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Dans la première πράξις qu’il consacre à l’arc-en-ciel, Olympiodore commence par énumérer un certain nombre de caractéristiques de l’arc-en-ciel, presque toutes en rapport avec sa couleur :

_ Contrairement au halo qui est uniformément blanc, l’arc-en-ciel est tricolore : écarlate, vert et pourpre-violet. Cette différence entre le halo et l’arc-en-ciel est due à deux causes : les nuages responsables de la réflexion sont différents ; la vue parcourt une distance

au-dessus de l’horizon, et soit l’axe à présent désigné par HΠ. Tout sera démontré de la même manière que précédemment, sauf que le pôle Π du cercle sera sous l’horizon AΓ, étant donné que le point H s’est élevé. Or sont sur la même ligne le pôle et le centre du cercle, ainsi que le centre du cercle délimitant le lever de l’astre ; celui-ci est en effet le cercle HΠ. Mais puisque KH est au-dessus du diamètre AΓ, le centre doit être sous le précédent horizon AΓ, sur la droite KΠ, au point O. En sorte que le segment supérieur Ψ Γ sera plus petit qu’un demi-cercle. Car plus le point H est haut, plus le pôle et le centre seront bas ».

moindre dans le cas du halo que de l’arc. En effet, plus la vue parcourt une distance élevée, plus elle s’affaiblit et donc plus la couleur perçue est proche du noir, le halo étant plus proche, la vue est moins affaiblie, la couleur est donc proche du blanc (la distance d’un diamètre est plus grande que celle d’une hauteur, or le halo se forme selon la hauteur, l’arc-en-ciel selon le diamètre) les couleurs de l’arc-en-ciel sont donc de plus en plus sombres132. Olympiodore donne en passant un autre exemple de ce phénomène d’affaiblissement de la vue : la couleur du ciel et de la mer résulte également de l’affaiblissement de la vue, le ciel devrait être incolore, puisqu’il est formé par la quintessence et que toute couleur résulte des quatre éléments, la mer est formée d’eau, élément transparent133.

_ la formation des couleurs de l’arc-en-ciel repose sur trois principes physiques134 : (1) la lumière vue dans un peu de noir ou à travers un peu de noir forme l’écarlate (φοινικοῦς). Par exemple, le soleil vu à travers un écran paraît écarlate. (2) Plus la distance est grande, plus la couleur est noire, car la vue est affaiblie. Par exemple, le nuage blanc qui est très éloigné est vu assez noir car la vue est affaiblie par la distance. (3) La vue s’effectue en ligne droite. Le noir est la négation de la vision (ἀπόφασις) écrit Aristote, Olympiodore le commente en disant que le noir est la στέρησις ὄψεως, manque de vision. Tout comme dans le De anima, l’ombre est le manque de lumière. Aussi Olympiodore rapproche-t-il la théorie des couleurs de la théorie aristotélicienne de la vision en général.

_ les causes des couleurs de l’arc. Olympiodore réutilise ici une idée déjà mentionnée dans le cas du halo : le nuage est un amas de petites gouttes de pluie, certaines sont plus près de l’observateur, d’autres sont plus loin135. La couleur perçue est liée à l’éloignement du sujet percevant. Les rayons qui tombent sur les nuages les plus proches sont vus à travers peu d’air nuageux de couleur noire, ils sont donc peu affaiblis et ne subissent donc pas la totalité de l’illusion, ce sont les conditions d’apparition de la couleur écarlate (φοινικοῦς)136. Les rayons qui tombent sur des nuages éloignés, puisqu’ils sont reflétés à travers une plus grande distance et donc à travers plus d’air nuageux, perçoivent une couleur plus sombre (µελάντερον), car la

