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à une boite noire5

30 octobre 2013

(Genève-Lausanne, Suisse) L’usage croissant du téléphone pour acqué-rir des billets de train (et, pour le contrôleur, pour vérifier la validité de ceux-ci) se traduit par ce type d’interaction gestuelle. Derrière cet échange a priori simple et rapide, de multiples opérations ont lieu en toile de fond, formant une chaîne opératoire aussi longue que complexe : lecture des informa-tions sur le ticket présenté sur l’écran (ho-raire du billet, point de départ et destination, identité de son détenteur) d’un smartphone à l’autre, calcul indiquant la conformité du titre de transport, réponse sur le smartphone du contrôleur, qui doit ensuite vérifier si le voyageur possède une carte de réduction, laquelle, dans les versions plus récentes, devant être placée contre son appareil pour en vérifier la validité.

1er septembre 2015 (Paris, France)

De la même manière, le smartphone permet aussi le passage de la porte d’embarquement dans les aéroports. Pour cela, le terminal, sur lequel un marqueur visuel apparait, doit être tourné l’écran contre le lecteur optique contrôlé par un opérateur ; ce dernier ne touche pas le téléphone, mais indique com-ment faire au passager.

31 août 2016 (Stockholm, Suède) Tous les matins, pour entrer dans son bureau, cet ingénieur suédois place son smartphone sur une petite borne murale. Le système reconnait son identité et la porte s’ouvre. Lorsque j’essaye avec le mien, celle-ci reste fermée, car je n’ai pas « les droits d’ouverture » me dit-il. « Mieux vaut ne pas oublier son smartphone » rajoute-t-il en souriant. Fi gu re 5 6 Fi gu re 57 re 5 8

25 mars 2011 (Lyon, France)

Dans ce salon de robotique, une hôtesse sur un stand montre aux passants comment piloter un drone avec un smartphone. Sur l’écran, une interface permet de commander l’altitude et les mouvements de l’appareil. Pour expliquer le mode de fonctionnement, cette personne indique que le drone n’est qu’un objet parmi d’autres qui peut être télécommandé puisque des apps similaires permettent de lancer de la musique sur un haut-parleur ou de commander le chauffage du domicile

19 juillet 2016 (Vancouver, Canada) Devant l’entrée d’un Café Starbucks situé au centre-ville, un panneau indique l’intérêt de commander son café via une app sur son smartphone (iPhone ou Android), et donc de passer au comptoir uniquement pour récupérer le breuvage. Il n’y a plus besoin d’adresser la commande oralement. Septembre 2016

(Genève, Suisse)

La carte de fidélité du magasin Coop est maintenant à son tour « dématérialisée » – terme employé par la chaine de super-marché pour décrire le passage en version numérique de sa carte plastique. Avec cette transposition sur l’écran du smartphone, c’est toute la gestuelle du passage en caisse qui se voit modifiée, le terminal est main-tenant tendu vers un lecteur, à la manière des contrôles dans le train, ou à l’aéroport. L’oeil robotique scanne le code et fait un bip de validation pour indiquer la fin de la transaction. Fi gu re 5 9 Fi gu re 60 re 61

23 janvier 2016 (Santa Monica, USA)

Dans ce bar à nouilles ramen, la commande est faite avec la succession de « menus » d’inter-face ci-dessus, soit en ligne avec le smartphone, soit avec des terminaux posés sur un bras articulé. L’usager doit choisir parmi une sélection de propositions, se voit indiquer le temps d’attente, et reçoit par SMS le moment où il peut venir au restaurant pour prendre sa com-mande, en la mangeant sur place ou non. Il n’est pas possible de commander oralement aux employés du magasin, ces derniers étant occupés par le service ou par le fait de débarrasser des tables.

9 octobre 2016 (Lausanne, Suisse) Un panneau situé dans un café stipule les avantages du WiFi en faisant appel à la mé-taphore magique. Fig ur e 62 Fi gu re 6 3

20 février 2015 (Genève, Suisse)

Mon collègue Douglas utilise son iPhone comme flash pour son appareil photo « re-flex », montrant ici comment ces deux objets techniques distincts peuvent fonctionner l’un avec l’autre.

