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D – Un platonisme plus affirmé ? Priscien de Lydie et Proclus

Priscien de Lydie, l’un des philosophes qui se réfugia auprès du roi de Perse Chosroès à la fermeture de l’École d’Athènes en 529, est l’auteur d’une Metaphrasis à la Physique de Théophraste, qui nous est conservée en grec et des Solutiones ad Chosroem qui ne sont conservées que dans une traduction latine difficilement intelligible, sauf à tenter une

rétroversion en grec du texte latin qui en constitue une traduction mot à mot. Bien qu’il existe effectivement des points de convergence entre la Metaphrasis et le commentaire de Simplicius au De anima, Priscien livre un enseignement qui présente des différences trop importantes avec celui de Simplicius pour que les deux œuvres puissent être attribuées au même auteur.

Sous couvert d’un vocabulaire aristotélicien, Priscien développe une théorie platonicienne de la vision : il insiste en effet sur la nature lumineuse à la fois de la couleur et de « ce qui peut voir en nous »,sur le rôle de la lumière qui agit à la fois sur l’observateur mais aussi sur l’objet perçu366. Pour concilier Platon et Aristote, Priscien utilise un raisonnement typiquement néoplatonicien : la couleur a tout comme chez Aristote une action sur le diaphane en acte, mais la lumière doit elle-même achever la couleur, idée repérable chez Simplicius. Priscien combine ensuite une définition parfaitement aristotélicienne des couleurs comme « diaphanes dans les corps à limite définie » avec la définition platonicienne qui en fait des lumières plus faibles et indistinctes que la lumière du jour367. Le transparent n’est alors rien d’autre qu’une capacité à recevoir la lumière, idée qui convient à la théorie platonicienne et ressemble à la distorsion déjà notée chez les autres commentateurs, mais qui est étrangère à la théorie d’Aristote. Priscien dit clairement que la théorie visuelle émissioniste et platonicienne d’une part et la théorie aristotélicienne reposant sur la modification du milieu de l’autre, sont justes toutes les deux (et se produisent donc également)368.

Priscien s’écarte de l’exégèse traditionnelle d’Aristote en combinant la phrase de celui-ci suivant laquelle le diaphane est vu « non grâce à sa couleur propre, mais grâce à une couleur étrangère », avec l’autre affirmation d’Aristote suivant laquelle la lumière est

366 Priscien de Lydie, Metaphrasis in Theophrastum, ed. Ingram Bywater, Berlin : G. Reimen, 1886, p. 6.17-25 : « ἐπὶ δὲ τῆς ὄψεως ἐξαίρετος ἡ τοῦ φωτὸς χρεία ἄµφω τελειοῦντος καὶ τὸ ὁρῶν είς τὸ ὁρᾶν καὶ τὸ ὁρατὸν εἰς τὸ ὁραθῆναι· οὔτε γὰρ τὸ ὁρατὸν δράσειεν ἄν τι εἰς τὸ ὁρατικὸν ἄνευ φωτὸς οὔτε τὸ ὁρῶν ἐνεργήσειεν ἂν περὶ τὸ ὁρατόν. Φωτοειδὲς γὰρ ὂν καὶ τὸ ὁρατικὸν ἡµῶν, ὡς περιφανῶς τοῦτο ἔνια τῶν ζῴων ἐπιδείκνυσι προλάµποντα τὰ ὑφ’ἑαυτῶν ὁρώµενα – διὸ καὶ νυκτὸς ὁρᾶν δύναται – καὶ τὰ χρώµατα δὲ περὶ τὰ πέρατα τοῦ διαφανοῦς τῶν ὡρισµένων σωµάτων θεωρούµενα, ὑπὸ τοῦ φωτὸς εἰκότως ἄµφω τελειοῦται, ἀµυδρότερον ἔχοντα καθ’ἑαυτὰ τὸ φωτοειδὲς ὡς πρὸς τελείαν τὴν πρὸς ἄλληλα ἐνέργειαν ». 367 Ibid., p. 6.25-7.1 : « ∆ιὸ καὶ τοῦ ἔξωθεν δεῖται φωτὸς καὶ τὸ ὁρατικὸν ὡς φωτοειδὲς καὶ τὰ χρώµατα ὡς φῶτά τινα ὄντα, ὡς ἡ ὑποδοχὴ αὐτῶν δηλοῖ· ταῦτα γὰρ τοῦ διαφανοῦς πέρατα· τὸ δὲ διαφανὲς ἐπιτηδειότης ἐστὶν εἰς ὑποδοχὴν φωτὸς ἢ ἴχνος τι φωτὸς ἀµυδρὸν [οὔ ποτε] τελειοῦν [τὸ µεταξὺ πρὸς τὴν ὄψιν] καὶ τὸ µεταξὺ πρὸς τὴν ὄψιν οὐχ ὡς ἀὴρ ἢ ὕδωρ ἢ ἄλλο τι, ἀλλ’ὡς διαφανὲς εἰς ἐνέργειαν ἢδη τελειωθὲν ὑπὸ τοῦ φωτίζοντος καὶ τελειοῦν ἑκάτερον, τό τε ὁρῶν καὶ τὸ ὁρώµενον » 368 Ibid., p. 7, l. 6-11 : « Πολλὴ οὖν συµβαίνει ἐπὶ τῆς ὄψεως ἡ ποικιλία. Καὶ γὰρ ἐκτὸς δοκεῖ προϊέναι διὰ τὸ περὶ τὸ αἰσθητὸν ἐνεργεῖν ἔξω κείµενον, καὶ εἰσδέχεσθαί τι ἀπὸ τοῦ ὁρατοῦ διὰ τὸ πάσχειν τι ὑπ’αὐτοῦ, καὶ διαπορθµεύειν νοµίζεται τὸ διαφανὲς καὶ τὸ µεταξὺ ὡς τῷ τε φωτὶ τελειοῦν καὶ τῇ διαστάσει τὸ σύµµετρον παρεχόµενον ».

