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B – De imaginibus : images oniriques et spéculaires

Après la vision directe, le Timée analyse les images produites par la vision « indirecte », celle des rêves, puis celle des miroirs. Dans la deuxième partie de son commentaire, intitulée De imaginibus, Calcidius opère donc une forte distinction entre la

453 Calcidius, op. cit., 247, p. 476.27-30 : « Fluere porro uisum per oculos consentiunt tam physici quam etiam

medici, qui exectis capitis membris, dum scrutantur naturae prouidam sollertiam, notauerunt ferri biuio tramite liquorem » ; ibid., 248, p. 478.1-4 : « Quid ergo? Num aliter physici membranis uel etiam tunicis solidis

contineri oculorum orbes asseuerantes de natura eorum interpretari uidentur? Angusta porro illa medietas, quae peruenit usque ad oculorum cauas sedes, quae alia est quam haec per quam fluit ignis serenus? »

454 B. Bakhouche, art. cit., p. 12 : « Assurément, nous retrouvons des parallélismes ponctuels avec Aetius ou Nemesius, qui illustrent un même fond doxographique. Assurément, la source de Calcidius est grecque, à voir les calques linguistiques déjà relevés, mais le brouillage lexical - aussi bien pour les différentes définitions de la vision que pour qualifier la partie supérieure de l'âme - paraît signaler une influence stoïcienne. ».

455 Sur ce point, nous sommes pleinement en accord avec B. Bakhouche, art. cit., p. 14 : « Calcidius hérite d’une tradition séculaire dans laquelle le brouillage lexical induit un certain brouillage herméneutique : toutes les théories auxquelles il est fait allusion finissent par se ressembler ! Pourtant, dans ce cadre depuis longtemps figé, l’exégète latin trouve le moyen de prouver son originalité par le double volet – doxographique et exégétique – de son commentaire, et par les témoignages uniques – linguistiques et théoriques – qu’il arrive à offrir ».

vision directe et la vision indirecte, et pose le problème du statut de l'image, du crédit à accorder au visible.

Le problème essentiel est de comprendre ce que sont ces restes de mouvements et comment ils se transmettent à travers le corps jusqu'à l'âme. Calcidius livre une explication générale de l'apparition des rêves à caractère purement physiologique : les restes des mouvements de l'âme vont se loger dans la partie du corps qui correspond à ce qu'ils expriment, selon une triple répartition : dans la tête, le cœur et le foie456. Là s’arrête le commentaire de Calcidius à ce passage proprement dit. Cette répartition disparaît ensuite complètement du commentaire et ne coïncide pas avec la classification finale en cinq parties adoptée par Calcidius à la fin de son Tractatus de somniis.

À son habitude, il commence par rappeler les opinions divergentes des Anciens, en forme d'exposé doxographique457. Il évoque d'abord l'opinion d'Aristote. Pour le Stagirite, il ne peut pas y avoir de communication avec le divin par les rêves, ni d'ailleurs par aucun autre moyen, et il nie la divination458. Aristote admet tout de même une sorte de rêve produit par le souvenir de ce que nous avons fait et pensé459, qui correspond à ce qu'évoque Platon dans ce passage. Mais pour Calcidius, il existe également d’autres sortes de rêves, il ne peut donc pas donner entièrement raison à Aristote460.

Calcidius évoque ensuite rapidement d’autres théories où les rêves manifestent un contact avec le divin, celle des stoïciens qui serait la même que celle d’Héraclite, suivant laquelle le contact entre notre raison et la raison divine rend possible les rêves prémonitoires, et celle d’une secte philosophique qu’il ne nomme pas, mais qui a été identifiée à celle de

456 Calcidius, op. cit., 249, p. 478.26-30 : « Sunt porro reliquiae commmotionum uel ex modestis uel ex

intemperantibus interdumque sapientibus, interdum stolidis cogitationibus sedatae uel iracundiam incitatae, proque locis ut in capite, ubi est sedes domiliciliumque rationis, uel in corde, in quo dominatur uirilis ille indignationis uigor, uel iecore subterque ; dimensa porro haec omnis regio libidinis ».

457 Ibid., 250, p. 480.1-2 : « Et quoniam tractatum incurrimus somniorum de quo uarie senserunt ueteres, fiat

earum quae in honore sunt opinionum commemoratio ».

458 Ibid., 250, p. 480.2-9 : « Aristoteles, ut qui dei prouidentiam usque ad lunae regionem progredi censeat, infra

uero neque prouidentiae scitis regi nec angelorum ope consulentisque sustentari nec uero daemonum prospicientiam putet interuenire proptereaque tollat omnem diuinationem negetque praenosci futura, unum genus somniorum admittit atque approbat, quod ex his quae uigilantes agimus aut cogitamus residens in memoria mouet interpellatque per quietem gestarum deliberatarumque rerum conscias animas ».

