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A – De visu, optique physique et géométrique :

Le commentaire de Calcidius commence par un exposé doxographique des diverses opinions des anciens concernant la vision, organisé de la théorie la plus éloignée à la plus proche de la « vraie théorie », celle de Platon. Encouragé par l’œuvre de Platon, Calcidius se place sur le terrain de la physique : l’enjeu principal de cette partie du commentaire est de savoir comment se réalise la rencontre entre l'œil et l'objet. Calcidius évoque d'abord avec précision la théorie des atomistes413, énoncée par Leucippe, Démocrite et Épicure, selon laquelle les émanations des objets entrent dans l'œil du sujet percevant :

412 B. Bakhouche, « La théorie de la vision dans Timée (45B2-D2) et son commentaire par Calcidius (IVe s. de notre ère) », in Electronic Journal of the International Plato Society, 2005, pp. 1-14. Sur la traduction de Calcidius, voir notre quatrième partie. L’interprétation qu’elle donne à la théorie de Platon n’est pas celle que nous suivons : « Quand le faisceau complexe rencontre la lumière d’un objet, il se produit un phénomène de réflexion (y a-t-il d’abord fusion des trois rayons ?) qui ramène le même faisceau (désormais triple), à travers l’œil, jusqu’à l’âme », p. 6. Suivant Lindberg, il nous semble en réalité qu’un examen attentif du paragraphe 67c du Timée, non traduit par Calcidius, condamne l’hypothèse d’un mouvement de retour du flux lumineux de l’objet vers l’âme du sujet. D. C. Lindberg, Theories of vision from Al Kindi to Kepler, Chicago : The University of Chicago Press, cop. 1976, p.5-6 : « The stress in this passage is not the effluence from both the eye and the object of vision, but on the formation of a body, through the coalescence of visual rays and daylight, which serves as a material intermediary between the visible object and the eye (…). Particles of different sizes produce different motions (dilation and contraction), and different motions lead to the sensation of different colors ». Ces mouvements affectent le corps visuel au moment où il touche la lumière émanant de l’objet et comme il demeure uni à l’âme, comme une projection de celle-ci à l’extérieur du corps, l’âme peut percevoir la sensation. Le texte ne précise pas si ce processus nécessite un temps quelconque pour se produire : on peut penser qu’il est immédiat. Il est artificiel de se demander à quel endroit se produit la sensation puisque l’âme est à la fois à l’intérieur et à l’extérieur du corps, mais reste toujours un tout. Il ne faut pas imaginer un mouvement d’aller et retour entre l’œil et l’objet effectué par le corps visuel. Cette interprétation de la théorie platonicienne n’est donnée qu’à partir de saint Augustin et surtout de Claudien Mamert qui assimile vision directe et réflexion jusque dans le lexique qu’ils utilisent, cf. « Quatrième partie : le vocabulaire de la vision ». Voir également A. Merker, La théorie de la vision…, op. cit., pp. 37-38 ; sur les origines de la théorie platonicienne, voir Ch. Mugler, « Sur quelques fragments d’Empédocle », Revue de Philologie, 25 (1951) pp. 33-65

413 D. C. Lindberg, Theories of vision…, op. cit., p. 2 : « Among the first philosophers to propose a systematic doctrine of light and vision were the atomists. To be sure, within the atomic school there was considerable diversity of opinion, and it would be gross error to suppose that atomists from Leucippus to Lucretius spoke with a single voice. Nevertheless, there was a significant core of agreement, springing from the common premise that all sensation is caused by direct contact with the organ of sense and therefore that a material effluence must be conveyed from the visible object to the eye ».

Omnes qui rerum initia corpora censuerunt uel coetu innumerabilium minutorum congesto inani uel perpetuorum continuata proceritate, dicunt uidere nos simulacrorum incursionibus ; fluidam quippe materiem formatas iuxta sui similitudinem exudare subtiles corporum fusiones, quae sunt uisibilium simulacra rerum, eaque cum uisus noster incurrerit, hausta et recepta meatibus transmittat ad eum per quem sentimus spiritum414.