« comme la couleur du diaphane369 ». D’abord, influencé par Platon, Priscien augmente la distance entre diaphane et lumière, les rendant totalement étrangers l’un à l’autre, alors qu’il rapproche la lumière de sa source, le feu, jusqu’à les confondre, suivant l’habitude des néoplatoniciens mais d’une façon extrêmement poussée. Il affirme ensuite que la lumière, entéléchie du diaphane pour Aristote, complète et actualise les objets à voir, ce qui est absurde d’un point de vue strictement aristotélicien et contraire à la conception de la couleur, passive et active, propre à Simplicius, mais qui le rapproche de Platon. Enfin, expliquant le mot « comme », Priscien affirme que le diaphane devient couleur s’il est coloré, mais, s’il est sans couleur, il devient « comme s’il était coloré par la lumière », donc visible. Priscien reprend la réflexion esquissée par Simplicius et développée par Philopon d’après lesquels plus le diaphane est incolore, plus il est apte à transmettre des couleurs.

S’éloignant à la fois de Platon, d’Aristote et des commentateurs néoplatoniciens de ce dernier, Priscien présente le diaphane non plus comme un substrat, mais comme une forme capable de s’unir à des corps pour qu’ils puissent recevoir à la fois lumière et obscurité, puisque, - Priscien ne craint pas de l’affirmer clairement - , l’obscurité n’est pas une privation de la lumière (la forme du transparent chez Simplicius ou Philopon), mais elle est, elle aussi, une ἐνέργεια370. Cette théorie étrange pousse Priscien à envisager un problème qui n’avait pas été soulevé par Simplicius et Philopon, celui de la couleur de la terre, élément obscur par excellence, mais qui cependant possède une couleur371 : il faut donc penser que le diaphane de la terre qui reçoit l’obscurité en profondeur ou à l’intérieur, reçoit à sa surface la lumière, ce qui lui permet d’être coloré, car la couleur est la limite du diaphane dans les corps colorés.

A la manière des commentateurs du De anima, Priscien pose le problème de la nature de la lumière et passe en revue diverses hypothèses : la lumière n’est ni un corps, ni un πάθος, 369 Ibid., p. 7, l.26-p. 8, l. 1 : « ἐπάγει δὲ περὶ τοῦ διαφανοῦς ὡς ἐπιταράξειεν ἄν τινας διὰ τὸ ἀσύνηθες, ὅπως λέγεται ὁρατὸν µὴ καθ’αὑτὸ ἀλλὰ διὰ τὸ ἀλλότριον χρῶµα· ὡσεὶ καὶ γευστόν τι κατὰ ἀλλότριον ἐλέγετο χυµόν. Εὐαπόλυτος δὲ ἡ δοκοῦσα ταραχή. ἀλλότριον γὰρ χρῶµα τὸ φῶς ὡς άλλαχόθεν ἧκον ἀπὸ τοῦ φωτίζοντος λέγεται, ἐπεὶ ὡς ὅτι οἰκειότατόν ἐστι τῶν ὁρωµένων τὸ φῶς ὡς τελειοῦν αὐτὰ καὶ εἰς ἐνέργειαν ἄγον. ∆ιὸ εἴτε ἔχει ἴδιον χρῶµα τὸ διαφανές, τελειοῦται ὥσπερ καὶ τὰ τῶν ἄλλων χρώµατα ὑπὸ τοῦ φωτός· οὐ γὰρ ἀφαιρεῖται τὰ οἰκεῖα τὸ φῶς ἀλλὰ τοὐναντίον εἰς ἐνέργειαν ἄγει· εἴτε ἄχρουν ἐστὶ καθ’αὑτό, ὑπὸ τοὺ φωτὸς οἷον χρωννύµενον τελειοῦται καὶ ὁρατὸν ἀποτελεῖται ». 370 Ibid., p. 8, l. 9-16 : « λέγω δὴ οὐ πάθος οὐδὲ διάθεσιν ὑπό τινος ἐγγινοµένην εἶναι τὸ διαφανὲς ἀλλ’εῑδος ὑπάρχειν συναρµοστικὸν τῶν ἐν γενέσει σωµάτων πρὸς τὴν τοῦ φωτὸς τελειότητα καὶ ἐπιτηδειότητα αὐτοῖς πρός τε τὴν τοῦ φωτὸς καὶ πρὸς τὴν τοῦ σκότους ὑποδοχὴν παρεχόµενον, ἠ οὐσιώδως θατέρου µετέχουσιν ἢ παρὰ µέρος ἀµφοτέρων ἢ κατά τινα µῖξιν. Τὸ µὲν γὰρ ἐν πυρὶ διαφανὲς οὐσιῶδες ἔχει φῶς, τὸ δὲ ἐν γῇ οὐσιῶδες σκότος. ∆ιὸ ὡς φωτουργὸν τὸ πῦρ, οὕτω σκοτοποιὸν ἡ γῆ· οὐ γὰρ στέρησις φωτὸς τὸ σκότος ἀλλ’ἐνέργεια καὶ αὐτό ». 371 Ibid., p. 8.16-23 : « ἀλλὰ µήποτε κακῶς τὸ διαφανὲς τιθέµεθα εἶναι καὶ ἐν γῇ, εἴ γε φωτὸς δεκτικὸν τὸ διαφανές. ἢ οὐ κακῶς. οὐ γὰρ φωτὸς µόνου ἀλλὰ καὶ σκότους δεκτικὸν ὡς εἴρηται. ἔπειτα δὲ καὶ ἡ γῆ κέχρωσται, τὸ δὲ χρῶµα πέρας τοῦ ἐν ὡρισµένοις σώµασι διαφανοῦς· ὥστε καῖ ἐν γῇ τὸ διαφανὲς οὐ µόνον ὡς σκότους οὐσιώδως ἐν αὐτῇ δεκτικόν, ἀλλὰ τούτου µὲν κατὰ τὸ βάθος, κατὰ δὲ τὰ πέρατα καὶ φωτός, εἰ φῶτά τινα τὰ χρώµατα, καὶ εἴ γε φωτίζεται καὶ ἡ γῆ κατὰ τὴν ἐπιφάνειαν ».

