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La doctrine sociale chrétienne prend son essor par l‟encyclique du pape Léon XIII « Rerum

Novarum » en 1891. Mais, les débuts du syndicalisme chrétien mosellan sont à mettre en relation

avec la grève dans les mines de charbon en 1889, notamment à Petite-Rosselle où se crée la première organisation ouvrière d‟inspiration chrétienne. Elle est combattue par le patronat wendelien et faute d‟adhérents cesse toute activité en 1892. Ce n‟est qu‟en 1904 que le syndicat des mineurs chrétiens peut se doter d‟une structure régionale dans les houillères et les mines de fer209

. Au moment du retour à la France, les syndicalistes chrétiens désorientés par l‟absence d‟une centrale d‟inspiration chrétienne en France adhèrent dans un premier temps à la CGT qui est présentée comme philosophiquement et politiquement neutre. Puis découvrant qu‟ils sont abusés, ils se retirent et créent le 23 février 1919 la Fédération des syndicats indépendants d‟Alsace et de Lorraine (FSI), l’Unabhängiger Gewerkschaftsbund (UGB). En novembre 1919, la FSI participe activement à la création de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) à laquelle elle adhère tout en gardant une certaine autonomie.

Jusqu‟en 1935, la FSI domine le monde syndical en Moselle. Les suffrages obtenus à l‟occasion des élections des offices des assurances sociales en Moselle placent la FSI en tête de la représentation syndicale.

Elections aux offices des assurances sociales Année FSI en % CGTU en % 1924 61 39 1928 62 37 1932 68 31

Interprofessionnelle, ouverte à tous les chrétiens, la fédération s‟appuie sur ses douze permanents et ses journaux, Der Unabhängige Gewerkschaftler tiré à 12 000 exemplaires et Le

Syndicalisme indépendant tiré à 4 000 exemplaires pour diffuser sa propagande et attirer des

adhérents. Le syndicat chrétien s‟implante ainsi de façon assez solide chez les mineurs et les ouvriers du bâtiment du bassin houiller, dans les verreries et les entreprises liées au bois du pays de Sarrebourg, dans la faïencerie de Sarreguemines, chez les traminots, les employées et les postiers de Metz… Mais la fédération est dominée par l‟Alsace où elle a son siège. Ses dirigeants sont alsaciens. Les moyens financiers sont centralisés à Strasbourg. Les Alsaciens fournissent le contingent de membres le plus important. La fédération a toutefois deux secrétariats en Moselle,

209André Vierling, Un siècle de syndicalisme chrétien en Alsace-Moselle 1902-2002, Strasbourg, éditions Coprur, 2002,

l‟un à Metz tenu à partir de 1931 par Armand Reinold et l‟autre à Merlebach tenu par Nicolas Meyer210.

En 1935, la Fédération des syndicats indépendants compte une douzaine de syndicats régionaux avec 264 sections locales sans qu‟on sache exactement le nombre d‟adhérents. Le syndicat des cheminots d‟Alsace-Lorraine qui compte 4 065 adhérents en 1929 pour les trois départements et l‟Association des employés d‟Alsace-Lorraine qui rassemble environ 80% des employés mosellans sont associés à la FSI. Avec le syndicat des employées et ces deux autres syndicats, la FSI constitue une Union régionale en 1935 qui cherche à renforcer le syndicalisme ouvrier face au patronat.

Si les syndicats chrétiens dominent en Moselle, le taux de syndicalisation du monde ouvrier mosellan est assez médiocre. Cependant, pendant le Front populaire, comme tous les syndicats, le syndicalisme chrétien progresse, notamment dans les vallées de la Fensch et de l‟Orne où il était jusqu‟alors peu présent. Une permanence est installée à Thionville. Dans le canton de Moyeuvre, les réunions des syndicats chrétiens se multiplient en 1938. Avant 1936, dans le canton d‟Aumetz, il n‟y avait aucun syndiqué dans le mouvement chrétien. En 1938, 202 ouvriers sont organisés chrétiennement ; beaucoup sortant de la CGT. Dans le canton de Saint-Avold, même si la majorité des ouvriers est attachée à la CGT à laquelle ils ont adhéré en masse en 1936, il est constaté de nombreuses défections pour ce syndicat et l‟accomplissement des devoirs religieux de la plupart des cégétistes211.

Le 24 octobre 1936, la Fédération des syndicats indépendants devient la Fédération des syndicats chrétiens, Christlicher Gewerkschaftsbund (CGB) car le patronat tente d‟établir des contre-feux en développant des syndicats à sa solde dits « neutres » ou « libres ». Mgr Heintz encourage ces syndicats chrétiens212, car, selon lui, « trop de catholiques se sont laissés attirer, par

ignorance de la doctrine, des directions et de la bienfaisante action de l’Eglise en cette matière dans des associations neutres ou opposées à la foi chrétienne. Qu’ils reconnaissent loyalement leur erreur ; qu’ils se retirent de ces sociétés où leur foi n’est pas à l’aise et où elle est souvent en danger et qu’ils entrent dans les unions où l’on veut et l’on doit s’efforcer d’agir suivant les exigences de la justice et de la charité chrétiennes et contribuer à l’établissement d’un ordre des choses conforme à l’esprit chrétien213

». Alfred Quirin, responsable jociste214 de 23 ans, né à Algrange, devient permanent du CFTC à Metz à partir du 1er août 1937. Le 13 mars 1938 est créée

210

Jean-Marie Conraud, Militants au travail, CFTC et CFDT dans le mouvement ouvrier lorrain 1890-1965, Nancy- Metz, éditions PU Nancy et Serpenoise, 1988, pp. 60-105.

211ADM 29J1197, rapports d‟archiprêtres 1939.

212Lettre pastorale de Mgr Heintz, octobre 1938 citée dans Le Lorrain, 10 octobre 1938, p. 3. 213

ADM 29J088, lettre pastorale n°3, p. 6.

214On lui propose le poste de secrétaire national de la JOC à Paris. Il choisit finalement le syndicalisme. Il est fils et

une Union départementale en Moselle devant 200 délégués. Alfred Quirin en devient le premier président215.