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II. Partie théorique 2 : des problématiques autour des activités physiques et sportives

II.3. Les vertus du sport remises en question

Isabelle Queval (2004, p. 330) dénonce tout en modération, en ce début de vingt et

unième siècle, l’avènement d’une « société dopante » adossée à la double stimulation du

progrès et du pouvoir de la science ». Elle en appelle à la mise en œuvre de comité d’éthique pour que le sport contemporain permette davantage l’accomplissement de soi que le dépassement de soi hors limites naturelles. Dans une approche plus radicale, Vassort (2002,

2010) et Bröhm (2006), Perelman (2010), considèrent que l’amitié, la solidarité ne seraient

pas inhérentes à la pratique du sport tout comme le respect, la fraternité, valeurs a priori positives ne seraient pas de fait véhiculées par le sport et appris par sa pratique. Les auteurs

dénoncent ainsi l’alibi des vertus pédagogiques du sport, en particulier le respect des règles et des lois, le respect des autres, et l’initiation à la vie collective. Ils critiquent l’affairisme, le

mercantilisme, la corruption, la barbarie, la violence du sport et dans du sport. Celui-ci fonctionnerait sur « une idéologie de la sélection fondée sur la violence et la force », il

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accentuerait le processus de domination et d’aliénation lié à l’idéologie capitaliste et ses

diverses formes de retentissement sur les sportifs amateurs et de haut niveau.

Prenant le contre-pied de Patrick Vassort & Jean-Marie Bröhm, Dupuis et coll., (2006)

tentent de répondre à la difficile analyse du sport vecteur d’insertion et d’intégration de la

population des jeunes. Ils affirment que le lien social se développe grâce « au respect, au dépassement de soi, à la solidarité » qui traversent la pratique sportive. Le sport favoriserait

selon les auteurs, l’insertion et l’éducation au respect des règles spécifiques à la pratique

sportive et au respect des autres. Knobé (2004), Falcoz et coll, (2005), Vieille Marchiset, et al., (2009), Koebel (2010) nuancent cependant cette approche en réaffirmant que par essence

le sport n’est pas vertueux, que les réalités sont souvent déformées par des représentations

sociales très humanistes de la problématique de la prévention et de l’insertion sociale par le sport.

Les valeurs historiques de santé, de loyauté, d’éducation, de solidarité, de persévérance, de respect, attachées à la positivité du sport sont aujourd’hui encore avancées

par les responsables politiques des quartiers et les personnes en charge du sport. Ces valeurs

s’accompagnent fréquemment aujourd’hui de progrès des sciences, de progrès de l’homme, (Adam, 1975) et d’une mise en avant du rôle social et emblématique du champion, Jeu (1992,

1ère éd. 1987), Caillat (1998).

Ces valeurs étaient déjà stigmatisées par Baquet (1947, p. 10) pour qui « le sport a des vertus : mais des vertus qui s'enseignent », ce qui signifie que « la pratique sportive peut aussi bien constituer un facteur d'intégration qu'un facteur d'exclusion », Gasparini (2004, p. 104).

Cette dualité dans les fonctions du sport se rencontre chez l’historien du sport Gilbert Andrieu (2009) qui s’amuse à plagier la célèbre sentence de Maurice Baquet en écrivant « si le sport a des vertus elles ne s’enseignent pas… ce que nous enseignons par le sport c’est la robotisation

du sport » (2009, p. 194), il s’interroge quelques lignes plus loin « quand le sport sert à

canaliser la violence et quand on forme un gardien de prison pour l’enseigner, le sport ne

devient-il pas un agent de répression ?» (2009, p. 194).

Qu’en est-il des sites de la pratique sportive dans le milieu urbain ? Ce sont des

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plages ou les jardins ; des espaces naturels de loisirs comme les parcs ou les chemins de forêt ; des espaces piétonniers et cyclistes tels que les allées et les pistes cyclables et enfin des espaces sportifs comme les aires de jeux, les plateaux sportifs à libre accès : city-stades.

Le nombre croissant de pratiquants sportifs et la diversification des activités physiques et sportives ont amené les chercheurs à suggérer des approches scientifiques sociales, politiques, culturelles et géographiques, pour expliquer les multiples impacts du sport dans la

société. À titre d’exemple, Fodimbi (1999, p. 36) disait que « le sport, comme toutes les

activités culturelles, est soumis au changement. Toutes se transforment, se modifient en même temps que se modifie et se transforme la société, et elles agissent en retour sur elle». La croissance et la diversité du sport marquent une évolution dans le sens donné aux pratiques sportives. La même année, Augustin écrivait que le sport et les activités physiques « ont conquis leur place dans les espaces de la société où des milliers d’équipements ont été édifiés, tissant un véritable maillage dans les villes et participant à leur fonction culturelle, leur expression et leur présentation» (1999, p. 11).

En prenant pour exemple les activités physiques et sportives liées au sport de glisse, Loret (1995) présentait ces sports comme un véritable bouleversement de valeurs et de

normes symboliques du sport traditionnel permettant d’envisager la présence d’une nouvelle

culture sportive. En parlant des pratiques acrobatiques et déambulatoires telles que les :

skateboard, roller, le bicross, B.M.X, le V.T.T., etc …, l’auteur montrait que les nouveaux

sports apportent des règles et des valeurs neuves distinguant « la connivence de la domination, la personnalisation de la hiérarchisation, la similarité de l’altérité, le libre arbitre de l’arbitre,

l’émotion de la raison, la participation de la confrontation» (1995, p. 16). Enfin, pour comprendre l’évolution du sport contemporain et son influence sur les relations sportives, Loret a donné sa propre analyse lorsqu’il a qualifié la culture sportive de « digitale » et

« d’analogique ». Le monde sportif traditionnel apparaît, selon l’auteur, comme un monde

nourri par des chiffres, qui s’intéresse seulement au classement et qui s’inscrit dans un

« système culturel de nature numérique » que l’auteur nomme : « la culture sportive digitale ».

En revanche, les sports qui se pratiquent en dehors du milieu institutionnel, s’inscrivent dans

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