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II. Partie théorique 2 : des problématiques autour des activités physiques et sportives

II.2. Pluralité des définitions du sport

Les sociologues et historiens qui ont tenté de définir le sport en soulignent la

dimension complexe car subjective, la définition du sport aujourd’hui serait de fait plurielle

car il existerait non pas un mais plusieurs sports (Defrance, 1995), non pas un seul système des sports (Pociello, 1995) mais plusieurs (Yonnet, 1998), Irlinger, Louveau, Métoudi (1988)

allant jusqu’à formuler que « le sport, c’est ce que font les gens quand ils pensent qu’ils font

du sport ». Définir le sport moderne renverrait implicitement à prendre position et à atténuer certaines finalités, formes et modalités, conséquences de la pratique.

Pour expliquer la diversité des définitions du sport, nous nous tournerons vers les nuances qui sous-tendent son origine historique. Sans entrer dans une taxonomie exhaustive citons deux explications souvent rencontrées dans la littérature. Avec des auteurs comme

Roger Caillois (1958), Bouet (1968) le sport trouverait son origine dans le jeu. L’universalité

du sport ferait écho à son origine grecque selon Bernard Jeu (1992, 1ère éd. 1987) alors que pour Vigarello (2002) elle serait liée à une conjoncture historique, politico-sociale très favorable à son émergence.

Le sport contemporain, selon de nombreux historiens du sport, est apparu avec la montée du capitalisme industriel. Elias & Dunning (1986), Chartier (1994, p. 24) ne dérogent pas à cette approche et associent au développement du sport, un processus civilisateur. Le

sport était historiquement un moyen de s’éloigner de la guerre donc il ne devait pas être

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des affects » (1994, p. 25), autrement dit pratiquer du sport ce serait apprendre à être mesuré, tolérant, à respecter son environnement humain, à entrer dans un processus de socialisation. Selon Elias & Dunning (1986, p. 38), le sport est un moyen de lutter contre la violence, « on

se sert du sport pour faire admettre aux individus qu’ils ne doivent pas exercer la violence. On

va apprendre à ne pas avoir de goût pour la violence ». Par conséquent, ce n’est pas le sport qui est violent mais la société « quand on voit que le sport devient violent, c’est faux car c’est la société qui devient violente ». Les violences qui se jouent aujourd’hui dans le sport sont surtout symboliques selon Bernard Jeu (1975, 1987), le sport abandonnant même ses fonctions rituelles (Chartier & Vigarello, 1982).

Cette approche est aujourd’hui nuancée par Singaravélou & Sorez (2010) qui

analysent dans une étude pluridisciplinaire le processus de sportivisation des populations colonisées par les européens. Ils interrogent ainsi la « mission civilisatrice » instrumentée par

les pratiques sportives montrant que si le sport discipline le corps il est aussi l’objet de

transformations, de réappropriations par les populations colonisées. Dans le prolongement de cette perspective nous nous appuierons sur les travaux sociologiques de Stéphane Héas (2010) qui enquête auprès de « virtuoses du corps », montrant que les performances corporelles

renvoient à des valeurs traditionnelles du sport. Ainsi par exemple, la performance n’échappe pas à la nécessité d’entraînements répétés, intenses où la présence du public est susceptible de

jouer un rôle soit inhibiteur soit au contraire facilitateur de prouesse corporelle. Les travaux de Héas nous intéressent car ils questionnent la difficulté d’accepter les différences et à travers elles les attitudes non-conformistes qui par voie de conséquence risquent de générer

des difficultés d’ordre social, voire politique.

Le sport serait un terme polysémique et aurait une définition complexe, il fait partie selon Gasparini & Vieille Marchiset (2008, p. 18) « de ces mots piégés, de ces signifiants flottantes, de ces concepts multi référencés, difficiles à circonscrire ». Ne renvoie-t-il pas

tantôt au sport d’élite, tantôt au sport scolaire, sport handicap, sport loisir, sport pour tous,

etc ? Le sport fait en quelque sorte le grand écart, il peut avoir un sens strict, réservé à des situations motrices organisées sur un mode de compétitions et gérées par des institutions, mais le sport peut aussi comporter un sens ludique de loisirs, quand il s’agit d’un match du samedi après-midi entre amis.

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Le sport nous apparaît à l’image de Pociello (1995) comme un objet éclectique et

paradoxal, se rencontrant à la fois à proximité des immeubles comme sur les stades olympiques, paradoxal ; il recouvre des activités classiques, fédérales et habituelles, mais aussi, des activités modernes, urbaines et novatrices.

Le sport apparaît ainsi tel un concept qui se redéfinit en continu, le paysage sportif se recomposant sans cesse, ce qui nous permet souvent de penser que le monde sportif reste vivant et en évolution. Dans ce sens, les équipements sportifs, les espaces de la pratique

sportive, qu’ils soient couverts ou ouverts, ont modifié, selon Vieille Marchiset (1999, p. 55),

les paysages urbains, car selon l’auteur « les pratiques sportives sont consommatrices

d’espaces ». De plus, Augustin (2007) indiquait que le sport est lié directement à l’espace en participant à son organisation. L’installation des sites sportifs transforme l’image des lieux

urbains en favorisant une appropriation culturelle et sociale. Dans ce sens, les équipements

sportifs, comme les autres structures culturelles d’une ville : théâtre, aires de loisirs, parcs

publics, dessinent à notre point de vue, le paysage urbain ; « les cultures sportives sont devenues des organisateurs sociaux et spatiaux structurant les sociétés. Dans les aires centrales des grandes villes, dans les banlieues organisées, dans les périphéries urbaines et dans les espaces de nature le sport impose sa marque et s’affiche comme un révélateur des spatialités contemporaines » (Augustin, 2007, p. 9).