• Aucun résultat trouvé

Incitation, structure de marché et partage du risque sur le stock

Relations verticales et optimisation du matching dans le réseau de distribution : une revue de la littérature

3. L’assortiment du distributeur : l’apport de la Recherche Opérationnelle La littérature économique à laquelle nous nous sommes intéressés jusqu’ici traite la question de

3.3 Incitation, structure de marché et partage du risque sur le stock

Le modèle de Van Ryzin et Mahajan (1999) met en évidence quatre facteurs jouant sur la profitabilité de l’élargissement de l’assortiment : la marge, le coût de recherche des consommateurs, la taille du point de vente, et le délai d’approvisionnement auprès du producteur.

Une marge élevée accroît l’incitation à l’élargissement de l’assortiment. En effet, si la marge de la variante est élevée, le coût d’opportunité d’une vente perdue devient plus important que le coût du risque de surstock. Inversement, un distributeur qui élargit son assortiment fixera un prix lui assurant une marge couvrant l’accroissement de son risque. Si les consommateurs valorisent la variété et ont un consentement à payer pour la prime, la variante survivra, sinon, le distributeur reviendra à une moindre variété. Ce lien entre la marge et la largeur de variété est cohérent avec les considérations d’incitation dans la littérature économique vue précédemment. Par ailleurs, Van Ryzin et Mahajan démontrent que l’incitation à élargir l’assortiment est d’autant plus importante que les coûts de recherche des consommateurs sont faibles, c’est-à-dire que le distributeur est soumis à une concurrence sur le niveau d’utilité offert au client en termes de disponibilité des variantes. En effet, si le coût de recherche est faible, la désutilité pour le consommateur de se déplacer dans un autre point de vente si son premier choix n’est pas disponible est peu élevé, et inférieur à la désutilité issue d’un mis-matching (report sur le second choix). Dans ce modèle où les prix sont fixés ex-ante, la concurrence ne porte donc que sur la variété offerte aux clients. L’intensité concurrentielle joue donc comme un facteur incitatif au

76

Ainsi Van Ryzin et Mahajan, raisonnant ici sur un horizon continu de vente, permettent au distributeur de passer une commande pour contenter un consommateur. Ce passage de commande, avec un délai de livraison fixé, accroît le coût du distributeur (coût par unité de temps), mais ne crée pas de désutilité chez le consommateur.

matching. Ce résultat est donc en cohérence avec la considération de Tirole (1988) selon laquelle la concurrence entre distributeurs peut inciter à la fourniture de services si les consommateurs sont plus sensibles à la qualité du service qu’au prix.

En outre,Van Ryzin et Mahajan mettent en évidence un autre lien entre incitation à la variété et structure de marché : la largeur de l’assortiment s’accroît avec le volume de demande adressé au distributeur, entendu comme le nombre de clients visitant le point de vente. Ce lien est assez intuitif : plus le nombre de décisions d’achat est important, plus le risque lié à la fragmentation de la demande sur de nombreuses variantes décroît. C’est dire qu’il existe des économies d’échelle dans l’offre de variété qui réduisent le risque encouru par la firme. Ces économies d’échelle spécifiques, ou plutôt effets de portefeuille ont déjà été mis en évidence par Carlton (1978) dans les décisions de stockage d’une firme mono-produit (chapitre 3).

