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Selon Lothar Wettstein807, le concordat autrichien de 1933 donne de notables droits à l'Eglise catholique, en particulier dans le domaine de l'éducation. Après l'Anschluss de l'Autriche en mars 1938 auquel l‟épiscopat autrichien est favorable, Bürckel est encore une fois chargé par Hitler de trouver un modus vivendi avec l‟Eglise. Mais les mesures anticatholiques s'intensifient, comme

d'ailleurs dans tout le Reich, suscitant une opposition du clergé autrichien. Ainsi le secrétaire du cardinal Innitzer proteste énergiquement contre la mise en place arbitraire de drapeaux à croix gammée sur la cathédrale Saint-Etienne à Vienne. Le cardinal Innitzer envoie à Bürckel le 24 mai 1938 un mémorandum où il détaille les nombreux actes de violence contre les prêtres catholiques et les fidèles et les actions illégales dans les affaires relevant de l'Eglise par les autorités national- socialistes. Dans sa lettre d'accompagnement, Innitzer exprime son doute sur la paix religieuse promise. En même temps, il interdit aux ecclésiastiques toute adhésion au mouvement national- socialiste.

Bürckel cherche alors un accord concordataire entre l'épiscopat autrichien avec l'accord officiel du Saint-Siège et lui-même en tant que représentant du Reich. Des négociations s‟engagent pour établir cet accord. Le texte soumis à l‟épiscopat autrichien reconnaît «... la prééminence du

parti dans toutes les occasions politiques comme mouvement représentatif de l'Etat... » avec pour

conséquence «... l’obligation pour toutes les organisations catholiques qui génèrent un

rayonnement politique de cesser leurs activités... » Seuls subsistent « les groupements qui œuvrent dans le seul cadre de l'Eglise et qui ne s'occupent que des seules activités pastorales...». Dans ce

contexte, la nomination des responsables en matière religieuse ou culturelle par l'épiscopat reste assujettie à l'approbation du commissaire du Reich. Bürckel affirme là clairement son postulat : «…

pour prouver l'unité de l'Eglise catholique avec la Volksgemeinschaft, l'Eglise catholique en Autriche place son fondement entre les mains du Reich selon les accords convenus...». Les évêques,

à l'exception de l'évêque de Linz, signent le texte où il est également écrit que « les évêques

autrichiens déclarent maintenir les fidèles dans le respect des lois de l'Etat et de garder hors du champ religieux toute politique et toute critique de l'Etat, de ne s'employer qu'à leur seule activité pastorale. En contrepartie la foi catholique sera toujours officiellement reconnue si celle-ci se conforme aux règles de l'Etat et de son parti représentatif...».

Pour faire pression sur les négociations, les mesures contre l'Eglise s‟intensifient comme, par exemple, l'élimination des crucifix dans les écoles, la réduction des cours de religion, la saisie des propriétés de l'ordre des Chevaliers allemands, la transformation des institutions catholiques de formation en organismes publics ou du parti avec licenciement de leur personnel de direction808. Aussi, le cardinal Innitzer émet des réserves sur la loyauté politique de Bürckel et refuse de signer un accord préliminaire. Mais l'épiscopat exprime toutefois le souhait d'un règlement qui sauvegarderait les intérêts de chacun. Pour Bürckel, c'est finalement de son intérêt de reprendre les pourparlers de paix. Mais parallèlement, il laisse les mesures anticléricales se poursuivre et ne fait aucun effort pour adoucir ou retirer les mesures prises. Bürckel reçoit les évêques le 8 septembre 1938. Par opposition, Innitzer convoque une conférence des évêques pour le même jour. La veille de la conférence des évêques, le 7 septembre 1938, Bürckel dissout l‟ordre des Chevaliers

808Toutes les écoles privées de Vienne sont soumises au droit public avec effet immédiat ; tous les directeurs d'hôpitaux

allemands et les associations de compagnonnage catholiques. Aussi, les évêques ne se rendent pas à l‟entretien prévu avec Bürckel. Les négociations échouent définitivement. Alors Bürckel restreint toutes les possibilités de développement des activités de l‟Eglise, hormis son activité pastorale. Il veut assujettir à son autorité toute action en direction de la jeunesse comme l'éducation religieuse et le catéchisme. Il interdit aux religieux l'accès aux écoles. Il fait surveiller les sermons des ecclésiastiques.