car elle se retire de façon immédiate, l’argument utilisé est donc celui du caractère achronique de la lumière372, la lumière n’est pas non plus occasionnée par une transmission ou un changement373, elle est achèvement ou perfection (τελειότης) du diaphane, ce qui est proprement aristotélicien. Cet achèvement est séparé de son substrat, le diaphane, mais « en continuité » avec sa source, le feu374, ce qui est cohérent avec la théorie platonicienne.

Priscien esquisse une classification des visibles, ou plutôt des brillances, comme les commentateurs, mais celle-ci se limite à deux éléments : la lumière et les couleurs, comme lumières « secondes375 ». En tant que lumière « plus sombre », la couleur devrait être cachée par la lumière, comme la lumière d’une lanterne par la lumière du jour : l’argument est avancé par Philopon pour expliquer que l’observateur ne peut apercevoir les étoiles de jour. Cependant, la couleur n’est pas cachée par la lumière, car elle est une dérivation de la lumière, une lumière seconde, c’est pourquoi elle nécessite le recours à une lumière (supérieure) pour être vue, alors que cette lumière supérieure peut être vue de façon indépendante. Hiérarchisant les éléments à la manière des néoplatoniciens, l’explication des liens entre la lumière du jour et la couleur qui est aussi une lumière est à nouveau très proche de la théorie platonicienne.

Un passage assez détaillé de la Metaphrasis concerne les rapports du diaphane et de la lumière avec le sens visuel : ainsi, la couleur affectée par la lumière a une action sur le diaphane, mais si le diaphane était affecté de manière à recevoir de la couleur une forme (µορφωθὲν)376, on verrait le diaphane et non la couleur377.

