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Vendre la variété : le problème économique du matching

3. Matching et information imparfaite des consommateurs

3.2 Un modèle de signalement de la variété du monopole

Dans le modèle de Grossman et Shapiro (1984), le mis-matching qui conduit un consommateur informé par une seule firme à choisir le produit le plus éloigné de ses préférences (qui ne maximise pas son utilité), constitue la perte d’un client pour l’autre firme. Mais, quand le matching consiste en un choix entre les variantes du produit d’une même firme (c’est-à-dire comme nous l’avons défini précédemment), les produits ne sont pas en concurrence, mais la firme cherche à maximiser le profit sur l’ensemble de son offre. Comment se détermine l’effort informationnel de la firme dans ce cas ? Pour simplifier notre analyse, nous ferons abstraction du rôle concurrentiel du matching. Nous présenterons donc ci-dessous un modèle de monopole offrant une variété de produit sur un marché où l’information est imparfaite.

Soit un monopoleur offrant trois variantes différenciées horizontalement d’un même produit. Les caractéristiques de la demande sont les mêmes que dans la présentation simplifiée par Tirole du modèle de Grossman et Shapiro (1984) : les N consommateurs sont distribués uniformément, ils ont un consentement à payer maximum V et supportent un coût de transport t par unité de distance. Pepall, Richards et Norman (1999) montre qu’un monopoleur fixe l’emplacement de chacune des variantes de manière à minimiser la distance maximum entre le produit idéal d’un consommateur (sa localisation sur le segment) et l’une des variantes. Le monopoleur place donc ses trois variantes sur le segment [0,1] en x1=1/6, x2=1/2 et x3=5/6. Les

trois variantes ont le même coût marginal constant c.

a)- Information parfaite

Pepall, Norman et Richards (1999) présentent le modèle de fixation de prix du monopole en information parfaite. Les consommateurs achètent la variante qui maximise leur utilité. A un prix p, une des variantes est achetée jusqu’à une distance d de chaque côté, telle que

p+ td = V donc

d

=V− p

t

La demande pour la variante est de 2d, elle donc de 6d pour les trois variantes. La demande totale pour la firme est donc :

Q(p)= 6NV

− p

t

Le marché est entièrement couvert, c’est-à-dire Q(p) = N, quand p V – t/6. Donc la demande pour la firme s’écrit :

Q(p)= 0

Q(p)= 6N(V − p) / t

Q(p)= N

si p> V

si V

> p > V − t / 6

si p≤ V − t / 6

Pour un prix p compris entre V et V- t/6, la fonction de demande inverse est linéaire et s’écrit :

p= V −

t

6N

q

Le monopole fixe son prix et la quantité vendue en égalisant son revenu marginal et son coût marginal c. On obtient :

q*= V − c(

)3N

t

et

p*=

V

+ c

2

Donc le monopoleur couvre le marché si

Vt 6> V + c 2 donc si V > c + t 3

Nous nous placerons à présent dans le cas où cette relation est vérifiée et où le marché est couvert par le monopoleur en information parfaite.

b)- Information imparfaite sur une variante

Plaçons nous dans le cas où le monopoleur est confronté à une information imparfaite des consommateurs sur une des variantes de son offre, par exemple la variante x2 placée en x=1/2.

La variante a été créée récemment par exemple, et les consommateurs, qui connaissent les deux variantes pré-existantes n’en sont pas encore informés. La firme doit envoyer un message publicitaire aux consommateurs pour les informer de la localisation et du prix de cette variante. Comme dans le modèle de Grossman et Shapiro (1984), la firme ne peut atteindre qu’une part θ des consommateurs (avec θ<1), et la publicité a un coût T(θ)N avec T’(θ)N>0 et T’’(θ)N>0. - Pour la part θ des N consommateurs informés, la demande est celle de la situation

d’information parfaite, elle est donc de

θ6NV− p

- La part des consommateurs non-informés (1-θ) ne connaît que les deux variantes les plus éloignées. A un prix p, une des variantes est achetée jusqu’à une distance d de chaque côté, telle que

d

=V− p

t

.

La demande pour chacune des deux variantes est ici de 3/2d, elle donc de 3d pour les deux variantes. La demande des consommateurs ne recevant pas le message publicitaire de la firme est donc : (1

−θ)3NV− p

t

La demande totale pour la firme est donc :

Q(p)= NV

− p

t

[6θ

+ 3(1−θ)]

= 3(θ

+1)NV− p

t

Face à cette demande réduite par l’information imparfaite, la firme doit donc prendre des décisions à la fois sur le niveau de prix, et sur l’effort informationnel fourni.

i)- Le coût du mis-matching

La firme peut fixer un prix égal à la situation d’information parfaite, c’est-à-dire fixer p= V –t/6. La demande est alors égale à :

q

+1

2

N

.

