• Aucun résultat trouvé

Des enquêtes révélatrices de la domination masculine dans l’accès aux sports

II. Partie théorique 2 : des problématiques autour des activités physiques et sportives

II.6. Le sport au féminin, une construction sociale inachevée ?

II.6.2. Des enquêtes révélatrices de la domination masculine dans l’accès aux sports

sports

Le législateur réaffirme dans les années 2000 la nécessité de l’accès aux femmes à

tous les niveaux de responsabilité comme un critère sur lequel repose la décision d’agrément des politiques publiques du sport. L’investissement de Marie-Georges Buffet, ministre des

99

sports est poursuivi par J-F Lamour à travers des Etats généraux en 2002 qui placent la promotion de la démocratisation avec la parité entre les sexes parmi les objectifs poursuivis, « le volet réaffirmant le rôle citoyen du sport se traduit par des exigences auxquelles sont soumises les associations sportives », rapportent les historiens du sport Lassus, Martin, & Villaret (2007, p. 151-153). « Le sport pour tous », « tout le monde fait du sport », « sportez- vous bien » sont des messages politiques adressés à tous public, ils voudraient favoriser à la

fois la pratique sportive féminine et la pratique sportive masculine, l’envie politique que les

femmes deviennent des sportives se manifestant de façon récurrente dans les années 2010.

Ainsi, ces dix dernières années, nous observons une légère évolution du nombre de

femmes pratiquant des activités sportives. En s’appuyant sur les premiers résultats de l’enquête « Pratiques sportives » réalisée en 2000 par le Ministère de la Jeunesse et des Sports

(MJS) et l’Institut National du Sport et de l’Education Physique (INSEP), Bouffin (2004) citait que « 79% des femmes et 88% des hommes de 15 à 75 ans déclaraient pratiquer en 2000 des activités physiques et sportives ». De plus, une étude de 2007 sur l’évolution de la

pratique licenciée, menée par la Mission des Etudes, de l’Observation et des Statistiques

(MEOS) du Ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports, montre que les femmes représentaient 35% des licences sportives en 2006, contre 33% en 2001. (Bouffin, 2007, p. 1)

En outre, la pratique sportive féminine a toujours été comparée à celle des hommes.

En partant des résultats de l’enquête de 2000, Mignon & Truchot (2001, p. 1) déclaraient que

« le sport au féminin diffère encore sensiblement du sport au masculin, qu’il s’agisse des

disciplines choisies, de l’intensité des activités au cours de la vie, des lieux de pratique ou encore de l’engagement dans la compétition : sur plus de 8 millions de compétiteurs,

seulement 24 % de femmes. Certains sports, récemment ouverts aux femmes, restent encore très masculins : 8 % des 4,6 millions de personnes jouant au football sont des footballeuses ».

Les travaux de Stéphane Héas & Dominique Bodin, dans leur Introduction à la sociologie des sports (2002), dressent un portrait de la femme qui fait du sport. Selon Héas &

Bodin, la probabilité de pratique croît quand la femme est jeune, qu’elle habite Paris ou une

grande agglomération, n’a pas d’enfant, dispose d’un revenu conséquent, possède des diplômes supérieurs, et appartient aux cadres et professions intellectuelles supérieures. Selon

100

une enquête pilotée par Marie Choquet et coll., (2002), sur les jeunes et la pratique sportive l'activité sportive montre qu’à l'adolescence les troubles et conduites associés seraient plus importants chez les filles que chez les garçons, mais que si 3 garçons sur 4 pratiquent du sport

régulièrement, seulement 1 fille sur 2 s’investit dans le sport, sans pour cela être licenciée et participer à des entraînements et à des formes compétitives. L’enquête de l’INJEP montre

également que cette distribution inégale entre adolescents des deux genres connaît une baisse forte après 15 ans, sachant que 14 % de filles n’ont jamais pratiqué le sport contre 8% pour les

garçons, données qui participent de l’approche de Dafflon-Novelle (2006) qui souligne que la

socialisation sexuée affecte surtout les filles qui vivent les stéréotypes de sexe comme des freins à la pratique de tous les sports.

Les données de l’enquête sur les « Sports et sportifs en France » (Aubel, Lefève, &

Tribou, 2008), confirment que le genre constitue un marqueur de différenciation, les femmes

s’investissent moins, dans les activités fédérales, les compétitions, les fonctions de dirigeants,

en particulier les dirigeants à haut poste de responsabilité, et ceci quelque soit de domaine, « Entraînement, direction technique, présidence, où sont les femmes ?» interroge le titre un

article de l’Equipe féminine, supplément du 14-10-2006. On peut y lire « pas question que les

femmes accèdent aux sphères du pouvoir et trouvent une place ailleurs que sur les stades ». Au bureau exécutif du CNOSF, aucune femme ; aucune femme à la tête d’une Fédération sportive olympique, les femmes, Directrices Techniques Nationales (DTN), sont des exceptions, telles Brigitte Deydier en judo et Isabelle Gautheron en triathlon, les entraîneurs nationaux, inférieures à 10 % comme Laurence Billy et Patricia Djate en athlétisme.

Ceci illustre le difficile cheminement de l’égalité entre hommes et femmes, le difficile accès au pouvoir décisionnel, et le monde du sport n’y échappe pas, en particulier celui du

sport de haut niveau, habité semble-t-il par un modèle patriarcal récurrent. Pour illustrer cette situation soulignons que la médiatisation des sports féminins demeure inégalitaire, en 2010

par exemple, parmi les sports diffusés plus de trois heures d’antenne cumulés, plus de 1000h

on été consacrées aux sports masculins tels que le football, le rugby, la formule 1, les sports à dominante féminine tenant une place marginale avec 20h consacrées à la gymnastique, ce sport étant le seul à figurer parmi les pratiques les plus diffusées avec le tennis, sport mixte. « Dans un tel contexte médiatique, le sport est associé le plus souvent à un monde d’hommes où les femmes ont peu de place » scandait déjà Natacha Ordioni (2002 p. 66).

101

Au terme d’entretiens où elle donne la parole à des experts, à des associations

féministes et surtout à des championnes en quête de reconnaissance, dans une enquête récente,

Fabienne Broucaret (2011) recueille l’avis et les représentations sociales d’actrices de la vie sportive, d’expertes, de représentantes d’associations féministes où elle mesure que le sport

féminin demeure un bastion du sexisme en France. Elle rejoint les nombreux sociologues tels Mickaël Attali (2004) qui considèrent que la pratique sportive serait une sorte de « maison des hommes », l’institution sportive assurant une sorte de « conservatoire des vertus viriles »

selon l’expression accordée à Vigarello, « où se joue la reproduction d’une domination masculine basée sur la hiérarchie corporelle et l’affirmation des critères de la masculinité »,

(Attali, p. 129).

Il est permis de s’interroger avec Françoise Labridy (1987, p. 248) pour savoir si les

dirigeants, les entraîneurs, les présidents de fédérations et de clubs sportifs, ont réalisé « leur révolution copernicienne », si « l’homme est toujours le centre de leur monde, les femmes

n’en sont que des satellites mineurs ne contrariant aucunement son apogée ».