Enfin, le modèle de Van Ryzin et Mahajan (1999) met en valeur une nouvelle variable : le délai de réapprovisionnement auprès du fournisseur. Plus ce délai est court, moins la profondeur du stock sur chacune des variables est importante, et moins le distributeur prend de risque d’inventaire sur son stock. Cette variable répond à la difficulté des modèles d’Economie Industrielle à traiter du partage du risque sur le stock dans les relations verticales. En effet, la longueur du délai de réapprovisionnement correspond au partage du risque sur le stock entre producteur et distributeur : plus ce délai est court, plus le producteur doit être en mesure de produire et livrer rapidement toute variante. Il est donc contraint de supporter une part plus importante du risque lié à l’incertitude sur la demande. Or, dans les modèles de Deneckere et al. (1997), et Flath et Nariu (2000), dans lesquels les distributeurs doivent s’engager sur des stocks avant la réalisation de la demande, ce partage est fixé, et n’apparaît qu’implicitement dans la fonction de demande : le volume de demande de la période est une indication de la durée pendant laquelle le distributeur doit assurer la vente sans réapprovisionnement. Dans ces modèles, ce partage des risques est une constante exogène, issue de considérations technico- économiques non détaillées. La reprise en charge du risque ne peut intervenir qu’ex-post par le retour des invendus ou le financement du coût des invendus par le producteur (Flath et Nariu, 2000). Traiter du partage du risque par le délai d’approvisionnement résout ainsi le problème d’utilisation optimale de l’information locale que pose le financement des invendus lorsque le distributeur constitue lui-même son assortiment.

Le modèle de Van Ryzin et Mahajan suggère donc, en montrant l’impact du délai d’approvisionnement sur les choix du distributeur, d’endogénéiser le partage du risque dans la relation verticale. La maximisation du profit joint nécessiterait donc de répartir le risque sur le stock suivant les coûts respectifs de ce risque pour les acteurs de la relation verticale, et donc les inefficacités qui peuvent en résulter. La mise en évidence par Van Ryzin et Mahajan d’effets de portefeuille dans la gestion de la variété apporte une première piste surcette voie.

Conclusion

A l’issue de cette revue de la littérature, il apparaît que le matching comme fonction objectif de la relation verticale entre constructeur et concessionnaire s’intègre difficilement dans les cadres d’analyse proposés tant par la théorie des coûts de transaction que par l’analyse des restrictions verticales. En effet, nous avons mis en évidence que le matching pose un problème d’asymétrie d’information et de difficulté de mesure, qui ne permet pas au constructeur de contrôler le comportement du concessionnaire par un arrangement contractuel, qu’il consiste en un droit de décision ou de contrôle, ou un système incitatif spécifique. Nous avons donc recherché les variables de la relation verticale qui influent sur les moyens mis en œuvre par le concessionnaire dans le matching, et en premier lieu la constitution de son assortiment.

Nous avons donc analysé l’effet de l’intensité concurrentielle sur l’arbitrage du concessionnaire entre le gain du matching et le risque d’invendus en présence d’incertitude sur la demande. La concurrence accroît le poids du risque sur l’espérance de profit du concessionnaire, créant ainsi une désincitation à accroître le risque sur le stock. Mais, si les consommateurs sont suffisamment sensibles à la différenciation relativement au prix, la concurrence peut également accroître le coût pour le concessionnaire des inefficacités dans la rencontre entre les variantes et les consommateurs, et donc constituer une incitation au matching. Dans le cas de l’automobile, produit coûteux dont un invendu réduit fortement l’espérance de profit du concessionnaire, et pour lequel les clients sont sensibles au prix, on peut faire l’hypothèse que l’efficacité du matching sera décroissante avec l’intensité concurrentielle subie par le concessionnaire.

Or l’asymétrie d’information dont souffre le constructeur sur le matching rend inefficace une politique de prise en charge du risque (par le retour ou le financement des invendus) : en effet, cette assurance du distributeur risque de réduire son incitation à utiliser au mieux l’information locale dont il dispose pour créer son assortiment.

Mais, la présentation d’un modèle de recherche opérationnelle nous a permis de mettre en évidence deux autres facteurs qui permettent de réduire le risque supporté par le concessionnaire : les effets de taille ou de portefeuille dans la gestion du risque d’invendus, et l’organisation de la chaîne d’approvisionnement, qui, via le délai de livraison au concessionnaire, permet de partager le risque dans la relation verticale sans poser les problèmes d’utilisation de l’information locale dont on a parlé.

Chapitre 7

Le mis-matching dans la distribution automobile :

Outline

Documents relatifs