372 Ibid., p. 9, l. 12-21. 373 Ibid., p. 9, l. 21-25. 374 Ibid., p. 9, l. 25-30 : « πῶς οὖν ἐνέργεια λέγεται τοῦ διαφανοῦς ; οὐχ ὡς πάθος, φήσω, οὐδὲ ὡς τελειότης αὐτοῦ ἐν ὑποκειµένῳ αὐτῷ γενοµένη, ἀλλ’ὡς χωριστῶς αὐτὸ τελειοῦσα, οὐκ αὐτὴ ἐκείνου ἀλλ’ἑαυτῆς ἐκεῖνο ποιουµένη, µένουσα συνεχὴς αὐτὴ τῷ ἐλλάµποντι καὶ ἐκείνῳ συµπεριαγοµένη. Τοῦτο µὲν οὖν ὧδε συντόµως ὑπεµνήσθην, ἵνα µὴ ὁµοίως ὡς ἐν τοῖς ἄλλοις τοῖς πάσχουσι καὶ τὸ φῶς ἐγγίνεσθαι ὑποπτεύσωµεν ». 375 Ibid., p. 10.30-p. 11.9 : « µή ποτε δὲ εἴπῃ τις καὶ τὸ προηγουµένως ὁρατὸν τὸ λαµπρὸν εἶναι καὶ αὐτὸ τὸ φῶς, ὃ καθ’αὑτὸ κινεῖ τὴν ὄψιν καὶ περὶ ὃ αὐτὴ ἐνεργεῖ ἔξωθεν οὐδενὸς ἄλλου τοῦ τελειοῦντος δεοµένη· τὰ δὲ χρώµατα ὡς ἀµυδρά τινα φῶτα µὴ καθ’αὑτὰ εἶναι ὁρατὰ, ἀλλὰ δεῖσθαι τοῦ προηγουµένως ὁρατοῦ <τοῦ> ἐπιτελειοῦντος καὶ αὐτὰ. ἀλλ’οὕτω, φαίη ἄν τις, οὐ συνεργεῖν ἐχρῆν τὸ φῶς τοῖς χρώµασι πρὸς τὸ ὁρᾶσθαι, τοὐναντίον δὲ ἐπικαλύπτειν αὐτά, ὡς καὶ ὁ µείζων ψόφος ἐκκρούει τὸν ἐλάττω, καὶ ἐπ’αὐτῶν τῶν πραγµάτων τὸ λανπρότερον οὐ συγχωρεῖ διαφαίνεσθαι τὸ ἧττον λαµπρόν· ἐν γοῦν ἡλίῳ τὸ λυχνιαῖον οὐχ ὁρᾶται φῶς. ἢ οὐχ ἡ αὐτὴ παραβολὴ µείζονος πρὸς ἔλαττον καὶ προηγουµένου πρὸς ἑπόµενον. Οὐ γὰρ ὡς ἧττον ὁρατὸν παραβάλλεται τὸ χρῶµα πρὸς τὸ φῶς· οὐδὲ γὰρ ὁρατὸν ὅλως ἄνευ φωτός· διὸ ἑποµένως ὁρατὸν ὡς ὑπ’αὐτοῦ τελειούµενον καὶ δι’ἐκείνου ὁρώµενον, αὐτὸ δὲ τὸ φῶς καθ’αὑτὸ πρὸς τὸ ὁρᾶσθαι ἱκανόν ». 376 Ibid., p. 12.7-13 : « ἔτι ἅπαν τὸ φωτίζον ἐνεργεῖ σαφῶς εἰς τὸ διαφανές· τοιοῦτον δὲ καὶ τὸ ἄγαν λαµπρόν· ὥστε καὶ τὸ ἀµυδρῶς λαµπρὸν ἐνεργεῖ, εἰ καὶ µὴ οὕτως ὥστε φωτίζειν· καὶ τὰ χρώµατα συντελεωθέντα καὶ ἐπιλαµπρυνθέντα ὑπὸ τοῦ φωτίζοντος κινοίη ἂν καὶ αὐτὰ τὸ διαφανές. Ἆρα οὖν αὐτὰ µὲν τὸ διαφανές, τοῦτο δὲ κινεῖ τὴν ὄψιν, οἷον µορφωθὲν αὐτὸ ὑπὸ τῶν χρωµάτων ; ἀλλ’οὕτω τοῦ διαφανοῦς ἂν πεπονθότος ᾐσθανόµεθα καὶ οὐ τοῦ χρώµατος· εἰ δὲ τοῦ χρώµατος, τοῦτο ἂν καὶ τὴν ὄψιν κινοίη ».

377 Simplicius renvoie à son commentaire à la Physique de Théophraste, quand il explique que le diaphane en l’absence de couleur n’a pas d’action propre sur le sens visuel, sinon on verrait le diaphane et non la couleur. Il semble que Priscien détourne un argument de Simplicius en l’affectant à une autre démonstration, ce à quoi Priscien se livre souvent en piochant à la fois chez Simplicius et chez Philopon. Étant donné la grande proximité de tous les écrits des néoplatoniciens, ce renvoi de l’auteur du commentaire attribué à Simplicius serait

En réalité, explique Priscien, la couleur, quand elle est illuminée, a le même type d’action que la lumière sur le diaphane, elle l’actualise de manière séparée (χωριστῶς) :

Φηµὶ τοίνυν ὡς καθάπερ τὸ φωτίζον τελειοῖ τὸ διαφανὲς χωριστῶς παρούσης αὐτῷ τῆς ἀπ’ἐκείνου ἐνεργείας καὶ τῷ ἡµετέρῳ ὄµµατι διὰ τοῦ διαφανοῦς, οὐχ ὡς πεπονθότος ἀλλ’ὡς καὶ αὐτοῦ κατὰ τὴν χωριστὴν ἐνέργειαν τελειουµένου, οὕτω καὶ τὸ χρῶµα λαµπρυνθὲν ἐνεργεῖ εἰς τὸ διαφανὲς χωριστῶς αὐτῷ ἐποχουµένην ἐνέργειαν, καὶ διὰ τοῦτο οὐ κατὰ διάδοσιν ἀλλ’ἀθρόως καὶ ὁµοῦ παντὶ καὶ ὅλην ἀµερίστως πανταχοῦ αὐτῷ παροῦσαν καὶ οἷον εἰδοποιοῦσαν αὐτὸ χωριστῶς, καὶ σὺν τῷ οὕτως εἰδοποιηθέντι καὶ τὴν ἡµετέραν κινοῦσαν ὄψιν378.

La précision selon laquelle la couleur doit être illuminée peut être rapprochée de la théorie de Simplicius sur la couleur, mais l’insistance sur le caractère séparé des actualisations du diaphane par la lumière et par la couleur (illuminée) semble propre à la pensée de Priscien. Les actions de la couleur illuminée et de la lumière sur le diaphane sont concomitantes, mais celle de la lumière ne peut être distinguée du diaphane, puisqu’elle s’exerce non sur mais dans le diaphane379. Bien que manifestement inspiré des commentaires néoplatoniciens au De

anima et spécialement de celui de Simplicius, le texte de Priscien présente avec ce dernier trop de dissemblances pour que le commentaire de Simplicius puisse lui être attribué.

