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Zones d’échange, de négociation, d’oppression et de tolérance entre les détenues et les surveillants pénitentiaires

Résistances à l’intérieur des prisons à travers le genre et la sexualité Les prisons : des espaces colonisés par les

Chapitre 4. Colonisation d’espaces masculins et force féminine croissante

1. La colonisation des prisons par les femmes et la force sexuelle féminine

1.3 Zones d’échange, de négociation, d’oppression et de tolérance entre les détenues et les surveillants pénitentiaires

Au cœur de ces prisons se déplacent et s’échangent des rapports de force et de pouvoir entre les différents acteurs de façon inégalitaire et contextuelle, notamment entre les surveillants (masculins et féminins) et les détenues. En quoi la prison et son monde deviennent des espaces de négociations de statuts entre prisonniers et agents pénitentiaires ? Les abus des surveillants sur les prisonnières dans ces prisons états-uniennes se révèlent fréquents et multiples (sur le plan médical, sexuel, discrimination, etc.).

According to Human Rights Watch at least 15 percent of incarcerated females have been the victims of prison sexual assault. These assaults occur at the hands of prison staff and other inmates. Males are the perpetrators in 98 percent of staff-on-inmate sexual assault (PDF] of female inmates. Forty-one percent of guards in the average state female correctional center are male, a job that entitles them to perform strip searches and have access to prisoners in their most vulnerable states. Therefore, although women comprise only 7 percent of the state prison population, they comprise 46 percent of sexual abuse victims. Male prison officials not only use force and violence to commit sexual assault against female prisoners but also use their positions to coerce, threaten and intimidate inmates into sexual activity. Thousands of documented accounts exist of prison staff demanding sex in exchange for drugs, favors and access to educational programs (Piecora, 2014).

The Department of Justice’s Bureau of Justice Statistics (BJS) reports that in 2004, allegations of staff sexual misconduct were made in all but one state prison and in 41% of the local jails and private prisons and jails that it surveyed (Amnesty International USA, consulté le 01/08/2018).

Les tentatives de prisonnières pour résister et dire non à la perpétuation de ces avis sont souvent arrêtées et mises à mal par les institutions pénitentiaires (HRW et al., 1996). En effet, lors de l’enquête pour un abus sexuel par exemple, souvent aucune autorité externe n’est mêlée (comme la police), alors le manque de témoins et de pluralité de perspectives sur les affaires en plus de l’absence de base de données centrale conduit à la quasi nullité de ces plaintes faites par les détenues (p. 6). On observe un désir de couper les prisonnières de toute aide juridique et de les isoler d’aides potentielles extérieures : « Many women report that they never see the complaint again after they submit it at the first level. Others have described guards tearing up the complaints in their face » (Davis et Shaylor, 2001, p. 20). Certains gardiens avouent être formés pour voir les détenues comme des animaux et pour ne pas les considérer comme humaines. L’objectif est alors de les déshumaniser pour davantage les maltraiter et ne pas encourager la création de liens d’affection, d’amitié et de pitié avec elles (Levi et Waldman, 2017).

Some of the staff would tell us that, in their training, they were taught that basically we are all animals and they shouldn’t trust us with anything. They were taught to go the extra step to take our humanity away from us (Marilyn Sanderson, détenue, p. 156)

Cependant, malgré ces tensions et ces oppressions quotidiennes de la part de représentations étatiques, certaines détenues ripostent et affirment leur volonté. Elles parviennent à créer des liens forts avec certaines détenues, (relations amicales, familles, amoureuses : « I’ve created friends and families in prison », Marilyn Sanderson, détenue, p. 156) et à renverser cette logique d’individualité et de solitude imposée par le système carcéral : « L'espace désigne, pour Foucault, un lieu d'affrontement » (Olivier, 1988, p. 97).