459 Aristote, « Des rêves », in Petits traités…, op. cit., 462a29-31 : « Ἀλλὰ τὸ φάντασµα τὸ ἀπὸ τῆς κινήσεως τῶν αἰσθηµάτων, ὅταν ἐν τῷ καθεύδειν ᾖ, ᾗ καθεύδει, τοῦτ’ἐστὶν ἐνύπνιον », p. 86.

460 Calcidius, op. cit., 250, p. 480.9-14 : « Nec errat ; est enim etiam haec progenies somniorum, sed non sola, ut

Aristoteles putat ; multa quippe incognita inopinataque neque umquam temptata animis somniamus, quotiens prouenisse uspiam significantur quae nondum scientiae fama conciliauerit uel futura portenduntur quae nondum prouenerit. Sed hic suo quodam more pleni perfectique dogmatis electo quod uisum sit cetera fastidiosa incuria neglegit ».

Plotin461 pour qui notre νοῦς (« noys ») se mêle au νοῦς divin, ce qui est impensable pour le chrétien Calcidius. Contrairement à Aristote qui avait raison sur l’une des sortes de rêves, les autres théories sont jugées et condamnées en une phrase462.

Calcidius préfère suivre la théorie platonicienne463, agrémentant son propos de longues citations traduites d’autres dialogues de Platon qui forment une part importante de la tradition indirecte du Platon latin464. Une citation de la Politique évoque les rêves issus des restes des pensées. D’autres rêves sont suscités par la providence divine, ce que Calcidius illustre avec une courte citation du Criton, une citation d’Homère et une citation du Phédon. Cependant, d’après l’Euthydème, la providence divine ne déserte pas l’homme à l’état de veille.

Pour clore son exposé sur les rêves, Calcidius livre une classification de ceux-ci en cinq grandes catégories dans le goût de l’Antiquité tardive : le somnium, le visum, l’admonitio, le spectaculum et la reuelatio465. Cette classification ne se superpose pas totalement à celle de Macrobe466. Calcidius a sans doute utilisé d’autres sources. La classification de Macrobe coïncide avec celle d'Artémidore, elles ont donc probablement une source commune. Chez Cicéron et Philon se trouve une classification tripartite qui remonterait

461 W. Switalski, Des Chalcidius Kommentar zu Plato’s Timaeus, eine historische-kritische Untersuchung, Münster : Aschendorffschen Buchhandlung, 1902, pp. 50-51 ; mais cette attribution paraît douteuse à J. H. Waszink, Timaeus a Calcidio translatus commentarioque instructus, London / Leipzig : E. J. Brill, 1962, p. 261. 462 Pour Héraclite et les stoïciens, cf. Calcidius, op. cit., 251, p. 480.21-22 : « Hi quoque, parte abutentes

sententiae pro solida perfectaque scientia » ; pour les adeptes de la theorie du « noys », cf. ibid., 2011, 252, p. 480.26-29 : « Sed, cum pleraque non inreligiosa modo, uerum etiam impia sommniemus - quae imaginari

summam eximiamque intellegentiam siue mentem seu prouidentiam fas non sit putare -, falsam esse hanc opinionem hominum liquet ».

463 Ibid., 253, p. 480.30-482.1 : « Sed Plato magna diligentia summaque cura discussis penitus latibulis

quaestionis, uidit atque assecutus est non unam somniorum esse genituram ; gigni quippe uel ex reliquiis cogitationum et accidentis alicuius rei stimulo [...] ».

464 M. Lemoine, « la tradition indirecte du Platon latin », in R. Ellis – R. Tixier (eds.), The Medieval Translator,

Traduire au Moyen Age, Proceedings of the International Conference of Conques (26-29 juillet 1993) vol.5, Brepols, 1996, pp. 337-346.

