• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 1 : UNE ETHNOGRAPHIE DE LA RUE

III) le centre-bourg

1. Animations du centre-ville

Je ne reprendrai pas en détail la topographie détaillée du centre-bourg de Pointe-à- Pitre, puisqu'elle a déjà été évoquée dans la première section de ce chapitre. Rappelons tout de même certains aspects : le centre-bourg est le quartier historique de Pointe-à-Pitre. Il a été le théâtre de nombreux événements marquants de l'histoire guadeloupéenne. De nombreux éléments architecturaux de l'époque coloniale ont subsisté : la maison de Saint-John Perse ou

le musée Schoelcher qui étaient à la base de riches demeures coloniales en sont deux exemples parmi les plus impressionnants. L'architecture de la ville témoigne en quelque sorte de l'histoire de Pointe-à-Pitre : des constructions anciennes jouxtent des immeubles modernes dont les galeries et balcons tentent malgré tout de faire écho au style architectural colonial. La profusion de bâtiments en ruines et à l'abandon témoigne tout à la fois de la ville importante que fut Pointe-à-Pitre et de son déclin au cours des quatre dernières décennies. Le centre- bourg est organisé en un système de rues parallèles et perpendiculaires, entrecoupées de quelques places : la place de la Victoire, la place du marché aux épices et la place du palais de justice.

Aujourd'hui, le centre-bourg de Pointe-à-Pitre est moins un lieu habité qu'un lieu fréquenté pour les divers services, commerces et animations qu'on y trouve en journée. On peut dénombrer quatre marchés dans le bourg de Pointe-à-Pitre : le marché aux poissons, au bord de la darse sur la place de la Victoire, le marché de la place de la Victoire, le marché aux épices et le marché de Bergevin. Les deux premiers attirent une clientèle locale mais font aussi partie des rares attractions touristiques de la ville. Le marché aux épices, quant à lui, attire presque exclusivement des touristes. Dans le marché aux poissons, les pêcheurs amarrent leurs canots directement sur les quais de la darse et y installent leurs étals. Les étals des marchés de la place de la Victoire et du marché aux épices sont en majorité tenus par des vendeuses, qui arborent souvent des robes traditionnelles en madras, pour ajouter une touche « typique » et attirer les touristes de passage. Le marché de Bergevin est situé en bordure du centre-bourg, près du port autonome. Il est plus populaire. Des paysans de toute la Guadeloupe y ont leurs étals. Ils garent leurs pick-up près du marché dès 4 h du matin. Quand plusieurs jours de marché se succèdent, ils n'hésitent d'ailleurs pas à rester toute la nuit sur le parking de Bergevin à veiller sur les marchandises qui remplissent leurs camions. Ce sont quasiment les seules personnes que l'on peut croiser dans la ville pendant la nuit. Ce marché n'attire presque pas de touristes, la clientèle est surtout autochtone. On y voit aussi bien des grands étals de fruits et légumes que des étals beaucoup plus rudimentaires : des racines (ignames, manioc, madère, etc.) disposées sur une nappe posée au sol.

Il y a plusieurs collèges et lycées dans le centre de Pointe-à-Pitre, comme le lycée Carnot. Ces établissements sont fréquentés par des élèves venus des faubourgs les plus proches. Il existe d'autres collèges et lycées aux Abymes, tels que le lycée Baimbridge, qui draine une importante population d'élèves et d'étudiants issus des faubourgs de Pointe-à-Pitre, des Abymes et d'ailleurs. Pointe-à-Pitre abrite également quelques institutions publiques telles que le tribunal de grande instance et une sous-préfecture.

doute les nombreux commerces qui y sont concentrés. La plupart sont des magasins de prêt-à- porter, dont on devine, tant par les articles proposés que par la diffusion à l’intérieur du magasin des derniers tubes de dancehall jamaïcain, que la clientèle ciblée est relativement jeune. Si la majorité des magasins de prêt-à-porter ciblent une clientèle plutôt jeune, il n'en reste pas moins que l'on trouve un peu de tout à Pointe-à-Pitre, notamment des magasins vendant des vêtements de mariage, des costumes pour homme, etc. Ces commerces se concentrent surtout dans la rue Frébault, la rue Schoelcher et les rues adjacentes. Historiquement, les magasins de vêtements et tissus étaient surtout possédés par la communauté syro-libanaise immigrée en Guadeloupe au cours du XIXe siècle. Dans une

certaine mesure, c'est encore le cas aujourd'hui, bien que cette communauté, qui s'est maintenue en tant que telle jusqu'à maintenant, ait diversifié ses activités et que des personnes issues d'autres communautés de la Guadeloupe se soient également lancées dans le commerce de prêt-à-porter à Pointe-à-Pitre.

Il y a également divers restaurants et bars dans le centre-bourg. Ils attirent différentes populations. Certains bars se font une spécialité de prendre les paris pour les courses de chevaux et le PMU. Ils sont fréquentés toute la journée par les turfistes, exclusivement des hommes. Quelques bars et restaurants ont leurs terrasses sur la place de la Victoire, lesquelles sont occupées, surtout le midi, par ceux qui travaillent à Pointe-à-Pitre. La plupart de ces établissement ferment avant la nuit, même si certains restent ouverts en soirée. Toutefois, la fréquentation en soirée est quasiment nulle, puisque, comme nous l’avons évoqué au début du chapitre, le centre-bourg de Pointe-à-Pitre est déserté dès les premières heures de la nuit.

De ce court inventaire ressortent quelques traits significatifs. Du fait de la présence d'écoles, d'institutions publiques, mais aussi de commerces, le centre-bourg de Pointe-à-Pitre constitue le lieu où se réunissent et se croisent des personnes venant de tous les faubourgs de la ville. La présence de gares routières desservant toutes les autres communes de Guadeloupe (la ville de Pointe-à-Pitre est la seule à desservir l'ensemble de la Grande-Terre et de la Basse- Terre et se trouve en fait au centre d'un réseau de transports en commun conçu en étoile) amplifie cet aspect : des habitants de toutes les communes se rendent la journée à Pointe-à- Pitre. Le centre-bourg est donc encore un lieu de croisement et de réunion pour l'ensemble de la population guadeloupéenne, et ce, en dépit du déclin de la commune depuis plusieurs années. On peut donc d'ores et déjà affirmer qu’il est le lieu d'expression de liens sociaux plus larges que ceux qui se tissent dans les faubourgs, transversaux aux découpages par quartier. Cet aspect contraste avec le fait que le centre-bourg est un espace peu habité. De nombreux appartements y sont vides, quand ils ne sont pas tout simplement laissés à l'abandon.