• Aucun résultat trouvé

Application de la Loi sur la sécurité ferroviaire

4. CADRE DE RÉGLEMENTATION

4.3 Questions soulevées par la Loi sur la sécurité ferroviaire

4.3.2 Application de la Loi sur la sécurité ferroviaire

Deux articles de la LSF la relient à la Loi sur les transports au Canada. Le paragraphe 2(2) prescrit que la LSF « s’applique au transport ferroviaire visé par la partie III de la Loi sur les transports au Canada ». Le paragraphe 4(2) prévoit que, LSF ne contient

Chapitre 4 : Cadre de réglementation 52

pas la définition d’un terme, il faut alors s’en remettre aux définitions de la Loi sur les transports au Canada. Bien que l’expression « compagnie de chemin de fer » soit fréquemment employée dans la Loi sur la sécurité ferroviaire, il n’y a pas de définition de cette expression dans la LSF proprement dite. En revanche, la Loi sur les transports au Canada définit une « compagnie de chemin de fer » comme une compagnie qui s’est vu délivrer un Certificat d’aptitude par l’Office des transports du Canada12. L’OTC, organisme indépendant du ministre des Transports, délivre un Certificat d’aptitude lorsqu’il est convaincu qu’une compagnie qui se propose de construire ou d’exploiter un chemin de fer de compétence fédérale dispose d’une assurance-respon-sabilité suffisante. Les compagnies titulaires d’un certificat sont surveillées par l’OTC, qui s’assure par là qu’elles se conforment systématiquement à ce critère économique.

La compétence de Transports Canada dépend du fait qu’une compagnie s’est vu délivrer ou non un Certificat d’aptitude par l’OTC. Historiquement, l’OTC a été réac-tionnel, en répondant à une compagnie qui lui adressait une demande de Certificat d’aptitude, au lieu d’enquêter activement en vue de s’assurer qu’une demande était imminente. Cela est perçu comme une carence d’attributions et explique que cinq compagnies de chemin de fer ne soient pas titulaires d’un Certificat d’aptitude fédéral ou d’une licence d’exploitation provinciale13.

Le champ d’attributions est encore compliqué par le fait que de nombreux chemins de fer de compétence provinciale empruntent des lignes de chemin de fer fédérales appartenant au CN ou au CFCP. En vertu d’un accord contractuel conclu avec les propriétaires de la voie, le chemin de fer de compétence provinciale est contraint de se conformer aux règles d’exploitation fédérales lorsqu’il utilise une voie fédérale.

Transports Canada n’engage pas directement d’actions coercitives contre la

compagnie de chemin de fer provinciale, même si des dispositions de sécurité ont été enfreintes. En revanche, le Ministère engage des actions coercitives contre les proprié-taires de la voie (à savoir le CN ou le CFCP), qu’il tient responsables des agissements de la compagnie de chemin de fer qui emprunte leur voie. Cette curieuse pratique coercitive ne fait rien pour optimiser la responsabilisation et la transparence et risque de devenir encore plus problématique si d’autres pouvoirs coercitifs, comme des sanctions administratives pécuniaires, sont ajoutés à la Loi sur la sécurité ferroviaire, comme nous le recommandons ci-après.

Nous sommes d’avis que l’application de la Loi sur la sécurité ferroviaire doit occuper le champ complet d’attributions du gouvernement fédéral. Cela aura pour effet d’appliquer les règles et les règlements de la LSF (p. ex. ceux qui régissent la vitesse) à toutes les compagnies de chemin de fer qui utilisent une voie fédérale.

12 Loi sur les transports au Canada, art. 87 et 90-94.

13 Voir Deana Silverstone, Le cadre législatif et institutionnel de la sécurité ferroviaire au Canada (juillet 2007), paragr. 10.

Pour régler le problème des lacunes éventuelles dans le champ d’attributions, l’application de la Loi sur la sécurité ferroviaire doit être établie dans la LSF proprement dite, en s’inspirant des principes exposés aux articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867. C’est l’usage normal pour les lois fédérales, et c’est aussi le cas de la Loi sur le transport des marchandises dangereuses, de la Loi sur le Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports et du Code canadien du travail; en effet, ces lois ne désignent pas le Certificat d’aptitude comme critère pour que leurs dispositions s’appliquent.

reCommaNdatioN 7

il faudrait modifier le paragraphe 2(2) de la Loi sur la sécurité ferroviaire pour qu’il prescrive que cette loi s’applique à toutes les questions de sécurité et de sûreté ferroviaire relevant de l’autorité législative du parlement.

