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Enquête auprès des concessionnaires : les résultats d’ICDP (1998)

mise en évidence des inefficacités et essai d’évaluation

p 1 , la variante x 2 est toujours préférée par le consommateur Sinon, le consommateur choisira la variante x 2 de qualité supérieure s

2. Mise en évidence et essai d’évaluation du mis-matching dans les réseaux européens

2.3 Enquête auprès des concessionnaires : les résultats d’ICDP (1998)

Ainsi, l’ampleur des phénomènes de mis-matching, leur occurrence et leur coût, n’est pas observable directement par le taux de remise concédés aux clients par les concessionnaires. Une estimation rigoureuse des phénomènes de mis-matching nécessiterait donc d’observer un grand nombre de transactions dans les points de vente et le contenu des négociations sur le taux de remise.

En l’absence de telles données, les résultats obtenus par ICDP (1998) fournissent une première estimation de l’ampleur du phénomène dans les trois principaux marchés européens. Ce réseau d’experts a en effet réalisé une enquête par questionnaire auprès de 600 concessionnaires européens. Les résultats sont présentés par marchés nationaux, ce qui ne permet pas de comparaison fine au niveau des pratiques d’approvisionnement des différents réseaux. Toutefois, ils permettent d’évaluer les résultats des pratiques moyennes face aux caractéristiques de la demande, caractéristiques qui présentent en revanche une certaine homogénéité " culturelle " dans chaque pays.

Ces résultats sont présentés dans le tableau ci-dessous (Tableau 18) : on observe qu’entre un quart et un tiers des ventes sont réalisées avec des spécifications alternatives à celles qui sont demandées par le client (avec un mis-matching), qui imposent au concessionnaire de laisser un taux de remise supplémentaire qui peut aller jusqu’à 2,8 points en France. Ce taux de remise est une appréciation imparfaite du coût du mis-matching, non seulement car il ne permet pas d’estimer la perte de consentement à payer des consommateurs, mais il ne reflète pas non plus le taux de remise sur le stock pour faciliter son écoulement, qui n’est pas toujours perçu par le concessionnaire comme une remise compensant la désutilité du client.

Tableau 18: Enquêtes ICDP sur l’appréciation du mis-matching par les concessionnaires (1997)

France Allemagne Royaume-Uni

Ventes perdues (% des clients n’achetant pas le

véhicule)

4% 3% 6%

% des ventes avec

spécifications alternatives 32% 34% 23%

Remise supplémentaire pour vente avec

spécifications alternatives 2,8 1,2 1,9

Source : ICDP Research Paper 2/98.

D’autre part, ICDP fait remarquer que l’appréciation par le concessionnaire de la remise supplémentaire accordée lorsque les spécifications du client ne sont pas respectées, dépend de l’occurrence du phénomène dans le réseau : si les phénomènes de mis-matching sont très nombreux, le concessionnaire accordera peu de remises spécifiquement destinées à compenser la désutilité du client, mais le taux de remise moyen risque en revanche d’être plus élevé que dans un autre réseau. Ce biais de l’enquête auprès des concessionnaires montre à quel point il est difficile de dissocier le coût du mis-matching des autres sources de la distribution de remises par un concessionnaire.

Peut-on néanmoins analyser ces résultats aux vues des sources de mis-matching que nous avons mises en évidence sur ces trois marchés ?

Nous avons montré que la distribution automobile a évolué depuis les années 80 vers un système mixte de commandes et de stocks. Ce système mixte crée des asymétries entre variantes, asymétries dans la disponibilité et asymétries sur les prix (remises préférentielles sur les stocks. Mais il est difficile de distinguer ces deux effets dans la part des ventes réalisées avec un mis-matching, c’est-à-dire avec des spécifications alternatives à celles qui sont demandées par le client. En revanche, les caractéristiques des marchés que nous avons mis en évidence permettent de faire des hypothèses quant aux sources les plus importantes de mis-matching sur chacun d’entre eux.

En Allemagne, par exemple, les consommateurs sont caractérisés par le plus fort consentement à attendre et la plus forte sensibilité à la différenciation. Le mis-matching lié à la désutilité du délai devrait ainsi représenter une moindre source de mis-matching que dans les pays voisins. En revanche, l’usage majoritaire de la commande par les consommateurs handicape la rotation des stocks : avec des stocks objectifs équivalant aux autres pays européens et un fort taux de commande, l’Allemagne est caractérisée par la plus faible rotation des stocks (le stock ne se renouvelle entièrement que 3,2 fois par an, Tableau 17). On peut ainsi faire l’hypothèse que l’effet de risque d’invendus sur les stocks représente la première source de mis-matching sur ce marché. Au Royaume-Uni au contraire, les consommateurs sont particulièrement sensibles à la

disponibilité de l’offre et achètent majoritairement sur stock. La prédominance de la vente sur stock permet d’atteindre un taux de rotation des stocks deux fois plus élevés qu’en Allemagne : avec un taux de rotation de 6,4 en moyenne, l’âge des stocks ne dépasse pas deux mois et le risque d’invendu est réduit. En revanche, la forte sensibilité des consommateurs au délai de livraison constitue une source de mis-matching importante lorsque le consommateur ne trouve pas disponible en stock la variante qui correspond à ses préférences.

