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US States By Population

Chapitre 3. Succès ou échec de l’objectif de réhabilitation ?

3. Les prisons : entre appauvrissement, capitalisme et eugénisme

3.3 L’eugénisme des prisons de femmes états-uniennes

Dans ces prisons, une volonté eugénique contre les femmes afro-américaines est observable. Tout d’abord, il est nécessaire de rappeler que les criminelles sont exclues puisqu’elles bravent les impératifs du capitalisme, qui sont la consommation et la production, selon lesquels les citoyens sont requis d’acheter des biens pour se sentir heureux, pour résoudre leurs problèmes et trouver ce qui leur manque (ex : des vêtements, bijoux, nouvelles technologies, nourriture en abondance et industrielle, etc.), (Foucault dans Barker et Scheele, 2016, p. 67). Ainsi, certaines de ses criminelles peuvent voler et tuer ou bien opérer des actes de vente illégaux qui n’apportent pas de bénéfices directs au gouvernement. Dans ces conditions, elles portent une atteinte directe au capitalisme et anéantissent la création et la perpétuation de certains clients en ne participant pas correctement à « l’économie légale » du pays. En plus de sortir de leur rôle de cliente, de productrice et de consommatrice pour certaines entreprises officielles et/ou l’Etat, elles s’investissent parallèlement dans des activités illégales comme les trafics de drogues et/ou la prostitution par exemple. Elles agiraient alors en compétition à des économies reconnues et légales. Ces criminelles, en plus d’être des « déviantes » et de transgresser des normes sexuées et sociétales (par leur statut de criminelles femmes), violent des logistiques capitalistes et deviennent dans ces conditions, des adversaires du capitalisme. La solution de l’incarcération permettrait donc de rééquilibrer cette perte de bénéfices en les remettant dans l’économie profitable étatique. Une autre solution mentionnée pour discriminer et exclure l’ensemble de ces prisonniers est de rentre difficile voire d’interdire les dons et les demandes de transferts d’organes de ces détenues. Ceci traduirait un refus étatique d’aider ces populations ou de répandre des « parties physiques » de ces personnes dans le reste de la population qui pourrait alors, se retrouver contaminée par ces individus « non-conformes » et « déviants » (Reviere et Young, 2006). Une explication de l’AP est que ces opérations coûtent très chères et sont difficiles à mettre en place et à gérer pour ce qui est des soins post-opératoires, l’hypothèse de la volonté rétributiviste ainsi que celle de l’eugénisme se dessinent (pp. 144-145) mais l’argument de l’AP reste valable.

Ces femmes afro-américaines sont massivement incarcérées dans les prisons états- uniennes sous la base intersectionnelle du racisme, du sexisme et du classisme. Elles sont les détenues les plus touchées par les restrictions d’aides (parce qu’elles sont les plus condamnées dans la « guerre aux drogues »). par conséquent, leurs familles se retrouvent également pénalisées par ces discriminations criminalisantes : ce manque et/ou arrêt d’aides entraînent une suite logique de paupérisation et de défavorisation avec moins d’opportunités d’éducation, d’argent, de nourriture et de logement stable menant possiblement à des crimes/délits (Reviere et Young, 2006, p. 164). En accélérant progressivement leur pauvreté et en les enfermant, on peut connecter ce phénomène à celui de l’eugénisme : une logistique éco-poli-pénitentiaire semble vouloir se débarrasser de ces femmes ainsi que de leurs enfants en les appauvrissant. De plus, 60% ont entre 25 et 39 ans. Certains auteurs interprètent cela comme une volonté étatique raciste d’eugénisme, c’est-à-dire un désir de confisquer, de priver d’opportunités de grossesse et de procréation ces femmes noires pour affaiblir cette communauté. Est-ce que derrière cette incarcération massive raciste se cacherait une politique eugénique69 afin d’empêcher le développement et la survie d’éléments considérés comme indésirables dans la société que seraient les personnes afro-américaines ? L’incarcération de masse serait-elle un moyen de discriminer des minorités ethniques ? En privant de ressources financières à travers de multiples interdictions, cela pourrait se traduire par une volonté d’empêcher ou de refreiner ces femmes de procréer et de ne plus pouvoir se permettre d’avoir des enfants dû à un manque d’opportunités ostentatoires. De même, nombre de femmes afro-américaines vont en prison durant leurs années les plus fertiles et ressortent parfois avec des opérations qui entravent partiellement ou complètement leur fertilité (Levi et Waldman, 2017, p. 52). Par exemple, une détenue s’est fait stériliser en prison sans qu’on lui en demande la permission ou qu’on l’en informe. Cette détenue s’est doutée que quelque chose était différent à la suite de complications médicales mais elle n’a obtenu que des réponses vagues de l’AP de sa prison. Elle n’a appris que bien plus tard par l’organisation non-gouvernementale (ONG) Justice Now sa stérilisation cachée (pp. 48-49). C’est comme si l’AP souhaitait priver certaines personnes de se reproduire et discriminer massivement les afro-américains à travers le complexe carcéral en élaborant des stratégies et des méthodes discriminatoires et abusives sur ses détenues. Aussi, le système pénal