465 Calcidius, op. cit.,256, p. 484.29-486.12 : « Multiformis ergo est ratio somniorum, siquidem sunt quae uelut

percussa grauius uerberataque mente uestigiis doloris penitus insignitis per quietem refouent imagines praeteritae consternationis ; sunt item quae iuxta cogitationes rationabilis animae partis - uel purae atque immunis a perturbatione uel in passionibus positae – oboriuntur ; nihiloque minus quae diuinis potestatibus consulentibus praemonstrantur uel etiam poenae loco ob delictum aliquod formata in atrocem et horridam faciem. Consentit huic Platonico dogmati Hebraica philosophia ; appellant quippe illi uarie, ut somnium et item uisum, tum admonitionem, etiam spectaculum nihiloque minus reuelationem : somnium quidem, quod ex reliquiis commotionum animae diximus oboriri ; uisum uero, quod ex diuina uirtute legatur, admonitionem, cum angelicae bonitatis consiliis regimur atque admonemur, spectaculum, ut cum uigilantibus offert se uidendam caelestis potestas clare iubens aliquid aut prohibens forma et uoce mirabili, reuelationem, quotiens ignorantibus sortem futuram imminentis exitus secreta panduntur. De somniis satis dictum ; sermo nunc ipse considerandus ». « Hebraica philosophia » désigne Philon d’Alexandrie, cf. B., Bakhouche, t. II, note 786, p. 825.

466 Macrobe, Commentaire au songe de Scipion, I, 3, 2, éd. M. Armisen-Marchetti, Paris : CUF, Les Belles Lettres, 2001, p. 10 : « Omnium quae uidere sibi dormientes uidentur quinque sunt principales et diuersitates et

nomina. Aut enim est ὄνειρος secundum Graecos quod Latini somnium uocant, aut est ὅραµα quod uisio recte appellatur, aut est χρηµατισµός quod oraculum nuncupatur, aut est ἐνύπνιον quod insomnium dicitur, aut est

à Posidonios, source possible du commentaire de Calcidius467. Cependant, Calcidius avec sa typologie en cinq parties semble se rapprocher davantage de Macrobe que de Posidonios. Peut-être faut-il postuler une source intermédiaire, un commentaire platonicien du Timée, par exemple de Porphyre, comme cela a été avancé pour Macrobe, et qu'utiliserait aussi Calcidius, tout en maintenant une autre influence pour expliquer les divergences. Elle pourrait également venir de Philon par l'intermédiaire de Numénius468. Ici encore, le problème des sources de Calcidius paraît insoluble. Cette classification exerce peu d'influence au Moyen Age, celles de Macrobe ou de Grégoire le Grand lui étant préférées.

Après ce Tractatus de somniis, Calcidius poursuit l'examen du texte de Platon, qui explique la formation des images spéculaires. Il présente rapidement la théorie d'Aristote en l'opposant à celle de Platon :

Docet nunc illam uisus rationem, quae intuitio dicitur, intra speculum uel stagnorum profundum simulacris resultantibus nec tamen eodem quo Aristoteles magisterio. Namque ille censet radii uisualis impacti in solidam speculi superficiem proptereaque infracti mucronem ad os reuerti obuiumque uultui factum uultum suum cernere et in speculo putare sibi uultus apparere simulacrum, at uero Plato pro ingenii prudentiaeque diuinitate duum luminum coetum confluentium in tersam speculi et solidam cutem (id est diurni luminis et intimi, quod per oculos fluit, trahentis secum de uultu manantem colorem), in speculo corporari coloratisque uultus lineamentis et formato ac deliniato colore simulacrum aemulum uultus adumbrari469.

D’après Calcidius, Aristote pense que l'image spéculaire apparaît à cause de la brisure du rayon visuel : celui-ci va de l’œil au miroir où il se brise et revient vers le visage du sujet percevant. En présentant les diverses théories visuelles, Calcidius avait cité les géomètres (Euclide) en accord avec les péripatéticiens comme adhérant à une théorie mathématique de la propagation des rayons visuels, ce qui n’est pas le cas d’Aristote. Calcidius rapproche donc Aristote des géomètres à cause de la théorie catoptrique reposant sur un rayon issu de l’œil que le Stagirite est contraint d’utiliser dans ses Météorologiques pour expliquer la formation du halo et de l’arc-en-ciel470. Le bref rappel de la théorie géométrique présentée ici comme celle d’Aristote seul montre que Calcidius vise avant tout le Stagirite qui est pour lui le

467 A. H. M. Kessel, « Ancient Systems of Dream-classification », Mnemosyne, 22 (1969) pp. 389-424.

468 J. H. Waszink, « Die sogenannte Fünfteilung der Träume bei Calcidius und ihre Quellen », in Mnemosyne, 9 (1941) pp. 65-85.

469 Calcidius, op. cit.,257, p. 486.14-23. 470 Aristote, Météorologiques, Γ, 4, 373a35.

principal adversaire de Platon et non les géomètres. L’enjeu est la valeur ontologique des images spéculaires.