La théorie visuelle des épicuriens est intromissioniste : la vision s’effectue par « incursions d’images » (simulacrorum incursionibus). Elle repose en effet sur des effluves qui s’échappent continuellement des corps, les subtiles corporum fusiones, appréhendées par notre vision sous forme de uisibilium simulacra rerum. L’utilisation du verbe incurrerit semble suggérer l’existence d’un deuxième mouvement, la vision s’élancerait au devant des

simulacra, ce qui résulterait d’une compréhension incomplète de la théorie d’Épicure. Calcidius présente ensuite l'explication des couleurs selon la théorie atomiste :

Cumque delicatior simulacri moles erit, separatur panditurque uisus, opinor, et candida tunc quae sentiuntur uidentur, si corpulentior, confundunt aciem et uidentur atra, atque ad eundem modum cetera formata et colorata pro formarum et colorum cognatione415.

La perception des couleurs est dépendante de la saturation de la vue. En effet, plus les parties constitutives du simulacre sont fines, mieux la vue réussit à les séparer les unes des autres et plus la couleur perçue est claire. A l'inverse, les couleurs sombres résultent de parties de simulacre épaisses que la vue ne réussit pas à distinguer les unes des autres. Cette explication semble être un ajout de la part du commentateur et Calcidius ne l'avance qu'avec précaution en introduisant opinor en incise. Néanmoins, Calcidius se conforme à la théorie « corpusculaire » des émanations issues des objets, dont il compare les moles (masse, épaisseur ou densité) respectives dans une perspective tout à fait atomiste416.

Ensuite, il attribue des théories voisines à Héraclite et aux stoïciens. Le rôle principal est donné à l'intentio animi chez Héraclite417 et au (nativus) spiritus (σύµφυτον πνεῦµα)

414 Calcidius, Commentaire au Timée de Platon, t. 1, éd. B. Bakhouche, Paris : Vrin, 2011, 236, p. 466.2-7. 415 Ibid., 236, p. 466.7-11.

416 Le caractère « corpusculaire » des émanations semble évident dans la théorie atomiste telle qu'elle a été soutenue par Démocrite, Épicure et Lucrèce. David C. Lindberg, dans The Theories of vision…, op. cit., p. 3, le rappelle : « If I seem to stress the corpuscular character of effluences unnecessarily, it is because of a recent attempt to demonstrate that Democritus and Epicurus held to a noncorpuscular emanation. I do not believe such a position can be taken seriously, for it is inconsistent not only with explicit statements of Democritus and Epicurus regarding the visual process, but also with their natural philosophies in general. In a word, without a material efflux, it isn't atomism ».

417 Calcidius, op. cit., 237, p. 466.13-15 : « At uero Heraclitus intimum motum, qui est intentio animi siue

traduction du grec (ὁρατικὸν) πνεῦµα, qui sort de l'œil sous forme de cône chez les stoïciens418. En effet, le nativus spiritus doit sortir d'un point bien précis et très exigu de l'œil pour s'élancer plus vivement en se répandant partout, d'où la forme du cône. La théorie stoïcienne de la vision nous est effectivement rapportée ainsi par Alexandre d’Aphrodise419, mais nous n’avons aucune information sur la théorie d’Héraclite. Cependant, la connexion entre l’éphésien et les stoïciens semble avoir été faite en amont de Calcidius420. La netteté de la vision dépend donc de la force avec laquelle la base du cône créé par le natiuus spiritus rencontre l'objet :

Quodque omnis natura modo mensuraque moueatur, spatii quoque magnitudinisque coni modum fore eaque, quae neque ualde applicata uisui nec nimium distantia, uisibilia clare uideri ; certe conum ipsum pro modo mensuraque intentionis augeri, et prout basis eius uel directa uel inflexa erit incidetque in contemplabilem speciem, ita apparebunt quae uidentur421.