140

13 octobre 2015 (Marseille, France) Une affiche vue devant une maison de pa-roisse indique l’organisation d’une « béné-diction des téléphones portables, ordinateurs et tous instruments de communication » par un prêtre niçois. Après vérification sur le site du Vatican, je me rends compte que pour l’Église Catholique romaine les technologies de télécommunications relèvent de Saint Gabriel, le saint patron des transmissions. La lecture d’un compte-rendu de cet évène-ment sur le site du journal La Croix140 sou-ligne qu’il s’agit là du prolongement « d’une vieille tradition de l’Église que de bénir les objets qui servent au travail humain, on en retrouve la trace jusque dans plusieurs livres de l’Ancien Testament », et qu’une telle pra-tique est une façon d’aider les usagers à les employer de façon moralement acceptable.

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Si le smartphone fonctionne comme une prothèse (Cf. chapitre 3), celle-ci n’est pas uniquement cognitive. Les photos ci-avant indiquent bien que le terminal connecté est aussi un moyen d’agir sur le monde. Entre la prothèse mécanique et la télécommande, il permet par exemple d’ouvrir une porte, d’embarquer dans un avion, d’accéder à un train, de commander un plat au restaurant, de contrôler un appareil volant, ou encore de passer outre la queue dans un café à l’emporter. Ce dernier cas, plus léger que les autres, souligne ainsi en quoi le smartphone est un objet de la fluidité contemporaine, qui permet d’« accélérer la marche des choses » comme me l’a souligné Denis, retraité à Genève. C’est d’ailleurs cette propension à prendre en charge sur le même objet toutes sortes d’actions et d’interactions du quotidien qui amène les usagers que j’ai rencontrés dans les multiples lieux de mon enquête à employer le terme de « télécommande » :

« C’est la télécommande de ma vie »

(Rania, serveuse, 25 ans, Genève)

« Avant il y avait le rêve de la télécommande universel pour le salon, pour contrô-ler ta télé, ton DVD, le climatiseur, maintenant il y a le smartphone, ça fait pas exactement ça mais c’est la télécommande universel pour encore plus de chose »

(Dan, entrepreneur, 46 ans, Genève)

« C’est une manière de commander toutes sortes de choses : je réserve une voiture de location avec l’app Mobility, je commande de la nourriture dans un restaurant ici et cela arrive 45 minutes plus tard chez moi, je commande une voiture Uber et c’est là quelques minutes après. »

(Félicien, chef de projet, 26 ans, Genève)

Or, une telle capacité d’« actionneur » ou de « médiateur » est d’ailleurs si prometteuse pour mes enquêtés que cette dénomination de télécommande est souvent affublée de qualités surnaturelles :

« Avec le smartphone, c’est comme si j’avais une baguette magique pour faire ci et ça, je peux faire toutes sortes de choses avec un seul objet »

(Félicien, chef de projet, 26 ans, Genève)

« I forgot my wallet at home, yet the day will go smoothly thanks to Apple Pay (food and drinks), mobile ticketing, for public transport and taxi app. It would have been a nightmare a few years ago, and now it’s not even annoying, it’s magic »

(Alma, étudiante, 24 ans, Genève)

« I call it the magic wand, it’s almost shaped as a wand, and it magically activates this and that, it allows me to navigate the city, to order food and control the heating system at home »

(Kevin, entrepreneur, 47 ans, Los Angeles)

« It’s a magic tool, an easy way to interact with lots of things and situations, but I don’t really know how it does that, how it works, it’s particuarly an-noying when it doesn’t work »

(Samantha, indépendante, 23 ans, Los Angeles),

Dans le même registre métaphorique, le terme de « génie » est employé en français ou en anglais pour faire référence à l’usage des assistants vocaux Siri ou Cortana : « j’appelle le génie et il me répond tout de suite, c’est magique » (Denis, retraité, 65 ans, Genève), « it’s like the genie in the

L’interface magique