Pour analyser la réflexion, Priscien compare les théories de Théophraste et de Platon qui postulent tous deux, d’après Priscien, la réalité des images vues dans les miroirs380, alors qu’Aristote soutient un point de vue opposé dans ses Météorologiques. Priscien expose une théorie qu’il attribue à Théophraste, mais qui est très influencée par celle de Philopon, les brisures du rayon visuel ne seraient pas à considérer comme corporelles, mais comme celles des ἐνέργειαι :

Τὰς δ’οὖν κλάσεις οὐ σωµατικὰς θετέον· πάθος γὰρ τοῦτο καὶ τῆς κατὰ φύσιν ἐνεργείας ἀπᾷδον, καὶ µάλιστα ἐπὶ τοῦ οὐρανίου φωτός· ἀλλ’ἐνεργητικὰς

insuffisant pour l’attribuer à Priscien. D’autant que l’idée d’une actualisation séparée, importante chez Priscien, n’est utilisée nulle part par Simplicius.

378 Ibid., p. 12.17-24. 379 Ibid., p. 13, l. 31-p. 14, l. 6 : « τὸ δὲ χρῶµα καὶ οὐκ ἀεὶ ἀλλ’ὅταν ἐλλάµπηται, καὶ ὅταν, ὡς αὐτὸς ἔφη, ἡ ὕλη αύτῷ παρῇ, τὸ διαφανές, ὃ ἅµα καὶ τελειοῖ τὰ χρώµατα τῷ φωτὶ καὶ εἰδοποιεῖταί πως ὑπ’αὐτῶν τῇ χωριστῇ ἀπ’αὐτῶν ἐνεργείᾳ· τὸ δὲ φῶς οὐ διὰ τοῦ διαφανοῦς ἀλλ’ἐν τῷ διαφανεῖ καὶ καθ’αὐτὸ ὁρατόν. Καὶ αὐτὸ δὲ διαφανὲς τῷ φωτί, ἢ οὐ διαιρετέον, φησίν, ὀρθῶς λέγων. Οὔτε γὰρ τὸ φῶς ἄνευ τοῦ διαφανοῦς οὔτε τούτου χωρὶς φωτὸς αἴσθησις· καὶ εἴ γε χρῶµα τοῦ διαφανοῦς τὸ φῶς, οὐδ’ἂν ἕτερον εἴη τοῦτο ὁρατὸν παρὰ τὰ χρώµατα ». 380 Ibid., p. 15.6-9 : « Ἀφοριστέον δέ, φησὶν ὁ Θεόφρατος, καὶ τὰ περὶ τὰς ἀνακλάσεις. Φαµὲν γὰρ δὴ καὶ τῆς µορφῆς ὥσπερ ἀποτύπωσιν <ἐν> τῷ ἀέρι γίνεσθαι, ἴσως καὶ αὐτός, ὡς Πλάτων, εἰδωλικήν τινα ἐν τῷ περὶ τὸ λεῖον τῶν φωτὶ τῶν σωµατικῶν εἰδῶν ἔµφασιν γίνεσθαι τιθέµενος ».

καὶ τὰς κλάσεις νοητέον, εἰς τὸ λεῖον καὶ πυκνὸν καὶ στίλβον µειζόνως τοῦ φωτίζοντος καὶ τοῦ ὁρῶντος ἐνεργοῦντος, ὡς καὶ ἄλλα δι’αὐτοῦ καταλάµπειν ἢ ὁρᾶν. ἐκείνου γὰρ ἡ δευτέρα ἐνέργεια συνεργοῦντος καὶ τοῦ ὑποκειµένου λείου καὶ στίλβοντος διὰ τὴν πρὸς τὸ φῶς συγγένειαν· καὶ διότι µὲν τὸ φωτίζον ἑκατέρωθι ἐνεργεῖ, συνεχὴς καὶ ἡ δευτέρα τῇ πρώτῃ· διότι δὲ τὸ λεῖον ἐν τῇ δευτέρᾳ συνεργεῖ, διαίρεσίς τις ἀµφοτέρων συµπίπτει, ὅπερ ἡ κλάσις, ἐπὶ δὲ τῆς διὰ τῶν κατόπτρων τῶν προσώπων θέας γίνεται µὲν καὶ ἡ τῆς ὄψεως κατ’ἐνέρειαν, ὡς εἴρηται, ἀλλ’οὐ κατὰ πάθος ἡ ἀνάκλασις ἐπὶ τὸ πρωτότυπον381.

Chez Théophraste, d’après Priscien, l’objet lisse qui réfléchit la lumière coopère à la vision en produisant une activité seconde, puisque l’objet a quelque chose en commun avec la lumière. L’introduction d’une activité seconde est une innovation de Priscien qui semble se référer à une conception pré-euclidienne de la réflexion où l’image réfléchie est produite par l’objet réfléchissant. La seconde activité est continue avec la première mais l’objet lisse la divise en deux et produit une brisure. L’objet réfléchissant coopère donc à la formation de l’image réfléchie, il est actif. Comme chez Philopon, il s’agit d’une tentative pour concilier la théorie aristotélicienne de la vision avec l’optique géométrique.