La théorie stoïcienne permet donc de proposer une explication des problèmes liés à la perception des distances, objection majeure opposée à l’intromission dans l’Antiquité. Calcidius donne de nombreux exemples courants dans la doxographie422. La théorie extramissioniste semble être, d’après Calcidius, une théorie plus acceptable que la précédente.

Tout comme la présentation de la théorie atomiste de la vision, celle de la théorie stoïcienne se termine par une explication de la couleur :

Sentire porro mentem putant perinde ut eam pepulerit spiritus, qui id quod ipse patitur ex uisibilium specierum concretione mentis intimis tradit, porrectus siquidem et ueluti patefactus candida esse denuntiat quae uidentur, confusus porro et confaecatior atra et tenebrosa significat ; similisque eius passio est eorum, qui

418 Ibid., 237, p. 466.15-16: « Stoici uero uidendi causam in natiui spiritus intentione constituunt, cuius effigiem

coni similem uolunt ».

419 D. C. Lindberg, Theories of vision…, op. cit., p. 8 ; B. Bakhouche (cf. art. cit., p. 8) souligne le parallèle textuel entre Calcidius et l’Aphrodisien.

420 B. Bakhouche, art. cit., p. 12 : « Il convient toutefois de minorer la coloration stoïcisante, signalée plus haut, de la théorie d’Héraclite car ce philosophe a été tenu en grande considération par les philosophes du Portique et, un peu plus loin, Calcidius associe encore le philosophe d’Éphèse aux stoïciens. Il n’est donc pas impossible qu’Héraclite ait déjà été lié aux stoïciens dans la source de l’exégète ».

421 Calcidius, op. cit., 237, p. 466.19-24.

422 Ibid., 237, p. 466.24-29 : « Oneraria quippe nauis eminus uisa perexigua apparet deficiente contemplationis

uigore nec se per omnia nauis membra fundente spiritu ; turris item quadrata rotunditatem simulat cylindri, atque etiam ex obliquo uisa porticus in exile deficit oculorum deprauatione. Sic etiam stellarum ignis exiguus apparet atque ipse sol multis partibus quam terra maior intra bipedalis diametri ambitum cernitur ». L’exemple de la tour carrée qui paraît ronde au loin, très courant, est étudié par Euclide, puis repris par Lucrèce, Plutarque, Sextus Empiricus, Tertullien et Geminos, l’exemple du portique se trouve chez Sénèque, Lucrèce, Tertullien, Geminos, celui des étoiles et du soleil est présent chez Damianos, Geminos, Sénèque, Plotin.

marini piscis contagione torpent, siquidem per linum et harundinem perque manus serpat uirus illud penetretque intimum sensum423.

L'explication des couleurs rejoint d'une certaine manière celle qui avait été donnée par la théorie atomiste, elle repose en effet sur le caractère plus ou moins concentré de ce qui est perçu de l'objet. Mais cet agent intermédiaire de la vision n'est plus la vue (visus) chargée de traiter les moles du simulacre qui lui parviennent. Le spiritus lui-même, qui transmet au sens internedu percevant les agrégats issus des espèces visibles, permet de percevoir des couleurs plus proches du noir ou plus proches du blanc selon qu'il les transmet de façon plus condensée et confuse (confusus porro et confaecatior) ou plus nette et « ouverte », c’est-à-dire sans doute plus distincte les uns des autres (porrectus siquidem et ueluti patefactus). La répartition des couleurs se fait toujours suivant leur degré de clarté ou d'obscurité, ce qui semble correspondre à un degré de saturation du sens de la vue ou de son instrument.