Platon donne une explication abrégée, qui laisse de côté la lumière du jour : le feu intérieur (issu des yeux) rencontre le feu extérieur (qui se trouve près du visage) sur la surface du miroir. D’après la théorie générale de la vision de Platon, la lumière du jour se combine au feu intérieur en un corps et c’est ce corps qui rencontre le feu issu du visage sur la surface du miroir. Calcidius a voulu éclaircir le passage en introduisant la lumière du jour, mais il ne l’introduit pas au bon endroit : dans son explication, l'image spéculaire apparaît grâce à la rencontre de la couleur qui vient du visage combinée à la lumière de l’œil avec la lumière du jour sur la surface du miroir. Calcidius, incertain peut-être sur le moment et l’endroit où s’effectue réellement la sensation visuelle, a sans doute voulu faire l’économie de deux courants lumineux soutenus par la lumière du jour, l’un issu du visage, l’autre issu de l’œil. En effet, puisqu’il n’y a pas de brisure du rayon visuel et que la couleur ne peut être vue dans l’obscurité, il faudrait que la lumière du jour la soutienne pour qu’elle atteigne le miroir, mais cela ouvrirait une possibilité à toute vision, même la vision directe, de se réaliser non plus là où est l’objet, mais n’importe où à mi-chemin entre l’objet et l’œil, rendant impossible la perception des distances. Utilisant la proximité spatiale entre les yeux et le reste du visage, ainsi que le fait que la lumière de l’œil est un flux défini possédant une direction précise contrairement à la lumière du jour, Calcidius se sert de la lumière oculaire pour « transporter » la couleur du visage. Suivant le texte de Platon, Calcidius revient ensuite sur l'inversion des images dans différents types de miroirs. Il commence par le cas standard où la chiralité est inversée471, puis évoque le cas où l'inversion n'a pas lieu472.

Il faut noter que dans toute cette partie le terme utilisé pour l’image spéculaire est

simulacrum. Calcidius a dit plus haut que l’image spéculaire était fausse (imago falsa) et il termine son exposé sur les miroirs par un renvoi à la partie précédente (De visu) : des philosophes plus jeunes, c’est-à-dire plus jeunes que Platon, ont mis en évidence d’autres erreurs de la vision473. Plus haut dans le texte, Calcidius évoquait un dispositif servant à

471 Calcidius, op. cit., 258, p. 488.1-9 : « Agit nunc de immutatione uisus et, quia specula quaedam facta sunt ad

similitudinem dimidiatae sphaerae concaua, si ad eam partem, quae umbonis habet tumorem, contemplatio dirigatur, dextrae partes sinistrae uidebuntur contraque ; item oculi dextri contemplatio laeuas simulacri partes sinistrique item acies dextras tangent insolito more. Merito ; cum enim in directum rigorem utriusque oculi uisus ferantur, erat consequens dexterioris uisus directione partes dextras tangi sinistrique item sinistras ; nunc fit contra uelut circumactis et e diuerso consistentibus imaginibus ».

472 Ibid., 259, p. 488.10-13 : « At uero dextrae corporis partes ita ut sunt in speculis quoque sinistraeque item

sinistrae uidentur. Persequitur aliud duplicis imaginationis genus quod apparet in his speculis quae facta sunt ad formam cylindri caui siue imbricis ».

473 Ibid., 259, p. 488.20-22 : « Ceteros errores uidendi ab hoc iuniores philosophi mutuati exposuerunt, ita ut

corriger l’inversion des images spéculaires, ce qui, comme il le soulignait, revient à corriger une erreur par une autre erreur474. L’image ainsi obtenue, image fausse d’une image fausse, est donc doublement éloignée de la réalité, même si paradoxalement cela la rapproche de la réalité. Ce type de dispositif permet à l’homme de se rendre compte à quel point il vit dans un monde d’apparences.

L’enjeu de la comparaison de Platon avec Aristote est de déterminer la valeur ontologique de l’image spéculaire. D'après la théorie platonicienne, le simulacrum est une réalité distincte et séparée du sujet percevant, créée lors de la vision, alors que chez Aristote, l'image du miroir n'est pas une image corporelle apparaissant à sa surface, elle est le produit de la vision elle-même, c’est-à-dire qu’elle n’existe pas réellement dans le miroir, mais qu’elle est plutôt une sorte d’illusion d’optique. Chez Aristote, l’image spéculaire est virtuelle, mais fiable, chez Calcidius en revanche elle a une existence réelle, mais par conséquent elle est fausse.