D’après Priscien, Platon pense qu’au cours de l’émission du corps visuel, des images phantasmatiques des corps subsistent autour de l’objet lisse, ce qui correspond relativement bien à ce que Platon lui-même explique dans le Timée. Mais pour préparer sa réconciliation de Platon et de Théophraste, Priscien précise que ces images phantasmatiques ne sont pas produites par des effluences des corps mais par « skiagraphia » : représentation des corps à la manière d’ombre. Pour Priscien, les images réfléchies dans la théorie platonicienne seraient des sortes d’ombres des objets apparaissant sur les objets lisses382. Pour Priscien, il y a accord entre Platon et Théophraste, d’après lequel ces images (ombres des objets) se produisent comme s’il y avait une empreinte de la forme dans l’air383. Il est difficile de juger de la position de Théophraste sur la question, mais elle ne semble pas dans la continuité des théories d’Aristote. Priscien adhère en réalité à l’idée de Platon, pour qui les images issues de la réflexion sont réellement présentes dans l’objet servant de miroir.

Le commentaire de Simplicius au De anima ne paraît pas pouvoir être attribué à Priscien de Lydie pour plusieurs raisons. Les divergences qui opposent Priscien et Simplicius 381 Ibid., p. 15.9-20. 382 Ibid., p. 15, l. 20-23 : « ὁ δὲ Πλάτων καὶ εἰδωλικήν τινα ἐν τῇ προιούσῃ τῆς ὄψεως ἐνεργείᾳ περὶ τὸ λεῖον τῶν σωµατικῶν εἰδῶν ἔµφασιν, οὐ κατὰ ἀπόρροιαν σωµάτων ἀλλὰ [καὶ] κατὰ τὴν τῶν εἰδῶν σκιαγραφίαν, ἐν τῷ δοκεῖν καὶ φαίνεσθαι ὑφίστασθαι βούλεται ». 383 Ibid., p. 15, l. 23-25 : « ὃ δὴ ἴσως καὶ ὁ Θεόφραστος ἐνδείκνυται, κατὰ τὰς ἀνακλάσεις λέγων τῆς µορφῆς ὥσπερ ἀποτύπωσιν ἐν τῷ ἀέρι γίνεσθαι ».

dans la compréhension de la théorie d’Aristote sont trop importantes, malgré une utilisation évidente du commentaire de Simplicius au De anima (par exemple la théorie des couleurs si particulière chez Simplicius). La référence de Simplicius à une œuvre présentant un développement semblable à celui qui se trouve dans l’œuvre de Priscien reste sujette à caution.

En conclusion, il est intéressant de comparer l’interprétation très platonisante de la théorie aristotélicienne qui se trouve dans la Metaphrasis in Theophrastum de Priscien avec le commentaire très aristotélisant du Timée réalisé antérieurement par Proclus (412-485), mais qui ne se poursuit pas jusqu’à sa théorie visuelle. Commentant Platon, Proclus est bien plus proche de ce dernier que les commentateurs d’Aristote, cependant la même tendance au syncrétisme entre Platon et Aristote est visible. Le commentaire au Timée 31b384 qui implique la présence du feu comme condition nécessaire à la visibilité est pour le philosophe l’occasion de rappeler les caractéristiques de la lumière selon la théorie néo-platonicienne en réponse à une objection du Lycée en la personne de Théophraste, le successeur d’Aristote385 : d’abord, la lumière est un corps qui se propage à une certaine vitesse ; mais elle est aussi, en vertu de la correspondance entre microcosme et macrocosme, l’« œil du monde », et donc dotée d’une valeur métaphysique : elle est qualifiée de « divine », elle est active puisqu’elle voit et traverse l’ensemble du monde.

384 Platon, Timée, 31b : « Or évidemment, il faut que ce qui naît soit corporel et, par suite, visible et tangible. Et nul être visible ne pourrait naître tel, s’il était privé de feu ; nul être tangible ne pourrait naître tel sans quelque solide, sans de la terre. De là vient que Dieu, commençant la construction du Corps du monde, a débuté pour le former, par prendre du feu et de la terre », trad. A. Rivaud, 1925, p. 144.