Ces deux théories ont en commun de considérer l'optique sous l'angle physique. Avec la théorie des « géomètres et des péripatéticiens424 »est présentée l’optique géométrique issue des travaux d’Euclide et de Ptolémée. Cette théorie est la plus récente et celle qui s’est le plus développée dans le domaine grec jusqu’à l’époque tardive, notamment à l’école d’Alexandrie. Elle intéresse également Calcidius car elle est la plus apte à rendre compte des phénomènes de réflexion évoqués par Platon :

Geometrae cum Peripateticis concinentes radii effusione uisum operari putant, cum per fulgidam lucidamque pupulae stolam in directum emicans radius serenam porrigit lineam, quae gyris oculorum circumuecta motibus dispergat undique lucem contemplationis ; quippe teres et leuis oculi globus et humori lubrico uelut innatans sequacem lineam uisus utrobique facile contorquet425.

La description des radii, les rayons (visuels), par Calcidius, est précise : ils se propagent en ligne droite et dans toutes les directions à partir de la pupille. Calcidius évoque donc ici la théorie d’Euclide, mais avec un des perfectionnements dû à Ptolémée, à savoir qu’il situe leur point de départ précisément dans la pupille. L’absence d’une telle précision est

423 Ibid., 237, p. 466.29-468.3.

424 La réunion des géomètres et des péripatéticiens a intrigué les éditeurs de l’œuvre de Calcidius, cf. J. H. Waszink, Timaeus a Calcidio translatus commentarioque instructus, London / Leipzig : E. J. Brill, 1962 : « Doctrina ab ipso Aristotele prorsus aliena (…), Peripateticos a Calcidio cum Pythagoreis confundi putat Switalski », p. 250 ; En réalité, il semble que cette collusion trouve son origine dans la théorie catoptrique adoptée par Aristote dans les Météorologiques et sur laquelle Calcidius revient plus loin dans son commentaire. 425 Calcidius, op. cit., 238, p. 468.4-9. L’expression humori lubrico désigne peut-être l’humeur aqueuse, hypothèse proposée par B. Bakhouche, op. cit., t. II, note 710, p. 815.

rendue impensable dans l’Antiquité tardive à cause du développement de la médecine et de l’influence du De usu partium de Galien.

Abandonnant le problème de la couleur, qui n’intéresse que les théories physiques du phénomène visuel, cette présentation de la géométrie de la vision est orientée vers l'exposé d'une théorie catoptrique. La théorie géométrique des miroirs est très détaillée. Elle est l'occasion pour Calcidius de proposer une typologie des différents types de vision : directe, réfléchie et, en toute logique, réfractée. Il dégage en effet la tuitio, l'intuitio et la detuitio et il leur donne leurs noms grecs : phasin, emphasin, paraphasin426. Cette triple présentation est caractéristique des abrégés d’optique de l’Antiquité tardive427 et fait référence en théorie à la vision directe, la vision réfléchie et la vision réfractée. Cependant, le dernier terme est un hapax de Calcidius et il semble en effet que le texte de Calcidius présente une difficulté théorique sur cette troisième forme de vision. Présentant la théorie géométrique de la réflexion spéculaire, il est cependant très précis :

Intuitione uero, ut quae fragmento radii recurrente ad oculorum aciem uidentur, qualia sunt quae in speculis et aqua considerantur, ceteris item, quorum tersa est quidem superficies, sed ob nimiam densitatem idoneus uigor ad repellendum quod offenderit428.

La description de la surface réfléchissante est intéressante : la force qui permet au miroir de renvoyer les rayons est due à la très grande densité du matériau. En effet, pour qu'il y ait réflexion totale, il suffit que la surface plane d'une matière soit suffisamment polie. Il est possible de rapprocher ce passage du traité d’Héron d’Alexandrie, mais aussi des Placita d’Aetius429. L'intuitio est déclinée selon les différentes formes de miroirs, miroir plan, miroir cylindrique posé debout, miroir cylindrique tourné sur le côté, longueur à l'horizontale, comme dans l’exposé platonicien.

426 Calcidius, op. cit., 239, p. 468.14-16 : « Idem aiunt uidere nos uel tuitione, quam phasin vocant, uel

intuitione, quam emphasin appellant, uel detuitione, quam paraphasin nominant ».

