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Développement des activités physiques et sportives non-institutionnelles en milieu urbain et

II. Partie théorique 2 : des problématiques autour des activités physiques et sportives

II.5. Le sport dans les quartiers sensibles, vecteur d’insertion, d’intégration ?

II.5.3. Développement des activités physiques et sportives non-institutionnelles en milieu urbain et

Depuis les années quatre-vingts, l'art a été très présent dans la rue, selon Vulbeau & Berreyre (1994, p. 14), il marque « le visage des villes ». L’art est alors accompagné d'une nouvelle démarche artistique un peu floue, frappant aux portes des espaces culturels traditionnels de la ville. Ce nouveau phénomène de mode urbaine s'attache particulièrement aux jeunes dans une période de leur vie marquée par l'expérimentation. La rue, du mot latin ruga, c’est-à-dire ride du visage, est « un espace de liberté, un lieu où l’on peut retrouver une certaine forme de famille, où tout est possible, où chaque instant est une aventure, où on trouve la haine mais aussi l’amour » (Vulbeau & Berreyre, 1994, p. 170). Elle est la scène

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d'une belle histoire écrite en pleine liberté. Ils participent d’un langage, d’attitudes, de style vestimentaire, de valeurs et d’usages particuliers des espaces publics. Ce sont par exemple les

danseurs de hip-hop, les rappeurs, les musiciens de techno, de rock et les tagueurs.

La ville offre, sur le plan sportif, le spectacle de sport « auto-organisé », « libre » ou encore « informel », un sport qui se pratique dans la rue, au pied des immeubles et/ou sur les terrains vagues : il s’incarne dans le streetball -basketball, football…, le sport de glisse tels le skateboard, le roller, le BMX, etc...) Des façons d’être soi-même, de s’exprimer, se présentent alors sous une forme culturelle typiquement juvénile.

Travert & L’Aoustet (2003, p. 15) expliquent que le sport ne constitue pas « une entité homogène. L’univers sportif se fragmente ». Nous partageons aujourd’hui cette représentation plurielle du sport. D’une part existe un sport traditionnel et conventionnel qui se pratique dans des stades et des structures encadrées, tels que les gymnases, mais aussi d’autre part, des

sports moins orthodoxes et émergents qui se pratiquent dans des espaces moins attendus : parc, rue, place publique, city-stade. Ainsi, le sport présente des modèles multiples de pratique sportive institutionnelle et non institutionnelle. Ce dernier est dénommé « informel » (Urbain, 2002) (« auto-organisé » (Chantelat, Fodimbi, Camy, 1998), « autonome » (Adamkiewicz, 1998), « libre » (L’Aoustet & Griffet, 2000), et « sauvage » (Mauny & Gibout, 2008).

Après avoir tenté de circonscrire la notion de sport non institutionnel, nous envisagerons comment la littérature envisage son retentissement auprès du public jeune,

auprès des responsables associatifs et politiques afin d’appréhender s’il constitue un réel lieu

de socialisation, et à quelles conditions.

Les modèles culturels adolescents confirment l’expression d’une sociabilité volontaire

et favorisent l’intégration dans des nouvelles formes de regroupements. En fait, un lieu de

pratique sportive, telle que la rue, est considéré selon Bordes & Vulbeau (2004, p. 40) comme « un espace de vie représentatif de l’identité territoriale, un lieu où l’on parle et où, au-delà des mots, on communique sur sa culture ». À propos des quartiers sensibles, les auteurs ajoutent que les espaces dans les cités, sportifs ou autres, portent souvent un regard stigmatisé, voire « misérabiliste ou radicalement ethnique », pourtant, chaque groupe social a son espace

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de sociabilité, pour certains c’est la rue et pour d’autres c’est le terrain de tennis ou celui de

golf.

L’émergence de nouveaux modèles de pratique culturelle, sportive et de loisirs a souvent été incomprise des adultes et a déclenché certaines inquiétudes ; l’environnement social autour des jeunes n’était pas toujours prêt à recevoir ces changements. Ainsi, Galland (1996, p. 37), affirme que « la culture populaire juvénile s’est donc constituée dans un rapport

exacerbé d’opposition à un environnement social troublé par ces formes nouvelles de

sociabilité spontanées gérées par le prolongement institutionnel de l’adolescence ».

A la marge, un nouveau concept dans les pratiques culturelles, dans les pratiques

physiques et de loisirs est apparu. Les activités de rue, telles qu’Adamkiewicz (1998) les

décrit, deviennent des pratiques « spectacularisables », favorisant une virtuosité individuelle

même si elles sont pratiquées au sein d’un groupe. Par leur présence, elles animent

spontanément, selon Adamkiewicz les espaces publics de la ville, favorisent la construction du lien social interindividuel et renforcent le lien entre les espaces urbains et les citadins. Ce sont des activités périodiques car souvent pratiquées en plein air, dépendantes des saisons, des

mois et des semaines privilégiés de l’année où le climat est assez doux.