Lorsque le champ d’attribution aura été établi directement dans la Loi sur la sécurité ferroviaire, il faudra également y insérer une définition de « compagnie de chemin de fer », pour qu’il ne soit plus nécessaire de se reporter à la Loi sur les transports au Canada. La plupart des éléments de la LSF s’appliquent aux « compagnies de chemin de fer », et la Loi y fait allusion tout au long. La nouvelle définition de « compagnie de chemin de fer » pour les besoins de la Loi sur la sécurité ferroviaire doit englober dans sa portée toutes les entités auxquelles ses objectifs sont censés s’appliquer.

reCommaNdatioN 8

il faudrait insérer une définition de « compagnie de chemin de fer » dans la Loi sur la sécurité ferroviaire.

4.3.3 Conditions fondamentales d’exploitation

Une nouvelle compagnie de chemin de fer est autorisée à entamer ses activités dès que l’Office des transports du Canada (OTC) lui délivre un Certificat d’aptitude. Le Certificat d’aptitude précise tout simplement que la compagnie de chemin de fer est de compétence fédérale, qu’elle dispose de moyens financiers suffisants pour être exploitée et qu’elle a contracté une police d’assurance suffisante. Cela est conforme au mandat économique de l’OTC.

La Loi sur la sécurité ferroviaire impose deux conditions fondamentales de sécurité à une nouvelle compagnie de chemin de fer (en vertu du Règlement sur le SGS). La compagnie doit soumettre les renseignements prescrits au sujet de son système de gestion de la sécurité et elle doit se conformer à tous les règlements sur la sécurité ferroviaire en vigueur à ce moment. Dans la pratique, ce sont des conditions préalables à la délivrance du Certificat d’aptitude, et nous croyons savoir que l’OTC

Chapitre 4 : Cadre de réglementation 54

met la Direction générale de la sécurité ferroviaire de Transports Canada au courant des éventuels nouveaux venus présentent une demande de Certificat d’aptitude.

Le Règlement sur le SGS ferroviaire en vertu de la Loi sur la sécurité ferroviaire prescrit que toute nouvelle compagnie de chemin de fer doit présenter des renseignements sur son système de gestion de la sécurité au moins 60 jours avant le début de l’exploitation de la compagnie14. Transports Canada examine les renseignements pour s’assurer que tous les éléments prescrits y figurent bien, mais il n’approuve pas le SGS sur le plan de l’efficacité. Transports Canada ne se livre pas à une inspection pour vérifier la capacité de sécurité de la compagnie avant la délivrance du Certificat d’aptitude. En fait, en temps normal, Transports Canada n’examine pas le SGS en profondeur tant que le SGS ne fait pas l’objet d’une vérification, ce qui peut intervenir plusieurs années plus tard.

Une nouvelle compagnie de chemin de fer, notamment une nouvelle entité créée à l’issue d’une fusion ou d’une restructuration quelconque, doit également se conformer aux règlements sur la sécurité ferroviaire en vigueur et aux règles que la nouvelle compagnie entend signer. Une inspection préliminaire doit avoir lieu pour s’assurer de sa capacité à se conformer.

Nous constatons qu’un certain nombre de provinces exigent des permis ou des licences d’exploitation de la part des compagnies de chemin de fer relevant de leur compétence15. Cette formule pourrait servir de modèle aux compagnies de chemin de fer de compétence fédérale. De même, un certificat d’exploitation aérienne est exigé par Transports Canada pour exploiter un service aérien. Le secteur de l’aviation civile au Canada est réglementé par la Loi sur l’aéronautique en vertu d’un système de

« documents d’aviation canadiens », comme les certificats d’exploitation aérienne, les certificats d’immatriculation, les certificats de navigabilité, les licences et les permis des équipages de conduite, qui sont octroyés (et peuvent être suspendus ou annulés) selon les procédures prescrites.

Selon nous, Transports Canada doit fixer des conditions fondamentales de sécurité par voie de règlement et procéder à une inspection de sécurité détaillée de chaque nouvelle compagnie de chemin de fer avant que celle-ci n’amorce ses activités, pour déterminer si elle se conforme au cadre de réglementation. Une fois convaincu que la compagnie de chemin de fer a atteint un niveau de sécurité acceptable, Transports Canada doit alors lui délivrer un certificat d’exploitation ferroviaire. Un certificat

14 Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire (DORS/2001-37), alinéa 4(2)b).