427 Cf. Damianos de Larissa, op. cit., p. 14.9-15 : « ὅθεν καὶ λέγειν ἔθος τοῖς παλαιοῖς, ὅσα µὲν δι’ἀέρος καὶ ἀκλάστου φεροµένης τῆς ὄψεως θεωροῦµεν, ταῦτα κατ’ἰθυφανὲς πάντα θεωρεῖσθαι, ὧν δὲ τὰς ἐµφάσεις ὁρῶµεν ἐν ὕδασιν ἢ ὅλως ἐν κατόπτῳ, ταῦτα κατὰ ἀντιφάνειαν ὁρᾶσθαι, τὰ δὲ καθ’ὕδατος ἢ διὰ διαφανῶν θεωρούµενα ταῦτα κατὰ διαφάνειαν ἅπαντα καθορᾶσθαι ».

428 Calcidius, op. cit., 239, p. 468.18-21.

429 Héron d’Alexandrie, op. cit., p. 322 : « Politorum enim corporum natura existit in superficies ipsorum spissas

esse. Specula igitur ante politionem quidem habebant aliquas raritates, quibus radii incidentes non poterant repelli. Poliuntur autem attritione, quatenus loca rara impleantur a subtili substantia. Deinde sic incidentes radii spisso corpori repelluntur » ; Aetius, « Placita », in Doxographi graeci, ed. H. Diels, Berlin – Leipzig : De Gruyter, 1929, IV, 14, p. 405 : « Περὶ κατοπτρικῶν ἐµάσεως » : « οἱ ἀπὸ Πυθαγόρου κατ’ἀντανακλάσεις τῆς ὄψεως. Φέρεσθαι µὲν γὰρ τὴν ὄψιν τεταµένην ὡς ἐπὶ τὸν χαλκόν, ἐντυχοῦσαν δὲ πυκνῷ καὶ λείῳ πληχθεῖσαν ὑποστρέφειν αὐτὴν ἐφ’ἑαυτὴν ὅµοιόν τι πάσχουσαν τῇ ἐκτάσει τῆς χειρὸς καὶ τῇ ἐπὶ τὸν ὦµον ἀντεπιστροφῇ ».

Cette théorie catoptrique est articulée toute entière autour de l'angle dont le sommet est sur la surface du miroir et dont les côtés sont le rayon qui va de l'œil au miroir et celui qui va du miroir à l'objet. L'angle varie avec la position du miroir ou avec celle du sujet percevant l'un par rapport à l'autre430. Calcidius évoque un angle fait par le rayon visuel, mais pour présenter le phénomène de la réflexion, ce n’est pas cet angle qui est important : il n’évoque à aucun moment la loi d’égalité des angles d’incidence et de réflexion qui est pourtant un point fondamental de l’optique de l’Antiquité tardive.

Calcidius explique ensuite ce qui se produit avec des miroirs de différentes formes, comme c’est le cas dans tous les traités de Catoptrique. Dans le cas des miroirs sphériques, il n'y a ni angle, ni rayon visuel brisé : il n'y a donc aucune formation d'image431. Calcidius laisse échapper l’occasion de présenter les miroirs ardents. Dans le cas des miroirs courbes, Calcidius examine surtout ce qu'il advient de l'inversion du reflet. Si un miroir en forme de demi-cylindre est orienté de manière à ce que les côtés rectilignes soient verticaux, il peut répercuter les rayons visuels de sorte que l'image ne soit plus inversée432. Si l'on place le miroir avec les côtés rectilignes à l'horizontale, l'image apparaît renversée433. Calcidius fait ensuite intervenir deux miroirs, l'un en face du sujet percevant et l'autre derrière lui. Ainsi le percevant peut-il voir l'arrière de sa tête434. Calcidius reprend les faits vérifiables par