Si le prix reste inchangé, la part des consommateurs non-informés situés à une distance de plus de 1/6 des variantes x1 et x3 n’achètent pas le bien. La firme perd donc les consommateurs non-

informés compris entre 1/3 et 2/3 sur le segment. Le coût du mis-matching est donc égal à :

(1−θ)

3

N(p− c) =

(1−θ)

3

N(V− c −

t

6)

La firme peut, au contraire, choisir de couvrir le marché malgré l’information imparfaite. Il faudra qu’elle réduise son prix pour laisser tous les consommateurs non-informés acheter les deux variantes les plus éloignées.

Si

q= 3(θ

+1)NV− p

t

= N

, alors

p= V −

t

3(θ

+1)

Dans ce cas, le coût du mis-matching correspond à une baisse du prix pour couvrir le marché. Le coût du mis-matching est donc

Nt

1

3(θ+ 1)−

1

6

.

Ainsi, l’information imparfaite empêche certains consommateurs d’acheter la variante qui maximise leur utilité. Ce phénomène de mis-matching mène :

- à la perte de ces consommateurs, quand le surplus pour acheter une variante plus éloignée de leur préférence devient négatif ;

- ou, si le monopoleur cherche à couvrir le marché, à une baisse de leur utilité qui réduit le surplus capturable par la firme. La firme doit donc réduire son prix.

ii)- Maximisation du profit du monopoleur

Entre ces deux cas polaires, la firme doit donc fixer le prix p, la quantité q et l’effort informationnel qui maximisent son profit. Deux conditions de premier ordre doivent être vérifiées :

1)- Pour un niveau θ d’effort publicitaire donné, le monopoleur égalise son revenu marginal et son coût marginal. La fonction de demande inverse s’écrit

p= V −

t

3(θ

+1)Nq

Les prix et quantité p* et q* qui égalisent revenu marginal et coût marginal c sont donc :

p*=V

+ c

2

et

q*=

V− c

2t

N3(θ

+1)

Le prix qui maximise le profit du monopoleur est inférieur au prix en information parfaite, en effet

V

t

6

>

V+ c

2

car V> c +

t

3

.

Et la quantité vendue q* ne couvre pas le marché car θ<1. La solution du monopoleur se trouve donc entre les deux cas polaires exposés plus haut, et le coût du mis-matching pour la firme est lié à une baisse conjointe du prix et de la quantité vendue par rapport à la situation d’information parfaite.

2)- La firme fixe son niveau d’effort publicitaire θ qui maximise son profit. A p* et q* fixés, le profit en fonction de θ du monopole est :

Π(θ)=

(V− c)

2

4t

3(θ

+1)N −

αθ

2

N

2

donc

θ*=

3(V− c)

2

t

Ainsi, le monopole laisse subsister une part de mis-matching si θ*<1, c’est-à-dire quand le coût de la publicité est très élevé tel que :

α

>3(V− c)

2

Le modèle de Grossman et Shapiro (1984) et le modèle présenté ci-dessus, d’un monopoleur offrant trois variantes différenciées horizontalement en présence d’une information imparfaite, paraissent avoir des résultats contradictoires. En effet dans le premiercas, le prix et le profit de la firme sont croissants avec le coût de l’information, tandis que dans le second cas, ce coût réduit la capacité du monopole à exploiter la différenciation au sein de son offre et réduit son prix. Mais dans le modèle de Grossman et Shapiro (1984) qui présente une interaction stratégique entre les firmes, le coût de la publicité n’accroît le profit que s’il s’impose également à la firme concurrente, créant ainsi un pouvoir de marché informationnel. Mais dans les deux cas, les firmes maximisent leur profit en optimisant leurs dépenses en publicité, et donc leur processus de matching, dans la structure de marché dans laquelle elles se trouvent.

Aussi, dans le cas d’une firme proposant une variété de biens et soumise à une concurrence oligopolistique, le coût de la publicité diminue d’un côté sa capacité à utiliser sa différenciation pour capturer une plus grande part du surplus des consommateurs, mais lui permet d’autre part de capturer les consommateurs non-informés par la firme concurrente. Pour accroître son profit, la firme est donc toujours incitée à maximiser son effort informationnel, jusqu’à que son incitation tombe à zéro, c’est-à-dire quand le bénéfice marginal s’égalise au coût marginal de l’effort publicitaire.

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