Quand, après avoir parlé des miroirs, Calcidius commente le passage de Platon sur la différence entre les causes principales et accessoires de la vision, déjà fortement biaisé dans sa traduction, son caractère de commentateur chrétien s’affirme. À la place d'un discours général sur les causes, Calcidius esquisse une théorie de la sensation. La vision lui sert de paradigme car elle est le plus important de tous les sens :

Deinde prosequitur : « Qui quidem sensus famulantur actibus opificis dei summam optimamque et primariam speciem molientis ». Quia, cum de uisu loqueretur qui est optimus omnium sensuum, corporeis eum nominibus appellauerat modo « ignem », modo « lumen », interdum « flammam » cognominans, ne quis puteret se ita existimare quasi corporeis opificiis sensus administrentur sine melioris incorporeae potentiae consortio, dicit hos ipsos sensus famulari diuinis actibus, perinde ut opifici famulantur organa475.

L'instrument corporel, la vue, doit être subordonné à une puissance incorporelle, comme l'outil doit l'être au projet de l'artisan. Calcidius déplace le problème : Platon établissait une distinction entre causes principales et causes accessoires, ces dernières n'étant que les instruments utilisés par les causes principales pour agir. Ces causes principales deviennent chez Calcidius des puissances incorporelles qui agissent sur les causes accessoires, devenues puissances corporelles. Ainsi Calcidius introduit-il une nouvelle distinction au

474 Ibid., 240, p. 470.11-14 : « Ita dextri lateris imagine in sinistrum, sinistri etiam in dextrum ob eminentiam

marginis utriusque deiecta, dextrae partes nostrae etiam in speculo dextrae sinistraeque item sinistrae uidebuntur et erit imaginis falsae remedium imago falsa ».

dessus de celle établie par Platon. La distinction corporel / incorporel sert en effet de fondement à sa théorie de la sensation476 et lui permet d'aller beaucoup plus loin que le texte de Platon. Il ajoute en effet à la distinction déjà établie une répartition très néoplatonicienne entre sensible et intelligible. Les sens perçoivent les corps et, de la même manière, l'âme délibérative et intelligente comprend. Puis Calcidius se lance dans une typologie des mouvements de l'âme et du corps issue de la Physique d’Aristote :

Itaque principalis animae motus definitur aeterna substantia semet ipsam mouens, hic uero communis, qui commotus mouet, operatio mouentis est in eo quod mouetur, ut sectio operatio secantis in eo quod secatur. Cuius quidem motus aliquot diuersitates sunt, quas demonstrauit in Legibus, octo corporis, animae duas, corporeum motum locularem uocans cuius duae sunt species - translatio et circumlatio ; item alium quem appellat qualitatem, aeque in duplici specie - concretione et discretione ; tertium quem positum esse dicit in quantitate, habentem item duas species - incrementum et diminutionem ; quartum iuxta essentiam, cuius aeque duae species intelleguntur - una generatio, altera interitus. Animae item duplex motus, unus qui alia mouet, ipse a nullo mouetur sed proprio genuinoque motu ; alius qui alia mouens ab alio mouetur ; qui est patibilis habitus animae et aegritudine oppressus477.

Les mouvements du corps sont d'abord subdivisés en quatre grands types eux-mêmes subdivisés chacun en deux : d'abord les mouvements dans l'espace (déplacements rectilignes ou courbes), puis les changements de quantité (accroissement, diminution), les changements de qualité (altérations), et enfin les changements selon l'essence, la naissance et la mort (changement vers l'être, changement vers le non-être). Cette classification est souvent reprise sous forme de schéma en marge des manuscrits (cf. annexes).

Pour corriger le nivellement involontaire créé par cette typologie, Calcidius signale qu'il faut présenter les choses dans leur ordre naturel, c'est-à-dire du plus important au moins

476 Ibid., 261, p. 490.7-19 : « Haec porro omnia, inquit, neque « sentiunt nec rationem intellectumque in rebus

ratione prudentiaque agendis sciunt ». Praeclare, siquidem ratiocinari et intellegere non corporis sed animae proprium. Haec porro incorporea, non enim uidentur, cum omne corpus sit uisibile ac sentiatur ; itaque, cum discreta sint corpus et anima diuersaque eorum natura sit, dignitas quoque et ordo diuersus est. Quotus quisque igitur amator est sapientiae, dabit operam ut prudentis naturae causas prius quam ceteras assequatur. Sunt porro hae : deliberatiua et item intellegens animae potentia, quibus deliberat ratiocinatur intellegit. Illas uero, inquit, quae ab aliis motae mouent alias, secundas existimandum. Perspicue patibilem partem rationabilis animae uitiosamque significat, in qua est impetus ; quippe impetus principaliter quidem ab ea parte animae mouentur, quae motu intimo genuinoque ex semet ipsa mouetur, ex accidenti uero etiam desideriis mouentibus, ipse autem impetus mouet corpus ».