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5. SYSTÈMES DE GESTION DE LA SÉCURITÉ

5.1 Le concept de SGS

Le concept de système de gestion de la sécurité est le fruit d’une évolution des ré- flexions sur les pratiques de sécurité et les causes des accidents au cours des années 1990. La Loi sur la sécurité ferroviaire originelle ne contenait pas de prescriptions sur les systèmes de gestion de la sécurité. En revanche, un règlement sur le SGS a été ajouté dans le cadre des modifications apportées à la Loi en 1999.

Il est de tradition dans l’industrie du transport ferroviaire et d’autres secteurs où la sécurité revêt une importance cruciale que la sécurité soit assurée par le respect de règles et de règlements prescriptifs. Dans les années 1990, cependant, les progrès des recherches sur la sécurité ont prouvé que les organismes pouvaient se conformer à des règlements prescriptifs, tout en continuant à être dangereux. En particulier, la conformité ne signifiait pas forcément la gestion efficace des risques.

À l’époque, les chercheurs et les responsables de la sécurité s’évertuaient également à comprendre les comportements humains dans le contexte des accidents. En 1990, James Reason a présenté un modèle aujourd’hui bien connu de causalité des acci-dents (le modèle du fromage suisse) qui explique la façon dont les êtres humains contribuent à la rupture de systèmes complexes, interactifs et bien protégés, comme le réseau de transport ferroviaire.

Figure 5.1 : modèLe de CausaLité des aCCideNts de reasoN

Décideurs

Gestion hiérarchique Conditions préalables

Actes dangereux

Conjoncture favorable

Actes dangereux et conditions dangereuses latentes

Conditions dangereuses latentes

Défenses Accident

Selon Reason, on peut attribuer la cause de la plupart des accidents à un ou plusieurs types de causes, qui sont au nombre de quatre : les influences de l’organisation, une surveillance dangereuse, des conditions préalables aux actes dangereux et les actes dangereux proprement dits. On peut les caractériser comme des conditions latentes (sous-jacentes) ou actives.

Dans le « modèle de fromage suisse », les moyens de défense contre toute rupture au sein d’une organisation peuvent être considérés comme une série d’obstacles, représentés par des tranches de fromage suisse. Les trous dans les tranches de fromage représentent les faiblesses individuelles ou même les ruptures dans les éléments individuels du système, qui varient constamment sur le plan de la taille et de l’emplacement dans l’une quelconque des tranches. Le système en entier se rompt lorsqu’une série de trous dans chacune des tranches s’alignent momentanément, favorisant ce que Reason appelle « une trajectoire de conjoncture favorable à un accident », de sorte qu’un danger franchit tous les trous dans tous les moyens de défense, ce qui conduit à la rupture1.

Le modèle de Reason permet de comprendre de quelle façon les êtres humains contribuent à la rupture de systèmes complexes. Mais, surtout, le modèle démontre qu’il faut tenir compte de l’ensemble du système lorsqu’on évalue le rendement en

1 Voir par exemple James Reason, Human Error (Cambridge University Press, 1990); autres références dans Terry Kelly, SMS Aviation Safety Inc., An Examination of the Regulated Requirement for Canadian Railway Safety Management Systems (août 2007), annexe B.

Chapitre 5 : Systèmes de gestion de la sécurité 72

matière de sécurité. Grâce à cette nouvelle compréhension de la cause des accidents, il est devenu manifeste que l’approche prescriptive traditionnelle de surveillance de la réglementation ne suffisait pas à elle seule à prévenir les accidents.

Simultanément, les organes de réglementation des transports ont compris qu’avec l’augmentation du débit du trafic, le nombre total d’accidents allait augmenter, même si le taux d’accidents demeurait inchangé (c.-à-d. le nombre d’accidents par niveau d’activité). En vertu d’une approche réglementaire exclusivement prescriptive, il aurait fallu injecter de nombreuses ressources pour surveiller la réglementation, ne serait-ce que pour maintenir à son niveau actuel ou encore réduire le nombre total d’accidents.

Les organes de réglementation ont compris par ailleurs que les pénuries prévues de personnel technique dans l’industrie ne faciliteraient pas la tâche de recruter les employés nécessaires à l’appui d’un modèle traditionnel de surveillance de la réglementation.

Également dans les années 1990, le gouvernement du Canada, qui avait été jusque-là le propriétaire-exploitant d’importants segments du réseau de transport, s’est transformé en organe de réglementation et d’orientation politique. De plus en plus, la sécurité dépendait d’une approche concertée, les responsabilités de l’industrie étant axées sur la sécurité de l’exploitation et celles de l’organe de réglementation sur la sécurité du réseau national de transport. Et, tandis que l’industrie du trans-port ferroviaire continuait de croître et d’évoluer, il est devenu encore plus urgent d’adopter des pratiques de sécurité modernes.

Certes, les risques ont toujours fait partie intégrante des réseaux de transport, et les responsables de la gestion de la sécurité se sont mis à envisager un système où les dangers seraient cernés et évalués et où les risques en résultant pourraient alors être gérés de manière proactive. Les enseignements tirés des accidents, des incidents et des activités quotidiennes seraient injectés dans le système, ce qui se solderait par « une amélioration continue de la sécurité ».

