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De la vente sur stock au système mixte de stocks et commandes

mise en évidence des inefficacités et essai d’évaluation

1. Les sources du mis-matching dans la distribution automobile

1.1 De la vente sur stock au système mixte de stocks et commandes

L’industrie automobile doit faire face structurellement à un problème d’incertitude sur le volume de la demande réelle du marché, alors même que son outil industriel est lourd, peu flexible, et que sa compétitivité repose sur l’exploitation d’économies d’échelle. La relation des constructeurs à leur marché s’est donc fondée historiquement sur l’usage des stocks de produits finis comme mode d’ajustement à la demande : la variation de la demande n’est pas directement répercutée sur l’appareil productif, ni sur des variations brusques de prix de ventes, mais est amortie par la variation du volume des stocks de produits finis.

a)- Vente sur stock dans un contexte de variété limitée

Dans ce dispositif, les distributeurs désintégrés jouent un rôle crucial : ils sont propriétaires de stocks de produits finis commandés plusieurs mois à l’avance, voire imposés autoritairement, et supportent donc le poids financier et le risque d’écoulement de la production stockée. C’est la raison pour laquelle on parle alors de production " poussée ", les concessions sont avant tout des points de stocks répartis sur un territoire.

Ce système de coordination verticale présente un double avantage :

- L’appareil productif est protégé de l’incertitude, la planification permettant ainsi d’optimiser l’utilisation de son outil productif et de son approvisionnement.

- L’ajustement de la production à la commande est réalisé localement par la variation des prix: chaque concessionnaire écoule son stock en ajustant ses remises selon l’élasticité au prix de la demande sur sa zone de chalandise.

A la pression des stocks s’ajoute un système d’incitation au volume des concessionnaires par les constructeurs sous la forme de prime par véhicule, conditionnée à l’atteinte d’objectifs quantitatifs. Ainsi le concessionnaire anticipe la prime à recevoir sur la période et ajuste son taux de remise pour atteindre le volume de vente objectif qui lui a été assigné généralement de manière unilatérale par son constructeur. Ainsi le constructeur a tout pouvoir dans l’imposition de la plupart des variables du modèle d’affaires du concessionnaire dans son activité VN (objectif quantitatif, marge, montant de la prime, etc.). Mais c’est surtout la logique même du dispositif qui a pour objectif essentiel d’assurer à l’appareil productif l’atteinte des économies d’échelles à l’issue une planification rigide, qui permet de qualifier ce système de distribution de fondamentalement fordiste comme le montre Chanaron et Jullien (1999).

Ce système traditionnel de distribution est mis en place initialement dans un contexte de variété limitée. L’élargissement des gammes des constructeurs depuis les années 60, notamment sous la pression des distributeurs soumis à une concurrence croissante, permet d’élargir la base des consommateurs et de les segmenter essentiellement sur la base du pouvoir d’achat. Au sein de chaque segment, le prix et la disponibilité des produits constituent les deux variables essentielles sur lesquelles les concessionnaires sont en concurrence pour offrir un niveau d’utilité aux clients. Suivant l’intensité concurrentielle à laquelle ils sont exposés, les concessionnaires sont plus ou moins contraints de compenser par des rabais la désutilité des clients liée aux délais inhérents à la fluctuation de la demande et aux tensions sur l’appareil productif dans un système de planification rigide de la production. Pour Sally Clarke (2003), ce système de distribution, mis en place par les constructeurs américains dans l’entre deux guerres, vise à amortir, essentiellement par la variable de prix, les inadéquations de l’offre du constructeur au marché : surproduction ou rupture de stock sur certains modèles.

Dans une telle configuration, on voit que les constructeurs sont en mesure de piloter quasi- intégralement leur compétitivité au travers de réseaux de distribution, en décidant de l’offre (constitution de la gamme), des prix et des volumes (via les incitations et contraintes aux concessionnaires) et l’implantation géographique du réseau. Il n’est alors pas étonnant que la distribution soit restée si longtemps hors de priorités stratégiques des constructeurs et que les décisions d’offre soient prises en considérant la neutralité de la distribution dans la relation client-constructeur (Chanaron et Jullien, 1999).

b)- Croissance de la variété et développement de la commande

L’effort considérable des constructeurs pour accroître la variété de leur offre depuis les années 80 va ainsi mettre à l’épreuve cette cohérence. En effet, non seulement l’intégralité de l’offre d’un constructeur n’est pas « stockable » dans un point de vente (plusieurs centaines de

versions, plusieurs de centaines de milliers de variantes), mais les concessionnaires, qui supportent parfois plusieurs mois de stocks à écouler sur de petites zones de chalandises, ont une faible incitation à accroître le risque sur leur stock en élargissant la variété de leur assortiment. Ceux-ci continuent donc à stocker un nombre limité de variantes peu risquées. Ainsi, face à la faible variété présente dans le stock des concessions, l’usage de la commande, réservé à l’origine aux véhicules de niches ou aux ruptures de stock, s’est développé dans la plupart des pays européens. Toutefois, de fortes différences subsistent entre les régions, selon la sensibilité des consommateurs à la possibilité d’obtenir un véhicule configuré selon leur goût et leur consentement à attendre, fortement marqués culturellement.

Tableau 14: Part des ventes sur commande et stocks objectifs (1997)

France Allemagne Royaume-Uni

Part des ventes réalisées sur

commandes 45% 65% 30%

Stocks objectifs en jours de CA (constrcuteurs

généralistes)

44j 40j 40j

Source : ICDP Research Paper 2/98.

Ainsi, en Allemagne, un marché caractérisé par l’importance des constructeurs spécialistes du haut de gamme (Mercedes, BMW), les consommateurs sont plus patients qu’ailleurs et plus sensible à la variété. La part des ventes réalisées sur des commandes spécifiques des clients atteint 65% des ventes en 1997. Le Royaume-Uni au contraire montre un attachement à la disponibilité immédiate du véhicule, et la vente sur stock représente encore 70% des ventes. La France présente une situation intermédiaire de système mixte entre commande et stock. Quelle que soit la part des ventes réalisées sur commande, on observe en revanche que la détention d’un stock par les concessionnaires reste partout la règle, avec des stocks objectifs fixés par les constructeurs supérieurs ou égaux à 40 jours de chiffre d’affaires.

Dans un système mixte de commande et de vente sur stock, le délai de disponibilité d’un véhicule n’est plus la conséquence plus ou moins incontournable des fluctuations du marché et des tensions sur l’appareil productif, mais devient une variable clef dans le processus de choix du consommateur. Ainsi, le consommateur fait son choix parmi des variantes auxquelles sont associées non seulement un prix mais une probabilité de délai de disponibilité. Celui-ci n’est pas une variable continue mais une alternative entre une disponibilité immédiate (ou quasi- immédiate si le stock est distant du point de vente) et un délai de livraison de plusieurs semaines, dont la durée n’est généralement pas garantie par le constructeur.

Dans ce contexte, le choix des consommateurs est issu d’arbitrages entre variantes, selon la sensibilité des consommateurs à la différenciation, au prix et au délai de disponibilité. Or,

contrairement à la situation initiale de vente sur stock d’une variété limitée, le constructeur ne peut piloter le programme du distributeur par son système incitatif, et ainsi sa capacité à optimiser le processus de matching. En effet, si le délai de livraison à la commande est maîtrisé par le constructeur, la constitution des couples « variante / disponibilité » dépend de l’assortiment que le concessionnaire décide de stocker. D’autre part, le constructeur ne peut maîtriser l’allocation des remises nécessaires à l’atteinte des volumes objectifs aux différentes variantes.

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