Le 28 septembre 1938, Innitzer se plaint alors directement auprès d‟Hitler. Le 7 octobre 1938, la Rosenkrantzfeier, la fête du chapelet, réunit à Vienne plusieurs milliers de filles et garçons catholiques qui, selon les rapports de police, crient « Le Christ est notre Führer! », « Innitzer

commande, nous te suivrons! » ou « Un peuple, un Reich, un évêque! » Le lendemain a lieu une

démonstration de la Hitlerjugend et d'autres organisations du parti qui s‟engouffrent dans le palais épiscopal et le dévastent. Les préposés au palais appellent police et pompiers au secours mais ceux- ci n'interviennent qu'une heure plus tard. Après ces incidents a lieu la manifestation du 13 octobre 1938 sur la Heldenplatz, la place des héros, à laquelle participent plus de 200 000 personnes. Bürckel tient un discours d'une heure retransmis à la radio, qui est un appel exalté, parfois haineux, contre le clergé politisé, une véritable déclaration de guerre contre les cléricaux. Et comme précédemment dans son combat avec l'évêque de Spire, il n'est plus question du fond du problème mais de la mise à l'écart d'un opposant aux vues de Bürckel en le faisant passer pour traitre et non crédible. Ainsi Bürckel reproche à Innitzer d'avoir béni, à grand renfort de signes de croix, la « démonstration politique », se présentant ainsi en « évêque politique ». Dans presque tous les organes de presse de l‟Ostmark809

et de l'Altreich, de violentes attaques sont déclenchées contre le cardinal Innitzer et le clergé politique désignés comme valets du judaïsme, capitalistes asociaux et agents romains ennemis de l'Allemagne. Finalement, comme dans l'Altreich, on voit en Autriche l'activité pastorale se réduire au strict minimum pour éviter toute représaille des nouveaux dirigeants contre les fidèles.

Bürckel doit cependant se justifier auprès de Lammers, chef de la chancellerie à Berlin, le 14 janvier 1939. Cette lettre d‟explication de Bürckel est fondamentale car elle a valeur de programme, un programme qui sera exporté en Moselle. Selon Bürckel, les mesures prises « ont pour but la

concrétisation du point 20 du programme du parti national-socialiste, lequel stipule que l'éducation de la jeunesse relève de l'Etat et en aucun cas d'une institution confessionnelle... La fermeture des facultés de théologie d'Innsbruck et de Salzbourg tient au fait que ces instituts sont devenus de véritables universités de l'ordre jésuite. Pour ce qui concerne les mesures prises à l'encontre des écoles catholiques, elles concernent en fait toutes les écoles privées. Les fermetures d'écoles confessionnelles sont motivées par le désavantage que présentent ces établissements, tenus pour la plupart par des ecclésiastiques appartenant à des ordres religieux et en tant que tels en conflit de conscience pour l'éducation des élèves... L'enseignement religieux dans les établissements

d'enseignement technique et commercial s'est trouvé réduit en raison de la charge importante d'heures de cours. L'interdiction des activités pastorales dans les hôpitaux a pour seul but d'éviter des dysfonctionnements dans les services médicaux... Néanmoins le service pastoral reste possible à tout moment après avis des médecins... Pour ce qui est de la dissolution d'associations catholiques, il s'agit avant tout d'associations qui aujourd'hui ne présentent aucun intérêt et leur maintien ne s'avère plus possible devant leur attitude anti-national-socialiste…».

En Sarre et en Autriche, Bürckel est devenu le spécialiste du parti nazi en matière religieuse. Nommé en Moselle annexée, il va continuer à mettre en application sa politique antireligieuse.