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Sports auto-organisés, phénomène de bande et logique de dynamique transgressive

II. Partie théorique 2 : des problématiques autour des activités physiques et sportives

II.5. Le sport dans les quartiers sensibles, vecteur d’insertion, d’intégration ?

II.5.4. Sports auto-organisés, phénomène de bande et logique de dynamique transgressive

Le sport auto-organisé modifie-t-il ou renforce-t-il l’idée que les jeunes des quartiers

s’organisent en bande et par amalgame entrent dans une logique de délinquance, reléguant

ainsi les pratiques sportives non encadrées à des exutoires inquiétants pour les habitants ?

Plusieurs éléments vont guider notre réflexion. Le premier s’appuie sur une une définition minimaliste des bandes empruntée à François Dubet (1985) selon laquelle une bande est constituée lorsque les acteurs du groupe en question se définissent tout simplement comme appartenant à une bande. Le second envisage que pour de nombreux acteurs du monde sportif, pour de nombreux parents et politiques de la ville.

Les activités sportives pratiquées hors du cadre fédéral participent d’une subculture. Les activités sportives pratiquées en libre accès sont en effet représentées en tant que « sous- sports générant de la sous-socialisation des banlieues ». Caillat (1996, p. 57) soulignait déjà les dangers de récupération politique des activités physiques non instituées, observant

qu’ « un sport ne peut pas vivre très longtemps en dehors du système ; les hors-structures

meurent ou deviennent structurées ». Caillat, regrettait déjà la mise sous contrôle de certains sports urbains par les fédérations sportives, cette misse sous tutelle devenant presque

systématiquement une réalité contraignante. Néanmoins Parisot (1996) lors d’un colloque à Villeurbanne sur le sport et l’insertion sociale suggère de problématiser autrement le rapport

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sportives ne proposent pas de marginalisation des groupes dominants, elles ne constituent pas « une forme d’exclusion sociale ». Parisot, invite à réfléchir à l’idée que les pratiques sportives ne sont pas, de fait, intégratives, « on intègre un sport écrit-il, parce qu’il va

permettre à un moment donné d’exprimer une capacité sociale acquise en d’autres lieux et d’circonstances » (1996, p. 5). Cette approche est relayée par Fodimbi, et Chantelat (1997)

qui considèrent que si les pratiques sportives auto-organisées cumulent des caractéristiques différentes du sport dans un club, elles ne sont pour autant ni des « sous produits », ni des « sous sports ». Duret (2004, p. 104) y associe une forme de « socialisation localiste et multiculturiste », les formes de pratiques développées par les jeunes sportifs relevant plus

d’une culture liée à une catégorie de jeunes que d’une « sous-culture » de classe ou d’une

« culture de banlieue ». Dans une approche voisine, Chobeaux (1996, p. 23), a montré que les nouvelles pratiques sportives se sont inventées et développées par des acteurs autres que les acteurs sportifs classiques, donnant naissance à une nouvelle culture socio-sportive différente de la culture sportive classique.

À travers les pratiques sportives « auto-organisées », les jeunes présentent toutes les caractéristiques des processus de socialisation qui se traduisent par la négociation, la

discussion, l’acceptation et le partage, la justice et l’égalité (Chantelat, P., Fodimbi, M. et Camy, J., 1996). L’équipe de chercheurs lyonnais a ainsi montré depuis 1996 que les acteurs

sociaux, notamment les jeunes des cités pratiquant le sport tels que le football, le basketball, le tennis dans des espaces ouverts et en libre accès, participent à la « construction des formes de citoyenneté ». (1996, p. 22). Le travail réalisé dans deux sites de la périphérie de Lyon, présentant des caractéristiques socio-économiques et socio-démographiques contrastées, a donné un nouveau sens aux relations créées entre les jeunes sportifs appartenant au même

quartier et d’autres issus de divers lieux de la ville.

Selon cette étude, les participants aux activités sportives « auto-organisées » nous amènent à changer notre vision des bandes de jeunes des cités. En fait, « les jeunes sportifs

"surfent" en quelque sorte sur des différents territoires sportifs et urbains. Ils n’appartiennent

pas principalement à un quartier, à une bande, à une ethnie, mais traversent et s’adaptent aux différents territoires de la ville » (1996, p. 152). Ils se regroupent en créant des relations larges

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sociologique de la bande de jeunes des cités ; les bandes telles que Fize (1993, p. 79-80)

l’explique renvoient à « toute gamme de regroupements : regroupements informels, de plus ou

moins grande dimension ; groupes semi-structurés permanents ou ayant vocation à une certaine durée ; groupes structurés, etc. ».

Plusieurs sociologues tels Dubet (1985), Mauger (2006), Bouhama (2012) apportent des réponses à la définition des caractéristiques de la notion de bande de jeunes qui désigne des groupements juvéniles, souvent informels, peu structurés, relégués spatialement et instrumentés par la violence, mais qui demeure pour le sens commun, selon Bouhama dans Bandes de garçons, un « concept caoutchouc », un « concept flou ». Bouhama (2012) dénonce

les déformations abusives, les amalgames, portés par l’expression « caoutchouc » qui inscrit, dans l’imaginaire collectif, la liaison entre « bande » et « délinquance ».

Les travaux de Mauger (2006, p. 173) nous intéressent au delà du fait qu’il rappelle

que la bande incarne un danger social dans ses attitudes transgressives, qu’elle suggère des craintes au plan de la communautarisation, processus qui n’épargne pas les quartiers

populaires de Poitiers. Il aborde une démarche comparative entre « la logique du monde des bandes et celle du monde du sport », soulignant le mythe de l’homme ordinaire qui peut devenir champion sportif selon le degré de son investissement, « devenir quelqu’un est affaire de vertus individuelles et de mérite personnel » (2006, p. 173). Mauger observe les stratégies des jeunes appartenant aux classes populaires, des jeunes des cités organisés en bande qui « ne s’engagent que dans des pratiques où ils se reconnaissent des compétences, cette proximité de pratique, des ressources, des dispositions, des habitus requis permet de comprendre que les sports de rue puissent être un moyen de « repêchage », une façon de sortir

la tête de l’eau », le vecteur d’une réhabilitation symbolique de l’ascension sociale » (2006, p.

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