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La combinaison des facteurs « race » et genre ou l’incarcération de masse des femmes noires

2. Le rôle de l’intersectionnalité dans l’incarcération des prisons (de femmes états-uniennes)

2.4. La combinaison des facteurs « race » et genre ou l’incarcération de masse des femmes noires

Lors de notre recherche académique, nous avons constaté que les femmes les plus touchées par cette incarcération de masse, sont les femmes afro-américaines, phénomène qui suivrait la logique de la nouvelle incarcération raciste de masse aux États-Unis. De plus, bien que les hommes noirs souffrent également d’une incarcération massive sans précédent dans l’histoire des États-Unis, les femmes noires sont confrontées à un problème additionnel : elles ne font pas l’objet de recherches académiques aussi fréquentes que leurs homologues masculins à cause de leur nombre moins important dans la population carcérale et de leur condition de femme qui les placeraient automatiquement de côté dans une société

androcentrique et patriarcale. Par conséquent, ces femmes englobent deux facteurs souvent discriminées : le genre de la femme et leur couleur de peau.

Historiquement, les États-Unis ont emprisonné davantage de femmes afro-américaines que de femmes blanches. Dans les années récentes, les femmes afro-américaines ont constitué plus de 50% de la population carcérale féminine, bien qu'elles ne représentent qu'environ 10% de la population de sexe féminin du pays (Collins, 1997) (Lévy, 2000, p. 78).

Malgré ce silence sociétal et cette ignorance à leur égard, les femmes noires ont pourtant depuis longtemps été la cible du système pénal américain et ce, avant même le début de la guerre de Sécession (1861-1865) (Reviere et Young, 2006). L’omniprésence de ces femmes noires atteste une fois de plus, de la présence du racisme et du sexisme qui parsèment la société états-unienne. Ainsi, les afro-américaines représentent collectivement 60% des incarcérées dans les prisons d’Etat et fédérales (Talvi, 2007, p. 7). Nous pouvons à nouveau affirmer que la prison américaine est un microcosme de la société états-unienne et qu’elle englobe des inégalités intersectionnelles en punissant davantage le groupe des femmes afro- américaines. Reviere et Young (2006) annoncent une augmentation de 49% des prisonnières noires entre 1990 et 1997 : ce nombre reflète l’incarcération de masse des minorités ethniques féminines. Il prouve aussi l’inégalité liée à la couleur de peau de la femme et à son incarcération. Ainsi, le taux d’incarcération des femmes noires est de 349 sur 100.000 alors que pour les femmes blanches il est de 68 sur 100.000 : les femmes noires ont, selon les auteures, cinq fois et demi plus de chances d’aller en prison que leurs homologues blanches. Ces femmes noires sont sur-représentées dans les prisons américaines d’une part à cause de logiques, politiques et comportements racistes de la société entière mais également à cause de la pauvreté infligée comme une suite logique de ces discriminations racistes. En effet, ces femmes sont souvent issues de milieux défavorisées, en manque d’opportunités, de stabilité familiale et économique et ne peuvent pas se permettre des études supérieures (Lévy, 2000). Elles sont donc parfois obligées de se tourner vers des activités financières et commerciales illégales face à ce manque d’opportunités économiques, comme la prostitution et le trafic de drogues, afin de survivre dans cet univers capitaliste où elles sont considérées comme des éléments indésirables.

Le nombre de femmes afro-américaines détenues dans les prisons d'État pour des infractions en matière de stupéfiants a augmenté de 828% entre 1986 et 1991 (Mauer, Huling, 1995) (…) Comme elles font partie d'un des groupes les plus opprimés aux États-Unis, elles entrent dans une économie informelle pour gagner de l'argent dans une société où l'accès au «vrai» argent leur a été refusé. Cette entrée dans une économie informelle les expose à être victimes et auteurs d'infractions violentes, qui sont une part intrinsèque de cette économie (Burns, 1995) (Lévy, 2000, p. 78).

Le racisme combiné avec les discriminations sexuo-genrées, des facteurs économiques opposant la richesse à la pauvreté, des manques d’opportunité quant à l’emploi et l’éducation et une domination patriarcale suprémaciste représentent alors un ensemble de facteurs puissants et déterminants dans l’incarcération des femmes (Talvi, 2007). Lévy (2000) soulève aussi des différences de condamnations pour des crimes similaires entre les femmes blanches et les femmes noires qui témoignent d’un racisme légalisé et ancré dans les mœurs d’une société dite libre, tolérante, démocratique et symbole de l’assemblage réussi d’une multitude de différences. Pour finir, ce qui ne semble pas arranger les conditions des femmes noires et des femmes en général, est le manque de statistiques et d’études quant à leurs expériences carcérales et notamment l’absence ou le refus étatique de statistiques quant aux origines des incarcérées. Cette volonté de secret pourrait s’inscrire, d’après certains auteurs dans une stratégie pour cacher un racisme de masse autorisé derrière des murs infranchissables :

Given the way in which U.S. government statistics fail to specify racial categories other than "white," "black," and "Hispanic" (figures regarding women who self-identify as Native American, Vietnamese, Filipina, Pacific Islander, or as from any other racially marginalized community, are consolidated into a category of "other"), it is difficult to provide precise numbers of women from these groups in prison (Greenfeld and Snell 2000) (Davis et Shaylor, 2001, p. 6).

Ce refus d’existence d’un groupe de population de la scène publique leur refusent le droit d’expression et de visibilité. Ce manque d’information pourrait aussi traduire la peur de choquer ou d’éveiller les consciences de certains dans la société et de faire face à une agitation sociale sur la nature dévoilée d’une incarcération discriminatoire marginalisante commencée lors de la « guerre aux drogues ».

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