132 Olympiodore, op. cit.., III. 4., p. 234.8-28.

133 Ibid., p. 234.17-22 : « ἰδοὺ γοῦν τὸν οὐρανὸν κυανοῦν χρῶµα δοκοῦµεν ἔχειν καὶ τὴν θάλασσαν πορφυροῦν διὰ τὸ ἐπὶ πλέον ἐκτεινοµένην <τὴν ὄψιν> διάστηµα ἐξασθενεῖν, καίτοι τοῦ Ἀριστοτέλους βουλοµένου ἀχρωµάτιστα εἶναι τὰ οὐράνια σώµατα διὰ τὸ εἶναι ταῦτα τῆς πέµπτης οὐσίας, πᾶν δὲ χρῶµα ἐκ τῶν τεσσάρων στοιχείων ». 134 Ibid., p. 235.34-236.24. 135 Ibid., p. 236.24-29. 136 Ibid., p. 236.29-37 : « ἀλλ’αἱ µὲν εἰς τὰ πλησίον νέφη προσπίπτουσαι ἀκτῖνες ὡς ἂν δι’ὀλίγου µέλανος ὁρῶσαι αὐτόν, τουτέστι ἀχλυώδους ἀέρος, οὐ πάσχουσι πολλὴν τὴν ἀπάτην ἅτε δὴ µὴ πάνυ ἀσθενήσασαι καὶ δι’ὀλίγης ἀχλύος αὐτὸν ὁρῶσαι. ὅθεν φοινικοῦν χρῶµα ὁρῶσιν αὐτὸ τοῦ ἡλίου ἐν τοῖς νέφεσι ἐκείνοις, ἐν οἷς προσπίπτουσι, διὰ τὸ πρῶτον λῆµµα τὸ λέγον, ὅτι ἐὰν πολὺ λαµπρὸν δι’ὀλίγου µέλανος ὁρᾶται, φοινικοῦν ὁρᾶται, ὅπερ φοινικοῦν οὐ πόρρω ἐκπέπτωκεν τοῦ ἡλιακοῦ χρώµατος· οὕτω µὲν οὖν αἱ εἰς τὰ πλησίον νέφη προσπίπτουσαι ποιοῦσι τὸ φοινικοῦν χρῶµα ».

vue est affaiblie137, il en résulte la couleur verte ; ceux qui sont réfléchis à la distance la plus grande passent par le plus d’air brumeux : ainsi apparaît la couleur pourpre. Olympiodore ajoute une précision intéressante : s’il y a d’autres couleurs, elles ne sont pas perceptibles138. Dans le courant du commentaire lemmatique, Olympiodore donne d’autres avis sur le nombre de couleurs de l’arc139. Ptolémée en compte ainsi sept. Le changement entre les couleurs est imperceptible. S’il n’y en avait que trois comme le prétend Aristote, il serait possible de repérer leurs démarcations, ce qui n’est pas cas, comme le souligne Platon dans le Philèbe.

_ Olympiodore doit encore expliquer l’ordre dans lequel les couleurs apparaissent. En effet, il y a toujours deux arcs-en-ciel dont les couleurs sont inversées : l’écarlate est la première couleur de l’un et la dernière de l’autre, le vert se trouve au centre de chacun et vers l’extérieur se trouve le pourpre.

Si l’on observe l’arc-en-ciel de l’intérieur : la plus grande ceinture (zone colorée) de cet arc est la première, les rayons visuels sont plus nombreux à la frapper, l’illusion n’a pas lieu ou est moins forte, donc la perception est plus exacte, c’est pour cela qu’est vu l’écarlate140. Les autres ceintures sont plus minces, elles reçoivent moins de rayons visuels donc ceux-ci sont moins nombreux à être réfléchis, la vue est ainsi davantage trompée et ne voit pas précisément le soleil ; de là vient à la suite de l'écarlate la couleur verte141. Étant encore plus petite, la troisième ceinture reçoit encore moins de rayons visuels, donc en réfléchit encore moins, donc le soleil paraît donc encore plus noir et de là vient la couleur pourpre142. La réflexion ne dépend plus de la distance parcourue, mais du nombre de rayons visuels concernés. Plus le faisceau visuel est constitué d’un nombre important de rayons, plus il est fort et donc moins il subit de réflexion (ce n’est jamais dit clairement par Olympiodore).

Étudiant l’arc qui se trouve à l’extérieur, Olympiodore reprend le principe d’affaiblissement de la vue dû à la distance parcourue. La bande écarlate est plus proche des yeux, les rayons visuels ne perdent donc pas de force en raison de la grande distance et sont dès lors moins induits en erreur par le fait de voir presque la couleur du soleil, c’est-à-dire l’écarlate143. Les nuages dans lesquels se trouvent les autres bandes sont plus éloignés, donc

137 Ibid., p. 236.37-237.5. 138 Ibid., p. 237.5-12. 139 Ibid., p. 242.23-31. 140 Ibid., p. 237.19-28. 141 Ibid., p. 237.28-238-2. 142 Ibid., p. 238.2-5. 143 Ibid., p. 238.7-11.

les rayons visuels s’affaiblissent et ne perçoivent pas avec exactitude, ce qui produit les couleurs verte et pourpre144.