Le métier de surveillant est quant à lui, complexe : il implique la mission sécuritaire et la promotion de la réinsertion et de la paix. Cette binarité conduisant à un double rôle peut prêter à confusion et limiter le pouvoir de l’agent dans certains cas et conduire à l’abus ou à des zones de négociation conduits par les détenues (Joël, 2017, p. 31). Des problèmes de communication et d’application d’une hiérarchie peuvent avoir lieu et être remises en cause. Les surveillants avouent qu’il est impossible de tout surveiller ce qui se passe dans la prison et que la pression et les attentes de l’AP sont quelquefois difficilement réalisables (pp. 34- 35) : le pouvoir absolu de l’AP s’en retrouve donc affaibli (p. 32). Cette faiblesse permet alors à certaines détenues de négocier plus de liberté et d’actes interdits. Enfin, il existerait des échanges voulus et positifs entre ces deux groupes qui, eux, ne conduisent pas à des logiques d’oppression. Ainsi, les prisonnières ne font pas toujours seulement face à des agents pénitentiaires agressifs et froids et sans respect à leur égard selon Snenoud qui s’appuie sur le rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté en France (2018) :

Le rapport souligne que « l’idée selon laquelle il existerait une forme de concurrence entre les droits des personnes privées de liberté et ceux des personnes qui les prennent en charge est profondément erronée : au contraire, le CGLPL a observé de manière constante qu’il existe entre eux une réelle communauté d’intérêts, parfois malgré un antagonisme apparent (p. 22).

Le contrôleur reconnait une complicité, une coopération et une alliance entre les agents et les détenues et s’oppose à un pouvoir linéaire avec une séparation totale des groupes : communication, humour, soutien, compréhension, acceptation de certaines demandes, naissance de relations amoureuses entre surveillants et détenues, etc. Il peut arriver que des liens positifs se créent dans ces prisons et ces liens mêmes, sont une résistance à la structure hiérarchique et idéologique de ces lieux où les prisonnières sont censées faire face au mépris, à la discrimination et à la déshumanisation de l’AP. Réussir à créer des climats de respect et

d’humanité entre ces deux groupes diamétralement opposés est en opposition directe avec les directives de l’AP états-unienne et ne provient pas seulement du groupe des détenues ce qui renforce sa puissance et sa légitimité. De plus, les relations intimes entre surveillants, membres de l’AP et prisonnières sont interdites au sein de la prison. Cette politique semble vouloir éradiquer tout maintien de lien entre les deux blocs de personnes comme si l’unité entre l’Etat et les prisonnières était à éviter afin de ne pas endommager ce système inégalitaire et hiérarchique de certains groupes d’individus sur d’autres. On instaure par cette interdiction de relations une hiérarchie des relations et un ordre social qui s’implique à ne pas mélanger toutes les couches sociales. Cependant, cette loi n’empêche pas toujours les relations de se nouer :

Laurie was a prison guard (…) Laurie would make it a point to come around where I was. One lady walked up to me one day and straight out told me that Laurie liked me (…) Laurie came over and told me that she thought I was pretty and that she wanted to get to know me. That was the beginning of my relationship (…) I did start feeling attracted to her. She made me feel good. We never had sex, but we did kiss. Laurie and I were together for 4 years. She made this not feel like prison, because of the treatment, the respect, the hope that she brought me (…) After Laurie quit, she was close with my family (Levi et Waldman, 2007, pp. 179-180).

Nous croyons aussi que cette loi est une façon de stigmatiser davantage, d’exercer un contrôle intense dans la vie des détenues et de créer des relations possibles et interdites comme lorsque les mariages interraciaux entre les noirs et les blancs étaient interdits aux Etats-Unis (jusqu’en 1967). Cette loi affiche une relation binaire entre les détenues et les agents qui soutient que les « non-relations » entre les deux groupes sont pour le bien de tous mais que des relations pourraient conduire à des conséquences négatives. Elle ne prend pas en compte les relations individuelles positives et la différence entre tous et conduit à la suppression et à l’interdiction de relations jugées alternatives, hors-normes et rebelles contre la norme étatique.

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