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Chap. 2 Une région en mutation

2.2 Le rôle d’Ambohibola dans la reconfiguration de la région

2.2.1 Un village tourné vers la mer

Sur la base des généalogies de résidence et des enquêtes réalisées fin 2004, nous avons relevé 163 cases habitables et recensé 587 personnes réparties sur 154 cases enquêtées, soit un taux d’occupation de 3,8 personnes par case pour une population estimée à 622 personnes. Sur cet échantillon, il y a à peu près autant d’hommes que de femmes, avec 216 enfants de moins de 10 ans et 24 personnes de plus de 60 ans (cf. pyramide des âges en annexe 1). Près d’un quart des résidents recensés ici vivent saisonnièrement dans les autres implantations sarà de la région. Une cinquantaine d’entre eux (soit une dizaine de foyers) disposent ainsi d’une case d’habitation à Ambohibola mais vivent sur Nosy Manitsa de façon quasi permanente. La morphologie sociale du village varie donc considérablement d’un mois à l’autre (ou plutôt d’un cycle de marées à l’autre).

Trois groupes principaux sont présents au village. Les Sarà représentent les deux tiers des personnes identifiées (66%). Ils se divisent en 5 lignages principaux : Temaromainty, Temarofoty, Temaroabo, Temangaro et Tekazohandatse (outre la présence ponctuelle de quelques Sarà Tetsivoky dont les implantations principales sont situées à Androka et à Lanirano). Les Tandroy (pour la plupart nés au village) et les Vezo (originaires d’Androka) représentent respectivement 15% et 13% de la population résidente du village. Les 6 % restant de la population regroupent essentiellement des pêcheurs migrants, des opérateurs commerciaux d’origines diverses (Mahafale-Tanalanà, Betsimisaraka, Betsileo…) et quelques épouses mahafale de villageois. Migrants et opérateurs commerciaux sont présents au village depuis moins de trois ans en moyenne.

2.2.1.1 Une activité phare : la pêche

Depuis le peuplement du village à la fin du XIX° siècle, la pêche a toujours représenté l’activité principale de la majorité des résidents d’Ambohibola, tous lignages confondus. Lors du recueil des généalogies de résidence, 142 hommes ayant entre 8 et plus de 60 ans se sont

déclarés pêcheurs (moyenne d’âge 29 ans). Les suivis de débarquements en donnent 155 qui travaillent et résident plus ou moins régulièrement à Ambohibola. Parmi eux, on compte 20 pêcheurs de moins de 14 ans mais qui sont véritablement actifs en mer.

A Ambohibola, un débarquement sur huit est le fait d’une femme. Elles sont 93 résidentes, de 12 à plus de 60 ans (moyenne d’âge de 30 ans) à avoir déclaré travailler en mer, essentiellement dans des activités de pêche à pied. Cependant, si l’on se base sur les suivis de débarquements, seules 46 résidentes ont effectivement été actives en mer.

Toutefois, le nombre de pêcheurs débarquant plus ou moins ponctuellement au village dépassent largement les 201 pêcheurs résidents enregistrés. En 62 journées de débarquements suivis à Ambohibola, nous enregistrons plus de 400 pêcheurs différents ayant utilisé le débarcadère du village (dont près des trois quarts sont des usagers réguliers). Qu’ils soient migrants ou résidents, ils appartiennent principalement aux groupes sarà, vezo et tandroy (cf. graphe 1). 49% 32% 12% 3% 4% Sarà Vezo Tandroy Mahaf ale Autres

Graphe 1 : Origine sociale des pêcheurs ayant utilisé le débarcadère d’Ambohibola (411 pêcheurs différents sur 62 jours de débarquements)

Le secteur halieutique a subi de nombreuses transformations au cours de ce dernier siècle. Contrairement à la situation de l’agropastoralisme dans la région, des productions halieutiques de rente se sont développées depuis plus d’un siècle. Parallèlement aux productions alimentant les marchés régionaux (poissons, poulpes, gonades d’oursins), les pêcheurs ont de plus en plus d’opportunités de débouchés, notamment sur des produits à forte valeur ajoutée

destinés à l’exportation (langoustes, ailerons de requin, poulpes, coquillages commerciaux, holothuries…).

2.2.1.2 Une faible implication dans les activités agropastorales

Une agriculture limitée

Sur l’ensemble des pêcheurs résidents recensés, 8 seulement déclarent associer de façon significative la pêche à des activités agricoles. Il s’agit pour l’essentiel d’originaires des pays mahafale et tandroy ou de Vezo d’Androka résidant durablement au village. Cependant, lors des récits de vie que nous avons recueillis, plus de la moitié des pêcheurs ont déclaré s’être déjà essayés à l’agriculture, même si ce n’était que de manière très occasionnelle. Leurs plus ou moins brefs essais agricoles ont quasi tous eu lieu dans d’autres villages, particulièrement dans les implantations secondaires que sont Nengengy et l’île Nosy Manitsa. Toutefois, nous avons pu observer qu’une dizaine de pêcheurs d’Ambohibola continuent à cultiver annuellement de petites parcelles, majoritairement sur Nosy Manitsa.

Aux abords d’Ambohibola, même si plusieurs champs ont été aménagés par les villageois, rares sont ceux qui continuent d’y cultiver de façon effective (un Sarà et un Tandroy à notre connaissance). A Nosy Manitsa en revanche, lieu privilégié des migrations saisonnières des habitants d’Ambohibola, on dénombre plus d’une cinquantaine de propriétaires et de champs différents dont la plupart ont été créés et bornés il y a moins d’une vingtaine d’années (cf. Partie III). Là aussi du reste, moins de 10 % d’entre eux sont occasionnellement mis en valeur. Tout ce qui y est récolté est destiné à être autoconsommé.

Un élevage de faible ampleur

En raison de leur spécialisation halieutique, l’élevage est une activité peu développée parmi les résidents du village. Il est cependant courant de posséder quelques chèvres et volailles en prévision des sacrifices rituels et autres obligations sociales. La possession de zébus est plus rare (cf. tableau 1).

Bétails volailles

Groupe échantillon bovins caprins ovins porcins dindons poulets canards

Sarà N=58 0,5 3,0 0,1 0,0 0,0 2,4 1,2 Tandroy N=10 0,2 1,8 0,0 0,0 0,0 1,6 0,3 Vezo N=9 4,7 2,6 0,6 0,3 0,0 1,9 0,0 Mahafale N=4 3,8 12,5 0,0 0,0 0,0 2,5 0,3 Total Ambohibola N=81 1,1 3,3 0,1 0,0 0,0 2,3 0,9 Commune d’Androka Source : PCD, 2002 4,6 7,5 0,9 0,005 0,5

Tableau 1 : nombre moyen d’animaux d’élevage par ménage résident (origine sociale du chef de foyer).

Les animaux sont généralement laissés libres de divaguer à proximité du village et sont regroupés le soir afin d’éviter les vols. Ils ne sont que rarement conduits jusqu’à la forêt pour paître. Seuls les enfants d’une douzaine d’années sont parfois envoyés pour accompagner les bêtes. Ceux qui possèdent un cheptel plus important confient généralement leur troupeau à un proche allié agropasteur (frère de sang ou cognat le plus fréquemment). Pour les chèvres, nombreuses sont celles qui sont transportées sur l’île pour y être livrées à elles-mêmes. De ces façons, les pêcheurs résidents du village se prémunissent contre les vols (qui restent assez courants) et limitent la charge de travail qu’impose la conduite d’un troupeau.