385 Procli Diadochi, In Platonis Timaeum commentaria, ed. E. Diehl, Leipzig : Teubner, 1904, t. II, 141Α-B, p. 6-7 : « Καὶ οὐχ ὡς οἴεται Θεόφραστος, ἀτελής ἐστιν ὁ λόγος. ἀπορεῖ γὰρ οὕτως· τί δή ποτε πυρὸς µὲν ἴδιον εἶπε τὸ ὁρατὸν καὶ γῆς τὸ ἁπτόν, τῶν δὲ λοιπῶν στοιχείων οὐδέν ; λέγοµεν δὴ οὖν πρὸς αὐτόν, ὅτι καὶ ἡµεῖς ὁρῶµεν τὸν κόσµον καὶ ἁπτόµεθα αὐτοῦ γευόµεθα δὲ ἢ ἀκούοµεν αὐτοῦ ἢ ὀσφραινόµεθα οὐκέτι, καὶ αὐτὸς δὲ ὁ κόσµος ἑαυτῷ καὶ ὁρατός ἐστι καὶ ἁπτος· ὡς µὲν φωτοειδής, ὁρατός, διὰ τοῦ θείου φωτὸς ἑαυτὸν ὁρῶν, ὃ τέταται διὰ τοῦ οὐρανοῦ παντὸς τῇ ἴριδι προσφερὲς ὄν, ὥς φησιν ὁ ἐν Πολιτείᾳ Σωκράτης· ἐκεῖνο γάρ ἐστι τὸ πρώτως ὁρατικόν, δι’ὅλου τοῦ κόσµου διῆκον· ὡς γὰρ ἡ τοῦ ἡλίου σφαῖρα τῆς ἐν αὐτῇ ψυχῆς ὄψις ἐστίν, οὕτω δὴ καὶ τῆς ὅλης ψυχῆς ὄψις ἐστὶ τὸ θεῖον ἐκεῖνο φῶς διὰ πάντων τῶν ὁρατῶν περφοιτηκὸς καὶ δρῶν εἰς τὰ ὁρώµενα καὶ ζωὴν αὐτοῖς ἐνδιδόν » ; Proclus, Commentaire sur le Timée, traduction et note par A. J. Festugière, t III, livre III, Paris : Vrin, 1967, pp. 28-29 : « Il n’en va pas dès lors comme le pense Théophraste, que le présent discours est incomplet. Il pose en effet cette difficulté : « Pourquoi jamais Platon, tout en attribuant au feu la propriété du visible, à la terre celle du tangible, n’a-t-il rien dit des autres éléments ? » Voici la réponse. Nous voyons, nous, le Monde et nous le touchons, mais il n’est plus vrai que nous le goûtions ou l’entendions ou le percevions par l’odorat. Et en outre le Monde, lui, est pour lui-même et visible et tangible. Car en tant que luminiforme, il est visible, se voyant lui-même, grâce à la lumière divine qui est étendue « à travers tout le Ciel, pareille à l’arc-en-ciel », comme Socrate le dit dans la République (X 616 B5 s.). La lumière en effet est ce qui voit au premier chef, elle qui traverse le Monde d’un bout à l’autre : car de même que la sphère du soleil est l’organe visuel de l’âme qui est en elle, de même aussi cette lumière divine-là est l’organe visuel de l’Âme universelle, cette lumière qui passe à travers tous les visibles, qui agit sur les objets vus ».

Proclus développe ensuite une théorie visuelle qui semble plus platonicienne qu’aristotélicienne, avec une légère influence de l’optique géométrique386 : il reprend en effet l’affirmation suivant laquelle l’objet visible est une lumière, le fait que la vision est une projection également faite de lumière (l’adjectif αἰθερώδους est sans doute emprunté au πνεῦµα galénique), l’obligation de la réunion du flux visuel et de la flamme de l’objet, qui doivent tous deux être en acte (vocabulaire aristotélicien κατ’ἐνέργειαν) et doivent être réunis par la lumière extérieure, enfin, l’affirmation suivant laquelle les rayons sont en forme de cône, se rapprochant également de la forme pyramidale du feu, est un emprunt à la théorie géométrique, ce qui montre l’importance qu’a prise cette dernière dans l’Antiquité tardive.

Suit une discussion sur les propriétés du feu qui permet à Proclus d’introduire une objection du « merveilleux Aristote » suivant lequel « le visible n’est pas toujours tel par participation au feu387 », à quoi Proclus répond par une théorie qui attribue à chaque élément un rapport à la visibilité388 : la terre est opposée à la visibilité et produit l’obscurité (qui semble donc être conçue comme une substance, ce qui va à l’encontre de la théorie d’Aristote) ; l’air et l’eau sont des diaphanes, ils sont donc invisibles ; il ne reste donc plus

386 Procli Diadochi, op. cit., 141D, p. 7-8 : « Τὸ γὰρ πρώτως ὁρατὸν πῦρ ἐστι· πρῶτον µέν, ὅτι καὶ αὐτὰ τὰ ὁρατὰ φῶτά ἐστι· πάντα γὰρ τὰ χρώµατα ἔγγονά ἐστι φωτός. ἔπειθ’, ὅτι καὶ αὐτὴ ἡ ὄψις φῶς ἐστιν, ἀπ’οὐσίας προϊοῦσα αἰθερώδους. Καὶ τρίτον, ὅτι δεῖται συναγωγοῦ τοῦ φωτὸς ἡ ὄψις καὶ τὸ ὁρατόν, εἰ µέλλοι κατ’ἐνέργειαν ἔσεσθαι ἑκάτερον, ὅπερ λέγεται καὶ δέδεικται ἐν Πολιτείᾳ· τί τὸ συνάγον ἀµφότερα ταῦτα ; φῶς. ὥστε εἰ ὁρατὸς ἔσται ὁ κόσµος, δεήσει πυρὸς αὐτῷ πρὸς τὴν γένεσιν. Καὶ πρὸς τούτοις, ὅτι τὸν ὀφθαλµὸν ἀνὰ λόγον εἶναι τῷ πυρὶ δείκνυσιν ὁ Πυθαγόρας ἐν τῷ πρὸς Ἄβαριν λόγῳ· καὶ γὰρ ἀνωτάτω τῶν αἰσθητηρίων ἐστίν, ὡς τὸ πῦρ τῶν στοιχείων, καὶ ὀξείαις ἐνεργείαις χρῆται, ὡς ἐκεῖνο, τό τε κωνοειδὲς ὁµοιότητα ἔχει πρὸς τὸ πυραµοειδὲς οὐκ ὀλίγην » ; Proclus, Commentaire sur le Timée, op. cit., p. 30 : « Car le visible au premier chef est le feu. 1 Tout d’abord, parce que les visibles sont eux-mêmes des lumières : car tout ce qui est couleur est issu de la lumière (cf Aristote de an.). 2 Ensuite, parce que l’organe visuel est lui-même de la lumière, puisqu’il sort d’une substance éthériforme. 3 Troisièmement, parce que l’organe visuel et l’objet visible ont besoin d’être rassemblés par la lumière s’ils doivent l’un et l’autre être en acte, comme il est dit et démontré dans la République (VI 507 D 8- E5). Qu’est-ce qui rassemble ces deux termes ? La lumière. En sorte que, si le Monde doit être visible, il faudra que le feu entre dans sa constitution native. 4 Outre cela, parce que Pythagore, dans le Traité à Abaris (inconnu), montre que l’œil a une analogie avec le feu. L’œil en effet est le plus élevé des organes sensibles comme le feu est le plus élevé des éléments, il exerce son activité au moyen de rayons aigus, comme le feu, et la forme conoïde n’a pas peu de ressemblance avec la forme pyramidale ».