15 Par exemple, en Colombie-Britannique, les nouvelles compagnies doivent se procurer un permis d’exploitation auprès du registraire de la sécurité ferroviaire avant d’amorcer leurs activités; au Manitoba, une nouvelle entité doit se procurer un permis d’exploitation auprès de la Commission du transport routier, laquelle exige une preuve d’assurance-responsabilité et un certificat délivré par un ingénieur qualifié comme quoi le demandeur se conforme aux exigences en matière de sécurité ferroviaire, Loi sur les chemins de fer provinciaux (C.C.S.M., ch. R15) art. 30; et Règlement sur les critères de capacité et sur la sécurité des chemins de fer provinciaux.

d’exploitation ferroviaire serait prescrit en sus du Certificat d’aptitude délivré par l’Office des transports du Canada et il devrait être une condition préalable à l’obtention du Certificat d’aptitude.

Le certificat d’exploitation ferroviaire peut lui aussi être suspendu ou annulé pour des motifs de sécurité, comme c’est le cas dans le secteur de l’aviation civile. Même s’il s’agit d’une mesure de dernier recours, elle offre à Transports Canada un important instru-ment coercitif suppléinstru-mentaire dans le secteur du transport ferroviaire. Les Canadiens s’attendent à ce que l’organe de réglementation mette fin à l’exploitation dangereuse d’une entreprise lorsque d’autres mesures coercitives échouent. Toute décision de suspendre ou d’annuler un certificat d’exploitation doit être prise aux échelons supérieurs, avec la participation directe du ministre. Le titulaire d’un certificat d’exploitation doit disposer du droit d’en appeler d’une décision de suspendre ou d’annuler son certificat, y compris en demandant l’examen du Tribunal d’appel des transports du Canada (TATC), en vertu de procédures analogues à celles qui existent pour les documents d’aviation canadiens.

L’impératif d’un certificat d’exploitation ferroviaire doit s’appliquer à toutes les compagnies de chemins de fer de compétence fédérale, y compris celles qui existent déjà. Il faudra adopter une disposition d’antériorité qui octroiera d’office un certificat d’exploitation ferroviaire à une compagnie de chemin de fer qui satisfait déjà aux conditions existantes (c.-à-d. d’un Certificat d’aptitude seulement) à la date où la nouvelle disposition entrera en vigueur. Il n’en reste pas moins qu’un certificat d’exploitation ferroviaire délivré à une compagnie, qu’elle soit nouvelle ou établie de longue date, peut être suspendu ou annulé pour des motifs de sécurité, comme nous l’avons vu plus haut.

reCommaNdatioN 9

une compagnie de chemin de fer devrait être tenue d’obtenir un certificat d’exploitation ferroviaire comme condition préalable à l’obtention d’un Certificat d’aptitude (délivré par l’office des transports du Canada) et au commencement ou à la poursuite de son exploitation. transports Canada délivrera le certificat d’exploitation ferroviaire lorsqu’il sera convaincu que la compagnie de chemin de fer répond aux conditions de sécurité de base fixées par voie de règlement. Les compagnies existantes se verraient délivrer d’office un certificat d’exploitation ferroviaire. transports Canada serait investi du pouvoir de suspendre ou d’annuler le certificat si la compagnie ne respecte pas les conditions de sécurité de base.

4.3.4 Règles et règlements

Comme nous l’avons vu dans l’introduction de ce chapitre, la Loi sur la sécurité

ferroviaire prévoit l’élaboration de conditions détaillées de sécurité par le gouvernement

Chapitre 4 : Cadre de réglementation 56

sous forme de règlements, ou par l’industrie sous forme de règles, qui sont ensuite soumis à l’approbation du ministre des Transports.

La plupart des intervenants reconnaissent que l’utilisation d’un régime de règles, plutôt que de règlements dont l’élaboration est plus officielle, offre à la fois la flexibilité et l’efficacité voulues. Un tel régime tire en effet parti de l’expérience et du savoir-faire des compagnies de chemin de fer et d’autres participants dans le processus d’établissement des règles.

Ceux qui militent en faveur de l’établissement de règles à l’initiative des compagnies y voient un élément clé d’un régime de sécurité ferroviaire plus moderne, réaliste et efficace. Ils affirment que seule l’industrie proprement dite (les gestionnaires avec le concours des employés) peut assurer la sécurité de son exploitation et que l’établissement de règles par l’industrie concorde avec le concept des systèmes de gestion de la sécurité (SGS) car il reflète les connaissances d’expert et les intérêts de ceux qui sont le plus directement touchés par la sécurité ferroviaire16. Même si les projets d’établissement de règles ont soulevé des problèmes importants de temps à autre, à notre avis, les dispositions de la Loi sur l’établissement de règles sont essentiellement valables et doivent être conservées.

Dans certains mémoires présentés au Comité, on peut lire que l’établissement de règles par l’industrie équivaut à une forme d’« autoréglementation ». Nous ne parta-geons pas cet avis. Nous pensons que l’établissement de règles par l’industrie peut être plus fidèlement décrit comme une forme de « coréglementation » ou de collaboration plutôt que l’« autoréglementation ».

