Spieser, autonomiste de la région de Saverne, Alfred

Toepfer, mécène allemand, qui lui donne les fonds nécessaires à l‟achat du château de la Hunebourg pour en faire un haut-lieu du Deutschtum, l‟appartenance allemande. Voir Léon Strauss, Un drôle de château en Alsace : Toepfer et la

Hunebourg, dans Actes du colloque université de Strasbourg, 5 octobre 1992, p. 15.

241

ADM 41J6, déclaration d‟Antoni, 26 mai 1946.

242ADM 41J6, fonds Moppert.

243ADM 41J6, déclaration de Robert Schuman, 4 juin 1946.

244ADM 41J6, déposition de Raoul Monard, contrôleur général honoraire de la police nationale en 1946. 245

Cette villa est construite en 1934. Antoni nie toutes ces accusations dans un tract diffusé le 1er juillet 1939. Cette maison particulière avec ses quatre tours et son nom existe toujours.

246ADM, 41J6, journaux Grenzland-Le Frontalier, 11 et 25 juin 1939, 2 juillet 1939, p. 1. La caricature de la

« Goebbels Villa » a été commentée dans la Metzer-Zeitung du 21 septembre 1940, p.3 pour dénoncer la « campagne calomnieuse des Français » envers Antoni.

247ADM 41J6, déposition de Robert Ernst, 14 mai 1946, RG Strasbourg. 248ADM 41J6, déposition d‟Antoni, déjà citée.

Le parti chrétien-social recrute dans les régions de Fénétrange, Forbach, Phalsbourg, Sarralbe, Sarrebourg, Sarreguemines et Sarre-Union sans avoir une influence dominante. Il a le soutien du Lothringer Volkszeitung et fonde le Lothringer Journal imprimé à Sarreguemines à partir de décembre 1928. Le parti chrétien-social multiplie les déconvenues aux différentes élections législatives. Quelques membres sont tout de même élus aux cantonales : Joseph Straub dans le canton de Sarralbe et Joseph Kirsch dans le canton de Phalsbourg en 1928, réélus en 1934, Victor Antoni249, dans le canton de Fénétrange en 1934, Eugène Foulé, maire de Petit-Tenquin, dans le canton de Grostenquin en 1935, Joseph Zimmermann dans le canton de Dabo en 1934. Après l‟échec des élections législatives de 1932, le Lothringer Journal, faute de lecteurs, interrompt sa publication. Victor Antoni publie alors l‟hebdomadaire Jung-Lothringen avec la recette de plus de 800 abonnés et de subsides allemands250. Ce journal devient progressivement pro-germanique et même parfois antisémite251, tout en critiquant aussi les attaques du national-socialisme contre l‟Eglise catholique.

Le 3 février 1935, Antoni et le docteur Joseph Kirsch de Phalsbourg créent le mouvement de la jeunesse lorraine Jung-Lothringen qui a des sections, les Junggruppen, dans les régions de Enchenberg, Fénétrange, Grosbliederstroff, Rohrbach-lès-Bitche, Sarreguemines, Schoeneck et Sarre-Union. Mais, le mouvement autonomiste en Moselle reste confiné à quelques personnalités locales et n‟a jamais eu l‟essor de son homologue alsacien qui envoie douze députés à la Chambre en 1936. En 1936, le parti social-chrétien, faute de militants et donc de moyens financiers, ne présente d‟ailleurs qu‟un seul candidat aux législatives, Victor Anton qui est battu au second tour. Le mouvement s‟essouffle donc252

même si ses élus participent à des rassemblements de l‟Action catholique253. Eugène Foulé quitte le parti et se fait élire conseiller général en 1936 sous l‟étiquette du Bauernbund de Joseph Bilger254. Foulé reste cependant surveillé par la police française car son « activité politique - est - constamment dans un sens anti-français…».

En 1939, la Moselle est donc fortement empreinte d‟une vieille référence et influence catholique dans tous les pans de la société : à l‟église fortement fréquentée, dans de nombreuses associations, dans les journaux, dans les syndicats et dans le parti dominant l‟URL et dans un parti

249Il avait été battu dans le canton de Sarrebourg en 1931.

250ADM 41J6, déposition de Raoul Monard. Tract d‟Antoni, 1er juillet 1939, qui reconnaît avoir reçu des subsides de

l‟abbé Scherer du diocèse de Strasbourg via le docteur Brauner. L‟abbé Scherer recevait de l‟argent de l‟association Alt-

Elsass-Lothringische Vereinigung, Groupement des Alsaciens-Lorrains de souche, de Robert Ernst. ADM 285W192,

déposition du 22 mai 1946 : Antoni reconnaît avoir touché 100 000 francs pour le journal Jung-Lothringen pensant qu‟ils venaient des milieux catholiques.

251

ADM 285W192. Au cours d‟un interrogatoire le 8 mars 1946, Antoni déclare qu‟« étant catholique croyant, je n’ai

jamais été antisémite dans le sens nazi du mot. J’ai combattu des fois des abus de certains juifs mais je ne les ai pas