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Première partie Introduction

1.1 L’émergence du vieillissement actif sur la scène internationale

1.1.1 Vieillissement actif dans une perspective holistique

Si ces instances européennes focaliseront ultérieurement leurs efforts sur le vieillissement actif en emploi après 2000, l’Année internationale des personnes âgées, organisée par les Nations Unies en 1999, Pour une société pour tous les âges, représente en réalité un « foisonnement des idées » sur la scène européenne » (Moulaert et Léonard, 2011 : 15), mais aussi sur le plan international; l’objectif alors poursuivi par les Nations Unies vise l’intégration de « la question du vieillissement dans tous les secteurs de la société et [l'encouragement des] individus à exploiter leurs capacités à tous les stades de la vie10. L’approche privilégiée met ainsi en relief

la reconnaissance de l’individu, tout au long de sa vie, et promeut le principe de l’activité, comme étant le moteur du développement à la fois de pratiques sociales, citoyennes et d’employabilité (Chamahian, 2009). Cette idée d’un vieillir appréhendé à partir d’une approche en termes de parcours de vie met en scène les travaux de Alan Walker, universitaire expert, interpellé dès le début des années 1990 par la Commission européenne pour réfléchir aux politiques publiques sur le vieillissement (Moulaert et Viriot Durandal, 2013). C’est à l’invitation de la Commission, dans le cadre de ce forum international, qu’il dévoile son approche du vieillir actif, appréhendée dans une perspective holistique :

« The beauty of this strategy is that it is good for everyone : from citizens of all ages as ageing individuals, in terms of maximising their potential and quality of life, through to society as a whole, by getting the best from human capital, extending community participation and solidarity, avoiding intergenerational conflicts and creating a fairer more inclusive society ». (Walker, 1999, cité dans Moulaert et Léonard, 2011 : 16)

Pour Walker (2002 : 124), le terme actif est compris comme « la poursuite d’activités significatives qui contribuent au bien-être d’un individu, ou de sa famille, de sa communauté

locale ou encore, de la société; il ne devrait pas se restreindre au travail rémunéré et à la production » (traduction libre). C’est dans cette perspective que l’Organisation mondiale de la Santé, aux termes de consultations et délibérations avec ses experts, dévoile son cadre d’orientation Vieillir en restant actif, lors de la deuxième Assemblée mondiale des Nations Unies sur le vieillissement (Walker, 2008). Sans surprise, ce cadre témoigne de l’intérêt de l’OMS pour la santé et le rôle de l’activité dans le maintien d’un bien-être physique et mental11. Le vieillissement actif est défini comme suit :

« Vieillir en restant actif est le processus consistant à optimiser les possibilités de bonne santé, de participation et de sécurité afin d’accroître la qualité de la vie pendant la vieillesse. […] Un vieillissement actif permet aux personnes âgées de réaliser leur potentiel de bien-être physique, social et mental tout au long de leur vie et de s’impliquer dans la société selon leurs besoins, leurs souhaits et leurs capacités, tout en jouissant d’une protection, d’une sécurité et de soins adaptés lorsqu’elles en ont besoin ». (OMS, 2002 : 12).

L’approche de l’OMS souhaite ainsi prendre en compte l’ensemble des activités permettant un bien vieillir (« activités économiques, sociales, spirituelles, culturelles et citoyennes ») (Ibid : 12). L’accent est ainsi mis à la fois sur l’activité en termes d’emploi et du maintien de la santé, que sur la préservation du lien social et de la solidarité intergénérationnelle (Ibid). Chaque individu est invité à participer activement à son mieux-être en vieillissant, et ce, en adoptant tout au cours de sa vie des pratiques favorables au maintien d’une bonne santé. Basé sur trois piliers, soit la participation, la santé et la sécurité (OMS, 2002 : 45), le cadre expose une série de mesures tangibles afin d’aider les États nations à développer des politiques respectant le cadre de référence proposé. Précisons également que l’approche transversale et

11 Le cadre de 2002 émane des travaux du programme OMS Vieillissement et qualité de la vie (OMS, 2002 : 2).

Ce programme, anciennement nommé Santé des personnes âgées et, en 1995, Vieillissement et santé et, depuis 2000, Vieillissement et qualité de vie.

préventive de la santé de l’OMS s’ancre non seulement dans des dimensions comportementales, individuelles et communautaires, mais aussi environnementales (Moulaert et Viriot Durandal, 2013). De fait, les villes, leurs parcs urbains et leur offre en matière de qualité de vie pour les citoyens aînés sont identifiés rapidement comme étant un vecteur-clé, un levier incontournable du développement et de la mise en œuvre du vieillissement actif :

« Les personnes âgées, en particulier, ont besoin d’un cadre de vie favorable et porteur qui compense les transformations physiques et sociales associées au vieillissement. […] Pour promouvoir le bien-être et les contributions des citadins âgés et maintenir la prospérité des villes, il est nécessaire et logique de rendre les villes plus accueillantes pour les aînés ». (OMS, 2007 : 4

