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Relation verticale dans la distribution des véhicules neufs : contraintes et incitations du concessionnaire matcheur

La configuration traditionnelle de la distribution automobile

Encadré 3 : Les constructeurs français et leurs réseaux de succursales

4. Relation verticale dans la distribution des véhicules neufs : contraintes et incitations du concessionnaire matcheur

Comme on l’a vu, le contrat de concession traditionel qui lie le constructeur à ses distributeurs lui donne un pouvoir étendu sur les conditions dans lesquels sont vendus les véhicules neufs. La règle de sélectivité lui permet notamment de fixer unilatéralement les contraintes auxquelles les concessionnaires doivent se plier, et les incitations financières auxquelles il consent pour influencer le comportement du concessionnaire. Or, ces contraintes et incitations instaurent un système de distribution qui est avant tout au service des contraintes productives du constructeur: l’incertitude sur la demande d’une part, et l’atteinte d’économies d’échelle en production.

4.1

L’organisation de la chaîne d’approvisionnement

La distribution automobile s’organise traditionnellement sous la forme de vente sur stock, norme historique de condition d’achat pour les consommateurs. Or, la chaîne verticale d’approvisionnement dans l’industrie automobile reporte ce stock de produits finis vers l’aval de la filière : le concessionnaire est propriétiaire de son stock et en supporte le risque d’écoulement, de dégradation ou de dévaluation. Ce système permet au constructeur de ne pas supporter de stocks de produits finis, et ainsi de ne produire que de véhicules préalablement commandés par le réseau de distribution.

Comme le rappelle Yves Lacoste de La Direction de la Recherche de Renault60, le constructeur, bien que faisant du marketing à destination des consommateurs (publicité, promotion, etc.), fait du “Business-to-business” : “A la Direction Commerciale, il y a toujours une tendance à considérer qu’un véhicule stocké dans le réseau est un véhicule vendu”. La concession est donc bien le client du constructeur, mais un client d’un genre particulier puisque contraint par un contrat exclusif, le constructeur n’est donc pas mis en concurrence sur les conditions de vente à son réseau. Or, on a montré dans le chapitre 4 de cette thèse, que le délai de livraison marque le partage du coût de l’incertitude sur la demande entre la firme et ses clients. Dans le cas de la relation entre le constructeur et le concessionnaire, ce partage se fait nettement en faveur du

constructeur qui inflige un délai très long pour les commandes de stock du concessionnaire. Jusque dans les années 90 en effet61, dans la plupart des chaînes d’approvisionnement des constructeurs européens, le concessionnaire est contraint de s’engager plusieurs semaines en avance sur la quantité de ses commandes (3 mois dans le réseau Renault jusqu’en 1999). Il s’agit d’un engagement ferme, qui ne pourra être modifié que qualitativement, c’est-à-dire dans l’assortiment de la commande, et dans des proportions limitées par rapport à la commande initiale. Cet engagement ferme signifie donc que le concessionnaire est propriétaire non seulement de son stock réel (stocké dans la concession ou dans un parking mutualisé), mais aussi de son stock “en cours” qui ne sera livré que plusieurs semaines plus tard. De son côté, ce délai permet au constructeur comme on l’a déjà développé dans le chapitre 4, de mettre en place une plannification de sa production et de réduire ainsi le coût de l’incertitude sur ses besoins en facteurs de production (composantes du véhicule, main d’œuvre et réservation des lignes d’assemblage).

Le stock du concessionnaire représente un besoin de trésorerie, le véhicule commandé lui étant facturé dès sa mise à disposition. Or, c’est le constructeur lui-même, via une filiale spécialisée,

qui assure le financement des stocks moyennant un taux d’intérêt (le financement est gratuit pendant une période chez certains constructeurs).

4.2

L’incitation au volume des concessionnaires

Outre la protection de l’appareil productif de l’incertitude sur la demande, l’impératif du constructeur dans la gestion de sa distribution est avant tout quantitatif. L’atteinte d’un volume de ventes a pour objectif, non seulement l’exploitation des économies d’échelle en production (partage des coûts fixes de conception et d’exploitation des sites de production), mais également le maintien, voire la croissance, de la part de marché du constructeur qui constitue une variable décisive dans l’industrie, notamment auprès des acteurs des marchés financiers. Le constructeur doit donc s’assurer que les acteurs de la distribution sont incités à écouler le volume que le constructeur s’est fixé comme objectif. Or, le constructeur fait face à deux difficultés. Tout d’abord, la distribution, produisant essentiellement des coûts variables, ne dégage pas d’économies d’échelle à même d’inciter naturellement les distributeurs à la croissance du volume de ventes. A ceci s’ajoute le problème traditionnel de la double marge : face à une demande décroissante en prix, le concessionnaire fixe sa quantité vendue et son prix en maximisant son profit et non le profit joint constructeur / concessionnaire.

60

Entretien le 09/01/02.

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Nous présenterons les évolutions actuelles des chaînes d’approvisionnement des constructeurs dans le chapitre 8.

En plus d’une contrainte de stock minimal et d’une incitation par le taux d’intérêt de financement du stock, la règle de sélectivité permet au constructeur de mettre en place une rémunération du concessionnaire incitative au volume. Ce système d’incitation repose sur une double rémunération : la marge unitaire et la prime quantitative. Le concessionnaire est rémunéré tout d’abord par une marge unitaire, différence entre prix d’achat auprès du constructeur et prix public conseillé c’est-à-dire prix de catalogue, qui doit lui permettre d’accorder des remises aux consommateurs et de supporter ses coûts. Par ailleurs, le constructeur fixe, souvent de manière autoritaire62, un objectif en nombre de VN à vendre pour une période (généralement un trimestre). L’atteinte de cet objectif de vente par le concessionnaire ouvre droit à une prime, en point de marge supplémentaire ou en forfait par véhicule, sur l’ensemble des véhicules vendus sur la période d’incitation. L’atteinte de cet objectif nécessite un effort du concessionnaire, effort commercial des vendeurs, mais aussi réduction des prix par des remises pour accroître la demande. Dans ce système, le concessionnaire anticipe donc la prime à recevoir par véhicule dont il va redistribuer tout ou partie en remiseaux clients pour atteindre l’objectif quantitatif. Cette anticipation de la prime à recevoir implique que le concessionnaire dégage peu ou pas de marge nette sur les véhicules vendus avant la fin de la période. Le fonctionnement incitatif de la prime au volume est présenté par une modélisation simplifiée dans l’Encadré 4 ci-dessous.

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