Tandis que cette évolution de la pensée sur la sécurité, la causalité des accidents et la surveillance de la réglementation se produisait, c’est en 1994 qu’a eu lieu l’examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire. C’est au cours de cet examen qu’est né le concept de systèmes de gestion de la sécurité pour les chemins de fer et, à vrai dire, qu’on a commencé d’y voir un moyen de réglementer la sécurité avec plus d’efficacité. C’est ainsi que des modifications ont été apportées à la Loi sur la sécurité ferroviaire en 1999 qui ont enjoint aux compagnies de chemin de fer de concevoir et de mettre en œuvre des systèmes de gestion de la sécurité.

Ce que l’on demandait aux de fer adoptaient le concept de SGS, elles se sont mises à réaliser pleinement les avantages qu’elles pouvaient en tirer.

Par exemple, les compagnies ont tout à gagner d’une amélioration des décisions sur les questions de sécurité et elles peuvent s’instruire sur leurs activités grâce à la meilleure perspective que permet la formule du SGS.

Elles peuvent améliorer leur bilan de sécurité et élaborer sur mesure des stratégies d’atténuation adaptées à leur propre exploitation, ce qui revêt particulièrement d’importance dans le cas des plus petits exploitants et des compagnies d’intérêt local.

Cela signifie que les mesures d’atténuation peuvent en fait dépasser les normes fixées par règlement. En définitive, cela a pour effet d’accroître la confiance du public et des clients.

Les compagnies bénéficient également d’un avantage concurrentiel accru et peuvent prouver qu’elles tiennent compte systématiquement de la sécurité dans les décisions qu’elles prennent. Cela présente d’intéressantes possibilités de réduire la surveillance de la réglementation et d’améliorer les rapports, les partenariats et la collaboration.

Un puissant SGS peut présenter des avantages économiques car il y a un rapport entre le bilan de sécurité et les résultats économiques. Une compagnie peut réaliser des économies directes et indirectes grâce à la prévention des accidents, car les coûts de nettoyage d’un accident sont élevés et que la fermeture d’une ligne entraîne un manque à gagner. En bref, la sécurité est bonne pour les affaires.

avaNtages des sgs

-Dépassement possible des normes de sécurité

-établies par voie de règlement

Amélioration de la confiance du public et des clients

-Augmentation de l’avantage concurrentiel

-Diligence raisonnable avérée

-Possibilité de réduire la surveillance de la

-réglementation

Resserrement des rapports et de la collaboration

-Amélioration des résultats économiques

-Chapitre 5 : Systèmes de gestion de la sécurité 74

Des preuves de la justification économique des SGS sont fournies par les compagnies qui déclarent dépenser moins de ressources car elles arrivent à résoudre des problèmes beaucoup plus tôt et à éviter ainsi des opérations anormales coûteuses. De fait, dans le secteur du transport aérien, certaines compagnies font état d’une nette amélioration de leurs résultats économiques grâce à l’adoption de systèmes de gestion de la sécurité qui les ont aidées à éviter des opérations anormales coûteuses (comme des vols en retard, l’indemnisation des passagers) qui se rattachent aux accidents et aux incidents.

Lorsque le Règlement sur le SGS ferroviaire est entré en vigueur le 31 mars 2001, c’était le premier de son genre dans le secteur canadien des transports. Ce règlement a été élaboré grâce à l’étroite collaboration de l’industrie et ce sont les chemins de fer proprement dits qui sont chargés de gérer la sécurité de leur exploitation. Le règle-ment n’avait pas pour but de remplacer des règlerègle-ments, des règles ou des normes en vigueur, mais plutôt de concevoir une façon plus détaillée de gérer la sécurité en complétant le cadre de réglementation existant.

En vertu du Règlement sur le SGS ferroviaire, les compagnies de chemin de fer doivent mettre sur pied et maintenir un plan de leur système de gestion de la sécurité comportant une politique de sécurité assortie de cibles annuelles de sécurité et d’initiatives permettant d’atteindre ces cibles. La responsabilité de la sécurité doit être limpide à tous les échelons d’une compagnie et il faut concevoir un moyen de faire participer les employés à la gestion de la sécurité. Il faut également des systèmes qui permettent de cerner et de démontrer le respect des règles et des règlements qui s’appliquent. Il faut également mettre en place une procédure permettant de déceler les dangers et d’évaluer et d’atténuer les risques. Il faut également des procédés et des procédures pour rendre compte des accidents et enquêter à leur sujet. Il faut par ailleurs des méthodes qui garantissent que les employés suivent une formation suffisante. Il faut également des procédures de collecte et d’analyse des données et des vérifications régulières internes de la sécurité. Enfin, il faut prévoir des moyens de surveiller les mesures correctrices et de regrouper la documentation. Un tel cadre doit être en place pour se doter d’une démarche systémique de gestion de la sécurité, démarche qui consiste à agir avant qu’un accident ne survienne.

5.2 MISE EN ŒUVRE DES SYSTÈMES DE GESTION