69 Ensemble des recherches (biologiques, génétiques) et des pratiques (morales, sociales) qui ont pour but de déterminer les conditions les plus favorables à la procréation de sujets sains et, par là même, d'améliorer la race humaine (CNRTL, consulté le 21/03/2018).

américain a procédé à la criminalisation des prostituées. Stamper (dans Talvi, 2007) énonce que cela est un échec car les femmes doivent à présent se cacher pour exercer ce métier, dans des endroits illégaux, parfois dangereux et non supervisés, et que cette démonisation a déshumanisé les travailleurs du sexe en les proclamant êtres immoraux et pêcheurs indignes selon une inquiétude sociétale généralisée par les médias et l’Etat (p. 42). Cette discrimination a constitué une hiérarchie de citoyens et les prostituées sont considérées comme des « citoyens de seconde zone » indignes de mérite. Le problème est que la diabolisation de ces femmes cause une fois de plus une incarcération d’autant plus massive et un isolement de femmes souvent jeunes qui ne peuvent soit pas s’occuper de leurs enfants, soit procréer si elles le désirent.

Enfin, l’eugénisme serait à la fois soutenu et causé par les médias. Les statistiques sur les criminelles types états-uniennes indiquent qu’elles sont fréquemment mères, toxicomanes, pauvres et en manque d’argent ; ces études ciblent principalement les femmes afro-américaines (Davis et Shaylor, 2001). Néanmoins, qui créent ces études ? A quoi et à qui servent-elles ? Par leur biais, le gouvernement pourrait donc, selon cette théorie, créer un groupe de population « pré-criminelle70 » dans les esprits de la population, groupe qui devient alors définissable, anticipable et qui permet l’augmentation de la collecte de données et de surveillance. L’anticipation de l’Etat est accrue et le besoin requis de la population pour plus d’incarcération de cette population également car on instaure de la peur, de la méfiance, et du racisme envers des groupes minoritaires qui commettraient plus de crimes (ex : crack

mummies). Alors que les profits ne font qu’augmenter, les pauvres s’appauvrissent

davantage et se tournent et/ou retournent fréquemment vers la voie du crime pour survivre dans l’autre monde.

There is an ironic but telling similarity between the economic impact of the prison industrial complex and that of the military industrial complex, with which it shares important structural features. Both systems simultaneously produce vast profits and social destruction. What is beneficial to the corporations, politicians, and state entities involved in these systems brings blight and death to poor and racially marginalized communities throughout the world (Davis et Shaylor, 2001, p. 3).

Bien que la prison soit censée être pour le bien-être des citoyens libres ainsi que pour la réformation des détenues « déviantes » en les dissuadant de suivre « la voie du crime », la

70 Le public voit ces individus comme des criminels, même s’ils n’ont pas commis de crime et/ou délit. Croyance renforcée par la méfiance et la peur propagées dans les médias et par le gouvernement à propos des « jeunes de cité » en France ou des personnes afro-américaines aux Etats-Unis par exemple.

prison semble avant tout exister pour punir et pour faire souffrir ces personnes en appliquant des logistiques inégalitaires classistes, racistes et sexistes. Pour arrêter ce processus,

Vacarme (1999) revendique l’arrêt de la dichotomie « monde libre » et « monde extérieur »

car la prison fait partie intégrante et constituante de la société. Selon la revue, tout le monde devrait s’engager et prendre conscience des poly-injustices pénitentiaires afin de penser à une autre société sans ces souffrances multiples. Les détenues et les autres citoyens doivent s’unir et la solidarité créera la résistance à ces forces étato-capitalistes, normalisantes, répressives et discriminantes.

Partie 2

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Résistances à l’intérieur des prisons à travers le genre et

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