En France, en revanche, avec une rotation des stocks intermédiaires entre l’Allemagne et le Royaume-Uni, et un partage équilibré entre sources d’approvisionnement, il est difficile de distinguer entre les deux sources de mis-matching. On peut toutefois observés que le mis- matching constitue un coût très élevé sur ce marché : la part des ventes avec spécifications alternatives est de 32%, proche de celle qui prévaut en Allemagne, mais le taux de remise supplémentaire est particulièrement élevé sur ce marché : 2,8 points de remise sont nécessaires pour compenser la désutilité des clients.

Ces résultats obtenus par enquêtes et leur analyse ne donnent qu’un aperçu de l’ampleur des phénomènes de mis-matching dans la distribution automobile européenne et des sources principales de ces inefficacités. Ils permettent néanmoins d’apporter un éclairage sur le rôle du stock comme source de mis-matching. En effet, de nombreux experts (Fine et Raff, 2001 ; Helper et MacDuffie, 2000, ICDP, 2000) présentent la réduction des stocks et le développement de la production à la commande comme le premier moyen de réduction des phénomènes de mis- matching dans la distribution automobile (Fine et Raff, 2001 ; Helper et MacDuffie, 2000, ICDP, 2000, etc.). En effet, les commandes doivent permettre aux clients, sauf exceptions, d’obtenir le véhicule qui correspond exactement à leurs préférences. Les phénomènes de mis- matching sont donc logiquement issus d’achat d’un véhicule stocké.

Le tableau ci-dessous (Tableau 19) met ainsi en relation la part des ventes réalisées sur stock (toutes les ventes non sur commandes, qu’elles proviennent du stock du concessionnaire même, de transferts entre concessionnaires ou de stocks communs), et la part des ventes avec mis- matching telle que mise en évidence par ICDP (1998).

Tableau 19: Vente sur stock et mis-matching (1997)

France Allemagne Royaume-Uni

Part des ventes

sur stock 55% 35% 70%

spécifications

alternatives 32% 34% 23%

Source : ICDP Research Paper 2/98.

On observe ainsi qu’en Allemagne, la part des ventes sur stocks est très minoritaire par rapport aux commandes, mais que, si l’on fait l’hypothèse que la commande permet un matching parfait, ces ventes débouchent presque toujours sur un mis-matching : en effet 35% des ventes se font sur stock, et 34% des ventes ne se font pas sur des spécifications exactes des consommateurs. A l’inverse au Royaume-Uni, où 70% des ventes sont réalisées sur stock, dans la majorité des cas, les consommateurs parviennent à trouver dans le stock un véhicule qui correspond à leurs préférences : 23% seulement des ventes se font sur des spécifications alternatives à celles qui sont désirées initialement par le client.

Ainsi, le Royaume-Uni semble présenter une plus grande efficacité dans l’utilisation du stock comme mode d’approvisionnement des ventes. Mais, ces résultats ne tiennent pas compte des spécificités de l’organisation de la distribution et des relations verticales sur les différents marchés. Nous développerons dans le chapitre suivant les variables de l’organisation verticale et des structures de marché de la distribution qui peuvent expliquer les différentiels d’efficacités du matching d’un système à l’autre. Nous montrerons notamment comme l’organisation industrielle de la distribution détermine l’efficacité d’un système de vente sur stock, c’est-à-dire limite les deux sources d’inefficacités du stock que nous avons ici mis en évidence : variété limitée dans l’assortiment des distributeurs, et perception d’un risque d’invendus par ces derniers.

Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons cherché les sources d’inefficacités dans les réseaux de distribution. Une stylisation des mécanismes de mis-matching nous a permis de mettre en évidence que les inefficacités sont liées non seulement à un assortiment en stock peu varié et pauvre en variantes de qualité haute (versions équipées), mais aussi à la distribution de remises aux clients par le concessionnaire.

Ainsi, le client a une faible probabilité de trouver la variante de son choix disponible dans le stock. Le passage d’une commande le contraint à supporter une forte désutilité du délai de livraison : l’efficacité du matching dépend donc de l’incitation du concessionnaire à compenser cette désutilité par une remise plutôt que de laisser le client se reporter sur le stock. Or, le comportement du concessionnaire dans l’octroi de remises, est avant tout orienté vers l’écoulement du stock.

La perception du risque d’invendus du concessionnaire est source de mis-matching pour deux raisons liées : d’une part l’aversion au risque du concessionnaire le conduit à faire un arbitrage inter-temporel en faveur de l’écoulement du stock, d’autre part, il existe une externalité en présence d’incertitude sur la demande, entre la demande et les coûts de la firme. La demande pour un véhicule disponible sur commande, en ne permettant pas d’écouler le stock, accroît le risque d’invendu du concessionnaire et ainsi la prime de risque qu’il est prêt à payer pour le réduire.

La distribution automobile européenne, qui cumule de longs délais de livraison aux clients pour les véhicules achetés sur commande, et de lourds stocks dans les concessions, semblent ainsi présenter des sources d’inefficacités importantes dans le matching de la variété de catalogue des constructeurs avec les clients. Mais ces inefficacités sont difficiles à évaluer, puisque la remise est à la fois cause et conséquence du mis-matching, et qu’il est difficile d’y distinguer l’effet de volume de l’effet matching. Les évaluations récoltées par enquête auprès des concessionnaires par ICDP (1998) donne un aperçu de l’ampleur du phénomène.

Chapitre 8

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