387 Proclus, Commentaire sur le Timée, op. cit., p. 30 ; Procli Diadochi, op. cit., 141E-F : « ἴσως δὲ ἡµῖν ὁ θαυµαστὸς Ἀριστοτέλης ἀπαντήσεται πρὸς τὸν λόγον οὐ πᾶν τὸ ὁρατὸν πυρὸς µετουσίᾳ τοιοῦτον εἶναι τιθέµενος », p. 9

388 Procli Diadochi, op. cit., 141F-142A, p. 9 : « Τίνι γὰρ ἀνέθηκε τὸ ὁρατόν ; ἆρα ἄλλῳ τινὶ ἢ τῷ γεννητικῷ τοῦ φωτός ; τί δὲ ἄλλο τοιοῦτον ἢ τῷ γεννητικῷ τοῦ φωτός ; τί δὲ ἄλλο τοιοῦτον ἢ τὸ πῦρ ; γῆ µὲν γὰρ παντὸς τοῦ ἐναντίου ποιητική· σκότους γὰρ αἰτία, καὶ ἧττον µετέχει φωτὸς τὸ γηϊνώτερον· ἀὴρ δὲ καὶ ὕδωρ διαφανῆ καὶ οὐχ ὁρατὰ καθ’ἑαυτά· διὸ καὶ µέσον ἑκάτερον τούτων, τοῦ τε πρώτως ὁρατοῦ καὶ τοῦ ἐπιπροσθοῦντος τοῖς ὁρατοῖς, ὡς ἄλλοις τοῦ ὁρᾶσθαι αἴτιον, ἀλλ’οὐχ ἑαυτῷ, καθόσον ἑκάτερον διαφανές· ἀλλὰ δι’αὐτῶν ἄλλα » ; Proclus,

Commentaire sur le Timée, op. cit., p. 32 : « À quoi donc en effet Aristote a-t-il rapporté la cause de la visibilité ? Est-ce à autre chose qu’au principe générateur de la lumière ? Et qu’est-ce là d’autre que le feu ? Car la terre, elle, produit tout l’effet opposé : elle est cause d’obscurité, et c’est le terreux qui participe le moins à la lumière. L’air et l’eau sont diaphanes et donc, par eux-mêmes, non visibles. C’est pourquoi précisément l’un et l’autre sont des intermédiaires entre ces deux, le visible à titre premier et ce qui intercepte la visibilité, en ce sens qu’étant cause pour d’autres du fait d’être vu, ils ne le sont pas pour eux-mêmes, dans la mesure où chacun d’eux est diaphane : néanmoins, grâce à eux, d’autres choses sont visibles ».

que le feu comme cause de visibilité. Proclus conclut sur une note platonicienne : toutes les sortes de feu se définissent par leur visibilité389. Le commentateur néoplatonicien du Timée présente une analyse imprégnée d’aristotélisme, de géométrie et de médecine galénique, tout comme les commentaires au De anima, mais certains traits qui semblent propres à l’exégèse platonicienne ne se trouvent ensuite que chez Priscien.

Les œuvres des néoplatoniciens grecs ont en commun de proposer une théorie sur la nature de la lumière et sur la couleur qui combine géométrie du regard et physiologie de l’œil avec une physique issue des théories visuelles de Platon et surtout d’Aristote. L’exégèse néoplatonicienne d’Aristote opacifie sa théorie, en introduisant volontairement une série de confusions qui amènent à disjoindre lumière et diaphane pour rapprocher Aristote de Platon. Cette disjonction permet aux auteurs médiévaux d’attribuer à nouveau un caractère corporel à la lumière, qui, se heurtant à l’influence toujours prégnante de la conception incorporelle d’Aristote, génère un nouveau questionnement sur les modalités de propagation de celle-ci, mais cette évolution est surtout le fait des occidentaux.

IV – L’optique chez les néoplatoniciens latins : Macrobe et