La structure d’établissement des règles de la LSF prévoit que le ministre est investi en définitive du pouvoir d’approuver ou de rejeter les propositions de l’industrie au motif qu’elles contribuent ou non à la sécurité de l’exploitation ferroviaire17. Le cadre général de la Loi prévoit l’approbation définitive des conditions de sécurité par le ministre ou le gouvernement, peu importe que ces conditions revêtent la forme de règles établies par les compagnies de chemin de fer ou par le gouvernement, de règlements, de normes techniques ou autres, d’ordres (donnés par les ISF ou le représentant du ministre) ou de directives du ministre. En outre, qu’elles soient prises à l’initiative de l’industrie ou du gouvernement, une fois qu’elles sont approuvées, toutes les règles ont force de loi et Transports Canada dispose de vastes pouvoirs pour prescrire une règle, la modification d’une règle ou l’élaboration de son propre règlement en la matière18.

16 Voir James Mitchell et Nigel Chippindale, Sussex Circle Inc., La régie de la sécurité ferroviaire au Canada (septembre 2007), section 5-B; Harvey Sims, Sussex Circle Inc., L’élaboration de règles relatives au temps de travail/repos du personnel d’exploitation ferroviaire : Analyse de cas préparée pour le Comité d’examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire (août 2007).

17 LSF, paragr. 19(4), 20(4).

18 Voir Silverstone, Cadre, op. cit., paragr. 138.

Au moment d’aller sous presse, il y avait 18 règlements relatifs à la sécurité en vertu des lois sur la sécurité ferroviaire et sur le transport des marchandises dangereuses qui s’appliquent aux chemins de fer ainsi que 16 règles. Dans quatre cas, le ministre a ordonné l’établissement de la règle; autrement, ces règles ont été établies à l’initiative de l’industrie. Il y a également des normes techniques élaborées par l’industrie du transport ferroviaire et approuvées par Transports Canada.

La Loi ne contient aucune directive sur les cas où un problème de sécurité doit faire l’objet de l’établissement d’une règle par l’industrie (sous réserve de l’approbation du ministre) ou de l’élaboration d’un règlement par le gouvernement. Bien que la Loi autorise l’établissement de règles à l’initiative des compagnies pour tous les sujets mentionnés plus haut, dans certains cas, il se peut qu’un règlement convienne mieux.

Cela dépend essentiellement de l’impact des mesures envisagées sur des tiers. Si cet impact risque d’être profond, il est alors souhaitable que le gouvernement dirige les travaux et élabore un règlement, ce qui nécessite des consultations plus nombreuses et un avis au public. Transports Canada doit établir des principes limpides pour déterminer quels types de problèmes de sécurité ferroviaire doivent être réglés par des règles et quels autres types doivent l’être par des règlements.

La procédure d’élaboration des règlements, qui s’applique à tous les textes législatifs fédéraux, se veut plus réceptive et flexible que la procédure de modification des textes législatifs et elle a été considérablement rationalisée ces dernières années19. Il n’en reste pas moins qu’elle est assortie de nombreuses exigences officielles et qu’elle peut être longue et coûteuse. La procédure est régie par la Loi sur les textes réglementaires, qui dicte les conditions d’examen de la proposition (notamment son examen par des experts en rédaction du ministère de la Justice), les consultations, la publication à travers le pays, l’examen par le Cabinet et la publication et l’adoption finales. Le projet de proposition doit être accompagné d’un Résumé de l’étude d’impact de la réglementation officiel (REIR) qui décrit les conséquences possibles de la proposition, ses coûts, les options envisagées et le niveau de controverse et de soutien parmi les parties concernées et les Canadiens. Lorsqu’il faut tenir compte des intérêts de parties multiples, il est souvent difficile d’élaborer un règlement qui concilie les différents points de vue et de gérer la procédure de consultation. Tel est le cas par exemple du règlement concernant les passages à niveau, qui intéresse l’industrie, les municipalités, le public et les gouvernements provinciaux et fédéral.

Nous sommes d’avis que le recours aux règles – moyennant les améliorations que nous recommandons ci-après – demeure approprié pour de nombreux paramètres de la sécurité ferroviaire qui ne touchent pas des tierces parties et qu’une procédure de consultation plus restreinte est suffisante. Nous recommandons également de recourir aux règlements dans d’autres secteurs, lorsqu’une proposition ne peut pas être adoptée sans la participation de parties multiples.

19 Conseil du Trésor du Canada, Directive du Cabinet sur la rationalisation de la réglementation (avril 2007); Conseil du

Chapitre 4 : Cadre de réglementation 58