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Sexuation des sports et conséquences sur l’identité sexuée des pratiquantes

II. Partie théorique 2 : des problématiques autour des activités physiques et sportives

II.6. Le sport au féminin, une construction sociale inachevée ?

II.6.4. Sexuation des sports et conséquences sur l’identité sexuée des pratiquantes

pratiquantes

La sexuation des activités corporelles et sportives semble agir aujourd’hui encore en

2012 alors que les fédérations tentent a priori de mobiliser les jeunes des deux genres. Certaines filles et certains garçons transgressent cet ordre social au risque d’être en 2012 encore stigmatisés. Comment expliquer que les footballeuses ne représentent que 2 % des licenciés du football en France ? Louveau (2006, p. 124) apporte des éléments de réponse, confortant une distribution fortement expliquée par l’origine sociale, « Initiées très souvent par leurs pères et leurs frères, ces pratiquantes de sports de tradition masculine se recrutent dans les milieux sociaux – populaires – où ces sports sont développés. D’autres femmes sont aussi sur des « territoires » masculins, elles pratiquent la voile hauturière, l’alpinisme ou

encore des sports avec engins à moteurs, motocyclisme, automobile. Elles sont d’origine

sociale aisée et peu nombreuses ».

Aujourd’hui, les femmes sont investies dans le milieu sportif des hommes ; elles sont des sportives pratiquant toute sorte de sport qui exige d’avoir de la force, de recevoir ou de

porter des coups, de prendre des risques corporels tels des sports avec engins à moteurs (motocyclisme, automobile), la pratique de la voile hauturière, l’alpinisme ou encore

l’haltérophilie. Davisse & Louveau (1998, p. 150) ont constaté que, quelle que soit la

discipline sportive pratiquée, les femmes « doivent de plus en plus fréquemment recourir aux signes surajoutés de parure pour signifier leur appartenance de sexe. Il n’est pas exclu que

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nombre de sportives évitent ainsi la « confusion de genre » qu’elles pourraient encourir en «

restant nature », alors que leurs morphologies sont de plus en plus fréquemment proches de celles des hommes (par les effets des méthodes de l’entrainement et de la préparation physique), alors que les regards portés sur elles sont presque toujours prédisposés à la souligner ».

Dans notre période actuelle dit postmoderne, Laberge (1995) confirmait que le champ

des pratiques d’activités physiques et sportives est un réel exemple des nouvelles diversités

des dispositions de genre ; les théories prenant en compte que les dispositions féminines sont propres aux femmes et que les dispositions masculines sont propres aux hommes ne sont pas tout à fait valables.

L’engagement des femmes dans un sport dit « masculin » a conduit certains auteurs à

traiter la problématique de dispositions sexuées « inversées ». À titre d’exemple, Mennesson

(2004) a travaillé sur l’expérience des femmes investies dans des sports de haut niveau: le

football et les boxes "poings-pieds". L’enquête menée par l’auteur a confirmé que le milieu du football favorise un renforcement des dispositions « masculines » dites « inversées », alors que celui de la boxe implique un travail important de « féminisation » de l’hexis corporelle ». Ici, nous faisons référence à Bourdieu (1980) qui a défini que « l’hexis corporelle » est un

ensemble de dispositions de pratiques corporelles, manière de tenir et d’exercer le corps,

construite socialement comme « féminine » ou « masculine ».

Mennesson (2004, p. 76), montre que « dans le football, on assiste plutôt à une solidification des dispositions sexées « inversées ». Le perfectionnement physique et technique renforce en effet le caractère « masculin » de l’hexis corporelle des joueuses.

L’évolution en groupes exclusivement féminins facilite également l’adoption de positions critiques à l’égard des normes sexuées dominantes ».

L’auteur expliquait que les dispositions sexuées « inversées » sont dues à l’influence d’une double socialisation. D’une part, c’est la socialisation sportive familiale. Les filles se

révèlent être le modèle du « garçon manqué » dans certaines familles où les fratries sont exclusivement féminines. Elles se trouvent ainsi, investies dans un sport masculin pour répondre en quelle que sorte aux attentes fortement déçues des pères. De plus, la présence des

frères proches en âge fait que les sœurs suivent leurs jeux masculins et sont présentes, en se cachant parfois, sur les terrains sportifs. D’autre part, c’est la socialisation développée au sein

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jeux avec des garçons, favorisant leur puissance physique et améliorant leur agressivité dans le jeu.