430 Calcidius, op. cit., 239, p. 468.21-470.3 : « Ergo etiam radius, in quo est uis uidendi, fractus in speculo facit

angulum, quem contineant duae lineae, una quae ab oculo profecta peruenit ad speculum, altera quae a speculo recurrit ad uultum ; qui quidem angulus, cum erit acutus, imaginem uultuum nostrorum facit in speculo uideri remeante ad uultum acie atque inde occulte praecipitante simulacrum in speculi sinum, ex quo fit, ut uultus noster transisse ad speculum putetur. Quomodoque simulacrum e speculo resultans e diuerso uidetur consistere (perinde ac si duo contra stantes dextras partes sinistris, sinistras item partes dextris obuias habeant), sic aduersum nos imagines nostrae dextras et sinistras partes cum immutatione demonstrant. Idem angulus acutus, si ex aliqua conuersione uel immutata qualitate positionis erit acutior et procerior factus, longius euagatus cuncta quae retro nos sunt in speculo uideri facit ; quod si non acutus sed rectus erit angulus, tunc ea quae ad directum rigorem supra nos erunt uidebuntur, sin uero hebes et latior, ea quae contra nos excelsiora sunt apparebunt ».

431 Ibid., 240, p. 470.4-5 : « Nullo porro angulo facto vel fracto radio nulla in speculis dumtaxat imago proueniet

ut in globosis et sphaerae similibus uasis ».

432 Ibid., 240, p. 470.6-14 : « At uero si talis erit speculi figura, ut sit eius concaua superficies et tornata in

modum scapii quadrati uel imbricis, dehinc intueamur hoc idem speculum ita conuersum, ut rectus cernatur imbrex, margines porro eius seu supercilia hinc illinc pro lateribus assistant, tunc, opinor, radius incidens et infractus ob leuem speculi rigidamque soliditatem in proximum latus eius delabitur in decimani apicis effigiem. Ita dextri lateris imagine in sinistrum, sinistri etiam in dextrum ob eminentiam marginis utriusque deiecta dextrae partes nostrae etiam in speculo dextrae sinistraeque item sinistrae uidebuntur et erit imaginis falsa remedium imago falsa ».

433 Ibid., 240, p. 470.14-19 : « Hoc idem speculum si demum ita erit aduersum nos locatum, ut eminentium

marginum alter superior sit, alter inferior, nec rectus sed obliquus cernatur imbrex, resupinas ostentat imagines et simulacra praepostera ob similem lapsum fracti radii per accliuia ; directus quippe uisus ad speculi supercilia cum quidem superiorem conspexerit eminentiam, deicitur simulacrum ad ima resupinum, cum uero inferiorem, facit saltum uultus ad marginem superiorem ».

434 Ibid., 241, p. 470.20-30 : « Indicat porro causam prauae intuitionis fore in radii fragmine commentum tale.

Etenim si duo specula sic collocentur, ut unum sit ante uultum, alterum a tergo, obliquatum, ne impediatur obiectu corporis uisus radii commeantis, tunc occipitium nostrum uidemus in speculo quod habetur a tergo ; quod non fieret, nisi radius uisualis applicans se ad speculum aduersum fractusque eius obiectu faceret

expérience énoncés par Platon dans le Timée, et montre qu’ils sont justifiables à l'aide d'une autre théorie que la théorie platonicienne. Arrivé à la partie consacrée aux images, intitulée

De imaginibus et entièrement orientée vers le dialogue entre les théories de Platon et d’Aristote, il développera le point-de-vue platonicien sur les images spéculaires, en l’opposant exemple par exemple à ce qu’il expose ici.

Pour clôturer son passage sur la théorie des miroirs, Calcidius présente rapidement ce qu'il entend par paraphasis ou detuitio. Il s'agit de la vision qui se réalise non sur la surface d'un miroir, mais en profondeur dans un matériau ayant une certaine « densité » :

Quae autem paraphasis ab his appellatur, prouenit quotiens non in cute speculi, sed introrsum et tamquam in penetralibus simulacrum inuenitur obumbrante aliqua nigredine, ut in pellucidi quidem sed fusci uitri lamina uel