Olympiodore explique ensuite d’où vient la démarcation entre les deux arcs, en reprenant - il le dit lui-même à la fin du passage145 - le principe qui lui permettait d’expliquer pourquoi le halo a la forme d’un anneau et non d’un disque, c’est-à-dire pourquoi les rayons tombant au milieu ne subissent pas la réflexion : les rayons qui tombent à angle droit ne subissent pas l’illusion, parmi ceux qui tombent en oblique, ceux qui sont proches de l’angle droit la subissent moins, ceux qui en sont éloignés la subissent davantage146. Ainsi, de tous les rayons visuels passant au niveau des nuages, certains tombent-ils perpendiculairement au nuage, d’autres près de la perpendiculaire, d’autres loin. Les rayons perpendiculaires, tombant avec davantage de force (ce sont les plus courts), ne subissent aucune réflexion, donc ils ne voient aucune couleur mensongère : ils créent la bande incolore entre les deux arcs147. Les rayons qui tombent près de la hauteur, subissent moins l’altération due au nuage, près de la source de lumière apparaît donc l’écarlate (φοινικοῦς) ; ceux qui sont plus loin parcourent une plus grande distance et subissent un affaiblissement plus important, les deux arcs présentent donc la couleur verte, et ceux qui sont encore plus loin la couleur pourpre. Ceci explique que d’un arc à l’autre l’ordre des couleurs paraisse inversé148.

Olympiodore explique maintenant pourquoi l’arc intérieur est plus brillant que l’arc extérieur. Celui-ci se trouve plus proche de l’observateur, donc la vue le perçoit plus précisément : étant moins obscurcie, il lui semble que les couleurs sont plus brillantes. Celui de l’extérieur est plus loin de l’observateur donc les rayons sont plus affaiblis et les couleurs perçues sont moins brillantes149.

Aristote reconnaît l’existence d’une quatrième couleur, le jaune, qui est produit, non par la réflexion comme les autres couleurs, mais par mélange de l’écarlate et du vert150. Sur l’origine du jaune, Olympiodore expose six arguments :

_ à côté d’une couleur plus noire, une couleur moins noire paraît blanche (ex : à côté d’un manteau très sale, un manteau moins sale paraît propre), c’est pourquoi l’écarlate à côté du vert (qui est plus noir que l’écarlate) paraît jaune151.

144 Ibid., p. 238.11-14. 145 Ibid., p. 238.33-37. 146 Ibid., p. 238.20-26. 147 Ibid., p. 238.26-33. 148 Ibid., p. 239.2-13. 149 Ibid., p. 245.10-16. 150 Ibid., p. 243.22-26. 151 Ibid., p. 243.29-244.5.

_ quand le nuage est peu dense, le jaune s’obtient par mélange de l’écarlate et du vert, la couleur blanche est de l’écarlate affaibli, mais ce blanc placé à côté du vert semble jaune, de sorte que l’arc se compose de vert, jaune et pourpre et que l’écarlate n’apparaît pas152.

_ quand le nuage est très épais, le fait que le noir placé à côté de plus noir que lui paraisse blanc est manifeste, les nuages sont plus épais de nuit et plus noirs, donc les couleurs de l’arc-en-ciel semblent blanches, c’est pourquoi l’arc-en-ciel obtenu paraît blanc (chez Aristote, c’est le rouge qui paraît blanc)153.

_ il est possible d’obtenir une couleur différente en faisant subir un changement à une certaine couleur : par exemple, les manteaux multicolores font apparaître des couleurs qui ne sont pas celles qui seraient obtenues par le mélange de ces couleurs154. Ce type de réflexion est issu des paragraphes sur la génération des couleurs et leur mélange dans le De Sensu d’Aristote155.

_ Olympiodore donne tout de suite l’exemple : une robe de pourpre recouverte par des manteaux de couleurs différentes donne des couleurs différentes qui naissent du mélange de la couleur du manteau et de celle de la robe156.

_ la diversité des couleurs des manteaux n’est pas obtenue à la lueur d’une lampe (condition de production), puisque si l’air est brumeux, une différence apparaît par rapport aux couleurs dans lesquelles on travaille, une illusion résulte de la « multi-coloration » des couleurs advenues par mélange157.

_ Olympiodore ajoute une dernière (7e) raison : s’il y avait réflexion, le jaune devrait se trouver devant l’écarlate, puisque la vue est moins induite en erreur dans le jaune que dans l’écarlate, elle devrait donc se trouver devant l’écarlate, comme celui-ci se trouve devant le vert158.