En outre, Laberge (1994, p. 61) démontrait qu’une femme pratiquant du sport masculin tel que le rugby ou le hockey sur glace, traitée de personne agressive ou de « garçon manqué », « n’échappe pas aux stéréotypes de genre ». Cependant, cette femme qui agit comme un homme suite à sa pratique identifié comme masculine « elle porte un trait de

féminitude en raison de l’existence et de la persistance d’une représentation du corps

biologique féminin ».

Pour conclure, nous ne développons pas dans notre enquête l’idée précédente mais

nous considérons qu’il est important de montrer les diverses problématiques abordées ces

dernières années autour du sport féminin, et plus particulièrement autour du football féminin. Nous soulignerons également le rôle familial et son influence sur l’engagement sportif des jeunes des deux genres, la famille étant une structure essentielle dans le processus de

socialisation des adolescents. Lara Muller (2003) a observé que l’investissement familial dans

le milieu sportif, notamment celui du père, influence fortement la pratique sportive dite « masculine » des enfants des deux genres. Dans ce sens, les configurations familiales pourraient expliquer les trajectoires individuelles et collectives. Lors de notre enquête sur le sport dans le quartier des 3Cités de Poitiers, nous tenterons ainsi de montrer que la famille

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DEUXIEME PARTIE :

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Nous allons exposer dans ce chapitre notre cheminement méthodologique qui ne

s’éloigne pas, semble-t-il, des études socio-anthropologiques instruites de l’enquête de terrain et d’une attention aux individus du terrain enquêté. Rappelons nous d’Augé (1992, p. 30) qui disait, « ce n’est pas simplement parce que la représentation de l’individu est une construction sociale qu’elle intéresse l’anthropologie, c’est aussi parce que toute représentation de l’individu est nécessairement une représentation du lien social qui lui est consubstantiel…Le social commence avec l’individu ; l’individu relève du regard ethnologique ».

Parce que, « la méthode - venant de « methodos » est le chemin qui conduit à une vérité » (Durand, 2000, 1ère éd.1996), nous allons à travers nos méthodes, apporter un regard social, au sens scientifique, à la réalité des activités physiques et sportives pratiquées dans un quartier sensible. La sociologie « comme une branche des sciences sociales…se propose

d’étudier tout ce qui se rapporte à la vie en société…une discipline qui peut apporter des éclairages permettant d’expliquer et de comprendre le fonctionnement de la société »

(Corneloup, 2002, p. 13-14). De fait, la sociologie du sport permet de comprendre l’action de

l’individu liée à son univers à la fois sportif et social. Lier le sport à la société signifie, à notre sens, lier le sport aux changements de la vie quotidienne, de la vie urbaine, à l’apparition d’une logique de consommation, à la construction d’une société industrielle…

Le sociologue, soulignent Mendras & Etienne (2003, p. 94), « doit donc aborder

l’étude des faits sociaux avec le même état d’esprit que le physicien ou le chimiste aborde les

faits de nature : comme s’il ne les connaissait pas. Il doit donc mettre entre parenthèse

l’expérience personnelle qu’il peut avoir de la vie sociale. Cette prescription est d’autant plus

difficile à suivre en sociologie que le sociologue est aussi un acteur de la vie sociale : il est impliqué dans une vie familiale, politique et religieuse dans laquelle il peut s’engager avec passion ».

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Nous avons élaboré une méthodologie permettant de décrire la représentation des activités physiques et sportives pratiquées dans le quartier des 3Cités, un milieu défavorisé de

la ville de Poitiers. L’objectif attendu, à travers notre démarche méthodologique, peut avoir un double sens. D’une part, il vise à favoriser une connaissance socio-sportive du public

pratiquant des activités physiques et sportives dans le quartier des 3Cités. D’autre part, il

ambitionne d’étudier et d’analyser l’écart entre la politique sportive affichée par la ville de

Poitiers dans les quartiers sensibles et celle qui est réalisée in situ et ressentie par les multiples acteurs du quartier.

Afin de faciliter la lecture de cette partie méthodologique, nous présentons les cinq

dimensions de la procédure de l’étude :  Le choix du terrain

 Le choix de la population enquêtée

 Le déroulement de l’enquête selon le lieu des entretiens  Les méthodes de recueils des données

 Le choix d’analyse de traitement des données