C’est en vue de répondre à cette priorité visant la promotion du vieillissement actif au sein des villes que l’OMS a déployé une vaste « approche participante ascendante » qui a permis de consulter les personnes âgées sur leur réalité et ainsi d’inscrire leurs besoins dans les politiques publiques » (OMS, 2007 : 7). Des groupes de discussion et des consultations réunissant différents acteurs et organisations aux quatre coins du monde ont été conviés à la démarche de l’OMS12. Au total, 35 villes réparties dans plus de 22 pays, en majorité industrialisés, ont participé au projet et ont ainsi contribué à la labellisation des Villes amies

des ainés (VADA) (OMS, 2007). Ces VADA concrétisent dès lors « le passage d’une notion

analytique à un référentiel opérationnel dans le diagnostic élargi de la notion, tant pour les acteurs politiques et les professionnels du développement local que pour la communauté scientifique (Moulaert et Viriot Durandal, 2013 :19). Le rayonnement des programmes VADA au Québec, comme nous l’exposerons plus loin, vient également confirmer cette hypothèse.

12 Pour davantage de précisions méthodologiques, voir le Guide mondial des villes amies des ainés (OMS, 2007 :

Dix ans plus tard, après la deuxième Assemblée mondiale de 2002, l’Année européenne du

vieillissement actif et de la solidarité intergénérationnelle de 2012, organisée par l’Union

européenne, représente un « événement clé pour l’introduction du vieillissement actif sur la scène internationale » (Moulaert, 2014 : 66). Si d’aucuns avaient d’ores et déjà anticipé la centralité accordée à la dimension de l’emploi des séniors, dans la continuité des années 2000 (Moulaert et Léonard, 2011 ; Walker et Malby, 2012), en 2014, Moulaert précise qu’il apparaît dorénavant « excessif » de « réduire la perspective européenne de 2012 à la question de l’emploi » (p. 68). De fait, le référentiel mis de l’avant par l’UE s’apparente davantage à la définition élaborée par l’OMS :

« Le vieillissement actif a trois grandes implications : 1) permettre aux femmes et aux hommes de travailler plus longtemps. En surmontant les obstacles structurels (notamment le manque de soutien pour les soignants informels) et en proposant des mesures incitatives appropriées, il est possible d’aider de nombreuses personnes âgées à rester actives sur le marché du travail, avec des avantages systémiques et individuels; 2) faciliter la citoyenneté active au moyen d’environnements favorables qui tirent parti de la contribution que les femmes et les hommes âgés peuvent apporter à la société; 3) permettre aussi bien aux femmes qu’aux hommes de rester en bonne santé et de vivre de façon autonome lorsqu’ils vieillissent, grâce à une approche du vieillissement en bonne santé, fondée sur le parcours de vie, associée à un logement et des environnements locaux adaptés qui permettent aux personnes âgées de rester chez elles aussi longtemps que possible. » (Commission Européenne, 2012)

Mettant de l’avant la solidarité intergénérationnelle comme notion s’inscrivant en filigrane des actions promouvant le vieillir actif 13 (Ibid, 2012), il est néanmoins trop tôt pour analyser les effets tangibles de ce forum tenu en 2012 (Moulaert, 2014). En définitive, l’approche de l’OMS et les efforts mis à son opérationnalisation ont joué un rôle nodal dans l’itinéraire a

13 Rappelons que le concept avait été l’objet de l’Année européenne des personnes âgées et de la solidarité entre

les générations, en 1993, et qu’à ce titre, l’une des trois cibles d’action avait comme objectif de « renforcer la

solidarité entre les générations et l'insertion des personnes âgées menacées par l'isolement » (Commission européenne : http://ec.europa.eu/employment_social/soc-prot/ageing/intro_fr.htm, consulté le 29 avril 2015).

priori d’une notion vers un cadre référentiel guidant l’action publique (Moulaert et Viriot-

Durandal, 2013). Par-delà l’influence de l’OMS, le vieillissement actif s’érige aujourd’hui comme un référentiel « polymorphe » (Moulaert et Viriot-Durandal, 2012) « dont le sens varie en fonction de ses lieux et temps de production […] des contextes et des acteurs qui l’utilisent » (Moulaert, 2014 : 65). En outre, certaines instances supranationales, comme l’OCDE et le Bureau international du travail, mobilisent davantage les dimensions relatives à l’emploi des travailleurs âgés ainsi qu’aux politiques de retraite (Moulaert et Viriot Durandal, 2012). D’autres, comme l’OMS, nous l’avons vu, promeuvent une approche transversale, alliant à la fois les dimensions économique et sociale du vieillir-en-restant-actif-et-en-santé. Cette vision paradigmatique est aussi promue dans le champ de la recherche, notamment par Walker, dont les écrits ne cessent de réitérer la pertinence de « son » approche, ses principes et ses défis afin de surmonter les obstacles relatifs à sa complète mise en œuvre au sein des dispositifs supranationaux et nationaux (Walker, 2002; 2006; 2008, 2014). Prenant acte du caractère polysémique du vieillir actif, la section suivante s’attardera à ce référentiel sur la scène québécoise en analysant son émergence depuis la fin des années 1990, jusqu’à son ancrage dans la récente politique-cadre sur le champ du vieillissement en 2012.