Dans quelle mesure l’image du sport est-elle influencée par le lieu de sa pratique et

constitue un questionnement auquel les décideurs politiques et responsables associatifs, mais aussi les familles, sont quotidiennement confrontés ? Ainsi dans les années quatre-vingt-dix et dans les zones défavorisées, cumulant des formes de violence et de « non droit », les activités sportives pratiquées en dehors des clubs ont été globalement perçues négativement par cet

ensemble d’acteurs. Chantelat et al., (1998, p. 41) observent qu’au niveau des établissements

locaux, municipalité et clubs, ce genre de pratiques non institutionnelles, a été considérée

comme un ensemble d’activités difficilement contrôlables, produisant des formes de lien

social « inférieures » ou « primitives ». De nouvelles habitudes dans la pratique du sport échappent ainsi aux circuits classiques et traditionnels telles que celles qui se développent au

sein des clubs. Certains sociologues ont essayé d’apporter des réponses à la formation des

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montrent que la première cause du conflit entre la population pratiquant le sport en dehors des institutions et les acteurs publics menant les politiques sportives, est la mauvaise compréhension que ces derniers en ont. Les auteurs relatent que les pratiques sportives « éphémères » et « spontanées » sont considérées comme un facteur de trouble par des acteurs

politiques qui ne sont pas prêts à modifier leurs objectifs sportifs parce qu’ils privilégient en

priorité la pratique sportive fédérale.

Le sport fédéral constitue un symbole de réussite sportive, en même temps, il ne peut pas être le seul. La diversité des pratiques sportives au fil des années, pourrait signifier que le club sportif a dorénavant une place moins prépondérante auprès de son public notamment dans les Zones Urbaines Sensibles où les clubs sportifs ont été longtemps perçus comme des

entités favorisant l’intégration des jeunes de quartier. D’après Gasparini (2000, p. 104), les

pratiques sportives qui se développent en dehors des clubs, les activités auto-organisées, « semblent mettre en cause la capacité d’une organisation à exprimer les attentes spécifiques de chacun de ses adhérents ».

Basson & Smith (1998, p. 36) observent eux, qu’un club n’apparaît plus comme un «

facteur essentiel d’intégration sociale dans le quartier et dans la commune….n’est plus perçu comme un mode de socialisation légitime. Ainsi, le club n’est plus présenté comme un lieu et une occasion de mixité sociale (…) ou de mixité raciale ». Cette approche est partagée par Arnaud (1996) dans la revue Spirales qui s’interroge sur le rôle réel des associations dans leur volonté et leur aptitude à initier des attitudes citoyennes, « le club, selon lui, n’est le plus souvent qu’un prestataire de service »14

. Le faible engagement des jeunes sportifs dans des clubs implantés dans les quartiers sensibles serait dû, selon Briche (2004), à la grande disparité entre le fonctionnement du club qui apparait assez rigoureuse et le mode de socialisation de jeunes qui reste assez précaire.

14

Arnaud, P. (1996). Sport et intégration : un modèle français in, Spirales, 10. Cité par, Basson, J-C. & Smith,

A. (1998). La socialisation par le sport : Revers et contre-pied. Les représentations sociales du sport de rue in,

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Il est alors légitime de se demander à quelles conditions le sport fédéral véhicule

aujourd’hui des valeurs de respect, de solidarité, de convivialité, malgré toutes les incidents et

problématiques autour des incivilités et des violences verbales, symboliques et physiques dans

l’environnement humain des sportifs et dans les enceintes sportives, des tricheries et corruptions, de la permanence du hooliganisme. Le sport de haute performance n’engendre

pas que des modèles exemplaires, la coupe du monde de football en 2010 en illustre les

dérives possibles. En effet, au delà des aficionados du football, l’opinion publique française en général, et sans doute mondiale, n’a-t-elle pas jeté l’opprobre sur l’équipe de France de

football et réprouvé le conflit entres joueurs et dirigeants, signant là un échec patent du sport

d’élite ?

Il n’en demeure pas moins que les acteurs du sport local n’empruntent pas

systématiquement les dimensions néfastes qui accompagnent le sport de haut niveau, ils trouvent alors un cheminement susceptible de les conduire soit à un abandon de la pratique

sportive fédérale pour un autre centre d’intérêt, soit il conjugue à la fois leur activité sportive

dans le réseau institutionnel et dans le réseau auto-organisé. C’est ainsi qu’Adamkiewicz (1998a, p. 304) considère que le sportif est devenu « un usager/consommateur qui constitue lui-même sa carrière sportive. Pratiquant plusieurs activités sportives, souvent dans des optiques différentes, compétitives, hygiéniques, de loisir… ». La migration des sportifs du milieu fédéral vers le milieu sportif non-institutionnel et les Centres Socio-culturels, est une

réalité dans le quartier des 3Cités. Nous pouvons nous demander, si aujourd’hui, le club

sportif dans les quartiers sensibles ne perd pas sa place éducative auprès de son public.

En 1996, Arnaud s’interroge sur la capacité des associations sportives à initier des comportements civiques et politiques dans la mesure où un club n’est le plus souvent qu’un

fournisseur de services. La même année, Basson & Smith réalisent une enquête dans cinq

villes de l’agglomération grenobloise ; ils observent que les jeunes qui quittent les clubs sportifs car ils refusent l’organisation sportive traditionnelle, sont souvent les mêmes que ceux

qui ont échoué dans leur scolarité. Les auteurs constatent que « le club n’est plus perçu

comme cette seconde chance qu’il était parfois auparavant. Enfin, les finalités démocratiques

et citoyennes du sport si souvent vantées sont malmenées par les jeunes pour qui « la défonce

dans le sport n’est pas une éthique de vie car être un bon citoyen ne se résume pas à être un

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Pour résumer, il nous semble que le sport pratiqué en dehors des institutions fédérales, autrement dit, le sport pratiqué sur des lieux en libre accès, répond aux nouveaux besoins sociaux que les jeunes ne trouvent pas au sein dans club. Ainsi, les changements socio- économiques de notre société influencent certainement l’engagement sportif traditionnel, en obligeant les acteurs politiques et les dirigeants des clubs, à traiter et à percevoir les

problématiques autour de la pratique sportive d’une manière différente.

II.5.4. Sports auto-organisés, phénomène de bande et logique de dynamique